À propos d'une industrie quaternaire stampienne formant la transition du tertiaire au Chelléen
Transcription (B.G., 2025)
C'est en l'année 1902, au cours des travaux exécutés pour l'établissement de la ligne du chemin de fer d'Étampes à Beaune-la-Rolande, que j'ai eu l'occasion de recueillir des silex taillés situés à une profondeur d'au moins douze mètres au-dessous du niveau du sol.
On sait que les vallées qui avoisinent Étampes ont eu et ont encore en certains endroits un régime tourbeux. Il s'agissait pour les ingénieurs du chemin de fer d'asseoir au lieu-dit le Petit-Saint-Mard, près Étampes, des piles de pont sur un sol incompressible. On ne put entreprendre les travaux de fouilles au Petit-Saint-Mard qu'à l'aide de caissons métalliques à air comprimé.
Je suivis les travaux dans les caissons et je pus de cette façon établir une coupe très exacte des terrains que nous traversions.
Au Pont-Martine, près Étampes, notamment, j'ai rencontré des silex taillés qui m'ont paru présenter un réel intérêt archéologique.
Sans entrer dans des détails trop techniques, il me semble indispensable de bien indiquer la position stratigraphique des silex en question et je ne le pourrais mieux faire qu'en notant ici même la série des couches qui recouvrent directement la zone à silex taillés. |259|
Voici d'ailleurs la coupe prise au Pont-Martine, près Étampes, aux bords de la Chalouette, à partir de la cote 75 mètres 45.
Quaternaire
Terre végétale
1m20
“
Tuf calcaire à végétaux
5m70
”
Tourbe noirâtre compacte
3m75
“
Tourbe sablo-graveleuse
0m15
”
Cailloutis marno-siliceux à silex taillés
1m70
Tertiaire
Sables de Fontainebleau
Le cailloutis qui recouvre le sable de Fontainebleau était formé par une marne grisâtre et des silex tertiaires à patine noire, incontestablement taillés.
Ces silex me frappèrent tout d'abord par leur irrégularité. Je me rappelai alors les silex que M. A. Rutot avait groupés sur des cartons qu'il appelait si pittoresquement “ses tableaux de saint Thomas”.
Je soumis amicalement à M A. Rutot, l'inventeur des industries reutélienne et mesvinienne, les silex que je venais de rencontrer en lui précisant bien qu'ils reposaient sur le tertiaire.
M. A. Rutot m'apprit que “chaque fois qu'il n'existait qu'un seul niveau, il y avait quatre-vingt chances sur cent pour qu'on trouvât plusieurs industries mélangées”. Quant aux silex provenant du cailloutis d'Étampes, il reconnut les termes de passage entre les industries mesvinienne et chelléenne.
Nos silex, à l'exception de deux ou trois pièces qui rappellent le chelléen, sont d'informes débris utilisés. Ceux-ci ont servi de racloirs, comme l'indiquent certaines encoches très caractéristiques. Beaucoup de ces débris retouchés me font penser à l'industrie tertiaire du Puy-Courny.
Il est une question qui doit évidemment se poser. Comment les hommes primitifs sont-ils arrivés à fabriquer le coup de poing chelléen? Personnellement je crois que les cassures résultant du débitage des silex ont tout simplement provoqué la forme qui a de suite été reconnue très maniable.
L'industrie, tertiaire n'a rationnellement pas dû être tout |260| à coup remplacée par le coup de poing chelléen. Si cette dernière pièce est très commune, il ne doit pas s'ensuivre qu'elle soit unique, et c'est ce que semblent prouver mes trouvailles étampoises.
La conclusion est celle-ci: nous oublions trop facilement que les vallées ont été soumises à des régimes différents. À côté des creusements, il y a eu des remplissages et à côté des alluvions modernes il y a eu des alluvions anciennes. C'est ainsi que sous le tuf calcaire ou “ostéocolle” on rencontre immédiatement la tourbe et que sous la tourbe on trouve un ou plusieurs niveaux superposés à silex taillés.
Le régime des grands fleuves, tels que la Seine, quoique n'ayant jamais été torrentiel, comme l'a parfaitement précisé M. le professeur Stanislas Meunier, a cependant été modifié successivement bien des fois.
C'est la raison pour laquelle nous ne pouvons rechercher que dans les petites vallées les industries qui ont suivi immédiatement l'époque tertiaire et qui forment la liaison naturelle avec le chelléen.