Corpus Essonnien

Histoire et patrimoine du département de l'Essonne

Outils pour utilisateurs

Outils du site


hn.e.menault.1859

Ernest Menault

Angerville-la-Gâte

PAGE EN CONSTRUCTION

  • Ernest Menault, Angerville-la-Gate (village royal). Essais historiques sur les villages royaux, seigneuriaux et monacaux de la Beauce (in-8°, 452 p., planches et plan), Paris, A. Aubry, 1859.

Bibliographie

Étampes


  • ESSAIS HISTORIQUES
  • SUR LES
  • VILLAGES DE LA BEAUGE
  • ANGERVILLE LA GATE
  • (VILLAGE ROYAL)
  • ÉTAMPES. — IMPRIMERIE D'A. ALLIEN.

  • ESSAIS HISTORIQUES SUR LES VILLAGES ROYAUX, SEIGNEURIAUX ET MONACAUX DE LA BEAUCE.
  • ANGERVILLE LA GATE
  • VILLAGE ROYAL)
  • PAR E. MENAULT.
  • Ouvrage qui a obtenu une mention honorable au concours de l'Institut (Académie des Inscriptions et Belles-lettres)
    • Belsia, dulce solum.
  • PARIS, CHEZ AUGUSTE AUBRY, ÉDITEUR, RUE DAUPHINE, 16
  • ANGERVILLE, BOUCHER, LlBRAIRE,
  • ETAMPES, FORTIN, BRIÈRE, LIBRAIRES.
  • 1859


  • À LA MÉMOIRE DE MON PÈRE


  • AU LECTEUR.
  • J-P. Brissot 1), moins célèbre par ses travaux sur le droit, les sciences et les arts que pour avoir été l'un des chefs de la Gironde, écrivait de Paris, le 1er février 1786, à M. Doyen, auteur d'une histoire de la ville de Chartres:
  • L'historien d'une petite ville, quelque talent qu'il ait montré, est presque toujours inconnu à son siècle et perdu pour la postérité. Il orne la couronne de l'historien national; il la porte rarement, parce qu'il est confondu dans la foule. Si ses compatriotes l'en tirent, c'est, le plus souvent, pour le critiquer. Inconnu partout ailleurs, il est déchiré où il vit.” |2|
  • Un tel avertissement, s'il fallait le prendre à la lettre, nous arrêterait au premier pas et nous ferait jeter la plume. Mais s'il peut contribuer à nous rendre prudents, s'il doit nous tenir en garde contre tout entraînement irréfléchi, nous prémunir contre toute espèce d'illusions, il n'est pas fait, pensons-nous, pour nous décourager entièrement Et d'abord nous croirions faire injure à nos compatriotes en pensant le contraire; ensuite nous n'avons pas la prétention d'ajouter un fleuron, un diamant de plus à la couronne de l'histoire nationale , couronne qui, depuis le temps de Brissot, s'est si fort enrichie, qu'il serait difficile, même aux plus riches mains, d'ajouter à l'éclat de sa magnificence. Nous nous contentons, simple manœuvre, d'apporter une humble pierre de notre village à l'édifice d'une histoire particulière de la Beauce, histoire qui se fait encore désirer. De plus, le temps où Brissot écrivait ces lignes, où perce la misanthropie, est déjà loin de nous. Tout ce qui existait avant la Révolution tenait encore si fortement au passé féodal, qu'on ne pouvait guère y toucher sans faire crier aussitôt une multitude de petits ou de grands intérêts, et sans éveiller une foule de susceptibilités.
  • Il est certain, par exemple, qu'il y a cinquante ans, nous n'eussions pu entreprendre d'écrire |3| l'histoire d'un village, sans paraître nous attaquer à des intérêts graves, à certains droits acquis, ayant pour eux la puissance, la force et même la considération; mais aujourd'hui tout ce passé est couché dans la tombe. Notre siècle est de droit son juge, et si le juge n'est pas toujours équitable, c'est moins faute d'impartialité que faute ,de lumières. La seule réclamation qu'il ait à redouter est celle de la science, venant lui dire: Vous vous êtes trompé. Or, cette réclamation, loin de la regarder comme hostile et malveillante, nous l'accueillerons toujours, pour notre part, .docilement, comme un conseil et comme le redressement d'une erreur, si malgré tous nos efforts la vérité nous a fui.
  • Quant aux personnes qui, sans entrer dans la question du mérite intrinsèque et de la valeur plus ou moins réelle- d'un livre, vont s'enquérant tout d'abord du mobile personnel de l'auteur, il nous est facile de satisfaire leur curiosité.
  • Cet ouvrage, leur dirons-nous, est le fruit de l'amour du pays combiné avec le goût des recherches historiques, autant du moins que nos études spéciales nous permettent de nous y livrer. Oui, l'amour du pays, tel est le sentiment naïf dans lequel l'auteur a puisé son mobile, dans lequel au besoin il puiserait sa récompense. Et pour en |4| finir avec Brissot, voilà justement ce dont il ne tient pas assez compte, quand il redoute un leurre pour celui qui entreprend d'écrire l'histoire de son pays. Il n'a pas vu, le savant homme, qu'il ne saurait y avoir de déception là où il n'y a pas d'ambition, et que l'ambition n'a que faire en une entreprise où la naïveté commande et préside essentiellement.
  • C'est donc sous l'empire d'un tel sentiment que nous avons entrepris ce voyage à travers les ruines du passé; que nous avons cherché à connaître la destinée des villages en Beauce: car il est un point de vue peu étudié, mal connu, exceptionnel il est vrai, et depuis longtemps effacé, sous lequel cette histoire se révèle à nous comme par échappées… c'est, qui le croirait? la noblesse du paysan, la seigneurie du laboureur… Eh bien! quoi d'étonnant? n'a-t-on pas vu dans un temps beaucoup plus rapproché de nous, un roi d'Espagne accorder des lettres de noblesse à quiconque cultiverait la terre, alors que tous les vœux tous les efforts, toutes les cupidités se tournaient avec fureur vers les métaux du Nouveau-Monde? Le moyen-âge aussi s'honora de quelques privilèges accordés à l'agriculture. La trêve de Dieu, par exemple, ne se bornait pas pour le laboureur à quelques jours consacrés par la religion, elle |5| était perpétuelle. Malheureux temps, sans doute, que celui où le premier des arts ne pouvait s'exercer paisiblement qu'à l'ombre des privilèges; mais toujours est-il que pour un sol comme celui de la Beauce, entièrement consacré au labourage, les franchises de l'agriculture sont un fait assurément digne d'être mis en relief. Ces franchises, ces exemptions, ces libertés, tombées par grâce espéciale de Lettres royaux, étaient chose précaire.
  • Exposées à mille dangers, elles devaient s'effacer au contact de la féodalité. Angerville eut aussi ses franchises royales; mais elles ne tardèrent pas à être absorbées. Village royal, il fut protégé, tant que la royauté naissante eut besoin, pour se défendre contre les seigneurs turbulents de l'époque, de la main robuste du paysan. Mais, plus tard, quand la royauté eut subjugué les villes, elle abandonna le village à sa spontanéité, et il ne tarda pas dès lors, impuissant à l'action et à la résistance, à être envahi par le seigneur ou le moine voisin. C'est ainsi que beaucoup de villages ont perdu les traces de leur origine. Aussi est-il difficile aujourd'hui de faire revivre un passé, sur lequel le temps a accumulé ses ombres les plus épaisses. Le passé des villages ressemble le plus souvent, à ces morts de rang obscur, qui gisent |6| pêle-mêle, sans inscription, sans date, sans pierre tumulaire. Pour en trouver quelques vestiges, il faudrait fouiller jusqu'à leurs ossements. Cependant, ce sont nos aïeux qui dorment là; nous avons hérité du fruit de leurs travaux, ne l'oublions pas. Aimer sa famille, c'est aimer son pays; aimer son pays, c'est aimer l'humanité. L'amour du sol natal n'est pas pour nous une chimère sentimentale, une abstraction philosophique ; c'est une puissante réalité. Tout se tient, se lie et s'enchaîne dans l'ordre moral, comme dans l'ordre scientifique. Le paysan, le laboureur, le village, en un mot, est le premier anneau de la chaîne historique. C'est l'embryon de la société, c'est l'aliment de la ville, c'est le soldat obscur de la grande armée.
  • L'étude d'un village est un travail nécessaire pour l'histoire générale, car il n'y a pas de synthèse possible sans analyse sérieuse, et l'histoire de France ne sera complète qu'autant que chaque ville aura son histoire particulière.
  • Nous nous étions d'abord proposé de faire simplement la monographie d'Angerville; Mais comme l'étude d'un village conduit forcément à celle d'un village voisin, nous avons entrepris de généraliser notre sujet, et de faire l'histoire des villages de toute cette partie de la Beauce, comprise |7| entre Étampes et Orléans. Nous procéderons, dans cet exposé, comme on le fait en histoire naturelle, c'est-à-dire par famille, genre et espèce. Voici les trois grandes famille auxquelles nous rattacherons l'histoire de ces villages:
    • 1° Village royal;
    • 2° Village seigneurial;
    • 3° Village monacal.
  • Mais, hâtons-nous de le dire, avec l'importance de notre sujet s'accroît aussi le sentiment de notre faiblesse. Plus le champ devient large, plus nous avons à craindre de mal fournir la carrière, plus aussi, nous le sentons, notre jeunesse a besoin d'indulgence, et plus enfin nous devons témoigner notre reconnaissance aux personnes qui nous ont facilité ce travail. Nous remercions messieurs F. Bertrand, secrétaire de la mairie d'Angerville, pour l'empressement bienveillant avec lequel il a mis à notre disposition les archives de la commune, M. Cintrât, instituteur, pour ses enquêtes actives auprès des anciens du pays, M. Léon de Laborde, directeur des archives de l'Empire, M. de Longpérier, membre de |8| l'Institut, M. Bourquelot, professeur à l'école des Chartes, et M. Nettement, pour les encouragements qu'ils ont bien voulu nous donner.
  • E. MENAULT. |9-10|


  • ESSAIS HISTORIQUES
  • SUR LES
  • VILLAGES DE BEAUCE.

CHAPITRE PREMIER.

  • SITUATION D'ANGERVILLE.
  • Prolégomènes historiques. — État de la Beauce. — Le seigneur du Puiset.
  • Située sur la limite de trois départements: Seine-et-Oise, Eure-et-Loir et Loiret, à 0° 30' 6“ de longitude O, et à 48° 14' 5” de latitude N, Angerville occupe, entre Étampes et Orléans, le centre d'un plateau élevé et qui formait la plus grande partie de ce qu'on nommait autrefois la Haute-Beausse. C'est à cette partie surtout que peuvent s'appliquer ces vers latins, attribués à Fortunat,
    • Belsia triste solum cui desunt bis tria tantum,
    • Colles, prata, nemus, fontes, arbusta, racemus.
  • et dont voici la traduction du bon Andrieux:
    • Le triste pays que la Beausse,
    • Car il ne baisse ni ne hausse;
    • Et de six choses d'un grand prix,
    • Collines, fontaines, ombrages,
    • Vendanges, bois et pâturages,
    • En Beauce il n'en manque que six.
  • En effet, lorsqu'au temps où les moissons jaunissent les regards s'étendent sur les plaines dorées de la Beauce, le philosophe |10| et le penseur peuvent admirer cette fécondité puissante qui faisait dire au sieur Botteraye, dans son poëme Aurélia:
    • His vicina orta est Elusinae Belsia regnum
    • Et segetes gleba nec ditior altera tellus.
  • Mais l'artiste trouve quelque chose de froid, de monotone, dans cette richesse si nue, si pauvre pour lui, si dépourvue de grâces, d'ornements, de bois, de ruisseaux, de verdure et de fleurs. La nature ressemble là à une belle femme toute vêtue d'or: c'est riche, mais voilà tout. Si les Druides revenaient en ce monde, ils ne reconnaîtraient plus leur terre chérie. La main de l'homme l'a dépouillée de sa verte couronne d'épaisses forêts. Avec elles ont disparu les sources limpides, les fraîches fontaines et les ombrages qui les dérobent à la soif de la canicule. Cérès, la sévère et laborieuse déesse, a mis en fuite les nonchalantes et folles naïades. Mais, comme si elles eussent voulu laisser après elles un souvenir, un regret peut-être, elles ont, en fuyant, laissé couler de leurs urnes penchées, la Chalouette aux coteaux délicieux, et qui va se jeter dans la Juine un peu au-dessus d'Étampes.
  • Dans les années de sécheresse, nos ancêtres se rendaient à cette source, et revenaient toujours, disait-on, rafraîchis, reposés, baignés, trempés d'eau.
  • Autour d'Angerville, gravitent et se groupent une foule de petits hameaux qui forment son territoire, et dont l'aspect serait riant n'était la monotonie du paysage. C'est Rétréville, au nord, à une demi-lieue; plus près encore, au nordouest, Dommerville; aux sud et sud-ouest, Guestréville et Ouestréville; au sud-est, Villeneuve-le-Bœuf. Enfin, à une lieue et demie environ, apparaît, à l'est, Méréville, chef-lieu de canton, joli bouquet de verdure qui flotte sur cet océan d'épis.
  • Une croix de Saint-André, barrée par le milieu, peut donner Une idée des routes qui y aboutissent ou s'y croisent: d'abord c'est celle de Paris à Orléans, qui va du nord-est au sud-ouest; |11| puis celle de Dourdan, dont celle de Pithiviers formerait une sorte de prolongement du nord-ouest au sud-est.
  • Enfin, la ligne du milieu, courant de l'ouest à l'est, toucherait d'un côté à Chartres, de l'autre à Méréville. Monnerville est le premier village important qu'on rencontre en allant d'Angerville à Étampes, et Toury le premier en allant à Orléans. Un peu à l'ouest de la route de Paris, s'élève le château d'Arbouville, et un peu plus loin est Rouvray. Enfin, près de Toury, toujours à l'ouest, sont Janville et Je château du Puiset. Ces détails sont d'autant plus nécessaires, qu'il sera souvent question de ces différentes localités dans cette étude sur Angerville, et que leur histoire est en bien des points mêlée à la nôtre.
  • Toute cette partie de la Beauce était comprise dans le territoire des Carnutes, lors de la conquête des Gaules par César, et dans la XIIe Lyonnaise après la division établie par les Romains dans ce pays. On a trouvé à Angerville, dans des fouilles, quelques pièces romaines, entre autres une de César. Mais rien n'indique le séjour de ce peuple sur son sol, et elle n'était pas traversée par la voie romaine conduisant à Paris, et dont voici, d'après Walkenaere, un tracé depuis Nevers:
    • Nivernum, Nevers.
    • Condate, Cosne.
    • Belca, Beauche.
    • Salioclita, Saclas.
    • Lutetia, Paris.
  • D'après la carte de Guillaume Delisle, Angerville se trouvait compris dans l'angle formé par le chemin de César et le vieux chemin des Romains.
  • Le premier conduisait d'Orléans à Chartres, en passant près des Aides, de la Montjoie, la Provenchère, Loigni, Ourvilliers, les Petites-Bordes, Voves, Corancez, Berchère et le Coudray.
  • Le vieux chemin des Romains partait aussi d'Orléans et |12| conduisait à Paris, en traversant Fleury, Bouzy, Achêres, Bazoches-les-Garlandes, Aquebouille, Autruye, Saclas, Étampes, Étréchy, Châtres, Paris.
  • Ces deux chemins romains étaient en outre coupés par une autre voie romaine connue sous le nom de Saint-Mathurin, qui va de Chartres à Sens, et passe au sud-ouest d'Angerville à la distance d'un kilomètre environ, non loin d'une petite vallée appelée Bassonville, après avoir traversé le territoire de Sampuy, distant d'un kilomètre de Mérouville, où l'on a découvert dernièrement un poste romain, avec une grande quantité de monnaies et d'antiquités romaines de toute espèce. 2) Au temps des Mérovingiens, notre Beauce, aujourd'hui si peu ombragée, était encore couverte de forêts, témoin celle de Rouvray, dont il est souvent parlé dans les chartes de nos premiers rois. Les monastères, déjà nombreux, étaient capables de fournir à son territoire encore mal cultivé des bras laborieux et patients, des esprits calmes et intelligents. Aussi, voyons-nous Dagobert et ses successeurs abandonner aux religieux de Saint-Denys autant de terrain qu'ils en voulurent.
  • Mais à l'époque de l'invasion des Normands, la Beauce eut à souffrir de cruels ravages. Rollon, leur chef, après avoir assiégé et pris Chartres, se dirigea vers Étampes. “Nul roi, nul baron, disent les chroniqueurs, ne s'opposa à leurs fureurs.” Et cependant Robert Wace, dans son histoire de Rollon rimée, indique ainsi les guerriers que le roi avait convoqués pour la défense commune
    • Et à Meante à li venir,
    • Cels de Troigne et cels de Bleis,
    • Cels d'Orléans è Vastinais,
    • Cels del Perche et del Chartrain,
    • Cels del Bocage è cels del Plain, |13|
    • De Boorges et de Berry,
    • D'Estampes et de Montlhéry.3)
  • L'anarchie féodale ne fut pas moins funeste aux possessions de Saint-Denis dans la Beauce que les ravages des Normands eux-mêmes; mais ils trouvèrent dans les premiers Capétiens des protecteurs aussi fermes que constants. Robert, fils de Hugues Capet, confirma la donation de Dagobert, dont voici Je texte. 4) De son côté, le roi Robert ayant remarqué “que tous les rois de France qui ont donné et fait du bien à l'abbaye de Saint-Denys, à l'honneur d'icelui sainct, ont prospéré et reçu de grandes faveurs et assistances du ciel; pour cette cause, il déclare qu'à l'exemple du roi Huï Capet, son père, et de la reine Adélaïde, sa mère, il désire remettre icelle abbaye en son ancienne splendeur et dévotion, etc…. Sicut antiqui reges ei dederunt et nos hactenùs tenuimus, etc.” Il n'oublie pas la forêt de Rouvray: ac Rubrydum sylvam cum legibus quae ex eâ fiunt.5)
  • Mais la piété de Robert n'eut pas suffi pour soustraire nos contrées au brigandage des petits seigneurs qui les désolaient, si l'énergie de Louis-le-Gros, fort bien conseillé par Suger, abbé de Saint-Denys, ne lui fut venue en aide. “On rirait fort aujourd'hui, dit un historien moderne, d'un prince qui s'en irait à la tête de la gendarmerie faire la police des grandes |14| routes. Ce fut pourtant le début de la haute fortune de nos rois. »
  • En effet, à l'époque dont nous parlons, il y avait en quelque sorte deux personnes dans le roi: il y avait le roi et le seigneur. On l'appelait le seigneur roi; et s'il avait beaucoup de peine à faire reconnaître en lui la personne du roi, il n'en avait guère moins à faire respecter en lui le seigneur dans son propre domaine, qui se bornait encore à l'Île-de-France et à l'Orléanais. Tous les petits seigneurs, refusant obstinément d'entrer dans la hiérarchie féodale qui était au moins un commencement d'ordre politique, se considéraient comme indépendants et souverains. C'est contre ces ennemis intimes que se déploya, dans le cercle étroit de quelques lieues, l'infatigable activité de Louis-le-Batailleur.
  • Celui de tous qui se faisait le plus redouter par ses exactions, celui du moins dont le souvenir se rattache plus particulièrement à la Beauce, était Hugues du Puiset. “On eût préféré, dit Suger 6), avoir affaire à un Scythe ou à un turc qu'à ce baron.” Et si jamais la Beauce eut à souffrir, c'est bien certainement à cette époque où, serrée entre les forts de Montlhéry et du Puiset, elle était continuellement exposée à la bizarre et sauvage tyrannie de ces seigneurs. Le baron du Puiset faisait main basse sur tout. Type de brigand tragicomique, il se reposait du meurtre dans le larcin; malheur à qui lui résistait! malheur plus sur encore à qui ne lui résistait pas! L'honneur de vaincre et d'enchaîner le monstre, ce Cacus du moyen-âge, était réservé à un enfant de la Beauce.
  • Suger, né à Toury l'an 1081, avait été élevé à Saint-Denys avec Louis-le-Gros. Nommé à la prévôté de Toury, avant d'être élu abbé de Saint-Denys, il n'eut pas de peine à déterminer le roi à venir traquer dans son fort, comme une bête féroce dans son antre, le seigneur du Puiset.
  • “Déjà mangonneaux, balistes, dondaines, truyes, béliers, |15| boutoüers, tortues, taudis, beffroys7), toutes les pièces de guerre sont en présence de la redoutable forteresse, large d'environ trente mètres, située sur une éminence, surmontée d'un donjon de bois, fortifiée d'un rempart, défendue par une palissade, un large fossé, un parapet, un second fossé, un mur flanqué de tourelles et de redoutes de distance en distance, et des murs larges de deux mètres.”8)
  • Deux attaques régulières se font: l'une commandée par Thibault, comte de Blois, suivi de tous les Chartrains; la seconde par Louis, à la suite duquel s'était fait un concours innombrable de personnes de tout âge, de tout sexe et de tout rang, hommes, femmes, enfants, moines, prêtres, venus de tous les côtés de la Beauce pour aider à la prise de ce vautour qui ravageait le pays.
  • Le combat s'engage. C'est une lutte terrible, un acharnement égal de part et d'autre. Ce n'est en l'air qu'une grêle de pierres, de flèches, de javelots qui tombent sur les salades; les rondaches, les pavois des assiégeants les rompent, les brisent et sèment la mort au hasard.
  • Après huit heures d'une lutte acharnée, pendant laquelle assiégeants et assiégés eurent tour à tour le dessus, le roi et le comte de Blois se retirent pour se concerter. Pendant ce temps, Suger payait aussi de sa personne. Craignant l'impuissance des premiers efforts, il était allé dans les campagnes environnantes ramasser nombre de vieilles portes, d'ais, de pièces de bois, pour faire des mantelets et des taillevas. De plus, il avait à sa suite des chariots pleins d'épine, de paille, d'huile, de graisse, de sang de bœuf, en un mot de toutes les matières inflammables. Il arrive. Après avoir fait ranger tous ces combustibles au pied de la muraille, il commande qu'on y mette le feu. Bientôt un nuage d'épaisse et infecte fumée monte vers les assiégés. Leur vue en est obscurcie, les assaillants échappent |16| à leurs coups. Ils gagnent du terrain, leur trouée s'avance et le succès ne paraît plus douteux, quand une pluie épouvantable et le changement du vent viennent encore déconcerter tous leurs efforts. Les compagnons de Hugues voient dans cette pluie un secours du ciel; leur courage se relève, leur ardeur se ranime, et ils recommencent la lutte avec une vigueur nouvelle. Les assiégeants, battus, repoussés de toutes parts, désespèrent du succès, quand un certain curé de campagne 9), le chauve curé de Guilleville, arrive avec tous ses paroissiens, attaquer aussi le tant redouté seigneur du Puiset, qui souvent assiégeant sa basse-cour lui avait enlevé maintes poules, maints canards, et n'avait pas même respecté son vin.
  • Ce brave curé qui, selon l'expression d'Auteuil, n'avait pas passé tout son temps à faire des prônes 10), sent son courage grandir au souvenir des maux qu'il a souffert, et, plein d'une sainte colère, se lance vers la tour du côté de Neuvy, par où elle n'avait pas encore été attaquée.
  • Seul, couvert d'un méchant ais, il gagne, en grimpant, le pied de la palissade, la rompt à force de bras, s'ouvre un passage, et crie à ses paroissiens de le suivre. Les assiégés l'ont entendu, aussitôt ils se portent de ce côté. Mais les gens de Guilleville défendent courageusement leur curé. Alors, le roi et le comte de Blois, un peu honteux de voir un curé de Beauce leur apprendre à enlever une forteresse, se rejettent dans lu trouée et rivalisent d'ardeur. La victoire couronne enfin leurs efforts. Le seigneur du Puiset est fait prisonnier et renvoyé à Château-Landon, d'où, étant sorti quelque temps après, non sans avoir payé rançon, il s'empressa de recommencer sur le même terrain une lutte qui ne se termina tout à fait qu'en 1117. |17|
  • À la suite de ces petites guerres, le château du Puiset, fondation de la reine Constance 11), bisaïeule de Louis-le-Gros, fut détruit, et plus tard Louis VI, en récompense des services rendus par Suger, permit aux abbés de Saint-Denis d'établir un marché tous les vendredis dans leur village et châtellenie de Toury, avec l'autorisation de percevoir tous les droits et profits qu'ils pourraient en retirer. En outre, il voulut et ordonna qu'une garnison demeurât dans le château de Toury, et fit aussi fortifier Janville. |18|

CHAPITRE II.

