Clotaire qui n'étoit pas content de l'accord qu'il avoit fait avec ses Cousins, plus par necessité qu'autrement, avoit toûjours épié les occasions de recouvrer par quelque moyen, ce qu'il leur avoit abandonné. Pendant qu'ils avoient été occupez contre les Gascons, il avoit assemblé le plus de troupes qu'il avoit pû, sur l'âvis que Bertault marchoit avec trois cens hommes seulement pour aller en Neustrie (c'est la Normandie) se rendre Maître des Places qu'il avoit cedées, il depescha contre luy Landry Maire de son Palais, avec des forces suffisantes, pour le tailler en pieces
3). Bertault au premier bruit des approches de Landry, se retira en diligence à Orleans, où Landry le poursuivit, et se presenta en bataille devant les portes de la Ville, defiant Berthault au combat. Celuy-cy répondit qu'il n'avoit pas des forces égales pour accepter la bataille, mais qu'il étoit prét de combattre contre luy seul à seul. Landry refusa l'offre: et aprés qu'il eût vomy mille injures contre Bertault, il se retira. Cependant Theodoric, sur l'avis des desseins de Clotaire, et de ce qui s'etoit passé à Orleans, avoit assemblé ses troupes, et s'etoit mis |
15| en chemin pour venir secourir Bertault, et executer par la force ce que celuy-cy n'avoit pû faire. Bertault vint se joindre à Theodoric en approchant d'Estampes, où Landry s'étoit venu loger le jour de Noël de l'an 612. avec toute l'armée de Clotaire, en laquelle étoit Merouëe son filis aîné, non pas pour combatre comme un Chef d'armée en la bataille, parce qu'il étoit encore trop jeune; mais seulement pour donner de la chaleur à ses armes, et animer les soldats par sa presence. Landry fit occuper par son armée la plaine qui est au dessus de la Ville, du côté d'Occident, pour avoir l'avantage de combatre son ennemy à mesure qu'il sortiroit de la prairie, pour monter sur cette plaine: (Car Thierry venoit du côté d'Orleans, et pour combatre Landry il falloit qu'il traversât la prairie, et les rivieres de Chaloüette, et de Loüette, coulent dans ce Valon) le lieu est encore aujourd'huy nommé le Chantier des batailles: Et plus proche de la Ville est le Champ qui servit à enterrer les morts, surnommé pour cela le Champ des morts, que le Vulgaire appelle le Champs des Mores. Thierry fit toute la diligence possible pour faire passer la riviere à son armée, et gagner le haut de la Colline, et la Plaine, pour combatre avec pareil avantage du lieu: Mais à peine la troisiéme partie de son armée avoit elle passé la riviere, que le combat commença. Dabord l'armée de Clotaire eût de l'avantage: Bertault qui vouloit tirer raison de l'affront que Landry luy avoit fait, se mêla si avant parmy les ennemis pour le rencontrer, qu'aprés avoir genereusement combatu de tout son pouvoir, il fut tué sur le champ. L'armée de Theodoric ne perdit pas pour cela courage, au contraire étant animée à la vengeance, plûtôt qu'effrayée de la mort de ce Connêtable, elle arracha la Victoire de la main de ses ennemis, et contraignit Landry de prendre la fuite, laissant Meroüée prisonnier. Theodoric tirant droit à Paris, y entra Victorieux: Et quelques Historiens disent qu'il mourut en cette bataille plus de trente mille hommes.