  • Origine d'Angerville — Étymologie de son nom.
  • Il ne suffisait pas d'avoir ramené à l'ordre et à l'obéissance quelques seigneurs turbulents et pillards, de longues années d'anarchie et de désordre avaient presque anéanti l'agriculture. Si, pour les habitants de la campagne, la terre est une maîtresse, comme le dit poétiquement M. Michelet, au temps dont nous parlons, loin de l'aimer, loin de la posséder librement et de jouir de ses faveurs, ils ne voyaient en elle que l'adultère complice de leurs oppresseurs. Forcés de recourir eux-mêmes à la violence dont ils souffraient, ils la laissaient tomber en chestiveté: les chemins devenaient impraticables; les églises, les manoirs tombaient en ruine, et un voile d'épaisse barbarie s'étendait sur tout le domaine.
  • C'est en de telles circonstances que l'habile Suger entreprit de faire luire pour la première fois, aux yeux des pauvres serfs des campagnes, le tout puissant attrait de la liberté et de la sûreté, ces deux plus grands biens de la vie sociale, en les réunissant en corps de communautés sur tous les points les plus négligés du territoire. Alors on vit se former ces villae novae, ces nouveaux bourgs, ces villeneuves du XIIe siècle, qui, asiles ouverts au cultivateur laborieux, aux serfs vagabonds, à l'ouvrier ambulant, au marchand colporteur, furent |19| pour les campagnes, comme les communes pour les villes, l'origine d'un nouvel ordre social, une sorte de renaissance.
  • Dès l'année 1119, deux ans seulement après la destruction du château du Puiset, nous rencontrons un remarquable monument de cette révolution morale et administrative, opérée sous l'influence de la royauté.
  • “Moi, Louis, par la grâce de Dieu roi des Français. Nous faisons savoir à tous les fidèles présents et à venir que les hommes d'une certaine de nos terres, appelée Angere Regis, située au dessus d'un bouillon et abandonnée jusqu'à n'être bientôt plus qu'une solitude, que ces hommes sont venus auprès de notre Majesté, nous demander que nous la déclarions libre, elle et tous ceux qui voudraient s'y établir en qualité d'hôtes; qu'ils relèvent de notre justice seulement ou de la justice de notre délégué; que nos préposés et nos maires n'exigent d'eux ni taille, ni impôts, ni subsides de cette espèce; en un mot qu'ils se gardent de rien prendre dans leurs foyers, qu'ils n'aient sur eux aucun droit de justice, et qu'ils ne puissent les mener en expédition ou leur imposer le service militaire que pour la cause commune et dans le cas où tous les sujets reçoivent ordre de marcher et marchent. Ils paieront huit ou dix deniers pour les arpents sur lesquels ils auront élevé leurs maisons. S'ils voulaient planter et plantaient quelque partie des terres environnantes, ils paieront en cens par arpent six deniers, à la fête de Sainte-Marie de la Chandeleur. S'ils voulaient cultiver du froment ou ensemencer ces mêmes terres, ils donneraient la dîme ou le champart, etc. 12)”.
  • Cette charte fut relatée et confirmée dans une autre de Charles VI, à la date de 1391.
  • Qu'était-ce donc que cet Angere regis, dont il est question dans la charte de 1119? |20|
  • “Je n'ai pu découvrir, dit Secousse, le nom moderne de ce lieu. Il est certain qu'il était situé dans l'Orléanais, puisque Charles VI adressa au bailly d'Orléans des lettres par lesquelles il confirma celles de Louis-le-Gros. Il y avait de l'eau auprès de ce lieu, ”et quae super ebullitione est,” disent les lettres de ce prince.
  • Angere regis pourrait être Angerville, qui est dans l'Orléanais, sur le chemin d'Orléans à Paris, et qui, suivant la carte de la généralité d'Orléans par Jaillot, où ce lieu est mal nommé Angerville-la-Rivière, est située sur une petite rivière qui se jette au-dessus d'Étampes dans la Juine….. Cette petite rivière se nomme le Louet.”
  • “Je vais proposer, ajoute Secousse, une autre conjecture, que je ne puis cependant appuyer sur aucun commencement de preuve. Il y a peu de personnes qui n'aient entendu parler de la petite rivière du Loiret qui, après un cours de deux lieues, se jette dans la Loire assez près d'Orléans.
  • Cette rivière a deux sources, l'une desquelles se nomme encore aujourd'hui le Bouillon; c'est ce que nous apprend l'abbé Fontenu, dans un mémoire curieux sur cette rivière. Ducange dit qu'Ebullium, Ebullitio signifie Bouillon. On pourrait donc supposer qu'Angere regis était situé près de cette source. Il est vrai que dans les cartes on ne retrouve pas le nom d'Angere regis; mais divers événements ont pu faire changer le nom de ce lieu. Les savants d'Orléans, qui sont à portée de consulter les anciennes chartes de ce pays, pourraient examiner si cette source du Loiret se nommait anciennement Ebullitio, et s'il y avait aux environs un lieu qui portât le nom d'Angere regis 13).”
  • Nous l'avouons, de ces deux conjectures de Secousse, la seconde nous avait d'abord paru la meilleure, tant la difficulté que soulève cette vague désignation de lieu, quae super Ebullitione est, nous semblait grande. D'ailleurs, cette question |21| relative à l'origine d'Angerville ne devait fixer notre attention qu'autant qu'il nous serait permis de nous appuyer sur l'autorité de François Lemaire, auteur d'une histoire de la ville et duché d'Orléans, dans laquelle on lit ce passage: “Thoury, en Beauce, est une chastellenie qui a pris son nom d'une tour, forteresse et chasteau qui y était d'ancienneté. C'est un bourg et village qui appartient au révérend abbé, religieux et couvent de Saint-Denys, par don fait par le roi Robert l'an 997, avec les villages de Thivernon, Rouvray, Angerville, Monerville et autres; lequel don a été confirmé par le roi Louis-le-Gros en 1418, qui a octroyé aux habitants plusieurs priviléges et droits 14), etc.” De ce passage il résulterait qu'Angerville existait au moins du temps du roi Robert. Nous avons partagé l'opinion de Lemaire, jusqu'au moment où des documents incontestables sont venus nous avertir que cette opinion était erronée. L'auteur des Antiquités d'Orléans n'était pas directement intéressé à rechercher les origines d'Angerville. Son jugement s'est déterminé d'après l'état des choses de son temps; et trouvant Angerville sous la dépendance des abbés de Saint-Denis, il a pensé qu'Angerville avait été, comme Toury, Thyvernon, Rouvray, donné par le roi Robert au couvent de Saint-Denis. Mais ni la charte de Dagobert, ni celle de Robert, ni même celle de Louis-le-Gros, qui confirment les précédentes 15), ne parlent d'Angerville. Chose étonnante dans l'hypothèse de François Lemaire; car en admettant qu'Angerville n'eût eu, dans le principe, qu'une importance trop secondaire pour exiger une mention nominale et précise, cette localité aurait pu s'accroître et grandir dans le long espace de temps qui sépare Dagobert de Louis-le-Gros; les religieux de Saint-Denis n'eussent pas manqué de demander que le nom d'Angerville fût écrit, comme celui de Monnerville et de tant d'autre lieux, sinon |22| dans la charte primitive, au moins dans celles qui vinrent plus tard la confirmer et même y ajouter. Ces religieux ne nous ont pas laissé ignorer tout ce que Toury, Rouvray et Monnerville ont eu à souffrir du voisinage des seigneurs du Puiset ou de Méréville. Ils entrent même sur ce point dans les plus minutieux détails. Leur administration était très-régulière, leurs livres parfaitement tenus, leurs possessions soigneusement enregistrées, ainsi que les revenus qui en provenaient. Comment donc n'auraient-ils pas parlé d'Angerville, si Angerville eût alors existé? Comment les chroniques de cet âge, où les luttes de Louis-le-Gros contre les seigneurs de son domaine tiennent une si grande place, ne diraient-elles pas un mot d'Angerville, ou par quel miracle enfin Angerville eût-il échappé seul aux ravages des seigneurs du Puiset ou à l'oppression des seigneurs de Méréville 16)?
  • Il reste donc au moins très-vraisemblable qu'Angerville n'existait pas alors. Mais cette opinion devient presque une certitude, si l'on pense que ce même Angerville, que Lemaire nous représente si négligemment comme ayant été donné au couvent de Saint-Denis, comme Toury, Rouvray et Monnerville, ne passa effectivement sous la dépendance des religieux de Saint-Denis que progressivement, et qu'enfin, comme on le verra dans la suite, plusieurs documents remarquables d'un temps où tout commençait à se débrouiller et à s'éclaircir, du temps de la rédaction des coutumes, démontrent d'une manière péremptoire qu'Angerville avait, avant de tomber sous cette dépendance, joui de priviléges semblables à ceux que Louis-le-Gros et plus tard Louis-le-Jeune accordèrent à ces nombreuses villes-neuves qui se fondèrent sous leurs règnes, au XIIe siècle.
  • Ce n'est environ qu'un siècle après, sous le règne de Saint-Louis, que nous trouvons des traces incontestables de son existence. |23| Ainsi, d'après un pouillé tiré d'un manuscrit de la Bibliothèque impériale, côté cartulaire, 43, et d'un manuscrit connu sous le nom de Livre Blanc, rédigé vers 1250, Angerville dépend, pour le service du culte, du doyenné de Rochefort, et compte à peine cent dix communiants. Ce chiffre n'indique encore, comme on le voit, qu'une faible et naissante bourgade. Secousse, en disant que cet Angere regis de Louis-le-Gros pourrait bien être Angerville, fait une supposition parfaitement admissible quant au temps et quant à l'origine. Il est vrai que l'impossibilité d'indiquer positivement la situation d'Angere regis, lui suggère une autre conjecture toute différente; mais cette difficulté que soulève une vague désignation de lieu, est-elle aussi grande qu'on pourrait d'abord le penser? c'est ce qu'il faut examiner.
  • On a vu que Secousse a fait, depuis bientôt cent cinquante ans, un appel aux savants et antiquaires d'Orléans, sur la question de savoir s'il n'existait pas autrefois, à la source du Loiret, un lieu nommé Angere regis. Eh bien! cet appel n'a pas été entendu, ni un tel lieu découvert. Nous sommes donc obligés, toute partialité mise de côté, de revenir sur notre Angerville. Le géographe Jaillot, en se trompant sur le nom d'Angerville, n'a pas cependant confondu sa position avec celle d'Augerville-la-Rivière, qui est située sur l'Essone; mais il a placé notre Angerville près d'un petit ruisseau qu'on nomme aujourd'hui le Chalouet ou la Chalouette, qui en est distant d'environ deux lieues, et dont il est question dans Scholastici Fredegarii chronicum (livre IV), au sujet de la bataille livrée entre Clotaire et Théodoric en 612. Stampas per fluvium Loa. Eh bien, la rivière du Louet est remarquable par ses eaux qui sont dans les mêmes conditions thermales que celles du Loiret; elles ne gèlent jamais.
  • Plus près d'Angerville encore, ne voit-on pas la petite rivière de la Muette présenter un phénomène remarquable d'intermittence, ainsi que les mêmes singularités thermales que la Chalouette. |24|
  • La tradition rapporte aussi que dans la petite vallée de Bassonville existait autrefois une source qui depuis a disparu.
  • De plus, les archives d'Orléans nous apprennent 17) qu'un seigneur d'Ormeville, en 1693, demeurait à la Fontaine-en-Beauce, près d'Angerville-la-Gaste. Il y a eu aussi longtemps à Angerville un hôtel de la Fontaine. Enfin, il existe encore à un kilomètre du pays un lieu dit la Fontaine. Tous ces rapprochements, malgré l'aridité actuelle, ne semblent-ils pas affirmer qu'il y a eu de l'eau dans le voisinage d'Angerville, d'autant mieux que le territoire d'Angere regis n'est pas limité, qu'à certains endroits il pouvait se trouver près d'une source, et que les colons ont pu s'établir plus ou moins près de cette source. Ne peut-on pas supposer aussi avec quelque raison qu'il y a eu un courant dans la vallée de Villeneuve. Que de sources, que de fontaines ont disparu partout, mais surtout en Beauce où les conditions hydrographiques ont dû singulièrement changer par suite du déboisement qu'elle a subi! De plus, dans certaines parties de la Beauce, le sablon se trouve mêlé à l'argile en proportions telles que le sol y possède une remarquable propriété d'absorption des eaux. Ces eaux, que l'on croirait taries et qui ne sont que bues, rencontrent plus à fond des couches d'argiles pur, y forment des nappes souterraines, des courants intérieurs, pour reparaître sur d'autres points.
  • Un tel phénomène n'est rare en Beauce que parce que les eaux elles-mêmes y sont rares. Mais il possède un caractère de généralité qui s'étend au petit nombre de sources, étangs, ruisseaux ou autres minces cours d'eau que l'on y rencontre.
  • La Conie, petit affluent du Loir, en offre un exemple si remarquable, que les disparitions et réapparitions successives de ses eaux avaient donné naissance à mille superstitions populaires, décrites par Raoul de Botterays.
  • La petite rivière d'Yerre, autre affluent du Loir, arrivée au-dessus |25| de la Mauginière, se perd dans un gouffre au point de laisser deux lieues absolument sans eaux pendant quatre mois de l'année. C'est pourquoi on l'a nommée la rivière sèche. Elle reparait ensuite et se jette dans le Loir entre Saint-Hilaire et Montigny.
  • La Voise, petit affluent de l'Eure, sort de l'étang de Saint-Léger, lequel, dit Souchet, est quelquefois sec d'eau: “Ans où les particuliers engraissent leurs héritages de son limon, et puis autres ans où l'eau y revient semblable à celle de la Gosnie, où par un secret admirable de la nature on retrouve du poisson.”
  • On lit dans Chevard: “L'étang de Bois-Ballu, près Dampierre, reçoit la majeure partie de ses eaux par un gouffre qui est ouvert dans une de ses extrémités. Dans certains temps de l'année, ce gouffre vomit du poisson très-gros, comme carpes, brochets, et quelques jours après on n'en voit plus. Il est vraisemblable que cette ouverture communique à quelque réservoir souterrain qui rejette l'eau que les cavités intérieures ne peuvent contenir.”
  • On a conjecturé aussi avec assez de fondement que la petite rivière de Boussard, qui se perd et disparaît entièrement à un quart de lieu au-dessous du fourneau de ce nom, communique avec la fontaine ou la source qui forme l'étang de la Forge de Dampierre. Ce qui est plus étonnant dans la nature de ce phénomène, c'est que la source est parfois intermittente. Il y a à peu près trente ans qu'elle avait pris une autre direction. Elle a cessé de donner de l'eau pendant trois années entières, de sorte que l'étang resta à sec.
  • Ainsi, tous ces phénomènes n'ont rien de régulier ni de périodique. Ils se montrent à intervalles inégaux; ils peuvent même cesser tout à fait de paraître, et par exemple, celui dont parle Aimoin (francorum gesta), n'a pas été observé deux fois que nous sachions. S'il faut en croire ce chroniqueur, on vit, l'année de la mort de Frédégonde, les eaux d'une espèce d'étang situé dans le Dunois (sans doute l'étang de Verde) |26| entrer en ébullition et vomir sur le rivage quantité de poissons tout cuits. 18)
  • Du reste, Ebullitio n'est qu'une expression métaphorique qui peut s'appliquer à toutes les sources présentant, à des degrés plus ou moins remarquables, le phénomène de celle du Loiret. Et si l'on nous objecte qu'Angerville, sans être fort éloignée de Chalou, n'est cependant pas, ainsi que l'a cru le géographe Jaillot, située sur la Chalouette, voici notre réponse:
  • Angere regis, dont il est question dans les lettres de Louis-le-Gros, n'est pas une ville, un bourg, un village déjà existant et dont on puisse parfaitement assigner les limites; c'est un certain territoire, cujusdam terrae nostrae, et Angerville n'ayant occupé qu'un point donné sur ce territoire, pouvait très-bien être séparée de la Chaloutte par une certaine distance. On ne saurait non plus appliquer la charte d'Angere regis à Augerville-la-Rivière, puisque d'après plusieurs chartes tirées des archives 19), il est démontré qu'en 1240 un nommé Nicolas d'Alovillar vend aux frères Chevaliers du Temple ses prés situés au-dessus de Grez, lesquels il tenait en fief de Louis d'Augerville, Ludovicus Augeri villa, ce qui fait conclure qu'avant 1240 Augerville était une seigneurie, et que de plus elle ne s'appelait pas Angere regis, mais Augeri villa. Du reste, mille autres raisons et toute l'histoire d'Angerville prouvent qu'il est impossible de confondre ces deux pays. Mais que pouvaient signifier ces mots, ces noms d'Angere regis appliqués à un certain territoire? Peut-être l'analyse étymologique viendra-t-elle répandre une nouvelle lumière sur la question qui nous occupe.
  • Angere, Angara, Angaria, Angarium, Angariarii sont des mots de basse latinité qui, selon Ducange, désignent des |27| corvées en général, et des services de poste, de transport, de relais en particulier. Angere regis, Relais du roi, voilà la traduction la plus naturelle de ces deux mots. Ces services de poste, qui prenaient rang parmi les autres services féodaux longtemps avant d'être organisés en système public par Louis XI, étaient bien importants à une époque où le roi lui-même ne faisait pas sans une extrême difficulté le voyage de Paris à Orléans.
  • Louis VI pouvait se rappeler encore que plusieurs fois Philippe Ier, son père, avait dû y renoncer, et que la tour de Montlhéry, par exemple, s'était dressée devant lui comme un obstacle infranchissable. Il y a toute apparence que Louis VI, Louis VII et avec eux le prudent ministre Suger, donnèrent tous leurs soins à la création d'une route praticable et à l'organisation des services de poste et de relai pour les besoins des rois et de leurs messagers. C'est, en effet, seulement au XIIe siècle, suivant M. Jollois, le savant ingénieur des Ponts-et-Chaussées, que la voie romaine fut complètement abandonnée entre Étampes et Orléans. Le territoire dont Angerville occupe une partie devint donc, par sa position et sa distance d'Étampes, un point de station, une étape, un relai. Il prit de là sans doute sa dénomination d'Angere regis, et notre Angerville qui représente historiquement ce dernier a toujours eu aussi la même destination. Ce territoire, le texte de la charte citée le représente comme vacant, et fait appel à ceux qui voudront le peupler, le cultiver, l'habiter (ut homines qui in ea hospitare et remanere vellent); il va plus loin, il nous le dépeint comme un désert (ut penè in solitudinem devenisset), et le souvenir de ce désert vit encore dans l'épithète qui s'ajoute au nom d'Angerville: Angerville-la-Gaste, de gasta, terre en friche, inculte, déserte.
  • Un officier supérieur en retraite, le commandant Constantin, autrefois employé aux travaux de la carte de France dans nos contrées et qui, depuis son séjour à Toury, porte un grand intérêt aux questions historiques de la Beauce, nous a |28| proposé pour Angerville une origine teuto-franque qu'il explique ainsi:
  • Anger, une place ou une pièce de terre couverte d'herbe qui sert de pacage ou à quelqu'autre usage.
  • Weiler, hameau. 20)
  • Dans la charte de Louis VI, dit M. Constantin, on trouve l'épithète terra nostra appliqué à Angere. Terra n'a jamais été pris pour synonymie de lieu habité; on disait la terre, ou les terres du baron, du comte, du roi, pour dire la propriété foncière bâtie ou non; s'agissait-il de son habitation particulière, elle était toujours désignée dans les chartes ou diplômes par les mots domus, aedes, palatium; si elle était fortifiée, on y ajoutait turris, castellum, arx. Lorsque le roi faisait des concessions, on énumérait les lieux habités. Le roi Robert donne à l'abbaye de Saint-Denis en France les villas (métairies) de son domaine (Tauriacum, Rubrydum, Tilliacum), en les désignant nominativement. Dans la charte de Louis-le-Gros, on n'emploie que le mot terra. La tenure féodale exigeait la détermination exacte de la nature de la propriété, en raison des divers services dûs. Or, ici le nom d'Angere seul indique une propriété qui n'avait pas d'habitation et qui, sans doute, était cultivée par les hommes du roi, (li oms) établis à Monnerville et autres lieux circonvoisins; l'incrément Regis indique que ce lieu était affecté au service public, qui se confondait à cette époque avec celui du roi. 21) Dans les guerres du Puiset, on dut choisir sur la route un lieu d'étape pour l'armée. Étampes, qui en était un très-certainement, se trouvait trop rapproché de Monnerville, trop loin de Toury, pour que l'on pût avoir l'idée de pousser |29| jusque-là d'une traite. L'armée alors était un ramassis confus de cavaliers très-peu disciplinés et de piétons enlevés momentanément à leurs travaux. Chacun était libre de piller pour vivre, car l'on ne connaissait pas encore le système administratif, et Suger lui-même, appelé à donner son avis, indiqua-t-il (peut-être), pour point de réunion ou de repos (halte ou bivouac), ce grand pacage où la cavalerie, force principale de ces rassemblements, pourrait se rafraîchir. De ce point à Toury où l'armée devait être réunie, il n'y avait que peu de distance, et l'on exposait d'autant moins au pillage les fermes situées sur le passage des troupes. Ce point, ce pacage, réclamé par les hauts barons d'alentour, en devenant étape royale, ajoutait ainsi aux droits du roi par une sorte de prise de possession qu'il pouvait, plus tard, revendiquer comme une indemnité de frais des guerres entreprises pour protéger ceux-là même qui lui en disputaient la jouissance. On sait que ce procédé, qui prévalut postérieurement, ne commençait encore qu'à se faire jour à l'ombre du titre de suzerain dont les rois s'étaient affublés, sans que les hauts et puissants seigneurs, leurs égaux en rang et en plus d'un lieu leurs supérieurs en puissance, eussent cru devoir s'y opposer. Retrouvant sous ce titre que le Kôning de leurs ancêtres ( magistrat chef suprême) et l'Heri-zog ou chef d'armée, dont le pouvoir s'annulait à la paix, ils ne voyaient que le présent sans s'inquiéter de l'avenir. Le mot tudesque Anger se prononçait et se prononce encore Anguere, en faisant à peine sentir les deux e, lettre adoucissante qui se glisse dans nombre de mots allemands pour relier les consonnes en rendant la prononciation moins dure. Le g (gue) allemand, dont le sens tient à la fois de la prononciation gutturale âpre et de la prononciation nasale, était impossible à produire par des bouches accoutumées à la douceur des syllabes latines. Nous n'avons aucun moyen de l'exprimer et de l'écrire en français non plus qu'en latin; aussi le scribe (tabellarius) du roi a-t-il tranché la question en introduisant un e mi-muet final tout en laissant |30|subsister l'è mi-ouvert: de là Angère qui, dans la prononciation latine, prenait le son de J'é pour le premier e, et la pro nonciation romane du g au lieu de l'aspiration gutturo-nasale d'origine allemande.
  • Puisque Terra était un lieu dit et rien de plus, il est hors de doute que la terminaison s'est ajoutée lorsque des constructions faites par ordre du roi sont venues donner du relief à ce coin de terre. Mais ces constructions n'ont dû s'élever que vers la fin du règne de Louis IV, au plus tôt. À cette époque la langue latine n'était plus employée que dans les écrits, c'était la langue scientifique; la langue franque ou plutôt allemande avait disparu avec la race des Karlings, et l'antipathie prononcée de la race gallo-romaine, pour tout ce qui rappelait la conquête, avait amené une modification dans les noms de lieux en leur donnant une terminaison romane. Ces changements avaient été d'autant plus facilement admis par les hauts barons d'origine allemande romaine, que les formes du nouvel idiome se rapprochaient plus des deux langues qui lui avaient donné naissance. Ainsi une ferme, en latin villa, avait vu à la suite de l'occupation se transformer ce mot en weiler dans le langage parlé, tout en conservant son nom romain dans le langage écrit. La formation romane laissait, en ne changeant que la finale, subsister le radical tel qu'il fût ; le mot villa dut prévaloir et prévalut.
  • On sait que les formes tudesques s'étaient conservées sous l'habillement roman dont on avait revêtu les mots d'origine germanique. En effet, sur les bords du Rhin, la coutume est encore d'ajouter au nom du lieu dit la terminaison qui indique pour ainsi dire son origine et les motifs de sa construction:
  • HEIM…….. au logis, à la maison, s'applique à chaumine, chaumière, chalet, maisonnette, étable.
  • HAUS…….. maison d'habitation isolée, domus.
  • WEILER…… hameau, plusieurs maisons réunies, viculus. |31|
  • DORF…….. village, vicus.
  • BURGH……. château fort avec habitation particulière autour, arx.
  • STADT…….. ville, gros endroit clos et fermé, oppidum, oppidulum, civitas, urbs.
  • Ainsi:
  • STRASSBURGH… le château fort de la grande route, Strasbourg.
  • MUHLHAUSEN…. les maisons du moulin, Mulhouse.
  • OCHSENWEILER.. l'enclos des bœufs, Oisonville.
  • ANGER WEILER.. hameau sur une terre couverte d'herbe qui sert de pacage, Angerville.
  • L'étymologie tudesque proposée par M. Constantin pour Angerville et Oisonville, nous paraît tout à fait inadmissible.
  • Nous n'avons pas à examiner quelle valeur cette étymologie pourrait avoir dans les pays français voisins du Rhin; mais nous sommes convaincus qu'en Beauce, comme en Normandie, en Picardie, etc., les terminaisons en ville des noms de lieux, viennent, non du germanique Weiler, mais du latin villa.
  • Donc, l'étymologie d'Angerville est bien Angere villa. Donc, Angerville, par sa destination comme relais, par sa situation près d'une fontaine, par sa proximité de la Chalouette, représente parfaitement l'Angere de la charte de Louis VI, lequel Angere est une terre déserte que non-seulement les hommes, mais que la végétation semble aussi avoir abandonnée; et Angerville, peuplée, florissante, s'appelle encore Angerville-la-Gâte.

CHAPITRE III.

  • Influence de Suger sur l'agriculture en Beance. — Création des villes neuves. — Angerville, ville neuve royale.
  • Louis VI a octroyé les lettres d'Angere regis. Nous avons démontré que ces lettres s'appliquaient à notre Angerville. Il nous reste maintenant à savoir comment le roi fut amené à créer ces villes neuves, ces communautés rurales. Quelle fut leur destinée? Que devinrent leurs priviléges? La monographie d'Angerville aura cet intérêt spécial de nous présenter l'histoire d'une de ces villes neuves royales, fondation du XIIe siècle, qui jouèrent un rôle si important dans la vie sociale des gens de la campagne, comme dans l'organisation du pouvoir royal, et dont l'étude a été jusqu'à ce jour complètement négligée. Eh bien 1 disons-le de suite, c'est au prévost de Toury, plus tard ministre du roi, que la campagne, que le village doit ses priviléges et la priorité qu'il eut alors sur la ville. Qu'on ne s'étonne donc pas de nous voir élever d'en bas nos regards jusqu'à ce personnage des hautes régions historiques. Examinons si l'on a bien compris tout ce qu'il y a eu de politique dans l'administration du ministre, si l'on a bien saisi son rôle dans la rénovation de l'agriculture, de la propriété et de la famille.
  • Dans ces derniers temps, un professeur du collége Stanislas a publié une histoire du ministère et de la régence de Suger. |33|
  • Nous pensions trouver, dans ce travail, une étude approfondie de la révolution opérée sous l'influence de l'abbé de Saint-Denis; mais M. Combes nous paraît bien plus occupé à critiquer ses devanciers en histoire, qu'à nous donner une évolution complète du ministère ou de la régence de Suger. On ne voit pas, dans son tableau, qu'il y a deux hommes dans Suger, l'abbé et le ministre. De même qu'il y avait deux personnes dans Louis-le-Gros, le roi et le seigneur. L'abbé de Saint-Denis est supérieur au ministre par sa richesse, par son influence morale. C'est l'élève intelligent de l'abbaye, c'est le prévost de Toury, qui a formé le ministre. Comment donc apprécier le ministre ou le régent si nous ne connaissons ni l'abbé, ni le prévost? Une étude très-consciencieuse et très-intelligemment faite sur Suger, est la thèse de M. le professeur Huguenin; tout le côté administratif, au point de vue de l'agriculture, offre un puissant intérêt, et comme les réformes ont été surtout opérées dans notre contrée, nous chercherons à développer cette étude; nous nous attacherons essentiellement à faire voir l'heureuse influence de ces réformes et à démontrer que c'est à elles que l'on doit la création de ces villes neuves de Beauce, qui, asiles ouverts aux serfs fugitifs, aux colons laborieux, furent le berceau de l'agriculture, de la centralisation monarchique et de l'administration judiciaire. D'abord simple religieux de Saint-Denis, où il devint ami de Louis-le-Gros, Suger est mêlé de bonne heure aux discussions de droit que sa connaissance des chartes lui permet d'aborder. Il est ensuite appelé par l'abbé Adam à la prévôté de Berneval, sur les côtes de Normandie, et il puise chez le peuple Normand, essentiellement calculateur et agricole, les premières leçons d'administration, ou mieux, d'ordre et d'agriculture. À son retour de Berneval, il est nommé prévost de Toury, le plus considérable des domaines de Saint-Denis 22). C'est de là que sa bonne |34| administration va rayonner sur la Beauce. À cette époque, les germes d'association que contenait le régime féodal étaient presque entièrement étouffés par l'esprit d'indépendance et d'envahissement des seigneurs. Aussi, ne rencontrait-on dans toute la France, aucun ordre général, aucune régularité, aucune harmonie dans la vie du corps social, un malaise général se faisait sentir sur tous les points du territoire, ce malaise était le prélude d'une révolution qui ne devait pas tarder à s'opérer dans tous les degrés de la société. Il fallait une nature ardente, un esprit sérieux et intelligent comme celui de Suger, pour entreprendre de lutter contre ce courant de l'esprit féodal, pour chercher à mettre un peu d'ordre dans ce cahos, pour opérer une transformation qui froissait l'indépendance et l'orgueil des seigneurs féodaux en cherchant à les soumettre à une autorité supérieure; mais il était soutenu dans cette lutte par un vif sentiment religieux qui le poussait vers l'amélioration des classes inférieures, et aussi par un puissant intérêt, car en améliorant le sort des gens de la campagne, en augmentant leurs ressources, il faisait sa fortune et celle de l'abbaye, et en donnant appui à la royauté contre les seigneurs féodaux il s'élevait également au-dessus d'eux. Cette association sincère de l'Église et de la royauté est un des faits remarquables du XIIe siècle. C'est grâce à elle que nous avons vu Hugues-le-Beau, seigneur du Puiset, être vaincu, et que la sécurité fut ramenée sur les terres environnantes. Toury, par sa proximité, avait depuis longtemps subi le sort des propriétés rurales et se trouvait, par suite de dépradations plus près que jamais d'une ruine complète. 23) Bientôt la paix est rendue à Toury, mais cela ne suffit pas encore. Il faut y ramener l'ordre et le travail. Les secrets de Suger pour produire ce résultat difficile ne manqueront pas de paraître tout simples et tout naturels ; cependant ils seront ||35|| nouveaux pour cette époque. Le premier de tous, et le plus nouveau peut-être, consistera à savoir faire à propos un sacrifice.
  • Le prévost donne aux colons des instruments de travail, il répare les habitations, rend les chemins plus sûrs et plus commodes 24). Mais comme il est impossible de rétablir un ordre quelque peu durable si l'on ne reconstitue en même temps le corps administratif qui doit régir le domaine, et qu'à cette époque, la hiérarchie administrative avait été partout détruite, que la plus extrême confusion régnait entre les divers pouvoirs, que les maires, dont les fonctions consistaient à lever les tailles et à rendre la justice en l'absence des prévôts, s'étaient vu dépouiller par les avoués de cette dernière prérogative, qu'ils n'étaient plus depuis longtemps que les premiers d'entre les serfs, dont ils partageaient les charges humiliantes 25).
  • Suger reconnut donc la nécessité absolue de rétablir à Toury une administration un peu régulière. Une charte précieuse produite par M. Huguenin et qui fut rédigée à cette époque pour le gouvernement de Toury, nous montre en quelque sorte le prévost à l'œuvre dans l'accomplissement de sa nouvelle tâche.
  • Suivant les dispositions de cet acte, le maire redevient, dans toute la force du terme un véritable magistrat; il rendra, comme autrefois, la justice en l'absence du prévost qui lui délègue ses pouvoirs et lui assure des honoraires proportionnés à ses services. 26)
  • Mais il faut que le maire présente pour le ministère qu'il doit remplir, des garanties de probité et d'intelligence; il faut de plus qu'il soit soumis et dévoué à l'autorité supérieure dont il est le représentant. Le maire sera donc élu par l'abbé ou le prévost, et ceux-ci auront le droit de le révoquer s'il manque à ses devoirs ou s'il refuse l'obéissance. 27) Le doyen, officier subordonné au maire qui le choisit lui-même, les échevins, ses assesseurs dans les jugements, sont assujettis de même à leurs devoirs respectifs aussi bien qu'à une subordination rigoureuse, seule garantie d'ordre public. 28) Le prodigieux accroissement de Toury, transformé en petite ville dans le court espace de dix ans, nous atteste à la fois et les talents du prévost et la puissance des moyens qu'il a sa mettre en pratique 29). Aussi nous remarquons qu'il obtint pour Toury une charte par laquelle Louis-le-Gros (1118)
  • “1° Permet à l'abbaye de Saint-Denis, d'y établir un marché tous les vendredis de chaque semaine, et de percevoir tous les droits et profits qui en proviendront;
  • “2° Ôte et supprime toutes mauvaises coutumes et méchantes exactions qui avaient été introduites sur les terres de l'abbaye en Beauce par les comtes du Puiset;
  • “3° Veut et ordonne que les garnisons et forteresses du château de Toury demeurent pour s'en servir au besoin contre les ennemis du royaume;”
  • Grâce à cette charte et aux soins donnés à l'agriculture, en peu de temps la terre de Toury rapporta à Suger trois fois plus qu'à ses prédécesseurs. |37|
  • À cette époque Monnerville était tombée dans la plus profonde misère. “Écrasée sous le joug du seigneur de Méréville de même que sous l'oppression des Sarrazins, elle était réduite à mendier son pain. Ce seigneur de Méréville, suivant sa fantaisie, allait, avec qui bon lui semblait, prendre auberge à Monerville, et là dévorait à pleine bouche tout le bien du paysan. Puis, quand venait la moisson, il avait pour coutume d'enlever la taille et les récoltes. Deux ou trois fois l'an, il ramassait ses bois avec les charrettes de la ville. Les porcs, les agneaux, les oies, les poules, tout ce qu'il pouvait emporter en molestant, rien n'échappait à son habituelle rapacité. Une tyrannie d'aussi longue durée avait déjà presque fait de Monerville une solitude, lorsque Suger résolut de résister vigoureusement à ses vexations, et d'en affranchir l'héritage de Saint-Denis. Il mit en cause le seigneur de Méréville; celui-ci défendit ses coutumes comme un droit qu'il tenait de son père, de son grand-père et de son aïeul. Cependant, avec la grâce de Dieu, le conseil des hommes et de nos amis, il arriva que Hue, le maître du château, de l'aveu de sa femme et de ses enfants, de l'assentiment du roi Louis dont il se déclara le tenancier, reconnut son injustice, fit abandon et remise, abjura à tout jamais, par serment de sa propre main, toutes ses mauvaises coutumes, devant le bienheureux Saint-Denis, ainsi que le rapporte du reste plus amplement la charte de notre seigneur roi Louis. Nous cependant, afin de retenir cet homme dans notre Église, nous lui avons permis de percevoir dans notre cure, par les mains du moine ou de notre servant, deux boisseaux d'Étampes en grains, l'un de froment, l'autre d'avoine. Le susdit village, une fois délivré de ce fléau, lui qui auparavant nous valait à peine dix ou quinze louis, nous rendit dès lors par les mains de nos représentants, cent boisseaux d'Étampes en grains tous les ans, ce qui équivaut à cent livres le plus souvent, selon le prix de la moisson.”30) |38|
  • Après toutes ces réformes, qui amenèrent de si heureux résultats pour la richesse de l'abbaye, pour le bien-être physique et moral des paysans, ainsi que pour l'agriculture, Suger devenait, à la mort de l'abbé Adam, le seul homme capable d'administrer l'immense domaine de Saint-Denis, dont il fut nommé immédiatement abbé. La nouvelle charge était facile à remplir. Établir sur les terres de l'abbaye les mêmes réformes que sur celles de Toury, telle fut l'idée simple et naturelle qui dut venir spontanément à l'idée de Suger. En effet, il ordonna d'abord un recensement général et universel du temporel de l'abbaye; et, comparant le revenu avec la valeur et la quantité des terres ou des domaines, il sut de suite quelles améliorations on pouvait apporter, quels sacrifices on pouvait faire, et quels bénéfices on pouvait espérer; car pour opérer une révolution quelconque, il est toujours nécessaire d'avoir des ressources pécuniaires qui permettent, en détruisant les abus, de ne point déposséder complétement ceux qui les ont fait naître ou qui en profitent, et d'arriver sans secousses, sans violences aux transformations sociales.
  • Par ces mesures, l'avoué n'interviendra plus dans les jugements sans la réquisition de l'abbé, qui reste seul investi de la haute juridiction sur le temporel de son Église. Il la délègue à ses prévosts, à ses maires et à ses échevins ; et dès le moment où l'échevinage prévaut ainsi contre l'avouerie féodale, la justice est rendue avec plus de précaution et d'équité 31). Partout la terre est cultivée, améliorée; la taille est proportionnée au revenu. La part du propriétaire, celle de l'avoué, du maire, des échevins, sont déterminées suivant une mesure que personne ne peut dépasser 32). Les cultivateurs connaissent leurs droits; ils savent ce qu'ils pourront recueillir de leur travail; leur courage est relevé par l'espoir de la propriété qui de jour |39| en jour s'affranchit davantage. De plus, les familles qui ont le courage de venir habiter les refuges de malfaiteurs, sont exemptées de toute taille 33), et ces exemptions appellent de tous côtés les colons qui veulent posséder et vivre en famille. Ainsi se réorganise la société. L'ordre, le bien-être, la moralité se rétablissent sur toutes ces terres. 34)
  • Après avoir restauré tout le domaine de l'abbaye, toujours persuadé qu'on reçoit d'autant plus qu'on sait donner davantage, Suger, voyant encore de grands espaces de terre abandonnés, qui ne rapportaient rien, conçut le dessein de faire des concessions de terrain, de fonder des villes neuves. C'est ce qu'il fit d'abord à Vaucresson, où il construisit un certain nombre de maisons, publiant ensuite un décret qui assurait l'exemption de toute taille, de tout droit coutumier à ceux qui viendraient y habiter. Sur cet appel, soixante familles vinrent dans l'année même s'établir à Vaucresson, et les voleurs s'en éloignèrent 35). Cette terre fut encore une source de richesses pour l'abbaye de Saint-Denis.
  • C'est en suivant ainsi pas à pas Suger dans tout le développement de son génie administratif, qu'on arrive à bien comprendre quelle fut toute la puissance du ministre; car le ministre fut grand parce que l'abbé avait été administrateur intelligent, qu'il avait eu au plus haut degré l'art de répartir dans une sage mesure les ressources acquises, de faire des économies et d'établir d'utiles réserves pour l'avenir, en conservant de ses revenus une large part pour l'agriculture, une autre pour éteindre les dettes, racheter les droits aliénés ou les obligations ruineuses ; une dernière réserve enfin était pour le trésor de l'abbaye. C'est par de semblables moyens qu'il put un jour reconstruire magnifiquement son église, subvenir aux besoins d'une foule de personnes qui recouraient à lui de tous |40| les points du royaume 36), fournir à l'Etat lui -même des sommes considérables, suppléer en partie aux dépenses de la seconde croisade, et préparer à ses frais une autre expédition pour la Terre-Sainte.
  • Louis VI ne pouvait rester étranger à des réformes qui avaient tant augmenté les revenus de l'abbaye de Saint-Denis. Il comprit que les mêmes améliorations pouvaient s'obtenir dans le domaine royal, non-seulement pour la richesse, mais encore pour la centralisation. Il crut donc devoir aussi, par l'attrait d'une protection constante, d'un affranchissement immédiat, par la création de la propriété au profit du travailleur affranchi, moyennant un cens léger pour son habitation, la dîme ou le champart dans le produit de la terre par l'exemption des tailles et du service militaire (ost et chevauché), etc., attirer la population des champs sur les points les plus négligés du territoire, sur ceux qui réclamaient le plus impérieusement la main et le travail de l'homme.
  • Là, le colon encouragé par l'aisance, se sentirait plus attaché au domaine, et au lieu d'une simple agrégation de serfs misérables, se formerait une famille, un petit peuple dans lequel se développerait le sentiment de dignité humaine, où les rapports de l'inférieur avec le maître seraient plus doux, plus naturels, et où l'autorité royale se ferait pacifiquement reconnaître par l'intermédiaire de prévosts, de maires, dont les fonctions étaient analogues à celles rétablies par Suger.
  • En un mot, Louis VI allait créer la ville neuve royale, cette source de richesse, cette arme puissante contre la féodalité laïque, le haut baronnage, l'ennemi commun de l'Église et de la royauté. Sauver la royauté par les paysans, et les paysans par la royauté, tel était le problème à résoudre; en le résolvant les églises se sauvaient elles-mêmes. Et c'est en cela que l'abbé de Saint-Denis est supérieur au ministre. L'abbaye de Saint-Denis était aussi riche que la royauté était pauvre, et le domaine |41| du seigneur roi aussi restreint qu'immenses les possessions du couvent. Mettre au service du roi l'influence morale et matérielle de Saint-Denis sur les campagnes, faire tourner ensuite au profit de ces dernières l'accroissement de la puissance royale, voilà le mérite de son administration : apprendre aux paysans à combattre pour la royauté, à la faire respecter, à la restaurer, à la sauver, et leur présenter ensuite le roi comme leur bienfaiteur, leur sauveur et leur père, voilà le triomphe de sa politique.
  • De son côté le roi mit au service des églises les hommes de ces communautés rurales.
  • Un seul fait, entre mille, prouve combien la fermeté de Louis VI servit mieux les églises et le paysan que la piété et la bonté du roi Robert, l'un de ses prédécesseurs. Sous ce dernier, Fresnay-l'Évêque, village qui n'était encore qu'une métairie appartenant à l'évêque de Chartres, fut, à plusieurs reprises, pillée et brûlée par le vicomte de Châteaudun. L'évêque se plaignit au roi qui ne sut venger ni les injures de l'Église, ni les maux du paysan. Sous Louis le-Gros, au contraire, Fresnay-l'Évêque obtint une remarquable charte de priviléges. Le roi était arrivé à estimer tellement les Beaucerons, que dans la guerre contre l'empereur Henri V, il voulut combattre dans leurs rangs. “Avec eux, s'écria-t-il, je combattrai avec autant de sécurité que de courage. Après nos saints patrons, je n'ai point de plus braves soutiens; ce sont mes compatriotes. Avec eux j'ai vécu familièrement, si je dois vivre, ils m'aideront à vaincre. Si je meurs ils ne laisseront point mon corps à la merci des ennemis.” 37)
  • Aussi les priviléges les plus importants étaient-ils ceux qui allaient être accordés en Beauce pour les villages de nouvelle fondation, pour ces communautés rurales que le roi prenait sous sa protection immédiate. Et quel endroit du domaine royal attirerait d'abord l'attention du roi? Quel terrain pouvait |42| mieux servir à la spéculation, à la fondation d'une ville neuve qu'un certain territoire situé au milieu des propriétés de Saint-Denis, sur les limites du domaine d'un puissant seigneur féodal, que le territoire d'Angerville, par exemple, qui était comme naguère celui de Monnerville, de Rouvray, gâté et réduit en solitude? Là, les colons subiraient l'influence de ceux de Saint-Denis; ils s'irriteraient contre la brutalité, l'arrogance, des seigneurs de Méréville, et apprendraient essentiellement à reconnaître le roi comme leur seul maître et leur protecteur. Quelle distance enfin pouvait être mieux choisie pour l'établissement d'un relai que celle qui séparait la distance d'Étampes au Puiset par moitié? Aussi Louis-le-Gros, dès l'année 1119, un an seulement après l'établissement des foires et marchés de Toury, fonda à Angerville une des premières villes neuves royales. Après Angerville, ce fut Beaune-la-Rolande qui eut les faveurs du roi, et enfin Lorris, dont la charte ou coutume fut enviée et empruntée non-seulement par les villages, mais aussi par beaucoup de villes. L'affranchissement de Lorris, contrairement à l'opinion de M. Combes, doit être, selon toute vraisemblance d'après la remarque judicieuse de M. Huguenin, placée après celui d'Angerville et de Beaune-la-Rolande. En effet, dans la charte de Beaune, l'abbé de Saint-Denis obtint l'abolition de certaines exactions exercées par les officiers royaux et connues sous le nom de procurations. Or, on trouve dans la coutume accordée à Lorris que le roi n'aura plus de droit de procuration sur les habitants de cette ville. “Nec à nobis habebunt procurationem,” et dès-lors ce serait après 1122 qu'il faudrait placer cet événement resté sans date précise. Ainsi Angerville aurait été la première des villes neuves royales, parmi lesquelles on remarque encore Villeneuve-le-Roi, près Auxerre (1163), Villeneuve, près d'Étampes (1169), Villeneuve près de Compiègne (1177) 38), etc.
  • Mais, à ces petites localités qui ont reçu et gardé le nom de |43| Villeneuve, si l'on ajoute cette myriade de bourgs et villages de la Beauce dont les noms se terminent en ville, et qui nous rappellent ainsi leur origine de métairies, on comprendra combien a dû être considérable le nombre de colonies agricoles. Une remarque qui n'a peut-être pas encore été faite, c'est que tous les villages de Beauce dont le nom ne se termine pas en ville, indiquent une origine reculée. Ces priviléges accordés à tant de villages de la Beauce sont un fait bien remarquable; car, à cette époque, le village s'impose pour ainsi dire à la ville. C'est lui qui est à la tête du mouvement réformateur. On conçoit du reste que le roi ne pouvait d'abord faire reconnaître son autorité aux villes, qui aimaient souvent mieux s'affranchir spontanément et ne relever que d'elles-mêmes. Cependant, le temps viendra où les cités orgueilleuses se rendront au roi. C'est ainsi qu'Étampes demandera un prévost royal et changera une charte de liberté communale devenue trop anarchique contre une charte plus sûre de ville royale. Telle fut donc l'importance de ces communautés rurales qui furent si favorables au développement de l'unité nationale, aux progrès de l'agriculture.
  • Mais indépendamment de la création des villes neuves, on trouve encore dans d'autres actes des règnes de Louis VI et même de Louis VII, le reflet marqué ou plutôt la reproduction évidente des principes appliqués par Suger au gouvernement temporel de son Église. Ainsi, une charte délivrée aux habitants d'un lieu nommé les Muraux (Murallia), dans le territoire de Notre-Dame-des-Champs de Paris, contient exactement les franchises et les priviléges que nous avons vu Suger accorder en quelques circonstances aux vassaux de Saint-Denis. 39) |44|
  • Il en est de même des conditions accordées par une ordonnance de 1123 aux familles qui viendront habiter le Marché Neuf, établi près de la ville d'Étampes 40). Ce document nous montre Louis VI attentif à protéger aussi la liberté du commerce et la sûreté des voyages. 41)
  • En trouvant dans Angerville les germes d'une ville neuve, nous étions, par sa position, naturellement portés à croire qu'elle appartenait à Saint-Denis. Malheureusement, dans la longue énumération que Dom Félibien fait des possessions de l'abbaye, Angerville n'est pas citée. Il est évident que si elle avait été fondée par eux, si elle leur eût appartenu, il en eût été question. Mais cpmme le plus grand silence règne à cet égard, nous sommes donc forcés de conclure que son territoire, bien qu'entouré des possessions de Saint-Denis, bien que située entre Toury et Monnerville, appartenait au roi.
  • Au surplus le nom de Villeneuve écrit pour ainsi dire à ses portes et qui désigne encore aujourd'hui un petit village voisin, prouve qu'Angerville, dans le principe, a participé aux priviléges des villes neuves. Dans un temps où régnait cet axiome: nulle terre sans seigneur, nul seigneur sans terre. Elle n'eut ni seigneur proprement dit, ni avoué ou vidame comme les terres d'obédience. Elle eut des maires, et la charte d'Angere regis dit de même: “Amodo majoritatem habeat valdericus et haeres ejus.” Ces traces de mairie, nous les retrouvons plus loin.
  • Les maires d'alors n'étaient pas, comme jadis, d'humbles tenanciers soumis à des redevances onéreuses ainsi qu'à des services pénibles de tous les jours. C'étaient de véritables représentants du pouvoir. |45|
  • Les religieux de Saint-Denis furent d'ailleurs les instigateurs très-intéressés de ces nouvelles mesures de la royauté à l'égard des campagnes. Quoique l'occupation du territoire d'Angerville fût pour eux de la dernière importance, comme devant rattacher leurs possessions de Toury, de Rouvray à celles de Monnerville et de Guillerval, ils étaient trop occupés de restaurer, de relever leurs possessions si souvent mises en péril, de les soustraire à l'oppression des seigneurs environnants, aux envahissements des châtelains de Méréville, pour songer à fonder sur ce point de nouveaux bourgs, à cultiver de nouveaux terrains. Le château de Méréville était trop voisin d'Angerville pour que les soins que réclamait ce dernier territoire ne fussent pas abandonnés à l'initiative royale : de là les lettres d'Angere regis. Plus tard, quand la petite colonie serait fondée, quand le territoire serait en voie de culture, il serait temps alors d'effacer le génitif regis et d'y subsituer la terminaison commune de villa, de faire en un mot d'Angere regis Angere villa, Angerville.
  • Quand la royauté eut affermi son pouvoir, qu'elle eut subjugué les villes, elle négligea le village, et les privilèges dont il avait joui ferrent abandonnés ou se fusionnèrent dans les coutumes. On vit même les maires s'établir comme de petits seigneurs dans les terres de leur office, qu'ils s'étaient en grande partie appropriées, et dont ils rendaient la propriété héréditaire dans leur famille, créant ainsi de petites seigneuries qui devenaient rivales de l'abbaye. Aussi les voit-on avoir des contestations violentes avec l'abbé et les moines, et lutter d'autorité avec eux. Et c'est sans doute pour un sujet semblable que nous voyons le 5 février 1322, Jean, maire d'Angerville, appelé devant le tribunal des frères hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem. 42) |46|
  • La maltôte de Philippe-le-Bel, paralysa aussi le bienfait des priviléges accordés sous les règnes précédents. Les exigences toujours croissantes du fisc effrayèrent les cultivateurs; les guerres civiles des Armagnacs et des Bourguignons, les désastres de la guerre de cent ans les forcèrent de chercher un refuge dans l'Église. Monseigneur Saint-Denis leur parut plus sûr et moins coûteux que le seigneur roi: et celui-ci, toujours pressé par des besoins pécuniaires, ne manqua jamais d'accorder aux religieux de Saint-Denis les lettres d'amortissement nécessaires. Et voilà comment les priviléges primitivement accordés à Angerville furent sinon complétement effacés, du moins à peu près annihilés, oubliés, perdus. Selon toute apparence, les moines de Saint-Denis en possédaient seuls la clef, résolus de la faire revivre en cas d'usurpation de la part de quelque seigneur, ou de la tenir dans l'ombre tant qu'ils jouiraient eux-mêmes paisiblement.
  • La dernière trace de ces priviléges qui soit restée à Angerville, et qu'on trouvait encore à la fin du dernier siècle, consistait en une sauvegarde royale, située sur l'emplacement actuel de la brasserie. C'était un lieu de refuge, une espèce d'asile où le malfaiteur lui-même devenait pour un moment inviolable, en se disant homme du roi: souvenir remarquable d'un temps où les villes neuves se peuplaient, au nom du roi de serfs fugitifs.
  • Il serait bien difficile d'indiquer le moment précis où les |47| religieux de Saint-Denis commencent à posséder des terres autour d'Angerville. La fondation d'une maladrerie fut peut-être l'occasion à la faveur de laquelle il commencèrent à s'y établir. Mais nous sommes réduits à cet égard à une pure supposition, faute de titres. On sait que les croisés avaient rapporté la lèpre des contrées de l'Orient, et que, dès le temps de Saint-Louis, il y avait en France deux mille maisons de lépreux. Pour écarter la contagion des villes, on fonda des léproseries dans les campagnes. Les religieux de Saint-Denis en avaient établi dans tous leurs villages. Toury en eut une qui fut plus tard réunie à son hôpital par une ordonnance de Louis XIV 43). Angerville dut peut-être la sienne au roi. L'établissement de cette maladrerie, dont il na reste plus aucune trace, nous est démontré par l'existence d'un fief qui y était situé.
  • On sait que les lépreux étaient conduits à la maladrerie en procession, et avec des cérémonies dont les anciens rituels ont conservé le détail. Un prêtre allait chercher le lépreux dans le lieu qu'il habitait, et le conduisait à l'église étendu sur une civière, et couvert d'un drap noir comme un mort. Il chantait le Libera en faisant la levée du corps. A l'église, on célébrait la messe indiquée par le rituel pour ces cérémonies. Après la messe, on portait le lépreux, toujours couvert d'un drap noir, à la porte de l'église; le prêtre l'aspergeait d'eau bénite, et on le conduisait processionnellement hors de la ville, en continuant de chanter le Libera. Lorsque le cortége était arrivé à l'hôpital situé hors de la ville, le prêtre adressait les défenses suivantes au lépreux qui se tenait debout devant lui: Je te défends d'entrer dans les églises, aux marchés, aux moulins, fours, et autres lieux dans lesquels il y a affluence de peuple. Je te défends de laver tes mains et les choses nécessaires pour ton usage dans les fontaines et ruisseaux, et, si tu veux boire, tu dois puiser l'eau avec un vase convenable. Je te défends d'aller en autre habit que celui dont usent les lépreux, etc.
  • Le plus ancien titre des abbés et couvent de Saint-Denis à Angerville, remonte à la fin du XIIIe siècle. En 1295, le bailly d'Orléans les maintint par sentence dans la justice, sur certains lieux situés à Angerville-la-Gaste, à l'encontre de messire Jean de Linières, seigneur de Méréville, et ordonna au prévost de Janville d'en faire ressaissir lesdits abbés. 44) Ce n'est qu'en 1303, sous le règne de Philippe-le-Bel, que les religieux de Saint-Denis, dans un acte passé devant le prévost de Janville, entre eux et Gilles de Poinville, y jetèrent les fondements de cette puissance qui les en fit plus tard seigneurs pour la plus grande partie. De cet acte 45) il résulte:
  • 1° Que les religieux essaient de faire revivre d'anciens droits de leur église sur le territoire d'Angerville, droits qu'ils rachètent de Gilles de Poinville qui se reconnaît leur feudataire;
  • 2° Que ces religieux, quoique déjà possesseurs de terrains autour d'Angerville, n'avaient point encore de maison dans le bourg;
  • 3° Qu'il existait un droit de champart indivis entre plusieurs titulaires et qu'on le prélevait comme pour un seul, indivision qui prouve l'origine une et simple de champart, indiquée par les lettres relatives à Angere regis (Si verò eas terras ad messem colere vellent, decimam vel campi partent indè darent);
  • 4° Que, les moines de Saint-Denis devenus par acquisition propriétaires du quart de ce champart indivis, et pour faire cesser toute indivision, moyennant le droit de prélever à part celui de leurs propres terres, et comme cette concession ne leur fournit pas encore l'équivalent de leur droit ou quart du |49| champart indivis, ils auront la dîme sur toutes les autres terres.
  • Vingt-trois ans plus tard, en 1326, Gilles de Poinville fait un nouvel aveu à l'abbé de Saint-Denis pour un fief consistant en un hébergement avec dépendances, pour le fief de la mairie, pour un autre hébergement dit du Champ-de-l'Oë (Chant-du-Coq), et quelques biens situés à Beaudreville et à Cotignonville. 46) A n'en pas douter, Angerville, à l'époque de Philippe-le-Bel, n'était pas une commune, ni même un village bien formé, c'était un hameau constitué par quelques chaumières groupées autour d'une modeste chapelle, et qui ne jouait aucun rôle politique. Ainsi, quand le roi en querelle avec le pape pour une malheureuse question d'argent, comprenant la nécessité de s'appuyer sur le sentiment national, convoqua les états généraux, on n'y voit point de député d'Angerville. Cependant Pussay et Méréville, ainsi que le témoigne un acte de 1308 47), se trouvaient dans des conditions plus avantageuses. Sans doute que ces villages étaient alors plus importants qu'Angerville. Mais, si Angerville n'a pas comme ses voisines l'honneur de figurer dans les rangs du Tiers-État, honneur qui, suivant Pasquier, a toujours coûté cher, puisqu'au dire de cet auteur: “Jamais on n'assemble les trois États en France sans accroître les finances de nos rois à la diminution de celles du peuple,” Angerville n'offre-t-elle rien d'intéressant? Bien au contraire. N'est-il pas curieux de rencontrer, dans une bourgade du XIIe siècle, l'action simultanée de Saint-Denis et de la royauté, comme elle exista dans les plus hautes régions de l'administration. Mais sur cet étroit terrain, Saint-Denis et roi, Suger et Louis VI, abbaye et royauté, se confondent si bien, que lorsque l'enfant aura grandi et voudra distinguer son véritable père, il y sera fort embarrassé. Tel est le nœud gordien de l'histoire d'Angerville. Moins fier qu'Alexandre, nous ne prétendons pas le trancher; nous nous efforcerons modestement de le dénouer.

CHAPITRE IV.

  • Confirmation de la charte d'origine d'Angerville. — Guerres civiles. — Farines de la Beauce. — Guerre anglaise. — Bataille des Harengs.
  • Les privilèges de notre village royal étaient trop marqués du cachet des circonstances dans lesquelles ils prirent naissance et du temps où ils furent accordés, pour n'être pas en grande partie éphémères. Il y en avait pourtant de solides et de durables. Sa mairie héréditaire devait sans doute par succession ou par mariage y engendrer de petites seigneuries féodales. Le défaut de circonscription territoriale, le voisinage des feudataires de la fameuse abbaye et du château de Méréville, ne pouvaient manquer de nuire à ses franchises; mais du moins nul de ses seigneurs ne pouvait y introduire de mauvaises coutumes. Nul ne pouvait s'y arroger la justice qui n'appartenait qu'au roi et, seule, la justice faisait le véritable seigneur. Nul enfin n'avait le droit de l'entraîner à sa suite, dans ces guerres privées qui furent l'un des fléaux du moyen-âge, et ses habitants ne se levaient qu'en masse, ne marchaient qu'en communauté et pour cause générale (nisi per communitatem ire omnes juberentur). Si donc la royauté fût toujours restée pour eux tutélaire comme celle des Capétiens, de tels privilèges eussent par eux-mêmes assuré l'avenir d'Angerville. Mais, à partir de la dynastie des Valois, commence pour les campagnes une ère de douleurs où, aux mutations continuelles |51| des monnaies, aux exigences du fisc, aux malheurs de la royauté, se mêlent les horreurs de cette longue guerre de cent ans, que la France soutint contre l'Angleterre.
  • Le temps des lettres de Louis-le-Gros était passé, à quoi pouvaient servir les exemptions d'ost et de chevauchée? Les privilèges n'étaient plus que vains mots et lettres mortes, si l'on ne trouvait des protecteurs capables de les faire valoir, intéressés à les conserver. Cette double condition se trouvant réalisée dans la personne des abbés et couvent de Saint-Denis, faut-il s'étonner qu'Angerville ait couru d'elle-même au-devant de cette protection? Il y resta néanmoins toujours un noyau d'habitants, une partie des terres qui ne dépendaient que du roi, comme nous le verrons plus loin, et certains seigneurs de son territoire restèrent vassaux immédiats de la couronne; mais la plus grande partie des nobles et habitants d'Angerville se rangèrent peu à peu sous la bannière de Saint-Denis.
  • Dès l'an 1357, le 20 juillet, nous trouvons un aveu rendu à l'abbé de Saint-Denis, par Jean Dupont et damoiselle Gilelte Dupont, sa sœur, pour un fief sis à Angerville-la-Gaste, appelé les Murs, consistant en un hébergement, cours, vergers et dix muids de terre en plusieurs pièces au dit aveu;
  • Item. Sont mouvans du dit fief plusieurs fiefs tenus du dit avouant et en arrière-fief du dit abbé, savoir: un fief, tenu par Sévin de Bierville, consistant en un hébergement appelé Chant-à-l'Oë, situé au bout d'Angerville, et cinq muids de terre en plusieurs pièces;
  • Item. Un autre fief par Jean Chartier, consistant en un muid de terre au terroir de Beaudreville, et deux fiefs mouvants dudit Chartier, consistant en douze mines de terre et droit de champarts au terroir de Gommerville;
  • Item. Girard Mignon tient desdits avouants un fief consistant en un hébergement sis audit Angerville, maisons, cours, vergers et terres labourables, en plusieurs pièces énoncées audit aveu;
  • Item. Un autre fief tenu par la femme de Guyot-Touchart, |52| consistant en une maison et terres, sises au dit Angerville, déclarées aux aveux;
  • Item. Un autre fief que tient Jean de l'Avantage, consistant en un hébergement et terres, déclarés au dit aveu ;
  • Item. Un autre fief tenu par Périn-Bourdeau, consistant en plusieurs pièces de terre, contenues audit aveu;
  • Item. Un autre fief, possédé par Philippe, de La Selle, contenant quatre mines et demie de terre sises à la TerreNoire;
  • Item. Thomas le Maistre tient un fief consistant en quatre mines de terre sises à la Pierre-du-Bois;
  • Item. Girard du Tartre tient un autre fief consistant en neuf mines de terre sises à la Maladrerie;
  • Item. Thomas le Maistre tient en fief trois mines de terre, sises à la Terre-Noire;
  • Item. Les héritiers Macé-Fougemaille tiennent en fief une maison à Angerville;
  • Item. M. Estienne Chenu, curé dudit Angerville, tient en fief douze livres de rente aux terroirs de Gommerville et de Beaudreville, tant en terres labourables qu'en censives;
  • Item. Toutes les dîmes de terres appartenant audit hébergement des Murs;
  • Item. Les champarts et les dîmes prises et levées sur les habitants qui sont sous la justice dudit sieur abbé, à la réserve de ce qu'il est tenu de Jean de Fraville, escuier;
  • Item. La justice moyenne ou basse appartenant au dit hébergement, terres et champarts en dépendant, lesquels champarts sont payables, sous peine de soixante sols parisis d'amende, sous le sceau du dit mouvans, le vingtième juillet 4357. 48)
  • En 1374, nouvel aveu rendu à l'abbé de Saint-Denis, par damoiselle Gilette Dupont, dame de Vau-Richard, du fief des |53| Murs, sis à Angerville-la-Gaste, et arrière-fiefs en dépendant, presque conforme à celui rendu par icelle et Jean Dupont, son frère, du 20 juillet 1357, cy-dessus;
  • “Celui-ci est passé sous le scel de la prévosté de Méréville, le vendredy après la fête de la Magdelaine. 49)
  • “En 1377, nouvel aveu rendu à l'abbé de Saint-Denis, par Guillaume Prunelle 50), d'un fief consistant en dix livres de cens sis à Angerville-la-Gaste 51).
  • “En 1400, nouvel aveu rendu à l'abbé de Saint-Denis, par Perette du Magnat, veuve de M. Reilhac, du fief des Murs, d'Angerville-la-Gaste, conforme aux aveux cy devant, du 20 juillet 1357, du vendredy après Infeste de la Magdelaine 1374, le priseur sous le scel de la dite avouante, le 30 octobre.”
  • Dans tous ces aveux successifs on peut observer la progression, toujours croissante à certain égard, de la puissance des abbés. Il leur importait à coup sur d'assurer la tranquillité, la sécurité de leurs vassaux et fermiers. Ils étaient presqu'aussi intéressés que les habitants d'Angerville au maintien de quelques-uns de leurs privilèges. Mais, parmi ces priviléges, il en était un qui ne pouvait se concilier avec leur prétention à la seigneurie d'Angerville: c'était la justice royale. Ils n'avaient pas encore osé s'emparer de la haute justice; mais déjà, comme le prouvent les aveux cités, ils exerçaient la moyenne et basse sur tous les habitants de leurs terres.
  • Tel était l'état des choses, lorsque l'an de grâce mil trois cent quatre-vingt-onze et le quatrième jour de novembre, le roi Charles VI, se trouvant à Orléans, confirma les lettres accordées par Louis-le-Gros à Angerville, comme on peut le voir au tome VII des Ordonnances des rois de France, page 434. Dans ces nouvelles lettres, Angerville garde son vieux nom, son primitif d'Angere regis, et cela, par une raison bien |54| simple, c'est que la confirmation de Charles VI, fut écrite en latin, comme les lettres des priviléges qu'elle confirme. 52)
  • Maintenant, si l'on nous demande dans quelles circonstances et pour quel motif ces privilèges avaient eu besoin d'être confirmés, le voici: Charles VI avait donné à son frère Louis le duché d'Orléans, à titre d'apanage. Angerville se trouvant située dans l'Orléanais, ses habitants, ou plutôt les religieux de Saint-Denis, craignirent que les priviléges locaux ne fussent pas suffisamment respectés sous cette nouvelle direction, et que leur seigneurie n'en reçût quelque atteinte. Ils demandèrent donc et obtinrent, comme on vient de le voir, la confirmation des lettres de Louis-le-Gros. On peut s'assurer, en ouvrant le tome VII des Ordonnances des rois de France, que Charles VI confirma, dans la même circonstance et pour le même motif, un grand nombre de lettres de privilèges, accordées par le même roi à divers autres lieux situés, comme Angerville, dans l'Orléanais. Nous n'en citerons, comme exemple, que la ville de Toury en Beauce, et celle de Beaune en Gâtinais. Les abbés de Saint-Denis dont elles dépendaient s'empressèrent, à la suite de cette mutation survenue dans le domaine royal, de demander que le siège des appels de leur justice de Toury fût transporté à Montargis, et celui de leur justice de Beaune à Cépoy.
  • Les lettres suivantes de Charles VI répondirent à leur demande : « Charles, etc., savoir faisons à tous présents et à venir que, ouï la supplication de nos bien-amez les religieux, abbé et couvent de Saint-Denys en France, et leur prévost de Beaune en Gastinois et de Thoury en Beauce, membre de notre dite église, contenant que, à cause de leur fondacion, eulx, tant en chiefs comme en membres, sont en la garde, ressort et souveraineté de nous et nos officiers sans moyen et sont privilégiés, eulx, leur justice et subjetz à ressortir du siège royal, être et pouvoir demourer soubz la couronne de France |55| sans moyen et non ailleurs sans ce qu'ils en pussent être mis hors, en ce que aucun ne les puisse contraindre de ressortir, ne respondre ailleurs que par devant nous et nos officiers, pour ce que nous avons nouvellement baillé et transporté le dit duché d'Orléans à notre très chier et amé frère le duc d'Orléans. Ils nous ont requis que nous leur veuillons pourveoir de ressort, nous, inclinant à leur supplication, considérant les choses dessus dites aulx dits suppliants, avons octroyé et octroïons par ces présentes de grâce espéciale que dores en avant en ce qui touchera et regardera leurs terres et suhjetz des dits lieux de Beaune en Gastinois et de Thory en Beausse, ils ressortissent pardevant notre bailly de Montargis et de Cépoy, etc. Donné à Paris au moys de janvier l'an de grâce mil CCC quatre vingt douze.” 53) C'est-à-dire deux mois après les lettres confirmatives des privilèges d'Angerville. L'identité du motif qui fit confirmer les lettres d'Angerville et les priviléges de Saint-Denis à Toury et à Beaune, n'est-elle pas clairement établie par ce rapprochement des dates? Remarquons cependant que dans cette circonstance, les religieux de Saint-Denis ne font pas pour Angerville, comme pour Toury, Beaune, etc., une demande directe.
  • Les habitants d'Angerville, en cette occasion comme en certaines autres semblables que nous signalerons postérieurement, sont mis en avant. Donc Angerville était, à l'égard du couvent de Saint-Denis, dans une situation différente de celle de Toury, Beaune, etc.; donc on ne pouvait encore méconnaître qu'elle appartenait au roi; donc elle jouissait ou avait joui de priviléges émanés du roi. Quelques années plus tard, Charles VI est atteint de démence. Le duc d'Orléans et celui de Bourgogne se disputent le pouvoir. Cette rivalité, poussée jusqu'à la haine, amène l'assassinat du duc d'Orléans par les gens du duc de Bourgogne. L'audace d'un tel crime, l'impunité |56| du coupable, et surtout la grande puissance de la maison de Bourgogne, liguent contre Jean-sans-Peur les autres princes et grands vassaux. Un rendez-vous est pris à Gien; l'on y signe un traité d'alliance contre le Bourguignon (1410). Le comte d'Armagnac, beau-père du fils aîné du duc assassiné, donne son nom à la ligue des Armagnacs et la guerre civile est allumée. Si la guerre civile est partout plus funeste que la guerre contre l'étranger, cela est particulièrement vrai en ce qui concerne la Beauce. En effet, dans les guerres avec l'étranger, la capitale est rarement menacée, rarement mise en péril; mais dans les guerres civiles, l'un des deux partis qui sont aux prises, tenant Paris qui est la tête de la France, se le voit presque toujours disputé par l'autre. La Beauce était, surtout à cette époque, le véritable grenier de Paris. En s'emparant des principaux points de son territoire, en détruisant ses moissons, en incendiant ses blés, en saccageant ses villes, on interceptait, on arrêtait les approvisionnements, on coupait les vivres à Paris, et la famine, avec toutes ses horreurs, frappait aux portes de la capitale aux abois. L'histoire nous apprend qu'une semblable manœuvre signala presque toutes les guerres civiles en France. Ainsi, le duc de Berry, l'un des chefs des Armagnacs, étant comte d'Étampes, il devint nécessaire d'en faire le siége. Nous ne nous écartons donc pas de notre sujet en montrant combien il importait, surtout au moyen-âge, que la Beauce ne sortît pas du domaine royal, ou ne tombât du moins qu'en des mains pacifiques et amies comme celles des abbés de Saint-Denis.
  • Le roi Charles VI n'était pas encore descendu dans les caveaux de l'illustre abbaye, que déjà la Beauce appartenait presque tout entière aux Anglais, forts de nos discordes civiles. Avant le siége d'Orléans, où commence la série de leurs défaites et le rétablissement des affaires de Charles VII, les dernières places dont ils s'emparèrent sont: ce même château du Puiset, détruit par Louis-le-Gros et reconstruit sous ses successeurs, les forteresses de Toury et Janville. C'est de là |57| que le comte de Salisbury alla mettre le siége devant Orléans, et c'est pendant ce mémorable siége qu'eut lieu le combat de Rouvray, plus connu sous le nom de bataille des Harengs. Rouvray est si près d'Angerville que cette dernière peut aussi revendiquer cette bataille comme un souvenir local, d'autant mieux que dans la matinée du 12 février le convoi de vivres était passé à Angerville 54). Cette raison nous fait presque un devoir de la retracer, et pour cela nous empruntons l'un des récits contemporains qui en furent faits: “Le vendredy 11 février 1429, se partirent d'Orléans messire Guillaume d'Alebret, messire Guillaume Estuart, frère du connestable d'Escosse, le mareschal de Sainte-Sévère, le seigneur de Graville, le seigneur de Sainctes-Trailles Poton, son frère, la Hire, seigneur de Verduzan, et plusieurs aultres chevaliers et escuiers accompaignez de quinze cens combatans, et tendans eulx trouver et assembler avecques le comte de Clermont pour aler au devant des vivres et les assaillir. Et celluy meisme jour se partit pareillement celluy conte de Clermont, et feit tant qu'il vint à tout sa compaignie en Beausse à un village nommé Rouvroy-de-Saint Denis, qui est à deux lieues d'Yenville. Et quand ilz furent tous assemblez, ilz se trouvèrent de trois-à quatre mile combatans, et ne s'en partirent jusques à lendemain environ trois heures après midy.
  • “Celluy jour du lendemain, qui fut le samedy, douziesme jour de février, veille des Brandons, messire Iehan Fascot, le bailli d'Evreux pour les Anglois, messire Simon Morhier, prévost de Paris, et plusieurs autres chevaliers et escuiers du païs d'Angleterre et de France, accompaignez de quinze cens combatans, tant Angloys, Picards, Normans que autres gens de divers païs, amenoient environ trois cens que charriotz et charrettes chargez de vivres et de plusieurs habillemens de guerre, comme canons, arcs, trousses, traicts, et aultres choses, les menans aux autres Angloys tenans le siège d'Orléans. Mais |58| quand ilz sceurent par leurs espies la contenance des Françoys et congnurent que leur intention estoit de les assaillir, ilz s'encloyrent et feirent ung parc de leur charroy et de faulx aguz en manière de barrière, lessant une seule longue et estroicte yssue ou entrée, car le derrière de leur parc ainsi clos de charroy estoit large, et le devant long et estroict : ouquel celle yssue ou entrée estoit tellement, que par là convenoit entrer qui les vouloit assaillir. Et ce faict se mirent en beile ordonnance de bataille, actendans là vivre ou mourir: combien que d'eschapper n'avoient guères d'espérance, considérans leur petit nombre contre la multitude des Françoys; qui tous assemblez d'ung commun accord, conclurent que nul ne descendroit des chevaulx, sinon les archers et gens de traict, qui en leur venue faisoient devoir de tirer.
  • “Après laquelle conclusion, se mirent devant la Hire, Poton, Saulton, Canède et plusieurs autres venans d'Orléans, qui estoient environ quinze cens combatans, qui furent advertiz que les Angloys amenans les vivres venoient à la file, non ordonnez et sans avoir nulle suspeccion d'estre surprins: parquoy ilz furent tous d'une mesme opinion qui les assauldroient ainsi qu'ilz venoient despourveuëment. Mais le conte de Clermont manda plusieurs fois et par divers messages à la Hire et autres ainsi dispos d'assaillir leurs adversaires, et qu'ilz trouveroient en eulx tant grand avantage, qu'ilz ne leur feissent aucun assault jusques à sa venue, et qu'il leur amèneroit de trois à quatre mil combatans moult désirans d'assembler aux Angloys. Pour l'honneur et amour duquel ilz délaissèrent leur entreprise à leur très-grant déplaisance, et sur tous de la Hire, qui démonstroit l'apparence de leur dommaige, en tant que on donnoit espace aux Angloys de eulx mectre et serrer ensemble. Et avecques ce d'eulx fortifier de paulx et de charriots. Et à la vérité la Hire et ceulx de sa compaignie partiz d'Orléans estoient arrestez en ung champ, au front et tant près des Angloys que très-légièrement les auoient veuz, comme est dit, venir à la file, et eulx fortifier; dolens à |59| merueilles de ce qu'ilz ne les osoient assaillir, pour la deffence et continuelz messaiges d'icelluy conte de Clermont, qui toujours s'approuchoit au plus qu'il povoit.
  • “D'autre part, porta aussi moult impaciamment celle attente le connestable d'Escosse, lequel estoit pareillement venu là près, à tout environ quatre cens combatans, où avoit de bien et vaillans hommes. Et tellement que ainsi que entre deux et trois heures après midy approuchièrent les archers et gens de traict françois de leurs adversaires, dont aucuns estoient ià sailliz de leur parc, qu'ilz contreignirent reculler très-hastivement, et eulx rebouter dedans, par force de traictz dont ilz les chargèrent tant espessement qu'ilz en tuèrent plusieurs, et ceulx qui peurent reschapper, s'en rentrèrent dedans leur fortification avecques les autres. Pourquoy et lors quand le connestable d'Escosse veit qu'ilz se tenoient ainsy serrez et rangez sans monstrer semblant d'issir, il fut par trop grant' chaleur tant désirant de les vouloir assaillir, qu'il despeça à toute force l'ordonnance qui avoit esté faicte de tous, que nul ne descendist. Car il se mist à priez sans actendre les aultres, et à son exemple et pour luy ayder, descendirent aussi le bastard d'Orléans, le seigneur d'Orval, messire Guillaume Estuart, messire Iehan de Mailhac, seigneur de Chasteaubrun et viconte de Bridiers, messire Iehan de Lesgot, le seigneur de Verduzan, messire Loys de Rochechouart, seigneur de Montpipeau, et plusieurs autres chevaliers et escuiers avecques environ quatre cens combatans, sans les gens de traict, qui ia s'estoient mis à pied, et auoient reboutez les Angloys et faict moult vaillamment; mais peu leur valut: car quant les Angloys virent que la grant' bataille, qui estoit assez loing, venoit laschement, et ne se joignoit avec le connestable et les autres de piet, ilz saillirent hastivement de leur parc, et frappèrent dedans les Françoys estans à piet, et les mirent en désarroy et en fuite, non pas toutesfois sans grant'tuerie, car il y mourut de trois à quatre cens combatans françois.
  • Et oultre ce, les Angloys non saoulez de la tuerie qu'ilz avoient |60| faicte en la place devant leur parc, s'espandirent hastivement par les champs chassans ceulx de piet, tellement qu'on veoit bien douze de leurs étendars loing l'un de l'auttre par divers lieux à moins d'ung traict d'arballeste de la principalle place où avoit esté la desconfiture. Parquoy la Hire, Poton et plusieurs autres vaillans hommes, qui moult enviz s'en alloient ainsi honteusement et s'estoient tirez ensemble près du lieu de la destrousse, rassemblèrent environ soixante ou quatre-vinz combatans qui les suyvoient cà et là, et frappèrent sur les Angloys ainsi espars, tellement qu'ilz en tuèrent plusieurs. Et certes se tous les aultres Françoys feussent ainsy retournez qu'ilz feirent, l'honneur et le proufit du jour leur fust demouré; combien que paravant avoient esté là mors et tuez plusieurs grans seigneurs chevaliers, escuiers, nobles et vaillans cappitaines et chiefs de guerre. Et entre lesquelz y furent tuez messire Guillaume d'Alebret, seigneur d'Orval, messire lehan Estuart, connestable d'Escosse, messire Guillaume Estuart, son frère, le seigneur de Verduzan, le seigneur de Chasteaubrun, messire Loys de Rochechouart et messire lehan Chabot avecques plusieurs aultres, qui tous estoient de grant noblesse et très-renommée vaillance. Les corps desquels seigneurs furent deppuis apportez à Orléans et mis en sépulture dedans la grant église dicte Saincte-Croix, là où se feist pour eulx beau service divin. De celle bataille eschappa entre autres le bastard d'Orléans, ostant ce que dès le commencement avoit esté blecé d'un traict au pied: parquoy deux de ses archers le tirèrent à très-grant' peine hors de la presse, le montèrent à cheval et ainsy le sauvèrent. Le conte de Clermont, qui ce iour auoit esté faict chevalier, ne toute la grosse bataille, ne firent oncques semblant de secourir les compaignons, tant parce qu'ilz estoient descendus à pied contre la conclusion de tous comme aussy parce qu'ilz les voiaient presque tous tuez devant eulx. Mais si tost qu'ilz apperceurent que les Angloys en estoient maistres, ilz se mirent en chemin vers Orléans, en quoi ne firent pas honnestement, mais honteusement. Et ilz eurent assez d'espace eux en |61| aller. Car les Angloys ne les chassèrent pas, obstant ce que la part estoient à pied et qu'ilz plus scauoieut les Françoys estre le plus grant nombre qu'ilz n'estoient. Combien que tout l'honneur et le proufit de la victoire en demoura aux Angloys, dont estoit chef pour lors messire Iehan Foscot, avecque lequel estoit aussy messire Thomas Rameston, qui pareillement auoit grand charge de gens d'armes.” 55)
  • Pendant qu'à cinq kilomètres de notre village, la France éprouvait une défaite sur ce triste champ de bataille, qui depuis a conservé le nom de Camp ennemi, la fille d'un autre village faisait lever le siège d'Orléans. La Beauce était aussi promptement recouvrée que perdue. Le mot de Jeanne d'Arc à Patay, petite ville de Beauce illustrée par une de ses victoires, peint très-bien la rapidité de nos succès. Talbot avait été forcé de fuir à Janville. “Si partirent hastivement le duc d'Alençon, la Pucelle, le comte de Vendosme et autres seigneurs qui s'avancèrent en bataille ordonnez et poursuivirent si asprement les Anglois qu'ils les atteignirent près Patay, au lieu dit des Coynées 56). Alors le duc d'Alençon dit à la Pucelle: «Jeanne, voilà les Anglois en bataille, combattrons-nous?» Et elle demanda audit duc: «Avez-vous vos esperons?» Lors le duc luy dist: «Comment dà, nous en faudra il retirer ou fuir?» Et elle dist: «Nenny, en nom Dieu, allez sur eulx, car ils s'enfuiront et n'arresteront point, et seront déconfits, sans guères de pertes de vos gens; et pour ce, faut-il vos esperons pour les suivre.» — En cette bataille qui arriva le dix-huitième jour de juin 1429, Talbot fut faict prisonnier.” |62|
  • En résumé si l'on ne connaissait le peu de spontanéité des campagnes, nos aïeux, placés ainsi entre le roi et l'abbaye de Saint-Denis, nous paraîtraient avoir admirablement profité des avantages que cette position ambiguë et perplexe pouvait présenter. Était-on menacé d'un surcroît d'impôts; les exigences du fisc devenaient-elles exhorbitantes; la guerre civile déployait-elle son drapeau sanglant? l'on se retranchait derrière le couvent de Saint-Denis. Au contraire, un changement quelconque dans le gouvernement du domaine royal, mettait-il en péril les priviléges locaux? l'on se réclamait du roi et l'on obtenait la confirmation des lettres de Louis-le-Gros. Mais, il y avait des désastres auxquels on ne pouvait échapper. Par sa position entre deux villes importantes, Orléans et Étampes, la pauvre Angerville dut bien souvent justifier son épithète. Que de fois en effet elle a été gâtée! que de fois ses champs ont été abandonnés, désertés! “Heureux, a dit Fénélon, heureux les peuples dont l'histoire n'est pas intéressante!” L'intérêt que présente notre village dans ces guerres est un intérêt de pitié. En vain il voudrait se défendre et lutter, sa faiblesse est trop grande; il lui faut sans cesse ouvrir ses portes aux armées sur le passage desquelles il se trouve presque toujours; il lui faut les nourrir, les héberger, et à chaque instant elle se voit maltraitée, dépossédée du fruit de ses travaux.

CHAPITRE V.

  • Anne de Bretagne à Angerville. — Établissement de foires et marchés. — Protestantisme. - Pollution et réconcillation de l'Église.
  • C'est à peine si, dans le cours d'un ou deux siècles, un événement remarquable vient interrompre la vie calme et monotone des petites villes; leur histoire est moins un récit suivi qu'une dissertation continuelle. Si nos recherches n'amènent à la lumière que quelques faits incohérents, contradictoires, inconciliables; ces faits laissent entre eux une lacune que nulle dissertation, nul raisonnement ne saurait combler. Mais, si les faits découverts, si les titres rapportés présentent un caractère commun, un ensemble régulier, un accord logique; s'ils convergent tous vers une seule et même induction, alors on peut reconnaître entre eux comme les anneaux épars d'une chaîne brisée, et si la chaîne ne peut être rétablie en son entier, il est du moins possible de juger de ce qu'elle fut par les fragments qui nous en restent.
  • Vers l'an 1480, Louis XI confirma les priviléges des abbés et religieux de Saint-Denis, et ordonna que les appellations des sentences et jugements rendus, par les officiers des justices et terres des abbés de Saint-Denis, dans la prévosté et vicomté de Paris, dans celle de Guillerval et de Toury, fussent désormais portées au parlement de Paris. Cette déclaration fut |64| donnée à Lamothe de Gry dans le mois d'août 1480 57), et, deux ans plus tard, Charles VIII confirmait les mêmes priviléges. 58) Angerville, pour la part qu'y possédaient les abbés de Saint Denis, dut suivre le sort de Toury et de Guillerval; mais il n'en est pas fait mention. Les religieux de Saint-Denis n'apparaissent point encore comme seigneurs du pays, ils sont seulement propriétaires et se contentent de s'y agrandir peu à peu, d'une manière latente et par voies indirectes. Une preuve convaincante qu'Angerville relevait du roi, c'est que bientôt nous allons voir ses habitants s'adresser directement à Charles VIII pour obtenir des foires et un marché. 59) Notre pauvre village avait en effet grand besoin de se rattacher à la puissance royale pour se relever de tous ses désastres.
  • Notre pays, ravagé par les guerres anglaises, eut à subir non plus l'ennemi, mais les soldats eux-mêmes qui l'avaient combattu. En effet, Charles VII, victorieux et craintif encore, au lieu de renvoyer ses troupes dans leurs foyers, garda quinze cents hommes d'armes et trois mille archers, qui furent logés et nourris sur la campagne. Le peuple, pour se libérer de ce fardeau, consentit à ce qu'on levât une taille nouvelle en argent pour le paiement de ces gens d'armes, “sans considérer qu'une fois établie, elle ne dépendrait plus de lui, ni pour la durée ni pour l'augmentation” 60). En effet, la milice perpétuelle entraîna la taille perpétuelle, et, sous Louis XI, cette taille s'élève déjà à 4,800,000 fr. Enfin, après un hiver long et rigoureux qui fit périr un grand nombre d'arbres, un printemps et un été pluvieux qui mirent obstacle à la rentrée des récoltes, il ne restait rien au paysan après les prélèvements du roi, des seigneurs et de l'Église, et plus de cent mille hommes |65| étaient morts de misère 61), quand les États généraux qui s'ouvrirent à Tours (15 janvier 1484) vinrent mettre à nu les plaies du peuple, qui furent dévoilées avec énergie par le cahier des doléances du commerce: “La plus grande cause de la grande misère du peuple, dit il, ce sont les vexations intolérables et les rapines obstinées des gens de guerre. C'est une chose criante que les gens de guerre, stipendiés pour défendre le peuple, soient précisément ceux qui le pillent et l'outragent. Quand un pauvre laboureur a toute la journée labouré à grande peine et sueur de son corps, et qu'il a cueilli le fruit de son labeur dont il s'attendait à vivre, on vient lui enlever la meilleure partie pour la donner à tel qui le battra peut-être avant la fin du mois, qui l'obligera de coucher par terre, et qui viendra déloger les chevaux occupés du labourage pour loger les siens; et quand le pauvre homme a payé avec bien de la peine sa quote part de la taille à laquelle il est imposé, pour stipendier les gens d'armes, et qu'il espère se conforter avec ce qui lui est demeuré, espérant que ce sera pour vivre le reste de l'année et pour ensemencer sa terre, vient une volée de gens d'armes qui mangera et gâtera ce peu de bien que le pauvre homme avait réservé pour vivre.
  • “Mais tout cela ne suffit pas, il contraint le paysan à grands coups de bâton à aller chercher en ville du pain blanc, du poisson, des épiceries et toutes choses excessives 62); et à la vérité, s'il n'était Dieu qui conseille les pauvres et leur donne patience, ils cherroient en désespoir, etc.”
  • Tel était le triste état de la campagne et surtout de la Beauce, tant de fois ravagée par cette soldatesque barbare, effrénée, instrument grossier qui achevait de détruire la féodalité en ruine en même temps qu'elle aidait à consolider la royauté, profitant de la faiblesse de l'une et de l'appui de l'autre pour |66| opprimer à son tour: tant il est vrai que l'abus est inhérent à notre misérable nature, que nous nous laissons toujours entraîner vers la pente de l'abus. Charles VIII, qui à son avènement avait réduit le budget à 1,200,000 livres, qui, par amour pour son peuple, voulait, dit Commines, vivre de son domaine seulement, comprit qu'il fallait mettre un frein aux exactions de ces gens de guerre, trop portés à mésuser de la position qu'on leur avait faite; il lança des ordonnances contre leurs pillages, mais ces ordonnances, émises par un roi faible, allaient se briser contre la force brutale de ces soldats, peu intéressés à les exécuter et profitant trop souvent encore de la faiblesse d'un prince qui cherchait, dans toutes les limites de son énergie, à faire le bien, et auquel nous devons notre première charte de marché, nouvelle preuve du bien-être que les campagnes ont commencé à ressentir sous ce roi dont le successeur fut surnommé à juste titre le Père du peuple.
  • ÉTABLISSEMENT DE FOIRES ET MARCHÉS. — 1489.
  • “Charles, etc., savoir faisons à tous présens et advenirs, nous avoir recue l'humble supplication de noz bien amez les manans et habitans du bourg et villaege d'Angerville la gaste contenant que au dit lieu d'Angerville qui est assis en beau païs bon et fertil à l'environ du quel y a plusieurs bons bourgs et villaeges soulloit anciennement avoir ung bon gros bourg lequel pour les guerres et divisions qui ont esté en nostre royaume a esté destruict. Mais touteffoiz pour la résidence qui y ont depuis faite plusieurs marchands et autres allans et venans par le païs il est de présent en assez bonne valleur et souvente foiz y passent et repassent conversent et fréquentent grant nombre de marchands et autres gens marchandaument par le dit pais. Et a ceste cause et aussi pour le bien et augmentation du dit lieu, utillité et prouffit de tout le païs d'environ serait bien séant et convenable qu'il y eust deux foires l'an et ung marché chacune septemaine. En nous requérant |67| humblement nostre grâce et libéralité leur estre impartiz sur ce. Pour ce est-il que nous ce que dit est considéré désirans l'augmentation des lieux de nostre royaume qui au moyen de dites guerres ont ainsi esté destruiz et gastez et mesmement du dit lieu d'Angerville la gaste. Pour ces causes et autres considérations à ce nous mouvans avons à perpetuité fait crée ordonné et établis et par la teneur de ces présentes de grâce espécial pleine puissante et autorité royale; faisons, créons, ordonnons et establissons les dites deux foires l'an, c'est à sçavoir la première des dites foires le pénultième jour du mois d'avril et l'autre le dernier jour du dit mois d'avril et le dit marché au jour de jeudy toutes les septemaines de chacun an, et voulant que dores enavant l'on y puisse vendre, achepter et eschanger toutes denrées et marchandises licites et honnetes. Et que tous marchans y puissent venir et demourer marchandaument et qu'ilz jouissent de telz et semblables franchises, libertez et droiz que es autres foires et marchez du dit païs d'environ pourveu touteffoiz que à quatre lieues à la ronde du dit lieu d'Angerville la gaste n'y ait aux dicts jours aucunes foires ne aucun marché aux quels les dites foires et marchez puissent préjudicier ou nuire sy donnons en mandement par ces mesmes présentes à nos amez et feaux gens de nos comptes et à tous noz autres justiciers et officiers ou à leurs lieuxtenans présens et avenir et63) ou donner ne souffrir estre fait, mis ou donné aucun destourbier ou empeschement au contraire et fassent lesdites foires et marchés créer et publier es lieux et ainsy qu'ilz verront au caz appartenir en établissant au dit lieu telz places estaux, loges et autres choses nécessaires pour le fait des dictes foires car ainsi nous plait et estre fait nonobstant quelz conquets ordonnances à ce contraires et afin et sauf, etc. |67|
  • “Données à Alençon au mois d'octobre l'an de grâce mil CCCC quatre vingt neuf et de notre règne le septième, signé par le roy, messires les ducs de Bourbon et d'Alençon, les comtes de Montpensier et de Vendosme, les seigneurs de l'Ile et de Grimault, président des comptes; messire Charles de Poutoz, maistre des requestes ordinaires et autres, présens. Rohier, visa.” 64) On voit clairement, par les lettres patentes de l'établissement des foires et marchés d'Angerville, que ses habitants relevaient directement du roi et ne reconnaissaient aucun seigneur. Les abbés de Saint-Denis ne prenaient pas encore ce titre. Ils n'étaient maîtres que d'une faible partie de notre pays. Le loyer de leurs droits s'élevait à 40 livres tournois, ainsi qu'il résulte d'un acte de 1511, par lequel frère Simon, religieux, courtiller et maître des charités de Saint-Denis, loue, pour 40 livres tournois, à Pierre Hardy, d'Angerville, les cens, rentes, dîmes, champarts, lods, saisines, amendes, terres labourables d'Angerville-la-Gaste, par acte passé devant François Menneau, tabellion à Saint-Denis.
  • Les seigneurs de Méréville n'étaient guère mieux partagés, et ils n'eussent pas manqué, l'un ou l'autre, s'ils eussent été seigneurs d'Angerville, de profiter de l'occasion de l'établissement de foires et marchés pour adresser eux-mêmes leur supplication au roi, sans laisser cette initiative aux manants et habitants du lieu. Ainsi nous voyons, cette même année 1511, Bertrand de Reilhac, seigneur de Méréville, adresser son humble supplication au roi pour obtenir l'établissement de foires et marché audit lieu de Méréville. Louis XII avait aussi confirmé les priviléges des abbés prieurs et religieux de Saint-Denis 65), qui, grâce à la faveur de leur seigneurie féodale, fondent dans notre village leur seigneurie de justicier, et pendant que la plupart des habitants d'Angerville |69| suivent encore la justice d'Étampes, d'autres reconnaissent déjà une autre justice. Mais, chose curieuse! située entre Orléans et Étampes et plus rapprochée de cette dernière, Angerville, toujours dirigée par la main des religieux, fera, pour échapper à la justice d'Étampes, lorsqu'Étampes sera érigée en duché, les mêmes efforts qu'elle a faits pour échapper à la justice d'Orléans, lorsque cette ville fut donnée en apanage par Charles VI. Depuis ce temps, Orléans a fait retour à la couronne dans la personne de Louis, duc d'Orléans, qui est devenu Louis XII, et ce même Louis XII a fait don du comté d'Étampes à sa femme, Anne de Bretagne; mais cette dernière étant reine de France, Étampes ne semblait pas encore être sorti des mains royales. Plus tard nous verrons quelle altitude prendra notre bourg d'Angerville à l'égard d'Étampes.
  • En attendant, nous ne pouvons nous empêcher de signaler comme un événement historique le passage d'Anne de Bretagne par ce même bourg, dans l'une des premières années du XVIe siècle. La gracieuse princesse, à peine âgée de vingt-cinq ans, était déjà veuve d'un roi de France, et de secondes noces l'appelaient, dans le même pays, au lit d'un autre roi. Étampes l'attendait avec impatience. Rien n'avait été épargné pour lui faire-une brillante réception. Louis XII avait voulu lui-même précéder son épouse, pour tout préparer sur son passage, mais la jeune reine, par un sentiment d'exquise délicatesse, conciliant le souvenir récent encore de Charles VIII avec ses nouveaux devoirs, s'arrêta quelque temps à Angerville, et fit dire à son royal époux qu'elle désirait remettre à un autre temps son entrée publique à Étampes. Voici comment dom Basile Fleureau, le vieil historien d'Étampes, rapporte le fait: “Les habitans d'Estampes ayant été avertis que leur nouvelle comtesse viendroit en leur ville avec le roy, ils donnèrent premièrement ordre que l'on apportât incessament de la campagne dans la ville des vivres, afin que la cour pût être abondamment pourvue de choses nécessaires. La cour étoit partagée pour la commodité de ceux qui la suivoient. |70| Le roy arriva le premier, et d'abord qu'il eut reçu les obéissances et compliments ordinaires des habitans, il commanda aux eschevins d'envoier scavoir de la reine si elle voulait faire son entrée publique. Les eschevins dépêchèrent un exprès vers Sa Majesté, qui étoit à Angerville, pour scavoir sa volonté qui fut de la différer à un autre temps 66). »
  • Quelques années plus tard, Angerville et Étampes, revirent passer Anne de Bretagne. Mais, cette fois, combien elle était changée! Combien son cortége différait du premier! Quelle tristesse! quel deuil et que de larmes là où naguère avaient éclaté les chants de joie et les splendeurs d'une pompe royale et nuptiale! Cependant, c'était bien encore Anne de Bretagne, mais Anne de Bretagne, aurait dit Bossuet, telle que la mort l'avait faite!
  • La reine venait de rendre le dernier soupir, à Blois, le 9 janvier 1513, et sa dépouille mortelle partit seulement de Blois le samedi quatrième jour de février, pour aller chercher une tombe à Saint-Denis. Elle était précédée des commissaires, des gentilshommes, des écuyers, etc.
  • “Puys venoit le charriot où estoit le corps, lequel estoit mené de six chevaulx ronsins, fort beaulx, houssés et enharnachés de velours noir à pareille croix blanche et dessus le dict charriot une grant couverte de velours noir et une croix de satin blanc, et sur deux des chevaulx du dict charriot, pour iceulx conduyre, y avoit deux chartiers, vetuz de velours, ayant chapperons.
  • “Après et devant celluy charriot marchèrent tous les héraulx et poursuivans de France et des seigneurs du sang, fors Montjoie et Bretaigne qui estoient près du corps, et au devant d'eulx les officiers d'armes de la dicte dame, comme Hennebont et Vennes qui portoient le ceptre et main de justice et le dict Bretaigne la couronne.
  • “Et quant venoit au soir ou à arriver le logis, le corps estoit |71| mis à repos à la plus noble église et venoient les paroissiens d'iceulx lieux, les prebtres, à toute la croix, au devant du corps. Aussi estoient toujours près les cordelliers, Carmes ou Jacopins, qui suyvirent le corps depuis Bloys jusqu'à Sainct-Denys. Pareillement à toutes arrivées de villes et bourgades ce trouvoient les archers et Soysses en bel ordre, qui veilloient le corps toute la nuyt, et à chascun lieu, fut au soir et au matin, l'on disoit les vespres, vigilles, et au matin la grant messe à diacre et soubz diacre, et messes données à tous venants et tous jours le dit prélat en pontificat.”
  • Après avoir passé à Saint-Dié, à Saint-Laurent, à Cléry, à Orléans, à Artenay, “le jeudi qui fut le lendemain (de son passage à Janville), fut conduicte la noble roye à Engerville et à la porte de l'esglise y avoit en escript ce qui ensuyt:
    • “Pleure avec nous, village d'Angerville,
    • “Le royal corps qui les gens repaisoit
    • “En le voyant, priant Dieu qu'en paix soit
    • “Et que l'âme ne soit pour danger ville.” 67)

CHAPITRE VI.

  • Protestantisme.
  • La bonté de Charles VIII, la constante sollicitude de Louis XII pour le bonheur des classes inférieures, qu'il assurait par des ordonnances énergiques, en vertu desquelles les gens d'armes ne pouvaient prendre leurs quartiers que dans les villes murées où les bourgeois armés pour la défense commune pouvaient repousser leurs violences, par lesquelles il leur était interdit sous les peines les plus rigoureuses de s'écarter dans les villages voisins, soit pendant leurs garnisons, soit pendant leurs étapes, par le soin qu'il avait de mettre à leur tête des capitaines sévères, hommes honorables, responsables des désordres de leurs soldats et qui durent dénoncer les coupables aux magistrats 68), puis la réduction du nombre des procureurs “qui rongeaient la substance du pauvre peuple,” la défense faite aux juges “d'exiger dépens ni autre chose des parties hors les épices,” la diminution des impôts, la justice rétablie, les moissons fécondées, les campagnes repeuplées, tout semblait assurer aux laboureurs une existence paisible. Ils croyaient pouvoir jouir désormais du fruit de leurs travaux, Angerville surtout, qui avait tant souffert, était |73| pleine d'espérances. Charles VIII, pour réparer ses désastres, lui avait donné un marché; Louis XII, ce bon pasteur qui voulait engraisser son troupeau, avait séjourné dans ses murs. Elle avait reçu joyeuse la jeune reine, de même aussi, pleine de deuil, elle avait vu passer ses cendres. En un mot, Angerville avait senti son cœur battre, elle était heureuse de se rattacher à une royauté protectrice; de plus, elle voyait son commerce prendre de l'extension. En effet, la route de Paris à Orléans, depuis l'établissement des postes, était plus fréquentée, et, comme Angerville non-seulement était un relai de poste, mais aussi un gîte pour tous les messagers venant d'Orléans, ainsi que pour beaucoup de marchands, le nombre de ses auberges augmentait, la consommation était plus répétée, une plus grande somme de mouvement lui donnait une plus grande quantité d'existence, et, quoique son premier marché n'ait pas réussi, grâce sans doute à la jalouse concurrence de Méréville, le jour viendra où elle vaincra cet obstacle, où son marché sera plus important que celui de sa rivale.
  • Bientôt, sous François Ier, on vit s'ajouter, aux misères de la famine, de la peste et de la gabelle, celles causées par de nouvelles levées de francs archers. “Chaque paroisse dut fournir un homme, l'équiper et l'entretenir; et à peine enrôlés et réunis, ces fils ingrats, ces paysans d'hier, ces renégats de la terre, bandits dès qu'ils devenaient soldats, se mirent à piller le pays, nourrissant leurs chevaux et juments par les les champs et prés où ils les trouvaient, pour porter eux et les hardes qu'ils roboient par le pays, nourrissant leurs chevaux et juments de pur froment qu'ils prenaient chez les povres gens, et leur faisant boyre du vin.
  • “Ils effondraient un tonneau pour boire une gorgée, et si quelque paysan hasardait d'humbles observations sur ces ineptes gaspillages, ils le forçaient à faire chauffer lui-même son vin dans une chaudière et à venir leur laver les pieds avec cette précieuse boisson.” (Bourdigué.) De plus, les guerres du Milanais, la rivalité de François Ier et de Charles-Quint, ajoutaient aux calamités. La France se ruina pour racheter son roi de la captivité, et Angerville ne dut pas être remplie d'enthousiasme en voyant passer, à son retour d'Espagne, ce monarque qui avait ruiné la campagne, qui lui avait fait perdre ce qu'elle avait gagné de bien-être sous son prédécesseur. Cependant, dans les dernières années de son règne, il parut jeter un regard bienveillant sur notre Beauce et vouloir réparer les dommages causés dans ce pays.
  • Ainsi nous le voyons, en 1538, établir trois foires et un marché par semaine à Chilleuse, pour Jean de Bretagne, duc d'Estampes, seigneur de ce lieu, ainsi que pour les habitants 69). Mais tout porte à croire que cette concession fut un témoignage de l'amour du roi pour Anne de Pisseleu, femme de Jean de Brosse ou de Bretagne. Cependant, en 1545, il donna permission, à Philippe de Sarrebuche et à Louis et Jacob de Silly frères, seigneurs de la Rocheguion et d'Auneau, de fermer et de fortifier ledit lieu d'Auneau 70). La même année, la même permission fut accordée aux habitants du bourg de Sainville 71). Il créait également, sur la demande du cardinal de Bourbon, abbé de Saint-Denis, un marché par semaine à Rouvray; de plus, il permettait au même cardinal d'entourer ce bourg de murailles, dont les vestiges nous ont été montrés par M. Gougi, curé de cette paroisse 72). Enfin, en mai 1466, il donne des lettres patentes par lesquelles il autorise Claude de Languedoue, écuyer, seigneur de Pussay en Beausse, et les habitants de ce lieu à se fortifier. 73) Au milieu de ces quelques concessions locales, François Ier n'en introduisait pas moins l'usage d'ordonner les impôts “de pleine puissance et autorité royale, sans alléguer autre cause |75| ni raison que celle de tel est notre bon plaisir” 74). De même lorsque les troupes étaient en route, le conseil du roi envoyait l'ordre aux magistrats locaux de lever sur les villages où elles passaient, les grains, vins, fourrages et autres fournitures à leur usage, avec cette formule: “Les dites munitions seront remboursées quand l'occasion se présentera” 75). La royauté pesait sur les campagnes et, d'un autre côté, concentrant dans ses mains le pouvoir ecclésiastique par le traité de concordat de 1515, elle restreignit bientôt les juridictions ecclésiastiques, organisa un système de police, imposa silence aux parlements. Mais cette action puissante en faveur de l'absolutisme devait nécessairement amener une vive réaction. En effet, les paysans d'Allemagne, soulevés par le fameux Thomas Munzer, donnèrent le signal de la révolte. Les idées de liberté et de réforme religieuse ne tardèrent pas à pénétrer en France, où elles furent soutenues par Érasme Gerber, puis par Calvin. Déjà les ahaniers Lorains avaient ainsi formulé la charte de réforme de Tomas Munzer:
    • Article Ier. L'évangile doit être prêché selon la vérité, et non selon l'intérêt des seigneurs et des prêtres.
    • Art. 2. Nous ne paierons plus de dîmes, ni grandes ni petites.
    • Art. 3. L'intérêt sur les terres sera réduit à cinq pour cent.
    • Art. 4. Toutes eaux doivent être libres.
    • Art. 5. Les forêts reviendront à la commune.
    • Art. 6. Le gibier sera libre.
    • Art. 7. Il n'y aura plus de serfs.
    • Art. 8 Nous élirons nous-mêmes nos autorités. Nous prendrons pour souverain qui bon nous semblera.
    • Art. 9. Nous serons jugés par nos pairs.
    • Art. 10. Nos baillis seront élus et déposés par nous.
    • Art. 11. Nous ne paierons plus le cas de décès. |76|
    • Art. 12. Toutes les terres communales que nos seigneurs se sont appropriées rentreront à la commune.
  • D'après ces principes, il est facile de juger quels progrès la réforme avait faits dans le nord de la France. Au centre elle avait également ses adeptes, et ce n'est pas sans étonnement que nous avons lu, ce passage dans le prieur de Mondonville (1545): Die aprili XXIXX Ecclesia Sanctorum Petri et Eutropi de Angervilla gasta labe et fraude demonum polluta, reconciliata fuit una cum cimiteriis 76). “L'Église des saints Pierre et Eutrope d'Angerville-la-Gâte, ayant été polluée par la malice des démons, fut réconciliée en même temps que son cimetière.”
  • Que s'y était-il donc passé? quelque crime ou quelque acte impur y avait-il été commis? le sang humain y avait-il été répandu? avait-elle donné la sépulture à quelque hérétique excommunié ou infidèle? Tels sont, en effet, si notre mémoire n'est pas en défaut, les principaux cas de pollution des églises suivant les canons. Ou bien encore y voyait-on, comme on prétendit voir un siècle plus tard en l'église de Loudun, lors du procès de l'infortuné curé Urbain Grandier, des religieuses ensorcelées marcher à la voûte les pieds en haut, la tête en bas? Le prieur de Mondonville ne le dit pas; mais un autre passage à la date de 1550 et qui se rapporte évidemment à la réconciliation de l'église d'Angerville, fait naître une conjecture que non-seulement le texte du manuscrit du prieur de Mondonville, mais encore certaines circonstances ultérieures viennent changer en une certitude presque complète. C'est qu'il s'agissait tout simplement d'une contestation entre Jean de Villiers, curé d'Angerville, et René de Séronville, seigneur d'Ouestreville, laquelle aurait amené des scènes scandaleuses dans l'Église. 77) Il paraît que la cérémonie de réparation d'une église profanée |77| doit être faite par un évêque, quand l'église a été consacrée par un évêque. Dans l'ancienne division des diocèses par archidiaconées, l'archidiacre représentant l'évêque, ce fut l'archidiacre de Chartres qui réconcilia l'église d'Angerville. En pareil cas, après que les vases sacrés ont été mis à l'écart, l'autel dépouillé, l'officiant, revêtu des ornements prescrits, entouré d'acolytes et précédé de céroféraires ou porteurs de flambeaux et d'un exorciste porteur d'eau bénite avec l'aspersoir d'hyssope, se rend à la porte principale de l'église, reverendus pater accessit ad ecclesiam, et in ingressu receptus fuit cum cruce, aquâ benedictâ et textuis evangeliorum; là, dehors, il adresse au peuple la parole pour lui expliquer le but de la cérémonie, et lui donne sa bénédiction, oratione dicta solemnem super populum benedictionem78) fecit.
  • Il n'est point de notre sujet d'entrer dans le détail de ces sortes de cérémonies, mais on voit clairement que le texte s'y rapporte. On voit ensuite qu'après la cérémonie l'archidiacre arrête que René de Séronville sera cité à comparaître devant lui, à Chartres, pour répondre aux griefs élevés contre sa personne pour des motifs de foi, dans la cause de la foi (in causâ fidei responsurus).
  • C'était donc la foi du seigneur d'Ouestreville qui était suspecte. Le calvinisme commençait alors à s'introduire en France. René de Séronville aurait-il été des premiers initiés aux doctrines de l'Allemagne ou de la Suisse protestante? la chose est certaine. Ces petits seigneurs d'Ouestreville, qui fit évidemment partie dans l'origine du territoire d'Angerville, étaient, à ce qu'il paraît, restés toujours vassaux immédiats de la couronne. Nous trouvons en effet, dans un vieux cartulaire sur le droit de commune d'Estampes, le nom de Guyot, seigneur d'Oytreville, dans le dénombrement des seigneurs qui tenaient immédiatement du roi des fiefs ou arrière-fiefs. René de Séronville pouvait bien être l'un de ces nobles qui supportaient impatiemment le joug de la monarchie absolue et de la puissance ecclésiastique et qui voyaient, dans le républicanisme |78| politique et religieux de Calvin, une arme à opposer à ce double despotisme.
  • Nous devons à M. Roullier, de Chartres, une note recueillie dans les registres de Favières, qui nous donne une preuve convaincante qu'il y eut des seigneurs protestants à Ouestreville: “18 avril 1623, M. et Mme Delacour, seigneur d'Ouitreville, près Angerville, sont parrain de Marguerite Malherbe et de Jacques Malherbe, de Favières, batisés par Belon, ministre.”
  • L'exemple partant toujours d'en haut, il est bien probable qu'une grande partie des habitants d'Ouestreville embrassèrent la religion réformée. Il existe encore aujourd'hui un chemin dit des Huguenots. Ce chemin, selon la tradition, était celui que prenaient les protestants d'Ouestreville pour se rendre au prêche à Chalou. En effet, ce chemin qui part d'Ouestreville, passe derrière le château de Dommerville et se dirige vers le lieu désigné.
  • Ainsi, le territoire d'Angerville a compté des seigneurs et des gens du peuple professant la foi protestante dès l'introduction du calvinisme en France.
  • On peut juger par là combien d'éléments divers s'agitaient, se mêlaient dans l'étroit espace d'un pauvre bourg de la Beauce. Là, tout est opposition, variété, morcelleront, contraste; c'est un pays d'éclectisme.

CHAPITRE VII.

  • En sa qualité de ville neuve, de village royal, Angerville avait obtenu une charte de priviléges royaux qui durent, pendant un certain temps lui servir de coutume; mais à mesure que s'accrut la puissance royale, le droit écrit et le droit coutumier tendirent à se confondre. Les coutumes locales se fusionnèrent et prirent, sous l'influence de la royauté, un caractère d'unité qui portait les dernières atteintes aux autorités seigneuriales. Village du roi, Angerville n'a pas eu à subir ces coutumes imposées par la violence des seigneurs directs, acceptées par la faiblesse, variables à l'infini suivant la force, le caprice, les besoins ou la méchanceté des maîtres qui tous, à l'envi les uns des autres, se plaisaient à donner aux peuples des lois d'autant plus différentes, qu'ils étaient plus voisins, afin de les retenir forcément chez eux, en les déroutant dès qu'ils se fussent trouvés hors du territoire qui les avait vus naître 79). Comme la Beauce, Angerville, suivant le mouvement de centralisation, a passé sous l'empire de la coutume de Lorris.
  • Les trente-six ou trente-sept articles des lettres de Louis-le-Gros |80| et de Philippe-Auguste, instituant à Lorris des priviléges semblables à ceux d'Angerville ainsi qu'à beaucoup d'autres lieux, ne formèrent pas ce qu'on appelle la coutume de Lorris, ils n'en furent que le germe et l'embryon. Ces privilèges ou exemptions engendrèrent, entre les seigneurs et les vassaux, entre les terres et les personnes, des rapports tels qu'il en résulta un système presqu'entier de coutumes distinctes dont la rédaction eut lieu pour la première fois, sous Philippe de Valois, en 1330, à Lorris même, et plus tard, en 1418, sous le règne de Charles VII, à Montargis. Tous les lieux qui avaient obtenu des lettres semblables à celles de Lorris et où par conséquent les mêmes rapports avaient fait naître les mêmes usages, se rattachèrent à cette rédaction qui leur devint commune avec Lorris. C'était comme un miroir où chacune de ces localités voyait son image se réfléchir.
  • La coutume de Lorris, de locale qu'elle était d'abord, devint donc ainsi générale. Elle s'étendit à tout l'Orléanais, et il en fut d'elle comme d'un grand fleuve qui se forme de mille petits ruisseaux. Il ne fut plus question dès-lors de chartes particulières ni de privilèges locaux. On ne parla plus que de la coutume de Lorris, qui les comprenait et les résumait tous à elle seule.
  • Ce n'est pas tout, Louis XII ayant, en 1509, ordonné une rédaction particulière de la coutume d'Orléans, les habitants de Montargis refusèrent d'y comparaître. Montargis obtint même en 1530, de François Ier, des lettres patentes pour une nouvelle rédaction des coutumes de Lorris, où furent appelés tous ceux de Beauce, Sologne, Gâtinais et autres lieux; et si nous consultons les Coutumes de Lorris, Montargis, etc., par Lhôte et Lepage (1758), nous voyons, à la page 375. que les manants et habitants d'Angerville-la-Gâte comparurent le 11 septembre 1531 à la réformation de cette coutume. Depuis ce temps, la coutume de Lorris fut partagée en deux branches, Lorris-Orléans et Lorris-Montargis, de telle sorte qu'ici encore le village s'imposait aux villes et plaçait son nom au-dessus |81| des leurs. Eh bien! cette priorité du village, comme nous l'avons déjà dit, est l'un des caractères distinctifs de la physionomie de la Beauce. La ville n'est que l'entrepôt du village. Plus de village, plus de marché; plus de marché, plus de ville. Et voyez comme tout se lie et s'enchaîne dans l'histoire. De cette situation qu'avaient faite aux campagnes de la Beauce d'anciens privilèges, moins dûs à la politique des rois ou à la religion des églises qu'à la nature même de l'agriculture qui, ne se prêtant pas à la fiction féodale “tant vaut la terre, tant vaut l'homme,” restituait les termes dans leur ordre véritable “tant vaut l'homme, tant vaut la terre;” de cette situation, disons-nous, découlèrent et ses biens et ses maux.
  • Elle échappe de bonne heure aux violences féodales, à l'oppression des seigneurs; mais la main-morte des églises y retient les terres et les fortunes dans une complète immobilité. Les fureurs de la Jacquerie ne l'embrasent point, mais elle reste ouverte et livrée sans défense aux compagnies franches, aux routiers, aux malandrins, aux écorcheurs, aux rêtres, à toutes ces bandes pillardes de gens d'armes et d'aventuriers qui, détachés des armées, allaient ravageant les campagnes.
  • Elle est appelée le grenier de Paris; mais dans les guerres civiles, on voit constamment les chefs des différents partis se la disputer, moins peut-être pour affamer la capitale que pour ravitailler leurs troupes presque toujours rassemblées à l'aventure et sans provisions.
  • Chaque village y eut ses franchises, ses exemptions, ses libertés; mais la Beauce ne connut que bien tard les avantages de la centralisation judiciaire et administrative. Ses mairies héréditaires y avaient partout engendré une foule de petites justices seigneuriales aussi tracassières qu'impuissantes, ainsi que le témoigne le jurisconsulte Loyseau, qui, longtemps bailli de Châteaudun, connaissait bien la Beauce. Souvent un malheureux bourg s'y voyait tiraillé, déchiré, mis en pièces par plusieurs justices rivales: tel fut le sort d'Angerville.
  • De plus, les variations de la ville d'Étampes, d'abord n'appartenant |82| qu'au roi, puis érigée en comté et faisant à diverses reprises retour à la couronne, érigée ensuite en duché sous François Ier, et rentrant encore dans le domaine royal, nous semblent avoir singulièrement influé sur les destinées d'Angerville et contribué à la placer presqu'entièrement sous la main des abbés de Saint-Denis. Aux tiraillements de deux ou trois justices rivales vint s'ajouter, lors de la rédaction des coutumes d'Étampes sous Henri II, la difficulté de savoir à laquelle des deux ,coutumes d'Orléans ou d'Étampes elle obéissait. On connaît la manière dont on procédait à ces sortes de rédactions.
  • En vertu des lettres patentes du roi, les trois états de la province dont il s'agissait de rédiger la coutume, savoir: le clergé, la noblesse et le tiers-état, étaient rassemblés par députés. De cette première assemblée sortait un ordre donné aux juges royaux, greffiers, maires et échevins des villes, d'envoyer les mémoires des coutumes, des usages et des styles qu'ils auraient vu pratiquer de tout temps. Ces mémoires étaient confiés aux mains d'une commission chargée de les mettre en ordre et d'en faire un seul cahier qui, lu ensuite devant toute l'assemblée, était discuté, corrigé ou maintenu, selon que besoin était, et finalement renvoyé à l'enregistrement du parlement quelquefois, des commissaires tirés de ce corps étaient commis pour convoquer et présider l'assemblée des États. C'est ainsi que Henri II, quand il fut question de procéder à la rédaction de la coutume d'Étampes, y envoya, en qualité de commissaires, le président de Thou, père de l'historien de ce nom, et deux conseillers au parlement, comme en fait foi le procès-verbal de la coutume:
  • “L'an 1556, le vingtième de septembre, nous, Christophe de Thou, président, Barthélemy Faye et Jacques Viole, conseillers du roi en sa cour de parlement, sommes arrivés en sa ville d'Estampes, pour procéder à la rédaction des coutumes des baillage et prévosté du dit Estampes, suivant les lettres patentes du dit seigneur, à nous adressées, desquelles patentes, |83| ensemble de nos lettres de commissaires décernées sur icelles, la teneur suit, etc. » 80) Parmi les personnages les plus remarquables qui comparurent en personne ou par procureurs à l'assemblée des États à Étampes, nous citerons:
  • “Pour l'Église,
  • “Le révérendissime cardinal de Bourbon, archevêque de Sens, représenté par Me Guillaume Boissonnet, chanoine, archidiacre d'Estampes, en l'église de Sens, et Me Simon Charbonnier, doyen de la chrétienté du dit Estampes.
  • “Et encore le dit archevêque, comme abbé de Saint-Denys en France, et les religieux de la dite abbaye, seigneurs chastelains de Guillerval, Monarville, et Angerville en partie, représentés par Me Nicolas Camus, procureur au baillage d'Orléans, leur procureur.
  • “Aussi les curés qui s'en suivent, à scavoir: celui de Méréville, représenté par Vassor; celui de Monarville, par le dit Vassor; de Dommarville, par Guillot; de Pussay, par Lesné; de Angerville, par Thibault, etc.
  • “Pour l'état de la noblesse,
  • Le duc d'Estampes; messire François Olivier, chevalier, chancelier de France, noble homme; maistre Michel L'hospital, conseiller du roi, seigneur de Vignay; François de Rheillac, vicomte de Méréville, noble homme; Marc de la Rue, seigneur des murs d'Angerville-la-Gaste; Jacques d'Arbouville, seigneur de Saint-Yal; Loys d'Arbouville, seigneur de Guestreville, lieutenant des bandes coronales de France; Jean Languedoue, écuyer, seigneur de Pussay; Jean Sabrevoys, pour la seigneurie de Villeneuve-le-Boeuf; René de Prunellé, écuyer, seigneur de la Porte et de Gaudreville, tous représentés par procureurs; Jean de la Rue, écuyer, seigneur de Bissay et du grand hostel de Beaudreville, en personne, assisté de Chardon et Garnier. René de Séronville, seigneur |84| d'Ouestreville, aussi appelé à l'assemblée d'Estampes, n'y comparut pas et laissa donner défaut contre lui.
  • “Pour le tiers-état,
  • “Les manants et habitants des ville de Méréville et bourg de Saint-Père, représentés pan Vassor; de Dommarville, par Guillot; d'Andonville, par Guillot; de Monarville, par Vassor; de Congerville, par Thibault; de Gaudreville, par Gambrelle; de Moulineufs, par Chardon; d'Autruye, par Jacques Caille; et aussi les manants et habitants de la paroisse de Saint-Sulpice, par Gervais Regnault et Loys Menault, proviseurs présents, assistés du dit Vassor, leur procureur.”
  • Il y eut parmi les gens du tiers-état, comme parmi les gens d'église et les nobles, des non-comparants contre lesquels il fut donné défaut, comme on le voit ci-après:
  • “Ont aussi été appelés les gens d'église, nobles et gens du tiers-état qui en suivent: Contre (lesquels le procureur du roi ce requérant) avons donné défaut, à sçavoir contre les curés d'Oisonville, de Gommarville, de Thionville, de Moulineufs, de Lestueing, de Chastenay, etc.
  • “Et aussi contre les gens du tiers-état, habitants des villes et des villages qui en suivent; c'est à sçavoir: d'Angerville, de Lestueing, de Pussay, de Gommarville, etc.”
  • À quoi faut-il attribuer cette non-comparution d'Angerville à la rédaction de la coutume d'Étampes ? N'appartenait-elle pas à la juridiction d'Étampes, comme relevant du roi? ou bien ressemblait-elle (pardon de la comparaison) à ce chien de Jean de Nivelle dont notre bon La Fontaine nous a si bien dépeint l'instinctive défiance? Quand Orléans fut donné en apanage, nous l'avons vu se réclamer du roi, et maintenant qu'Étampes est érigé en duché, elle se récuse: “Moi d'Étampes, vous vous moquez, Messeigneurs; je suis d'Orléans.”
  • En réalité, les habitants craignaient pour leurs priviléges et leurs usages locaux. De leur côté, les religieux de Saint-Denis ne négligeaient rien, n'omettaient rien de ce qu'ils croyaient susceptibles d'y établir et universaliser leur justice et seigneurie. Peut-être virent-ils, dans cette rédaction de la coutume d'Étampes, une occasion de soustraire Angerville à la juridiction royale, ils protestèrent. Enfin, il est certain qu'appelée à la rédaction de la coutume d'Orléans, cinquante ans avant celle d'Étampes, Angerville y avait été bien et dûment représentée. En fallait-il davantage pour être en droit de dire à l'assemblée d'Étampes: « Nous ne sommes point des vôtres et vous auriez tort de donner défaut contre nous.” C'est là en effet ce qui fut fait, comme on le voit au procès-verbal: 81)
  • “Pour le substitut du procureur général du roy au baillage d'Orléans, a été remonstré par maistre Alain Chenu, advocat du dit seigneur, et Nicolas Monsire, procureur au siège présidial d'Orléans, comme substitut du dit substitut, que les officiers d'Estampes ont fait convoquer et appeler par devant nous (commissaires) les habitants et manants des chastellenies et paroisses de Guillerval, Angerville, Monarville, appartenant aux abbés de Saînt-Denys en France.
  • “Combien que les chastellenies et paroisses susdites notoirement ressortissent pour appel au baillage d'Estampes, elles sont régies et gouvernées par les coutumes du dit baillage d'Orléans.
  • “À cette cause, l'an 1509, que furent réduites, accordées et attestées les dites coutumes d'Orléans, les manans et habitans des dites chastellenies comparurent par procureurs avec les officiers d'icelle. Comme de ce on dit apparoir par le procès-verbal fait sur la rédaction des dites coutumes, lequel ils ont à cette fin lu publiquement et mis par-dessus nous, requesrants qu'aucun défaut ne fut baillé contre eux, comme n'estans sujets des dites coutumes d'Estampes, demandans au surplus congé de l'assignation qui leur a été donnée par devant nous. — Semblables remontrances, requestes et conclusions ont été faites et prinses par Nicolas Camus, soi-disant procureur du révérendissime cardinal de Bourbon, comme abbé de |86| Saint-Denys, et ce, pour le regard des dites chastellenies de Guillerval, Angerville, Monarville, justiciers et sujets d'icelle…”
  • Mais tout cela ne faisait pas le compte du procureur du roi d'Étampes, qui, en sa qualité d'officier du roi, protesta contre tout ce qui serait fait au détriment du roi et de son duché d'Étampes, mena assez rudement l'abbé de Saint-Denis et l'accusa, sans ménagement et sans détour, d'usurper à Angerville une juridiction qui ne lui appartenait pas. Cette sortie de l'officier du roi, nous l'avouons, nous satisfait d'autant plus qu'elle prouve clairement et met parfaitement en évidence ce que nous nous sommes efforcé d'établir au commencement de cet ouvrage, à savoir: qu'Angerville jouissait de priviléges royaux et ne dépendait que du roi dans l'origine.
  • “Et par le substitut du procureur général du roy au dit Estampes, a été dit et maintenu que pour la chastellenie de Guillerval et Monarville, membre d'icelle, la juridiction ordinaire appartenait au dit abbé de Saint-Denys, mais ressortit et a toujours ressorti par appel devant le dit baillage d'Estampes. Et quant à Angerville, le dit abbé (sous ombre de juridiction foncière) a usurpé juridiction ordinaire sur quelques parties des habitants d'Angerville, combien que tous les habitants soient de la juridiction ordinaire du dit Estampes.
  • “Ont même été les lettres patentes du roy 82), par iceux habitans d'Angerville, obtenues pour la clôture d'icelle ville, entérinées au dit baillage d'Estampes: et aussi ont été et sont tous les habitants des dits lieux de Guillerval, Monarville et Angerville, justiciés pour les cas royaux par le dit bailly d'Estampes, comme estans du ressort d'icelui baillage.”
  • En présence de ces prétentions rivales et de ces dires opposés, les commissaires embarrassés renvoient la cause au parlement. Quel fut l'arrêt qui intervint? nous l'avons vainement cherché. L'affaire fut-elle négligée, arrêtée, suspendue ou |87| traînée en longueur? il n'y aurait rien d'extraordinaire; mais on serait tenté de douter du succès des démarches et poursuite de l'officier du roi, en voyant Angerville appelée de nouveau à la révision des coutumes d'Orléans le 11 avril 1583, s'y faire encore représenter avec une obstination digne de la plus juste cause, si de son côté le procureur général du roi d'Étampes, non moins opiniâtre, ne l'avait poursuivie sur ce nouveau terrain et n'y avait relancé de plus belle les abbés de Saint-Denis. Mais bon gré, mal gré, Angerville fut, de guerre lasse, obligée de se soumettre à la coutume d'Étampes.
  • En résumé, qui avait tort, qui avait raison? Si l'historien est obligé de porter un jugement, voici le nôtre: Angerville avait été appelée et s'était faite représenter à la première rédaction de la coutume d'Orléans , ses habitants étaient donc en droit de repousser le défaut donné contre eux à la rédaction de la coutume d'Étampes. De plus, la coutume d'Étampes n'est, selon Dumoulin, qu'une copie légèrement modifiée de celle de Paris. Angerville avait dû suivre la coutume d'Orléans et non celle de Paris; mais, d'un autre côté, il n'est pas moins vrai que, comme ville appartenant au roi, Angerville était du ressort du baillage d'Étampes. Il eût fallu, pour être juste, qu'on jugeât ses habitants à Étampes d'après la coutume d'Orléans, ce qui ne laissait pas de présenter quelques difficultés.
  • Sous la question de coutume se cachait une autre question, celle de la juridiction. Le procureur du roi et l'abbé de Saint-Denis avaient donc l'un et l'autre tort et raison, le premier en voulant arracher les habitants d'Angerville à leur coutume, pour mieux les rattacher à leur véritable juridiction; le second en cherchant à les soustraire à cette même juridiction, sous prétexte de les conserver à leur ancienne coutume.

CHAPITRE VIII.

  • Fortifications d'Angerville. — Guerres de religion. — Jean Desmontiers. — Charles IX, Henri III à Angerville.
  • On a vu précédemment qu'Angerville avait obtenu de Henri II des lettres patentes par lesquelles elle était autorisée à s'entourer de murailles. Rien ne prouve mieux l'importance que cette petite ville avait acquise vers le milieu du XVIe siècle. Rien ne démontre mieux que sur une surface féodale, morcelée, fragmentaire, il y régnait une sorte d'unité primitive et fondamentale. Jusques-là, confiante fille de la Beauce, elle avait ouvert ses portes à tout venant, ami ou ennemi; mais, avertie par l'expérience, éclairée par les dangers qu'elle a courus, elle a voulu y regarder de près. On dirait qu'un secret pressentiment des orages qui allaient éclater sur la France est venu lui suggérer ce dessein et lui conseiller de telles précautions. Ce n'est pas que le nombre de ses habitants, l'épaisseur ou la hauteur de ses murs pussent lui donner la force de soutenir un siège; mais elle sera du moins à l'abri des coups de mains de ces compagnies franches, de ces rêtres, de ces bandes pillardes qui, se détachant des armées, s'en allaient ravageant les cités et les campagnes. Ville de passage, percée de routes du nord au sud, de l'ouest à l'est, Angerville était plus qu'aucune autre exposée à de pareils brigandages. Aussi vit-on promptement s'élever autour d'elle des murs de quatre mètres de hauteur sur quatre-vingt-cinq centimètres d'épaisseur, flanqués de vingt |89| tourelles avec créneaux et meurtrières , ayant en avant de larges fossés pour en défendre l'accès.
  • Nous ne voulons pas nous étendre longuement sur la description de ces fortifications, si l'on peut appeler ainsi les murs d'enceinte dont Angerville s'entoura. Qu'on nous permette seulement de donner quelques détails qui intéressent spécialement la localité.
  • Deux portes fermaient le bourg d'Angerville.
  • L'une, dite porte d'Orléans, était située près de la maison de M. Delafoy, Grande-Rue, n°119.
  • L'autre, dite de Paris, était près de la maison de M. Fouet, Grande-Rue, n° 255. On remarque encore à cet endroit un débris du pilier qui servait d'entrée.
  • De ces murailles, de ces fossés, de ces tourelles, il ne reste rien, si ce n'est à l'est, du côté de la petite promenade appelée le Jeu-de-Peaume , quelques pans de murs et deux tourelles démantelées.
  • Les fossés ont été presque partout comblés, excepté en un endroit où l'eau habituée de séjourner a formé une belle mare qui a remplacé celle qui existait jadis dans le centre du pays, sur l'emplacement actuel du marché.
  • Plusieurs villages de Beauce obtinrent à cette époque des priviléges locaux. En effet, ce même Henri II confirmait, en 1548, les priviléges des habitant de Saint-Mesme, près de Dourdan. 83) L'année suivante, il créait une foire à Saint-Escobille, pour Gabriel de la Vallée, seigneur de ce lieu.
  • Depuis le milieu du XVIe siècle, Angerville avait donc pris un accroissement notable. On était alors à la veille de ces violentes crises, de ces affreux déchirements connus sous le nom de guerres de religion, et qui signalèrent la fin de ce siècle.
  • Quoique la Beauce ait été l'un des principaux théâtres de ces guerres, quoique son territoire et ses villes aient été maintes |90| fois traversés, foulés, saccagés par les armées des deux partis, notre petite ville y a joué un rôle trop secondaire et trop passif pour que nous soyons forcés d'arrêter longtemps nos regards sur ces tristes pages de notre histoire; qu'il nous suffise de préciser les époques, d'indiquer les circonstances où Angerville nous semble avoir plus particulièrement couru du danger.
  • Étampes lui servait de paratonnerre. C'est elle qui attirait la foudre et supportait les éclats. C'est elle que convoitaient tour à tour les partis. C'est d'Étampes, enfin, que l'un et l'autre voulaient s'emparer comme de la clef de la Beauce. Mais un tel voisinage avait bien aussi ses périls.
  • En 1562, pendant que François de Guise est occupé au siège de Rouen, tombé au pouvoir des protestants, Louis de Condé, leur plus habile chef d'alors, sort d'Orléans dont il était maître, traverse Angerville qui se voit forcée de recevoir dans ses murs ces hordes rapaces de rêtres Allemands et Suisses dont il est soutenu, et court s'emparer d'Étampes et de Corbeil. Cependant Rouen est repris, Coligny est battu à Dreux, Étampes et Corbeil sont promptement évacuées, et François de Guise, chassant devant lui rêtres et protestants, traverse à son tour nos murs pour aller mettre le siège devant Orléans.
  • En 1563, nouvelle tentative de Condé sur Étampes. Il en est chassé après la victoire des catholiques à Saint-Denis; mais il se rejette sur Chartres. Assaillant ou repoussé, agresseur ou mis en fuite, il trouve toujours Angerville sur son passage, qui, le 27 avril de cette même année, vit également son jeune roi séjourner quelque temps chez elle.
  • Au milieu de tous ces troubles, on voyait des créations de notaires royaux dans plusieurs villages de la Beauce:
  • En 1566, la châtellenie d'Auneau obtient la création d'un office de notaire royal;
  • En 1567, Courville et Francourville obtiennent le même privilège. 84) |91|
  • En 1587, Henri de Navarre venait de gagner la bataille de Coutras. Il n'attendait, pour marcher sur Paris, que l'arrivée de nouveaux rêtres que lui renvoyaient les protestants d'Allemagne, arrêtés en chemin par Henri de Guise sur les bords de la Loire qu'ils avaient longée.
  • Les rêtres se répandent dans la Beauce et, n'osant s'attaquer aux villes puissantes, ils se dédommagent sur les petites villes et sur les campagnes. Ils sont enfin détruits à Auneau, village à quelques lieues d'Angerville qui, délivrée des trop justes craintes que lui avaient causées ces bandes étrangères, et dominée par l'influence du cardinal de Lorraine, abbé de Saint-Denis, prince de la maison des Guises, entrera pour ainsi dire naturellement dans la Ligue. Ses habitants jureront cet édit qui, d'abord solennellement juré dans la grande église de Rouen, fut ensuite envoyé aux baillages, et arriva dans celui d'Étampes le 49 août 1588. Mais d'abord signalons un des monuments les plus curieux de cette époque, un discours plein de verve à propos de la Desconfiture des Reistres, et dans lequel on peut voir jusqu'à quel point le parti catholique poussait son exaltation contre les protestants. Ce discours nous révèle encore la présence d'un roi à Angerville. En effet, Henri III, craignant les succès de la Ligue et surtout la popularité que la victoire d'Auneau allait faire rejaillir sur le duc de Guise, arriva au plus vite à Angerville, où il se trouva le lendemain même de la victoire d'Auneau. Dès-lors commencèrent les propositions de paix: Henri III offrit aux Allemands sûreté pour retourner dans leur pays, et aux protestants français liberté de sortir du royaume.
  • Le Discours sur la route et admirable desconfiture des reistres, advenue par la vertu et prouesse de monseigneur le duc de Guyse, sous l'authorité du roy, à Angerville, le vendredi XXVII de novembre 1587, avec le nombre des morts et blessés et prisonniers:
  • Encore que nous soyons en possession sur tous les autres |92| peuples de la terre de ce beau et excellent tiltre de très-chrestien peuple françois, si est ce que nous sommes si prompts à nous deffier de la grâce et miséricorde de nostre Dieu, que lorsque les affaires ne nous viennent à poinct nommé, et selon que nous les avons pourpensées, nous nous laissons très-laschement couler en une désasseurance de la bonté divine. Il ne faut point preuve de mon dire que les occurrences du présent. Noz déportemens portent témoignage contre nous-mêmes. La saison nous a été très-âpre, la disette grande, la famine universelle. Nous nous laissons presque emporter au long et au loing. Mais lorsque le désespoir est prest de nous gaigner, la largesse céleste nous retient. La main de Dieu ouvre ses bénédictions et thrésors d'abondance. Il nous remplit de tant de biens, que nous trouvons grandement empêchés à les resserrer. Pour cela nostre légèreté ne peult estre asseurée avec solidité sur la puissance céleste. Nous faisons de mesme que ceux, lesquels eschappez d'une très-périlleuse tourmente, lorsqu'ils se trouvent à bord ne se ressouviennent du danger auquel ils ont esté. Avons-nous des biens à planté, il nous semble que nous ne sommes plus ceux lesquels estions battus de la famine de la souffretté et nécessité.
  • Et pour ce afin de nous resucitter, Dieu a permis que l'aquilon a chassé en nostre France une formillière de hannetons, délibérez non pas de brotter seulement le tendron de nos arbres, mais de s'emparer de l'Estat, nous bannir de nostre propre terre, nous en chasser.
  • Ce coup de fouet a fait gemir les plus advisez sous la juste prudence de nostre Dieu, recognoissans que sa majesté estoit grandement indignée contre le peuple françois, en ce qu'à peine avait-il le pied tiré hors de Scylla, qu'il choquait Charybde. La famine n'estoit presque appaisée, que la guerre venoit moissonner le rapport de l'année, et qui pis est menaçoit l'Estat françois de submerssion et nostre saincte Eglise catholique et apostolique et romaine d'esbranlement.
  • Tant de soupirs, tant de regrets, tant de gémissements, enfin ils ont tasché à semondre la clémence divine à prendre pitié et commisération des désolations de nostre France, et des restes de son Église sacrée, par vœux, par pénitences, par autres œuvres dévotieuses. Les autres ont pensé qu'il fallait opposer la force à la force, et monstrer à ceste racaille estrange ce qu'elle estoit la vertu des François. Ils y ont porté ce qui s'est peu, la générosité , la magnanimité , l'adresse , leurs moyens, y ont exposé leurs propres vies. Les autres faillis de cœur et tournant le dos à la masle dignité du nom françois et de la magnanimité chrestienne, ont voulu que l'on traictât avec l'Estranger.
  • Aucuns d'eux-mêmes ont esté tellement pippés que se deffiant d'eux-mêmes et de l'assistance céleste, ils se sont rangez avec eux: et de vrais et naturels François qu'il estoient, ils se sont laschement bandez contre la propre France. — Qu'ils prennent tel masque qu'ils vouldront, ils ne se sçauroient sauver que l'on ne les répute pour estre tombez en deffiance de la bonté de Dieu.
  • Voire, mais, ne taxons point. Bien que peu d'entre nous se trouveront, qui par l'apparence humaine me fit jugement que se rendre du costé des reistres, c'estoit fuyre le party le plus fort. Une armée estrangère de trente à quarante mil hommes, despouillée de toute humanité, ne respirant que le ravagement de cest Estat, secondée des intelligences que le party huguenot et de noz chrestien à simple semelle avoit pratique en France, estoit bien pour affoiblir les forces de la France et veut forcer l'ennemy de nostre France.
  • Ne faisons point des vaillans et des trop affeurez. Nous nous trompons nous-mesmes, si nous voulons coucher pour avoir esté sans peur. Ceste grande et formidable force nous effrayoit seulement dès qu'elle estoit de là le Rhin. Elle le passe, elle donne jusques au cœur de la France. On fait mine de luy faire teste. Elle gagne pays. Desjà se promettoient la conqueste de ce très-florissant royaume françois. Desjà ces bandes se partageoient entre eux nos despouilles, dissipoient cest Estat françois |94| et bâtissoient leurs tudesques colonies: et pour combler la France d'infélicité lui vouloient ravir ce beau tiltre de trèschrestienté, pour y planter la cyguë d'athéisme, d'huguenotisme, d'impiété et hérésie.
  • Hé! pauvre peuple françois, où estois-tu? Tu ne perdois point seulement la franchise françoise, mais aussi la foy chrestienne.
  • Tu allais souffrir la tyrannie de l'estranger. Lorsque tu es aux abbois de perdre cœur et que l'Allemand bransle son estendard au milieu de tes terres, voicy le Dieu du ciel qui te veult apprendre qu'il ne t'a jamais perdu de veue, qu'il t'a regardé, qu'il a eu pitié de toy. Il nous a mis à l'espérance, non point pour nous perdre, ains pour ce que noz péchez ont attiré sur nous sa juste indignation. Le reistre nous a la pistole sur le gosier, il ravage nostre France, elle est tellement bigarrée, que de tant de milliers de François qui l'habitent, à peine s'est trouvée une poignée de François qui ait voulu combattre ceste volée de voleurs estrangers.
  • Le roy a eu des forces; quelque partie de sa noblesse l'a assisté. Mais cela était-ce pour opposer à ces tudesques? Ce grand et valeureux prince, monseigneur le duc de Guyse avoit quelques troupes, mais qui n'esgaloient de beaucoup près en nombre celle des estrangers. Toutefois comme jamais la vertu ne se fait bien paroistre, que lorsqu'il y a apparence qu'elle ne peult subsister: aussi non moins prudent que martial prince, voyant un tel monceau d'estrangers, délibère à quelque prix que ce fut, restaurer la réputation et vertu françoises et d'exterminer les espouvantaux d'âmes tièdes et non françoises: leur passer sur le ventre, en engraisser et fumer les champs françois et qu'ils publioient que c'estoit à luy qu'ils en vouloient, leur faire ressentir que sa générosité estoit trop héroïque que pour souffrir le choc de ces âmes vénales. Alors avoir veu quels ont esté ses exploits, en la défaicte qu'il fit à Villemory, près Montargis: comme il fit perdre la vie aux ennemis qu'ils estoient au nombre de quinze à seize cens, lesquels demeurerent |95| morts sur la place, sans compter les blessés et les prisonniers, et bien quatre cens chariots qu'ils pillèrent et feirent brusler une grande partie, outre seize cens chevaux de butin.
  • La deffaicte d'Auneau est singulièrement remarquable pour y avoir esté faicte une exécution merveilleuse de ces misérables reistres, sept de leurs cornettes deffaictes, trois cens de leurs chariots bruslez, deux mil cinq cens d'entre eux morts, sans compter les blessés et les prisonniers, qui estoient en nombre de trois cens hommes et soixante, qui gaignerent le hault par l'une des portes du village d'Aulneau, et emportèrent deux cornettes avec eux. Oultre ce, ils ont deux mil chevaux de butin, sans ceux qui furent bruslez, exploicts que je célèbre volontiers, comme je me réjouis de ce qu'il plaict à Dieu de bénir les sainctes et vertueuses entreprinses de ce magnanime prince, non point pour nous faire chanter (comme l'on dict) le triomphe avant la victoire.
  • Cette descharge n'escrioit pas beaucoup l'armée ennemie. Il sembloit qu'ils se roidissent davantage contre leur desconvenue.
  • Cependant monseigneur de Guyse se retire à Dourdan, et envoye à Estempes prier et louer Dieu par les églises de la grâce qu'il lui avoit faict d'avoir eu un si grand heur à la desconfiture de ces reistres. Ce qui fut faict mardy au matin par une grande messe chantée avec le Te Deum laudamus. A peine fut parachevé l'action de grâce, que nouvelles vindrent que les reistres esperdus au possible de l'eschec que mondit seigneur venoit de leur livrer, s'acheminoient droict à Angerville pour prendre délibération de ce qu'ils devoient faire. Et là faisoient estat d'y séjourner le mercredy vingt-cinquième de novembre, lendemain de la deffaicte d'Aulneau. Mais ils entendirent que mondit seigneur de Guyse avoit volonté de les aller combattre, mesmes esventèrent qu'il estoit parti d'Estempes avec ses forces. Ce qui leur donna un extrême allarme, s'attendans bien de n'avoir meilleur marché que leurs compagnons d'Aulneau.
  • Si jamais vous avez veu des personnes complices d'un vol, |96| et qui voyans ceulx qui leur ont assisté au vol monté sur l'eschelle du gibet prest à estre jetté du hault en bas, et que d'eux on s'informe de ceux qui ont assisté au vol, qui leur ont tenu escorte, vous pourrez vous représenter ces reistres. Ils avoient veu quel tramement mondit seigneur de Guyse avait faict à leurs compagnons, tant à Villemory qu'à Aulneau: qu'il n'en laissoit eschapper pas un, qu'il ne luy fist rendre gorge, et poser le butin qu'il avoit faict en France; ils trembloient en eux-mêmes, et estoient aussi peu asseurés qu'est le pauvre criminel, lequel ayant receu la condamnation de mort, a en queue l'exécuteur de la haulte justice, qui le tient attaché du licol par le col. Que font-ils? de se sauver ils ne peuvent, ils sont prévostables non domiciliez, et pourtant prévoyent bien qu'ils ne peuvent eschapper l'exécution de la justice. Les uns sont comme les criminels, lesquels se voyant prévenus de crimes, et qu'ils ne peuvent décliner ni reculer en arrière, moins pallier la vérité, ont recours à la miséricorde de la justice. Les autres, comme ils se sentent horriblement misérables pour leurs forfaicts, désespérans que la justice puisse aucunement leur faire grâce et miséricorde, brisent et rompent les prisons.
  • De même, peuple françois, il en est pris aux ennemis de la France. Les Suisses recognoissans qu'ils avoient offensé grièvement contre la majesté du roy, ont tasché de le rappaiser, ils n'ont cessé à le poursuyvre de leur vouloir donner un pardon et passe-port, à ce qu'ils eussent moyen d'eux retourner en leur pays, protestans de ne porter jamais les armes en France contre sadicte maiesté ny contre l'Eglise catholique apostolique et romaine. Bénéfice duquel, jaçoit qu'ils s'en soient rendus indignes par leur grande forfaiture, si croi-je qu'ils jouyront, ayant affaire à un prince, lequel instruit par le sauveur de tous les humains, ne désire point la mort du pécheur, mais qu'il se convertisse et qu'il vive. Ils ont requis mercy à ce grand et invincible Henry, lequel se répute à une victoire très-signalée, quittant à ces misérables l'offense laquelle il avoit moyen de vanger. |97|
  • Et quant aux reistres et aultres François bigarrés, qui ont conjuré avec l'estranger contre la France, ils s'en sont enfuis; ils n'ont osé comparoir devant le soleil de justice, devant la majesté du roy très-chrestien, leur propre conscience leur donnant affre. Ils ne se sont osé asseurer: ils ont frémy de peur. Eux-mêmes se sont mis en vau de route pour aulter la justice du prévost: ils ont levé le siège, ils ont brisé les prisons. Ils ont bruslé leurs chariots et bagaiges, enterré leur artillerie, pour montré qu'ils avoient du courage et de la force par les talons.
  • Mais, je vous prie, considérons un peu à part nous, peuple françois, qui nous a mis la victoire en main? qui a humilié ces Suisses? qui a estouppé et bridé ces pistoliers? Ce ne sont point les forces françoises, l'estranger nous surmontoit. Ce n'est point le bras humain, le prince du monde avoit desployé sa puissance contre l'Estat très-chrestien, espérant de donner soudainement le coup de ruine à l'épouse de Jésus-Christ. C'est donc Dieu qui a rendu nos ennemis esperdus. Nos forces ont esté les bouteilles de Gédéon. En un mot, peuple françois, si tes ennemis ont vidé la France, si la France jouit de sa franchise, n'impute point ce bien à la prudence humaine, elle n'y voyoit goutte: moins à nos forces, elles estoient trop faibles: ains à la toute puissante grâce de Dieu, lequel a voulu encores pour ce coup te garantir des pattes du loup et de la griffe du lyon. N'espère qu'en luy: ne t'appuie sur ce qui est de l'extérieur. Dieu fait ses miracles et œuvres prodigieuses lorsque toutes choses sont réduites au désespoir. De ma part je présage, mes vœux tendent là: que Dieu veult retirer son courroux de nostre France, moyennant que par recognoissance de nos fautes et repentance de nos péchez, nous nous rendions capables de sa digne faveur.
  • Desjà, peuple chrestien françois parisien, je vois que tu te veux estranger du nombre des ingrats et mescognoissans, attendu que sitôt que cette heureuse nouvelle de la route de nos ennemis a esté annoncée, il n'y a eu celui d'entre |98| nous qui ne se soit bandé pour en remercier humblement la majesté divine: et pour plus particulièrement témoigner l'obligation que tous unanimement nous avons recogneue avoir receue par ceste signalée desconfiture, nous nous sommes tous assemblés pour présanter à la divine maiesté l'hymne Te Deum laudamus, messieurs de la cour et autres corps de la ville, y assistans avec une grande et solennelle cérémonie.
  • Dieu par sa saincte grâce veuille que ce soit avec fruict et utilité, et face prospérer à toujours les heureux et sages desseins de notre roy, l'assiste de bons conseils, chrestien et prudent à ce que ce royaume françois puisse fleurir à son honneur et gloire et à l'édification de sa saincte Eglise.
  • Courage donc, peuple françois, tu vois le Dieu des armées de ton costé qui empoigne la querelle, qui tracasse les ennemis, qui donne du courage et de la force aux vrais chrestiens françois pour chasser l'estranger, que l'heur est inopinément de ton costé, que tu jouis de la victoire, que nos ennemis ont receu la perte, le dommage et le joug; que le champ de la bataille nous est demeuré. Il te fault en louer et bénir la majesté divine, et la supplier que toujours il luy plaise de continuer sa favorable alliance, tendre les mains à sa bonté.
  • L'ordre, nombre de gens de guerre et artillerie qui estoient au camp des reistres:
  • Monsieur de Bouillon, lieutenant du roy de Navarre.
  • Le conte de la Marche meine l'avant-garde.
  • Le baron Daune, mareschal des reistres.
  • Le sieur de Guytry, grand mareschal du camp de l'armée.
  • Les sieurs de Cormont, de Mont-Chauvière, de Maltroy et de Sainct-Martin, mareschaux de camp.
  • Le sieur de Couvrelles, maistre de l'artillerie.
  • REISTRES.
  • L'armée est composée de XXXIX cornettes de reistres:
  • Ledit sieur de Bouillon en a six.
  • Dommartin de Lorraine est son lieutenant. |99|
  • Bouchi, dix cornettes.
  • Le baron Daune, cinq cornettes.
  • Christophe Fouverne, quatre cornettes.
  • Clothe, quatre cornettes.
  • SUYSSES.
  • Dix-sept enseignes du régiment de Berne.
  • Dix-sept du régiment de Zurich.
  • Treize du régiment de Basle.
  • Six des Grisons.
  • Le sieur de Clerevet colonel desdits Suisses.
  • LANSQUENETS.
  • Cinq mille lansquenets soubs la charge du colonel Scheligue.
  • Six cens lances françoises soubs la cornette blanche du sieur de Bouillon.
  • Une cornette que porte le sieur Arson d'environ trois cens lances marchans soubs icelles: les sieurs de Beauvais, Saint-Léger, de Chevrolles, de Beaujeu et aultres.
  • Autres cornettes du sieur de la Marche, soubs icelles marche le baron de Lang, le sieur de Villernoul, et de Netancourt son lieutenant.
  • Une cornette du sieur Maintray, une aultre du sieur de Guitry, Traguy-Marmault son lieutenant; le sieur de Montluet une cornette, le sieur de Volusseau son lieutenant.
  • Le sieur Lyerancourt, une cornette; Launay son lieutenant. Les sieurs de Russy, Laplace et Valenciennes, une cornette. Le sieur Darancourt, de Lorraine, une cornette. Le sieur de Hencourt, de Picardie, une cornette.
  • GENS DE PIED.
  • Le sieur de Mouy, un régiment de gens de pied de deux mil hommes. Villeneuve de Cormot, mil harquebousiers.
  • HARQUEBOUSIERS À CHEVAL.
  • Les gardes du sieur de Bouillon, cinquante. |100|
  • Le sieur Destivault.
  • Le fils du sieur de Beaulieu.
  • Le capitaine le Sage.
  • Le capitaine Béthune, qui estoit dedans Monsegur.
  • Le capitaine Maurin, de Metz.
  • Il y a dix-sept pièces d'artillerie, seize amenées d'Allemagne, entre lesquelles il y a quatre couleuvrines, plus trois pièces prises à Salboury.
  • Plus il y a le sieur Chastillon avec ses troupes.85)
  • Devenu de plus en plus redoutable, le vainqueur d'Auneau est assassiné à Blois (1589), sous les yeux et par les ordres du roi. Henri III, assailli de toutes parts, en butte aux fureurs de la Ligue, menacé d'excommunication, flétri, chassé du trône, court se jeter dans les bras du roi de Navarre. Secondé de ce dernier, il marcha sur Paris à travers les plaines de la Beauce, entraînant à sa suite une armée de quarante mille hommes.
  • Cette âme, pleine de puériles faiblesses et de haines atroces, vindicative autant qu'impuissante, ne sortait de l'abattement que pour entrer en fureur. À Jargeau, à Pithiviers, le sang des Ligueurs coula et signala son passage. Enfin, les deux rois arrivèrent devant Étampes, dont la garnison déjà considérable venait, au bruit de leur approche, d'être renforcée par le duc de Mayenne d'un secours de deux cents cavaliers , amenés par un gentilhomme de Beauce, voisin d'Angerville, par Languedoüe, seigneur de Pussay, à qui le sieur d'Isy céda le commandement de la place , honneur qui lui coûta bien cher 86), car, une fois maître d'Étampes, le roi fit mettre à mort nonseulement les habitants qui avaient fait quelque résistance, mais encore ses propres officiers pour l'avoir conseillée. Angerville, qui n'était entrée dans la Ligue que contrainte et forcée, sans enthousiasme aussi pour Étampes, resta prudemment |101| dans ses murs et ne vit point toutes les scènes de désordre qui se passèrent dans Étampes livrée au pillage. Après cette victoire dont il usa sans aucune clémence, Henri III tomba à son tour assassiné à Saint-Cloud, par Jacques Clément, moine Jacobin.
  • Étampes aurait pu, comme les fanatiques de la Ligue, applaudir à cet événement, si elle avait dû en tirer quelque espoir de salut; mais la mort du roi ne fut au contraire pour elle qu'une nouvelle série de calamités. Le duc de Mayenne, chef de la Ligue et encouragé par sa sœur, l'impétueuse Montpensier, qui le poussait à ramasser la couronne, comprit l'avantage qu'il y aurait à posséder Étampes. Cette malheureuse ville, encore une fois assiégée, capitula en 1589.
  • Quelques mois après, c'était Henri IV qui, après une autre tentative sur Paris, s'emparait d'Étampes, 4 novembre de la même année. Maître de cette ville, il montra autant de clémence que Henri III y avait déployé de cruauté87); et après une halte de neuf jours, continuant sa route vers Orléans, il traversa notre village, suivi d'une armée peu nombreuse, avec laquelle il eut bientôt conquis Vendôme, Tours, Le Mans, ainsi que Soissons, Laval, Rennes, une partie de la Normandie, et fut vainqueur à Arques et à Ivry.
  • On sait que la guerre civile ne se termina, après de nombreuses péripéties, après un siége où Paris eut à souffrir toutes les horreurs de la famine, que par les victoires, l'abjuration et le couronnement de Henri IV. Mais avant ce moment, Angerville put voir encore son chef-lieu actuel d'arrondissement, de nouveau assiégé et pris par Henri IV, solliciter du vainqueur, comme un bienfait, la permission de détruire son château-fort et ses vieilles tours qui lui avaient attiré tous ces maux. La permission fut accordée, la riche Étampes perdit ses fortifications; la modeste Angerville conserva ses murs, jusqu'à ce que sa taille en grandissant eùt fait éclater sa ceinture de pierre et que le temps en eùt emporté les lambeaux. Ce fut vers cette époque, en 1596, qu'un arrêt du conseil royal ordonna |102| que les habitants de la paroisse de Gommerville en Beauce seraient tenus en surséance pendant six mois du paiement qu'ils devaient, pendant lequel temps il devait être pourvu sur le contenu de la requête desdits habitants. 88)
  • Fort bien conseillés par leur faiblesse, nos aïeux, en ces malheureux temps, durent souvent mettre en pratique cette maxime de prudence politique, formulée ainsi par La Fontaine:
    • Le sage dit, suivant les gens:
    • Vive le roi! vive la Ligue!
  • Au surplus, la Beauce, en général, n'est pas une terre de fanatisme. Pour l'y trouver, il faudrait remonter au temps des Druides et de leurs épaisses forêts. Les travaux de l'agriculture, les soins journaliers donnés à la terre y mettent sans cesse l'homme en présence de la nature et de la réalité. Cette nature qui ne lui présente jamais que son côté calme, uni, périodique, régulier , cette réalité froide avec laquelle il faut compter sans cesse, impriment au jugement du Beauceron cette sorte de rectitude qui n'exclut pas la finesse, mais qui s'oppose aux écarts de l'imagination. Le protestantisme y rencontra peu d'adeptes, et les fureurs de la Ligue, dont le foyer était ailleurs, vinrent jusqu'à elle, la remuèrent, mais sans l'enflammer. Nous voyons même, au milieu de toutes ces guerres, “Engerville en Beausse figurer entre soixante-dix paroisses du Gastinois, qui assistèrent, en juin 1578, à plusieurs processions solemnelles faites en grande dévotion, la plupart avec force relliquières des saincts et sainctes du paradis, et où estoient la plupart des gens d'église revêtus de fort belles et riches chappes. Les dites processions, qui avaient pour but d'obtenir la pluie et la rosée du ciel, à cause de la grande sécheresse et stérilité, se réunirent à Beaune-la-Rolande, d'où, après messes, elles partirent en fort bon ordre, et les gens d'église chantèrent et allèrent à la fontaine de monseigneur |103| Saint-Pipo, qui est loing de la dicte ville de une lieue, près la ville de Barville” 89).
  • Quant aux abbés de Saint-Denis, leurs seigneurie et justice à Angerville semblent avoir été fortement ébranlées par les secousses ipoprimées alors en sens contraire à notre petite ville. Ces puissants abbés vont enfin trouver un rival, un antagoniste digne d'eux; mais, pour comprendre comment cela se fit, il est nécessaire d'entrer dans quelques détails. Il y avait dans le sein d'Angerville comme deux forces rivales et opposées: l'une, sortie de ses priviléges et fruit de son origine de Villeneuve, tendait à l'unité administrative; l'autre, toute féodale, tendait à la diversité et au morcellement. Il y a, certes, bien loin de l'aspect uniforme et simple que présente une petite ville de nos jours, pivotant régulièrement autour d'un axe administratif, à la variété, à l'éparpillement qu'elle présentait anciennement, lorsque, partagée entre plusieurs seigneurs, elle se composait d'un plus ou moins grand nombre de fiefs, juxtaposés plutôt que liés entre eux, et nous ne croirions pas avoir donné de l'ancienne Angerville une idée suffisante, si nous ne la présentions sous son aspect féodal et fragmentaire. Angerville se composait donc de plusieurs fiefs, dont le plus considérable était sans contredit celui des Murs. Après celui-ci venaient ceux de Lestourville, de Brijolet à l'est, d'Ouestreville et de Guestreville à l'ouest, de Sainte-Croix au sud, et de Rétreville au nord. Nous avons déjà parlé d'un seigneur d'Ouestreville. Les vicomtes de Méréville prétendaient à la seigneurie de Lestourville, de Brijolet et de Rétreville. À mesure qu'Angerville s'agrandissait et que les terrains qui l'environnaient se couvraient de maisons, la difficulté de savoir de qui relevaient les nouvelles habitations devenait plus grande. Angerville, dans ces conditions, devait nécessairement aboutir à un procès, où serait débattue la question d'une seigneurie et justice universelle. |104|
  • Il est facile de comprendre comment les religieux de Saint-Denis avaient fini par se placer au-dessus de quelques petits seigneurs. Mais les vicomtes de Méréville ne courbèrent pas docilement la tête, et dès la fin du XVIe siècle, l'un d'entre eux osa leur disputer la seigneurie d'Angerville, prétendant la tenir du roi. Les circonstances lui étaient extrêmement favorables. Un prince de la maison de Lorraine était alors abbé de Saint-Denis: pour la première fois peut-être dans l'histoire, l'antique abbaye, entraînée, dominée par les intérêts particuliers d'un grand seigneur, s'était mise en opposition avec la royauté légitime. Henri IV l'avait emportée; mais il avait fait une trop longue expérience de l'animosité des Guises, pour ne pas la redouter encore sous la mître abbatiale.
  • De son côté, Jean Desmontiers, successeur de Hugues Bardulfe, de Guy, d'Hugues de Simon, de Guyot, de Guillaume de Linières90) et de la famille des Reilhac, alors vicomte de Méréville, était un puissant seigneur. Il n'appartenait à la noblesse du pays que par sa mère. Ses ancêtres paternels étaient originaires de Savoie. Urban Desmontiers vint en France en 1240, sous Philippe-Auguste. Il prit part aux guerres de ce roi contre Jean-sans-Terre et Richard-Cœur-de-Lion; il se signala de plus dans la guerre des Albigeois; enfin, il épousa une riche héritière du Poitou.
  • En 1564, l'un de ses descendants, Eusèbe Desmontiers, ayant épousé Françoise de Reilhac, fille de François de Reilhac que nous avons vu figurer à !a rédaction de la coutume d'Étampes, devint vicomte de Méréville. C'est de ce mariage que naquit Jean Desmontiers. Ce riche seigneur avait des possessions dans un grand nombre de provinces de France et même à l'étranger. Ses armoiries étaient: “Écartelé à 1 et 4 d'azur, à deux lions d'or passans l'un sur l'autre; au 2 et 3 d'argent, à trois fasces de gueules.”
  • Tel est le rival que devaient rencontrer les abbés de Saint-Denis, |105| tel est le personnage avec qui commence ce long procès de cent ans, qui semble avoir été chose inévitable dans les destinées d'Angerville. Mais comme ni le roi auquel elle appartenait, ni Saint-Denis qui l'occupait presque en entier, ni Jean Desmontiers qui la convoitait, ne devaient finalement en rester seigneurs, et qu'enfin Angerville, par une bizarrerie remarquable du sort, devait passer sous la loi d'une maison dont la première pierre n'était pas encore posée, nous n'entrerons pas de suite dans les détails de ce procès, et nous'attendrons que des pièces et documents essentiels nous permettent d'y apporter toute la clarté désirable.

CHAPITRE IX.

  • Erreurs historiques. — La Fontaine, Pauserat, Voiture à Angerville. — Abjuration du protestantisme.
  • Ôter la vérité de l'histoire, a dit Polybe, c'est arracher les yeux d'un beau visage. En effet, l'histoire sans la vérité est une sorte de monstruosité. C'est un aveugle, dans un chemin inconnu, qui se heurte, tombe et se blesse. Aussi, rien de difficile comme la mission de l'historien. Non-seulement il doit être en garde contre tout ce qui l'a précédé, contre tout ce qui l'entoure, mais il doit être encore en garde contre ses passions et l'imperfection de ses instruments d'investigation. Que de recherches à faire, que de contradictions à signaler, que d'erreurs à combattre! Le moindre fait, entre plusieurs, va nous en donner la preuve la plus convaincante.
  • Il s'agit tout simplement d'une erreur à propos d'Augerville-la-Rivière et d'Angerville-la-Gâte. Ce fait tient à l'histoire de Condé, qui, de nouveau, brouillé avec Mazarin, n'assista pas à la proclamation de la majorité de Louis XIV et se laissa aller à commettre une faute que Voltaire juge avec une juste sévérité.
  • “Le prince de Condé se résolut enfin, dit Voltaire, à une guerre qu'il eut dû commencer du temps de la Fronde, s'il avait voulu être le maître de l'État, ou qu'il n'aurait jamais dû |107| faire, s'il avait été citoyen. Il part de Paris, va soulever la Guyenne, le Poitou, l'Anjou et va mendier contre la France le secours des Espagnols dont il avait été le fléau le plus terrible.
  • “Rien ne marque mieux la manie de ce temps et le dérèglement qui déterminait alors toutes les démarches que ce qui arriva alors à ce prince. La reine lui envoya un courrier de Paris avec des propositions qui devaient l'engager au retour de la paix. Le courrier se trompa, et au lieu d'aller à Angerville où était le prince, il alla à Augerville. La lettre vint trop tard. Condé dit que s'il l'avait reçue plus tôt, il aurait accepté les propositions de paix ; mais que, puisqu'il était déjà assez loin de Paris, ce n'était pas la peine d'y retourner. Ainsi, la méprise d'un courrier, le pur caprice de ce prince replongèrent la France dans la guerre civile.”
  • Ainsi, d'après l'opinion de Voltaire, Condé se serait arrêté à Angerville. Nous avions ajouté foi à son texte d'autant mieux que nous lisons dans l'Histoire générale des temps modernes, de Ragon, tom. III, p. 439 : “Condé alla soulever la Guyenne, le Poitou et l'Anjou, et mendier contre la France le secours des Espagnols dont il avait été la terreur (phrase presque textuellement copiée dans Voltaire). À peine instruite de son départ, la reine lui dépêcha un courrier avec des propositions qui devaient l'engager au retour et à la paix. Le courrier se trompa, et au lieu d'aller à Angerville en Beauce où était le prince, il se rendit à Augerville en Gâtinais: la dépêche arriva trop tard.”
  • Il n'y avait plus de doute possible: c'était à Angerville en Beauce, à Angerville-la-Gâte, sur la route de Paris à Orléaus, que le grand Condé s'était arrêté.
  • Anquetil lui-même confirme le séjour de Condé dans notre pays.
  • “Il avait (Condé) quitté Chantilly et gagnait la Guyenne dont il comptait faire le théâtre de ses exploits ou le lieu de son repos. Il s'arrête en chemin dans une simple maison de campagne, où il attendait à l'heure dite un courrier qui devait |108| apporter les résolutions conciliatoires du conseil. Pendant qu'il était dans l'état de perplexité qu'éprouve tout homme à la veille d'un événement qui doit décider de son sort pour toujours, on vient l'avertir qu'on voit approcher un corps de cavalerie destiné sans doute à l'investir, et le courrier annoncé, qu'une erreur de nom conduit à Augerville en Gâtinais au lieu d'Angerville en Beauce, n'arrive pas; alors les amis…”
  • Les historiens modernes ne doutent nullement de la présence de Condé à Angerville-la-Gate. Voltaire dit simplement à Angerville. Ragon précise davantage et dit à Angerville en Beauce. Enfin, Anquetil ajoute à Angerville en Beauce, dans une simple maison de campagne, où il voit arriver, au lieu de courrier qu'il attendait, un corps de cavalerie qu'il n'attendait pas.
  • Nous avons longtemps cherché cette maison de campagne annoncée par Anquetil; nous avons interrogé tous les souvenirs historiques du pays; et ne trouvant aucune trace de ce passage, nous nous sommes adressé aux historiens du temps, et il nous a été facile de voir que nos trois auteurs avaient tous commis une erreur.
  • En effet, voici ce que nous lisons dans les mémoires de Guy Joly: “Cette déclaration d'innocence, prononcée en faveur de Condé, n'empêcha pourtant pas M. le prince de continuer son voyage; à quoi ne contribua pas peu l'équivoque d'un courrier que lui envoya le maréchal de Grammont pour l'avertir de ne pas s'éloigner davantage, et il lui expliquait par une lettre qu'il y avait encore espoir d'accommodement. M. le prince était allé à Augerville, maison de plaisance du président Pérault. Le courrier, confondant Augerville avec Angerville, prit le chemin de ce dernier lieu. Le détour fut cause que M. le prince, après l'avoir lue, dit à ceux qui étaient auprès de lui que si elle était arrivée un peu plus tôt elle l'aurait arrêté ; mais que puisqu'il avait le cul sur la selle, il n'en descendrait pas pour des espérances incertaines.” |109|
  • Madame de Motteville raconte ainsi le fait: “Châteauneuf étant rétabli dans le ministère, et le marquis de la Vieuville dans la surintendance des finances, qu'il avait eue autrefois, le premier président eut les sceaux. Aussi, après ces grands changements, la reine envoya le maréchal d'Aumont avec des troupes pour attaquer celles du prince de Condé, qui se retirèrent à Stenay et dans ses autres places. Il était encore indécis sur ce qu'il avait à faire, ayant assez d'envie de s'accommoder. Il alla à Angerville, maison du président Pérault, où il attendit un jour tout entier la réponse du duc d'Orléans, sur un accommodement que ce prince avait proposé. Mais celui qui le devait aller trouver ayant, par quelque accident, manqué d'arriver au jour qu'il avait marqué, M. le prince en partit le lendemain pour aller à Bourges.”
  • Le cardinal de Retz, historien de l'époque, s'exprime en ces termes: “M. le prince qui, après le voyage de Brie, était revenu à Chantilly, y apprit que la reine avait déclaré la nomination de nouveaux ministres le jour de la majorité qui fut le 7. Ce qui acheva de le résoudre à s'éloigner davantage de la cour fut l'avis qu'il eut dans ce même moment, par Chavigny, que Monsieur ne s'était pu empêcher de dire en riant, à propos de cet établissement: Celui-ci durera plus que celui du Jeudi-Saint. Il ne laissa pas de supposer, dans la lettre qu'il écrivit à Monsieur pour se plaindre de ce même établissement et pour lui rendre compte des raisons qui l'obligeaient à quitter la cour; il ne laissa pas, dis-je, de supposer, et sagement, que Monsieur partageait l'offense avec lui.
  • “Monsieur qui, dans le fond, était ravi de lui voir prendre le parti de l'éloignement, ne le fut guère moins de pouvoir ou plutôt de vouloir se persuader à soi-même que M. le prince était content de lui et par conséquent du concert dont il avait été avec la reine, touchant la nomination des ministres.
  • “Il crut que, par cette raison, il pouvait fort bien demeurer avec lui à tout événement, et le faible qu'il avait toujours à |110| tenir des deux côtés l'emporta même plus vite et plus loin en cette occasion qu'il n'avait accoutumé ; car il eut tant de précipitation à faire paraître de l'amitié à M. le prince, au moment de son départ, qu'il ne garda plus aucune mesure avec la reine et qu'il ne prit même pas le soin de lui expliquer le sommaire des fausses avances qu'il fit pour le rappeler. Il lui dépêcha un gentilhomme pour le prier de l'attendre à Angerville. Il donna en même temps ordre à ce gentilhomme de n'arriver à Angerville que quand il saurait que M. le prince en serait parti. Comme il se défiait de la reine, il ne lui voulait pas faire la confidence de cette méchante finesse, qu'il ne faisait que pour persuader à M. le prince qu'il ne tenait pas à lui qu'il ne demeurât à la cour. La reine, qui sut l'envoi du gentilhomme et qui n'en sut pas le secret, crut qu'il n'avait pas tenu à Monsieur de retenir M. le prince. Elle en prit ombrage, elle n'en parla pas. Je lui dis ingénûment ce que j'en croyais, qui était le vrai, quoique Monsieur ne m'en eût fait sur cela qu'un galimatias fort obscur et fort embarrassé. M. le prince, n'ayant demeuré qu'un jour ou deux à Angerville, prit le chemin de Bourges qui était proprement celui de Bordeaux.”
  • Enfin, voici ce que nous lisons dans la Vie du prince de Condé, par P…, ouvrage de Pierre Coste, protestant, imprimé en Hollande, et qui parut pour la première fois en 1693: “Le prince de Condé s'en alla de Brie à Chantilly, où il apprit qu'on prenait déjà des mesures contre lui. C'est pourquoi, voyant qu'il n'y pouvait rester sans courir un danger manifeste, il fit savoir au duc d'Orléans qu'il allait se retirer en lieu de sûreté, et manda au prince de Conti et aux ducs de Nemours et de la Rochefoucault de se rendre le lendemain à Essonne pour prendre ensemble le chemin de Montrond. Le duc de la Rochefoucault, avant que de sortir de Paris, avait proposé au duc de Bouillon et au vicomte de Turenne des conditions avantageuses au nom du prince de Condé.
  • “On fut surpris de part et d'autre de voir les choses au point où elles étaient. Le départ du prince étonna la reine, |111| quoiqu'elle y fût préparée et qu'elle le regardât comme un acheminement au retour du cardinal Mazarin. Le prince luimême, qui le jugeait nécessaire à sa sûreté, commença d'en craindre les suites et demeura un jour entier à Angerville, chez le président Pérault, pour y attendre ce que le duc d'Orléans aurait à lui proposer. Ce duc, qui jusqu'alors s'était ménagé entre les deux partis et n'avait rien oublié pour empêcher une rupture ouverte, songea d'abord à se servir de cette conjecture pour calmer le transport du prince et le porter à un accommodement avec la cour. Après avoir disposé la reine à donner quelque satisfaction au prince, il lui envoya un courrier pour lui offrir de la part de cette princesse des conditions d'accomodement très-raisonnables, et dont il promettait d'être lui-même le garant.
  • “Mais un accident imprévu rompit toutes les mesures du duc d'Orléans: celui qui avait été envoyé de sa part vers le prince de Condé, au lieu de l'aller trouver à Augerville en Gâtinais, où il était alors, l'alla chercher à Angerville en Beauce, et peut-être que cette méprise fut la cause de tous les malheurs qui arrivèrent par la suite, car Croissy, que le duc d'Orléans dépêcha aussitôt après vers le prince, ne le put joindre qu'à Bourges où ce prince avait été si bien reçu du peuple et de la noblesse que, croyant voir bientôt tout le royaume suivre cet exemple, il rejeta les offres de la reine et résolut de ne plus balancer à faire la guerre.”
  • On nous pardonnera ces longueurs à propos du passage de Condé. Mais nous avons cru, pour la philosophie de l'histoire, qu'il était intéressant de faire voir combien il est difficile d'arriver à la vérité, même dans les faits les plus simples, et combien aussi l'historien doit s'entourer de circonspection dans ses recherches et dans ses écrits. On se contente trop souvent de copier ses devanciers, et voilà comment des erreurs se perpétuent de génération en génération. Cependant, comme il n'y a pas d'effet sans cause, nous allons chercher d'abord à démontrer la cause de l'erreur qui nous occupe, et nous rétablirons autant que possible la vérité. |112|
  • Augerville-Ia-Rivière, village du Gâtinais, canton de Puiseaux, arrondissement de Pithiviers, s'est appelé pendant longtemps Angerville; et voilà pourquoi il y a eu souvent confusion avec Angerville-la-Gâte, petite ville du département de Seine-et-Oise, située sur la route de Paris à Orléans.
  • Il n'y a peut-être dans le texte de Voltaire qu'une faute de typographie. Mais on ne peut invoquer cette excuse pour Ragon et encore moins pour Anquetil, car le premier est précis. Le prince était à Angerville en Beauce; le courrier alla à Augerville en Gâtinais. Le second l'est encore plus en ajoutant: dans une petite maison de campagne.
  • Il est facile de contredire ces deux auteurs. Le prince de Condé, parti d'abord pour Chantilly, se rendit ensuite à Essonne; et, continuant sa route, il arriva à Augerville-la-Rivière, c'était naturel. S'il avait dû passer par Angerville-la-Gâte, il aurait été rejoindre la route de Paris à Orléans.
  • Mais il avait beaucoup plus d'intérêt à aller à Augerville-la-Rivière. Le président Pérault habitait alors le château de ce pays, et on montre encore aujourd'hui dans ce domaine, propriété de M. l'avocat Berryer, la chambre de Condé. Le fait nous est donc bien acquis: c'est chez le président Pérault que Condé séjourna. Du reste, tous les mémoires du temps l'attestent. Or, le président Pérault a habité le château d'Augerville; c'est un fait certain qu'il n'a pas habité Angerville-la-Gâte. Donc, que les auteurs ou les typograpbes aient écrit Angerville, nous ne devons pas moins conclure que c'est bien à Augerville-la-Rivière que Condé s'est arrêté, et bien à Angerville-la-Gâte que le courrier est arrivé. Car, de deux choses l'une: ou l'erreur a été préméditée, ou elle ne l'a pas été. Si elle l'a été, son passage dans ce lieu était forcé. Si elle ne l'a pas été, le chemin le plus court était celui de Paris à Orléans. Angerville-la-Gâte étant lieu de relai et d'étapes, le courrier a dû nécessairement croire que Condé avait pris le chemin le plus direct.
  • De plus, si les auteurs sont en contradiction pour le séjour de Condé, ils ne le sont pas moins pour le message. |113|
  • Ainsi, d'après Voltaire et Ragon son fidèle copiste, le courrier fut simplement envoyé par la reine.
  • Anquetil au contraire semble douter des bonnes intentions de la reine; elle lui envoie non pas des propositions de paix, mais un corps de cavalerie pour s'emparer du prince.
  • Suivant Guy Joly, c'est le maréchal de Grammont qui envoie le courrier pour lui-faire espérer qu'il y a encore lieu de s'accommoder.
  • D'après Mme de Motteville, c'est le duc d'Orléans qui avait proposé l'accommodement; c'est lui qui devait envoyer le courrier à Condé, tandis que la reine dirigeait contre celui-ci des troupes à la tête desquelles était le maréchal d'Aumont.
  • Le cardinal de Retz, qui nous paraît le plus digne de foi, nous fait voir que la reine fut complètement étrangère à ce message et que ce fut le duc d'Orléans qui le machina et qui mit obstacle à l'accommodement.
  • Pierre Coste nous montre, au contraire, le duc d'Orléans disposant la reine à s'accommoder avec le prince, auquel il envoya un courrier pour lui offrir, de la part de cette princesse, des propositions d'accommodement très-raisonnables, dont il promettait d'être lui-même le garant.
  • Nous aurions pu citer encore au tribunal de la vérité bien d'autres historiens; mais ceux que nous avons appelés suffisent pour nous montrer qu'ici-bas tout n'est que contradiction; que nos édifices humains ne sont souvent que des tours de Babel où il y a confusion de langage.
  • Un des historiens les plus remarquables de notre époque, Henri Martin, a tranché facilement la difficulté, ne s'occupant de savoir ni si le courrier avait été à Augerville ou Angerville, ni si Condé s'était arrêté dans l'un ou dans l'autre de ces pays, et pour ne pas descendre à ces détails qui sans doute sont audessous de lui, s'exprime ainsi: “Condé poursuivant sa route (qu'il n'indique pas) fut joint à Bourges par un envoyé de la reine et de Gaston ou autrement dit Monsieur. |114|
  • “L'envoyé de la reine et de Monsieur proposa au prince de demeurer en repos dans son gouvernement de Guyenne jusqu'à la réunion des États généraux, ajournée de fait. Condé eut un moment d'hésitation. Les souvenirs d'un temps meilleur et d'une gloire plus pure l'obsédaient. Il ne s'enfonçait qu'à regret dans la révolte et dans la trahison. Sa sœur et ses funestes amis l'emportèrent. Il refusa les offres d'Anne d'Autriche.
  • “Vous le voulez? s'écria-t-il. Souvenez-vous que je tire l'épée malgré moi, mais que je serai le dernier à la remettre dans le fourreau 91).”
  • Nous ne suivrons pas Condé dans ces trop malheureuses guerres du Midi qui, déplacées un moment de notre terrain, n'y revinrent malheureusement que trop tôt.
  • La fille aînée de Gaston, mademoiselle de Montpensier, la grande Mademoiselle, comme l'appellent les mémoires du temps, Mademoiselle, personne de peu de jugement, mais aussi hardie d'esprit et de cœur que son père était timide, avait saisi avec transport l'occasion de rivaliser d'exploits chevaleresques avec madame de Longueville et la princesse de Condé. Elle visait à épouser le roi, bien qu'elle eût onze ans de plus que lui. Elle venait, au nom de son père, armer contre Mazarin Orléans, la cité qui était le chef-lieu de l'apanage de Gaston 92). Mais quelque temps après le combat de Blénau, apprenant que le roi était à Saint-Germain-en-Laye, elle résolut de se rendre à Paris.
  • “Je partis (dit-elle) le 2 mai 1652 d'Orléans et j'allai à Étampes. Je trouvai à Ingerville l'escorte que l'on m'avait envoyée, et comme il faisoit très-beau temps, je montai à cheval avec mesdames les comtesses de Fiesque et dé Frontenac, lesquelles m'avaient toujours accompagnée, et à cause de cela, Monsieur leur avoit écrit, après mon entrée à Orléans, des compliments sur leur bravoure d'avoir monté à |115| l'échelle en me suivant, et au dessus de la lettre il avait mis «à Mesdames les comtesses maréchales de camp dans l'armée de ma fille contre le Mazarin…»
  • “Chavagnac, maréchal de camp, qui commandait mon escorte, leur dit: «Il est juste que l'on vous reçoive, étant ce que vous êtes.» En même temps il fit faire halte à un escadron d'Allemans qui marchait devant moi, et il dit au colonel, qui se nommait le comte de Quinski, de saluer la comtesse de Frontenac qui était la maréchale de camp. Ils mirent tous l'épée à la main et saluèrent à l'allemande, et il fit tirer tout un escadron pour lui faire honneur, entrant aussi bien dans cette plaisanterie que s'il eût été François.” 93)
  • En des temps meilleurs, les gens d'Angerville auraient pu rire de cette plaisanterie. Mais les habitants de la campagne, dont toute l'ambition est de travailler et de profiter de leurs travaux, n'étaient pas bien gais en voyant leurs terres ravagées. L'armée des princes était à Étampes, et l'armée royale, commandée par le vicomte de Turenne, la harcelait de son mieux. Les sièges, les combats, les retraites répandaient la désolation dans les campagnes: tout était ravagé par des guerriers qui ne songeaient qu'au succès du parti qu'ils avaient embrassé et ne voyaient qu'avec dédain les malheurs affreux qu'ils causaient. Le pillage, les meurtres, les incendies, sur un rayon de trente lieues au midi de Paris, de quinze à vingt sur les autres aspects de cette ville, avaient fait déserter toutes les habitations champêtres. On voyait une infinité de malheureuses familles abandonner leurs foyers et venir avec leurs bestiaux, leurs vivres échappés à la voracité des soldats, chercher un asile à Paris. Arrivées aux portes de cette ville, elles y trouvaient un obstacle: les commis de barrière exigeaient un droit d'entrée. Il y eut à ce sujet des émeutes aux portes Saint-Honoré et Saint-Antoine, et le 26 avril 1652 le Parlement ordonna que les commis ne percevraient aucun droit sur les bestiaux et |116| denrées amenés dans Paris pour la consommation de ceux qui s'y réfugiaient.94) Le Parlement s'émeut de nouveau et dépêcha à la cour des députés pour faire des remontrances sur les désordres des gens de guerre et obtenir leur éloignement à dix lieues de Paris. Sans doute, cela n'était qu'écarter le mal loin des regards de ceux qui pouvaient y apporter quelque remède, en le répandant dans un rayon plus étendu, et c'était encore la campagne qui devait supporter les maux que Paris écartait. Mais comme le roi répondait invariablement qu'il ferait retirer ses troupes dès que Condé aurait emmené les siennes et que Condé faisait exactement la même réponse, la situation restait la même et on laissait le procureur du roi s'évertuer à dépeindre les campagnes ruinées pour plusieurs années: les gens de guerre tant français qu'étrangers ne se contentant pas des vivres, mais encore pillant les meubles et ustensiles, prenant les bestiaux, dégradant et démolissant les maisons pour en avoir les matériaux, dans la facilité qu'ils rencontraient du débit de tous leurs pillages.95)
  • “La misère du peuple était épouvantable, dit Laporte, et dans tous les lieux où la cour passait, les pauvres paysans s'y jetaient, pensant y être en sûreté, parce que l'armée désolait la campagne. Ils y amenaient leurs bestiaux qui mouraient de faim aussitôt, n'osant sortir pour les mener paître; quand les bestiaux étaient morts, ils mouraient eux-mêmes incontinent après, car ils n'avaient plus rien que les charités de la cour, qui étaient très-médiocres, chacun se considérant le premier, etc.”
  • Si tel était l'état général des campagnes, que devait être celui de notre pauvre Angerville? ces guerres de la Fronde avaient pour ainsi dire anéanti les réformes agricoles de Sully. Son marché n'avait pu fructifier au milieu de tant de désastres. |117| Elle ne pouvait guère recourir à l'armée royale, car elle était, malgré elle, rattachée à la Fronde par le prince de Conti, frère de Condé, abbé de Saint-Denis et seigneur des Murs d'Angerville: Conti, également mécontent, s'était allié aux frondeurs. Aussi notre village, situé sur la route d'Étampes et servant d'étape avant d'arriver à cette ville, place forte des armées de Condé, paraissait un lieu de sûreté pour ses troupes. On s'arrêtait à Angerville, et le relai du roi était devenu celui de ses ennemis, qui se répandaient dans les pays environnants pour piller et rançonner les paysans. Que pouvaient faire nos pères en présence de telles armées? ouvrir leurs portes, héberger, nourrira discrétion ces hommes avides. Et comme il leur était impossible de se défendre, ils cherchaient à cacher leur argent, leur butin. Aussi que de fois ce malheureux terrain , source de fécondité en temps de paix, fut-il dans toutes les guerres fouillé profondément pour conserver le peu de richesses qu'il avait produites, il est peu de maisons dans le centre d'Angerville, c'est-à-dire dans la partie la plus ancienne, où l'on ne trouve de ces vastes souterrains, qui servirent plus à notre pays que ses fortifications.
  • La guerre de la Fronde était une guerre d'ambition, de partis, et dans l'indécision de la victoire chacun cherchait d'abord à s'enrichir. C'est ainsi que Chavagnac, dans un trajet d'environ trente lieues, commit tant de violences sur les chemins qu'il y gagna environ 34,000 livres.96) Le prince de Conti n'oubliait pas non plus ses intérêts. Ainsi nous trouvons dans l'Inventaire de Saint-Denis que: “L'an 1644, un nouvel aveu 97) fut rendu à M. le prince de Conti, abbé de Saint-Denys, par damoiselle Geneviève d'Isy, veuve de Henry de Reviers, héritier de Gabriel de Reviers qui avait en possession le fief des Murs d'Angerville, mouvant du château de Thoury. Par cet aveu, damoiselle Geneviève |118| rendait au prince de Conti foy, hommage, quart, denier, cens, marc d'argent, cheval de service et autres devoirs et profits qu'il avait sur Angerville, suivant la coutume du baillage d'Étampes.”98)
  • Nous ne reproduisons pas ici cet aveu ni celui que Louis de Reviers, seigneur de Mauny et des Murs d'Angerville-la-Gâte, héritier de Geneviève d'Isy, fit le 19 juillet 1657 99) par devant Michel Porthaut, notaire royal à Toury, et qu'il renouvela d'abord le 22 novembre 100) à monseigneur le cardinal Mazarin, abbé de .Saint-Denis, et ensuite à monseigneur le cardinal de Retz, autre abbé de Saint-Denis, le 27 novembre 1663 101). Ces derniers aveux, passés devant Cantien Jubart, notaire royal juré aux lieux et paroisses d'Angerville-la-Gâte, Dommerville, Jodainville, Villeneuve-le-Bœuf, Ouestreville et Retreville, sont conformes à celui de 1599.
  • Ainsi donc Conti, Mazarin, Paul de Gondy, tels sont les derniers abbés de Saint-Denis. Comme on le verra, tous les abbés qui s'étaient succédés depuis François Ier, à l'exception des deux derniers, appartenaient soit à la maison de Lorraine, soit à la maison de Bourbon.
  • La participation de ces abbés aux affaires politiques et aux troubles de ces temps ayant plusieurs fois compromis les intérêts matériels de l'abbaye, les religieux demandèrent le partage des biens entre eux et leur abbé, en d'autres termes, la |120| séparation de la manse abbatiale et de la manse conventuelle. “Comme l'abbaye, dit dom Félibien, tombait alors entre les mains d'abbés du premier rang, sujets aux disgrâces de la cour, les religieux se trouvaient souvent exposés à manquer de leurs pensions ordinaires, en même temps que l'on dépouillait leur abbé de son revenu.”
  • On sait qu'il arrive assez ordinairement dans les liquidations de société que le plus adroit ou le plus clairvoyant des associés jette, dans le lot de ses co-partageants, la partie douteuse ou menacée de l'actif, les droits incertains ou litigieux.
  • Nous ne savons comment cela se fit, mais Angerville tomba dans le lot de l'abbé. Dès ce moment, il n'est plus question à son égard des religieux, mais seulement de l'abbé de Saint-Denis. Les religieux avaient laissé à ce dernier le soin de s'y débattre contre la juridiction royale ou les prétentions du château de Méréville qui, à cette époque, rendit un aveu au roi à cause de sa possession d'Angerville, et s'en fit rendre un lui-même par Marc de la Rue, seigneurs des Murs d'Angerville, à cause des dimes et champarts d'Angerville en la vicomté de Méréville 102). On sait du reste que l'aveu ou adveu (advotio, dévouement pour quelqu'un) était une déclaration par laquelle une personne stipulant quelquefois pour elle seule, mais le plus souvent pour ses héritiers, se reconnaissait dans la dépendance et se mettait sous la protection du roi, d'un seigneur ou d'une communauté.
  • Il y avait dans ce sens des aveux de servage, de vasselage et de bourgeoisie. Les aveux de vasselage portaient le nom spécial de foi et hommage.
  • Dans toutes les mutations de fiefs, après la prestation de la foi et de l'hommage, le vassal était obligé de fournir une déclaration de tous les biens qui étaient contenus dans le fief ou qui en dépendaient. Cette déclaration, appelée l'aveu, une fois acceptée, elle faisait foi et servait à prouver la propriété des |120| choses diverses dont un fief était composé. Mais, comme dans le principe elle était faite sommairement, elle devenait l'objet d'une foule de fraudes. L'usage s'introduisit de la spécifier en entrant dans tous les détails. De là, le dénombrement s'ajouta à l'aveu. Mais l'aveu ou le dénombrement, renouvelé à chaque mutation de seigneur ou de vassal, nous semble avoir été souvent un moyen de couvrir d'une protection puissante des titres douteux, incertains et sans valeur. De là tant de contestations et de procès. C'est précisément ce qui est arrivé au sujet d'Angerville, entre les seigneurs de Méréville et l'abbé de Saint-Denis, et plus tard les dames de Saint-Cyr, qui, dès le principe, s'étaient disputé la possession d'Angerville, possession qu'il était du reste difficile de bien établir. En effet, il y avait à cette époque dans Angerville différentes seigneuries, telles que celles des Murs-Neufs, de Brijolet, de Lestourville, de Sainte-Croix, d'Ouestreville. Nous verrons plus loin à qui appartinrent chacune de ces seigneuries. Pour le moment, il nous suffit de savoir qu'il n'y a que deux seigneurs qui aient conservé des prétentions sur Angerville: c'est Méréville et Saint-Denis.
  • De l'aveu dont nous venons de parler, il résulte que Marc de la Rue rend à monseigneur de Reilhac foi et hommage pour la seigneurie des Morets et pour les dîmes et champarts dé1 la terre et seigneurie des Murs d'Angerville-la-Gâte, tenue en plein fief par les seigneurs de Méréville.
  • Quelque temps après cet aveu, en 1595, le 9 de septembre, nous voyons une damoiselle Renée de la Rue, veuve de Gabriel de Reviers, escuyer, donner devant Charles Bertrand, notaire royal à Toury, sa procuration pour porter, à M. l'abbé de Saint-Denis, foi et hommage et offrir les droits et devoirs selon la coutume, pour cette même terre et seigneurie des Murs d'Angerville, avec ses dépendances de la chastellenie de Toury.103) |121|
  • On peut voir déjà combien ces aveux avaient souvent peu de valeur.
  • Comment expliquer que damoiselle de la Rue fasse acte de foi et hommage à l'abbé de Saint-Denis pour la seigneurie des Murs-Neufs, tandis que nous venons de voir que Marc de la Rue a fait le même aveu, pour la même seigneurie, au rival de Saint-Denis, au seigneur de Méréville.
  • On pressent déjà, dans cette possession mal définie, dans ces titres douteux de seigneurs d'Angerville, résultat de l'envahissement, de l'usurpation, qu'un conflit, que de vives discussions devront s'élever au sujet d'une propriété, d'un titre qui devient chaque jour plus important.
  • Avant d'assister à cette lutte, voyons un peu d'où venait ce Gabriel de Reviers, dont les descendants ont pris le titre de seigneur d'Angerville.
  • La maison de Reviers, ancienne et illustre famille de Normandie, tire son nom de la paroisse et seigneurie de Reviers (en latin redeverum, redeveriacum), aujourd'hui village du Calvados, arrondissement de Caen, canton de Creuilly 104).
  • L'origine de cette famille remonte à Beaudoin de Brionne ou de Maule, allié au duc de Normandie, qui passa avec Guillaumle-Conquérant en Angleterre et y reçut, entre autres biens, le comté de Devou105) et la seigneurie de l'île de Wight.
  • Ses comtes de Devou, descendants de Beaudoin, possédèrent aussi de grands biens et la seigneurie de Reviers en Normandie où ils firent des fondations importantes, parmi lesquelles il est à propos de citer celle de l'abbaye de Montbourg, où Richard fut enterré en 1107, et après lui plusieurs de ses descendants. 106) Des comtes de Devou, seigneurs de l'île de Wight, qui s'éteignirent en Angleterre vers la fin du XIIIe siècle, étaient sortis |122| la famille de Vernon et plusieurs branches du nom de Reviers, qui se perpétuèrent en Normandie jusqu'au XIXe siècle et d'où sont sortis plusieurs chevaliers qui prirent part aux faits glorieux des Normands aux batailles de Bouvines, d'Azincourt, à la défense du mont Saint-Michel contre les Anglais en 1423, etc. 107) Il existe encore, aux archives des départements de la Manche, du Calvados, et dans les cartulaires des abbayes de Normandie, beaucoup de chartes des Reviers. Quelques chartes rapportées dans le cartulaire de Saint-Père de Chartres, font connaître que la famille de Reviers possédait aussi des biens de ce côté dès le XIIe siècle.
  • Dépouillé de ses biens en Normandie, pour avoir réfusé d'y reconnaître la domination des Anglais, Jean de Reviers vint servir sous la bannière du comte de Champagne. Il fut qualifié seigneur de Souzy au bailliage d'Étampes, et de Mauny, fief qu'il posséda près Meaux en Brie. Ses descendants continuèrent à porter les mêmes surnoms, et son petit-fils, Jean III de Reviers de Mauny, gentilhomme de la chambre du roi François Ier, ajouta la seigneurie de Villeconin, près Dourdan, à celles de Souty et de Mauny qu'il possédait déjà.
  • Ses arrières petits-fils, Louis et Abdénago frères, épousèrent les deux sœurs, Jeanne et Jacqueline d'Allonville, et devinrent les tiges de deux rameaux distincts: Reviers de Souzy et Reviers de Mauny.
  • Abdénago de Reviers posséda Mauny et continua à en porter le nom. Il posséda en outre et habita le fief de Chandre, paroisse de Sours, au pays chartrain.
  • Son fils, Henri de Reviers de Mauny, fut seigneur de Chandre et d'Huis, paroisse de Crotte, près Pithiviers.
  • Un autre descendant, Gabriel de Reviers, se maria avec damoiselle Renée de la Rue, héritière de Marc de la Rue, baron de Tour en Champagne et seigneur des Murs d'Angerville. |123| Voilà comment la famille des Reviers devint seigneur d'Angerville.
  • Son fils ou son neveu, Louis de Reviers, fut aussi qualifié du titre de seigneur des Murs d'Angerville, Prez-Saint-Martin et Moret.
  • Ce n'était pas assez pour Angerville d'être un sujet de querelle entre ses principaux seigneurs, si seigneurs ils étaient, Angerville devait encore être attaquée par les poètes, genus irritabile vatum.
  • Non content du Belsia triste solum, Rabelais prétend que les gentilshommes, dans notre pays, déjeunent de vent “par baisler.” La Fontaine, dans son voyage de Paris en Limousin, voulant railler sur l'origine de la Beauce, écrit à madame de La Fontaine que depuis que la Beauce est plate, ses habitants sont devenus bossus. Et il dit:
    • /a Beauce avait jadis des monts en abondance,
      • Comme le reste de la France.
      • De quoi la ville d'Orléans,
    • Pleine de gens heureux, délicats, fainéants,
      • Qui voulaient marcher à leur aise,
      • Se plaignit et fit la mauvaise,
      • Et messieurs les Orléanois
      • Dirent au sort, tout d'une voix,
      • Une fois, deux fois et trois fois,
      • Qu'il eut à leur ôter la peine
    • De monter, de descendre et remonter encor:
      • “Quoi! toujours mont et jamais plaine!
      • Faites-nous avoir triple haleine,
      • Jambes de fer, naturel fort,
      • Ou nous donnez une campagne
      • Qui n'ait plus ni mont ni montagne.”
      • — Oh! oh! leur repartit le sort,
    • Vous faites les mutins, et, dans toutes les Gaules,
    • Je ne vois que vous seuls qui des monts vous plaigniez!
      • Puisqu'ils vous nuisent à vos pieds,
      • Vous les aurez sur vos épaules.”
      • Lors la Beauce de s'aplanir,
      • De s'égaler, de devenir
      • Un terroir uni comme glace,
      • Et bossus de naître en place,
      • Et monts de déloger des champs. |124|
      • Tout ne put tenir sur les gens:
      • Si bien que la troupe céleste,
      • Ne sachant que faire du reste,
    • S'en allait les placer dans le terroir voisin,
    • Lorsque Jupiter dit: “Épargnons la Touraine
      • Et le Blaisois, car ce domaine
      • Doit être un jour à mon cousin:
      • Mettons-les dans le Limousin.
  • Le vieux Raoul Boutherays, beauceron pur sang, célèbre, il est vrai, son pays en vers latins; mais s'il fait un bel éloge des lièvres de la Beauce, c'est en homme qui les vit plus souvent courir en rase campagne que fumer à la broche. Ce qu'il vente en eux, ce n'est pas la saveur de leur chair, comme on pourrait le croire: c'est la vélocité de leurs jarrets.
    • Les lièvres de Beauce, dit-il,
      • ……….Quos Belsia gignit
      • Praecipuè antistant et poplitè et alitè planta,
    • l'emportent sur tous les autres par la rapidité de leur train de derrière.
      • C'est là ce qui fait que leurs rables
      • Se montrent si peu sur nos tables.
      • La vitesse de leurs jarrets
      • Fait un grand tort à nos civets.
  • Mais Angerville, Angerville, toute pleine dès le XVIe siècle d'auberges, de marmites, ne trouvera-t-elle pas grâce aux yeux de nos vieux poètes gaulois, race sensuelle et gloutonne, au nez fin, aux dents longues, à l'appétit toujours ouvert et se préoccupant avant tout de la cuisine?
  • Voici justement venir Passerat; il en sort et n'a pas l'air très-content. Mais peut-être est-ce la monotonie du paysage qui lui déplaît? Voyons, que rumine-t-il entre ses dents? Écoutons !
    • Qui, de ses propres mains, a étranglé son père,
    • Qui a meurtri sa mère et a tué sa sœur,
    • Qui, comme les Titans, aux astres a fait peur, |125|
    • Et qui a fait manger ses neveux à son frère;
    • Qui, son plus grand ami, au temps de sa misère,
    • A vendu pour argent ou livré par faveur,
    • Qui, cruel, a fiché sa dague dans le cœur
    • De son hoste ancien, sans ouïr sa prière,
    • Qui a rompu l'humaine et la divine loi,
    • Qui a trahi sa foi, son pays et son roi
    • Et allumé les feux d'une guerre civile!…
    • Quiconque est celui-là, s'il veut que ses péchés
    • Ne lui soient à la fin devant Dieu reprochés:
    • Qu'il disne à Arthenay et soupe à Angerville!
  • Peste! comme il y va. Ainsi, selon lui, de son temps, il fallait avoir assassiné père et mère pour manger à Angerville. Mais, ô progrès! ô doctrine de la perfectibilité humaine et culinaire! viens à notre aide et venge-nous tout à la fois de l'affreux hôtellier qui empoisonne ses hôtes et du poète hâbleur qui fait le gourmet et n'a peut-être ni sou ni maille. — Mais, non, progrès, ne te dérange pas. Les aubergistes ressembleront toujours au perfidus campo d'Horace, et les poètes seront toujours des menteurs. Contenons notre indignation et reconnaissons, toute hyperbole mise à part, qu'il peut y avoir du vrai dans la plainte de Passerai. Certes, les auberges ne manquaient pas à Angerville, au contraire, elles y pullulaient à tel point qu'elle aurait pu changer son nom et s'appeler Auberge-Ville, sans commettre la moindre imposture. La population ne dépassait pas alors le chiffre de mille ou douze cents habitants. En prenant, en moyenne, un feu par quatre per sonnes, le bourg ne comptait guère plus d'une centaine de feux. Eh bien! sur ces cent feux, quarante-cinq brûlaient pour messieurs les voyageurs, à pied et à cheval. Raisonnons maintenant: quarante-cinq tables au dépourvu n'en valent pas une bien servie, et l'auteur de la satire Ménippée, malgré son sonnet contre Angerville, doit rester de nos amis. Mais si, d'un côté, la concurrence entre quarante-cinq auberges devait nuire à l'approvisionnement particulier de chacune d'elles, d'un autre côté, cette même multitude d'hôtelleries témoigne hautement de la facilité de s'approvisionner dans le pays, surtout à |126| une époque de trouble et d'anarchie. La conclusion reste donc tout entière en l'honneur de la Beauce, et cela doit nous suffire.
  • Mais, laissons les auberges, et parlons des relais, des chevaux qui piaffent, des postillons qui jurent, et de ces cavaliers au chapeau à larges bords, surmonté d'un panache, aux bottes en entonnoir, aux éperons dorés. Parlons aussi de nombreux courriers qui les précèdent, demandant des chevaux, pressant les postillons et criant: Place! place! arrière, valetaille!
  • Plus tard, nous parlerons des chaises de poste, des berlines, des diligences; mais, pour le moment, on ne voyage qu'à cheval. Ah! quelle histoire que celle d'un village! S'il pouvait redire tous les drames et toutes les comédies qu'il a vu courir la poste! Parlons des relais, vous dis-je, là est la gloire d'Angerville. Que de choses dans cinq minutes de relai et un simple couplet de Voiture!
    • Au beau milieu d'Angerville,
    • Monsieur notre chancelier,
    • En me parlant d'un soulier,
    • Me fit devenir débile,
    • Me souvenant de celui
    • Qui m'a causé tant d'ennui.
  • Eh bien! que dira-t-on? C'est léger comme une bulle de savon; mais, qu'on y prenne garde, les questions les plus diverses vont en sortir, pressées, rapides et bruyantes comme les fusées d'une pièce d'artifice: Quel est ce chancelier? où va-t-il? que fait-il en la compagnie de Voiture? en quelle année cet étrange voyage? pour qui ces vers? à quelle Cendrillon le soulier? et une foule d'autres points d'interrogation se dressent devant vous.
  • Il faudrait avoir pénétré bien avant dans les secrets féminins de l'hôtel de Rambouillet, pour bien commenter cette chanson sur l'air du Branle de Metz, composée pour l'amusement exclusif de ses charmantes hôtesses. C'était le fait d'une Julie ou d'une Angélique d'Angenne de deviner de quel soulier M. le |127| chancelier parlait alors, et de quel autre soulier le seul souvenir faisait pâmer Voiture “au beau milieu d'Angerville.” Pour nous, faibles mortels, qu'avons-nous à y voir? Et puis, Voiture le sait-il bien lui-même, et n'a-t-il pas dit autre part, sur le même air:
    • Mon pauvre cœur prisonnier
    • Va de soulier en soulier.
  • Mais la difficulté n'est pas toute dans le soulier, et la personne de M. le chancelier en garde sa bonne part. Au premier abord, on croirait qu'il s'agit ici du chancelier, garde-dessceaux, Séguier: c'est possible, mais c'est peu vraisemblable. Et de quel autre personnage, cependant, pourrait-il être question? Pierre Séguier n'était-il pas le chancelier d'alors? Oui, sans doute; mais on peut dire à cela qu'outre le grand chancelier d'État, chaque membre de la famille royale avait le sien, et le comte de Chavigny, ministre des affaires étrangères, était aussi chancelier de Gaston, duc d'Orléans, et Voiture lui-même était attaché à la maison du duc en qualité d'introducteur des ambassadeurs. Voiture pouvait donc très-bien dire, en parlant du comte de Chavigny: “Monsieur notre chancelier.”
  • Il est bon de remarquer aussi qu'il n'exista jamais que de froides et rares relations entre le chancelier Séguier et le poète de l'hôtel de Rambouillet. Dans tout le recueil des lettres de Voiture, on n'en trouve pas une qui lui soit adressée; il n'est même, je crois, fait mention de lui dans aucune, chose bien étonnante de la part de quelqu'un qui aurait fait côte à côte avec M. le chancelier le voyage de Paris à Orléans. Nous voyons, au contraire, entre Voiture et le comte de Chavigny, régner une constante intimité. Un grand nombre des lettres de Voiture s'adresse au comte de Chavigny. Voiture fut même envoyé par lui en plusieurs missions diplomatiques dont il se tira avec honneur et succès.
  • Laissons-le donc poursuivre tranquillement son voyage, et |128| qu'on nous permette de présenter M. le baron de Fœneste. M. le baron, sandis! est un cadet de Gascogne, assez bon diable au fond, mais qui s'est fourré dans la tête qu'en tout, l'essentiel est de paraître, et qu'apparence sans réalité vaut encore mieux que réalité sans apparence. D'Aubigné, qui l'a tenu sur les fonds baptismaux, s'est avisé, en véritable érudit du XVIe siècle, d'aller lui chercher un nom dans le dictionnaire grec: Phainesthai. M. le baron de Phainesthai raconte ses aventures au bonhomme Einai. (Je vous plains si vous avez oublié votre grec.) Le bonhomme Einai est en tout l'opposé de M. le baron. Avant d'arriver à Paris, ce dernier passe une nuit à Angerville. Vous allez voir comment M. le baron fit, le lendemain, connaissance avec le fouet d'un postillon de la Beauce. Je le laisse parler:
    • “Come à chien maigre bont les mousches, nous troubasmes les poustes tellement rompues par monsur de la Barenne (la Varenne était contrôleur général des postes sous Henri IV) par monsur de la Barenne, qui courait lui-même en personne, que le comte fut contraint de me laisser à Angerbille avec quauque argent pour l'attraper le lendemain. Le postillon de Guillerbal et moi eusmes querelle pour ce que je le nommois couquin comme c'est la feiçon, il me répliqua couquin bous-même. Je m'approche pour lui donner une platassade, mon espeio s'estoit prise dans les descoupures; come lou taquin bit que je ne la poubois arracher, il me boulut donner de son fouet: toute la courroie s'entortilla autour de mon cou. Me voilà par terre, si estonnay de la cheute, que mon bilen estoit hors de bue, et lou pis est que mon chebal l'aboit suibi, etc.”
  • Malgré les boutades des poètes, Angerville fixait l'attention des historiens. Ainsi, André Duchesne, dans son livre sur les antiquités de la France, après avoir parlé de la Beauce, ajoute: “Son étendue est riche de plusieurs villes et villages qui ne sont pas autrement de grand nom et que l'on ne trouve pas souvent en lisant nos histoires, bien que je ne veuille laisser |129| tomber sous ma plume Toury, Angerville, Mérinville, etc.108) » Puis, dom Basile Fleureau, l'historien d'Étampes, ajoute qu'Angerville est un gros bourg et paroisse reconnaissant plusieurs seigneurs. L'abbé de Saint-Denis en est seigneur de la plus grande partie, et il y a justice haute, moyenne et basse en titre de prévôté. Le roi est seigneur d'une autre partie (souvenir de l'Angere regis), laquelle répond devant le prévôt d'Étampes. Et le reste, avec le hameau de Villeneuve-le-Bœuf, appartient au seigneur de Méréville. L'historien d'Etampes n'oublie pas de rappeler, dans son ouvrage, que les abbés de Saint-Denis ont usurpé à Angerville la juridiction du roi : nouvelle preuve qu'Angerville appartenait bien au roi, qu'elle était bien l'ancien Angere regis. De plus, il ajoute que Guillerval reconnaît des appels de la prévôté d'Angerville.
  • Il est peu de villages, comme on le voit, qui aient été plus divisés qu'Angerville. Mais le temps approche où toutes ces religions différentes vont s'éteindre. Déjà les seigneurs protestants d'Ouestreville nous semblent, depuis la réconciliation de notre Église, beaucoup moins turbulents. Du reste, le protestantisme était aussi moins persécuté. L'édit de Nantes (20 avril 1598), en reconnaissant les droits à l'exercice de ce culte, mit fin à ces guerres de religion qui désolaient les campagnes.
  • Le calme était donc rétabli, et les seigneurs, hauts justiciers, avaient dans leurs châteaux le libre exercice de leur religion; ils pouvaient admettre trente personnes à leur prêche. Mais bientôt leurs synodes furent de véritables assemblées politiques: ils formèrent un état dans l'état. Appuyés par des alliances étrangères, ils établirent en France des cercles à l'imitation de l'Allemagne, troublèrent les premières années du règne de Louis XIII, et, jusqu'à l'époque de Richelieu, menacèrent l'unité de la France. Richelieu, le grand édificateur du pouvoir royal, s'empara de la Rochelle, leur centre, et leur imposa l'édit d'Alais ou l'édit de grâce. |130|
  • Du reste, l'édit de Nantes fut confirmé, et la liberté de conscience respectée. Tant que vécut Colbert on n'osa les attaquer; mais, après sa mort, le roi, persuadé que le protestantisme était une cause de désordre, dans l'intérêt de l'unité monarchique, dans l'espérance de se faire pardonner bien des fautes, Louis XIV prépara une nouvelle persécution dans laquelle les cruautés, les actes impolitiques furent poussés aux dernières limites. Chaque seigneur protestant se voyait troublé et à la veille d'être dépossédé. Plusieurs furent forcés d'acheter leur tranquillité par l'abjuration de leur croyance. Le protestantisme d'Ouestreville, autrefois si vivace, n'avait plus guère de racines. Il allait s'éteindre dans la personne de Suzanne de Villeneuve, qui abjura cette religion ainsi que le prouve l'acte suivant, extrait des archives d'Angerville:
    • “Aujourd'hui dimanche, huitième de mars de l'année mil six cents soixante et seize, dans l'église de Saint-Pierre d'Angerville la gaste, diocèse de Chartres, damoiselle Suzanne de Villeneuve, âgée de quarente huit ans ou environ, demeurant à Ouestreville, de cette paroisse, fille de défunt Lazare de Villeneuve, escuyer, seigneur de la commune d'Ouestreville, et de damoiselle Marie de Sarouville, ses pères et mères, après avoir recognu la décadence de la religion reformée où on l'a élevé et la vérité de la foy de l'Église catholique, apostolique et romaine, a, sans contrainte et volontairement, abjuré l'Église de Calvin, et, publiquement et solennelement, a, dans la forme portée par le rituel du diocèse de Chartres, fait profession de la foy et religion catholique, apostolique et romaine, et promis d'y vivre et mourir moyennant la grâce de Dieu, et ce entre les mains et en presence de nous, Alexandre Contet, prêtre honoraire de l'archidiaconé, de droit doyen rural de Rochefort et curé de cette paroisse de Saint-Pierre d'Angerville la gaste, venant pour recevoir le serment d'ajuration des hérétiques, de profession de foy par monseigneur l'illustrissime et reverendissime prestre, doyen du diocèse, mesire Ferdinand Desnoniers, evesque de Chartres, par sa commission en date |131| du 28 février delivrée, dûment scellée et signée: Ferdidandus episcopus carnotensis, et plus bas, de mandata illustrissimi ac reverendissimi Domini nostri episcopi carnotensis. En présence de messire Claude Chambon d'Arbouville, prestre, chanoine de l'église cathédrale de Chartres, qui a fait une allocution pendant la dite cérémonie à la dite Suzanne de Villeneuve; de maistre Jacques Edouard, prestre, curé de Saint-Père de Mérinville ; de maistre Guillaume Gousseau, prestre, curé de Domarville; de maistre Jean Triquel, curé de Boisseau ; de maistre Simon Herbolin, prestre, vicaire de cette paroisse; de frère Antoine Grivel, religieux observantin de Saint-François; de maistre Lubin Blanchet, diacre de ce diocèse; de messire François-Théodore de Chambon, seigneur de Gondreville, capitaine au régiment royal des vaisseaux; de dame Marie-Élisabeth de Cambis, epouse du dit sieur de Gondreville et nièce de la dite damoiselle de Villeneuve; de Louis de Tarragon, chevallier, seigneur d'Omonville; de messire Charles de Chambon, chevallier, seigneur de Tigny; d'Alexandre-Adrien de Chambon, chevallier de l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem; de dame Helène de Compars; de messire François de Languedoue, chevallier, seigneur de Pussay; de Charles de Languedoue, seigneur de Domarville; d'Alexandre Lemaistre, chevallier, seigneur de Barminville; de Charles de Barville, chevallier, seigneur de Boissy; de damoiselle Louise de Chambon; de damoiselle de Chambon; de damoiselle Charlotte de Languedoue; de Simon Hillou, hostellier; de Charles Langlois, laboureur; d'Eutrope Baillou, boucher, gagiste de la paroisse de la dite église; de Jacques Daillard, serviteur et bedeau de la dite église; et plusieurs paroissiens.”
  • Il était temps de se convertir, car, quelques années après, l'édit de Nantes était révoqué; Louvois ordonnait ces dragonnades dont les campagnes eurent tant à souffrir.
  • Il résulta de mesures barbares et inhabiles, qu'environ cinq cent mille habitants, qui vivaient paisiblement et enrichissaient le royaume de leur travail, portèrent ce bénéfice en |132| pays étranger. Il fallut dès lors songer à combler le vide produit dans le budget. Altération de monnaies, création d'offices civils et militaires inutiles, de greffiers conservateurs des registres de baptêmes, mariages et sépultures, arrachant à l'homme son argent depuis sa naissance jusqu'à sa mort, abus des fermiers généraux qui allaient toujours croissant, défense de saisir les bestiaux et les instruments aratoires tombée en désuétude, mauvaise récolte de 1692, taxe sur les grains, droit de contrôle sur les actes notariés, avec obligation de les enregistrer dans la quinzaine, défense faite aux cultivateurs de faire des baux de plus de neuf années, établissement de la capitation: tout était mis en œuvre pour combattre la misère du royaume; on épuisait les campagnes. “Labourage et pastaurages, ces deux mamelles de l'État étaient taries.”
  • Cette situation devenait alarmante. Enfin, le duc de Bourgogne cédant aux instigations de Fénélon, homme vraiment évangélique, demanda (1698), aux intendants des provinces, des rapports rédigés sur l'état du royaume, et voici, d'après Boulainvilliers ce qui fut rapporté sur notre pays.
  • L'auteur remarque en général que le nombre du peuple est fort diminué dans toute l'étendue du gouvernement. Il dit que l'élection d'Étampes l'est presque de moitié. “Cela est dû à l'établissement des canaux de Briare et d'Orléans, qui ont diminué le commerce des charrois; aux logements excessifs des gens de guerre à leurs fréquents passages, auxquels Angerville était nécessairement soumis; à la mortalité plus grande.” En effet, en 1690, Angerville comptait quatre-vingt-quatorze décès, chiffre doublé de la moyenne. Il ajoute: “La retraite des Huguenots, les levées des troupes, les milices forcées et enfin les impositions extraordinaires, sont la véritable cause de la misère et de la diminution des populations.” Ainsi tombait, se trouvait dégradée l'œuvre magnifique de Colbert, dont le génie avait si bien relevé le commerce, et Louis XIV allait encore s'endetter pour créer la maison de Saint-Cyr.

CHAPITRE X.

Fiefs d'Angerville. — Droits des Dames de Salnt-Cyr et de , M. Delpech.

Depuis François Ier, ce n'était plus l'élection qui faisait les abbés de Saint-Denis. Ces abbés n'étaient plus que commandataires ; mais ce titre n'avait pas cessé d'être recherché par les plus grands seigneurs et même par des princes. Mazarin s'en était.revêtu lui-même : Louis XIV le supprima. Les apparences furent d'ailleurs royalement sauvées. Une bulle d'Innocent XII, du 29 janvier 1693, autorisa cette suppression.

Saint- Gyr fut fondé, et les dames de cette pieuse maison d'éducation, destinée aux filles des chevaliers de Saint-Louis, héritèrent en partie de la manse abbatiale dont le monarque se croyait certainement bien en droit de disposer à son gré.

Enfin, Mme de Maintenon couvrit cette mesure du voile délicat de la piété et de la dévotion ; elle écrivit ces mots à l'une de ses protégées de Saint-Cyr : « Ce qui prouve bien que notre maison est l'œuvre de Dieu, « c'est qu'il a conduit le roi à cette fondation, le roi qui ne peut souffrir les nouveaux établissements [ et dans quel « temps ? après une longue guerre qui avait épuisé ses finances. »

Angerville allait donc dépendre en grande partie de la maison de Saint-Louis, et cette petite ville, longtemps restée sta-

tionnaire pendant les troubles, entrait néanmoins à ce moment même dans une phase d'agrandissement et de prospérité. Les anciennes routes réparées, de nouvelles construites ; les communications de Paris et de la province plus actives et plus nombreuses; la foule des provinciaux et des étrangers attirée à Paris ou à Versailles par les merveilles du siècle de Louis XIV, et enfin une sorte d'attraction civilisatrice s'exerçant du centre à tous les points de la circonférence. Toutes ces causes réunies contribuèrent à l'accroissement et à la richesse de notre.petite ville, qui était trop bien située pour ne pas prendre sa part du mouvement général.

Nous avons déjà dit que, par suite des diverses seigneuries entre lesquelles son territoire était divisé, elle devait tôt ou tard être l'objet d'un procès. Dès les temps les plus reculés, les abbés de Saint-Denis et les propriétaires de la terre de Méréville avaient eu des contestations au sujet de la justice prétendue sur quelques maisons du bourg d'Angerville. Le différend avait été jugé, en faveur des abbés de Saint-Denis, par deux sentences dont il n'y a point eu d'appel. La première, du mardi d'après Noël 4295, contre M. de Linières, seigneur de Méréville, rendu par le prévost d'Orléans ; et la seconde, par le prévost d'Yenville, le vendredi d'après la Notre-Dame 1301. Néanmoins, les mêmes contestations reparurent au commencement du XVIIe siècle. Le seigneur de Méréville était alors Desmontiers. Plusieurs sentences et arrêts du Parlement, datées des 28 août 1600, 18 décembre 1604, 8 juin 1624 et 25 janvier 1631, intervinrent, mais ne purent mettre fin à un procès, qui a donné lieu à des recherches intéressantes sur les différents fiefs et seigneuries qui existaient alors dans notre village. Nous croyons ici nécessaire, pour l'intelligence ées discussions et des procès que ces différentes propriétés suscitèrent, de fournir quelques explications sur ces mots fiefs, seigneuries ; d'indiquer l'origine, la formation de ces fiefs dans un village royal ; de faire voir comment ce village, créé par un principe essentiellement contraire au principe féodal et unique possession du

roi, est devenu ensuite la proie de différents seigneurs. Pour cela, il est indispensable d'entrer dans quelques détails sur cette grande forme de gouvernement, qui confondait la propriété avec la souveraineté.

En France, la féodalité n'est pas immédiatement sortie de la conquête, elle pouvait en être le résultat. L'état du monde romain au ve siècle et les mœurs germaines concouraient également à la produire. D'un côté la force qui donne, de l'autre la faiblesse qui demande : voilà les deux sources primitives rationnelles de la féodalité. Mais elle eut à lutter, comme on l'a si bien dit, contre les souvenirs de l'Empire romain et contre les essais de centralisation des Mérovingiens et de Charlemagne.

A la mort du grand Karl, l'usurpation des grands officiers détermina la révolution féodale et n'en fut cependant pas le vrai caractère. Elle démembra l'Empire, et après lui chacune des monarchies qui en était sortie. Mais, dans ce morcellement, rien ne révèle encore la féodalité. Allons plus loin. Le pouvoir, si faible dans la main des successeurs de Charlemagne, devint-il plus fort dans celles des ducs et des comtes?

Non.

Au-dessous du duc ou du comte usurpateur se dresse l'usurpateur vicomte. Au-dessous ou à côté de lui, tout seigneur laïque ou ecclésiastique voulut se rendre indépendant ; tout propriétaire voulut être seigneur, tout tenancier propriétaire, et ainsi de suite, sans qu'il soit possible de déterminer la limite précise où s'arrêta le mouvement révolutionnaire, ni de le caractériser autrement que par cette terrible antithèse : Du gouvernement se résolvant en propriété et de la propriété s'érigeant en gouvernement.

Ces deux tendances contraires semblaient devoir se neutraliser et se paralyser l'une l'autre. Il n'en fut rien. Dans la marche de l'humanité, deux tendances contraires et de même force ne s'annulent pas, elles se combinent, produisent un fait nouveau.

Pour concevoir comment cette combinaison s'opéra, il faut se rappeler que, dès les premiers temps qui suivirent la conquête de la Gaule, il s'établit deux genres de propriétés bien distincts : l'alleu et le bénéfice.

L'alleu, propriété indépendante, patrimoniale, héréditaire, et qui semble avoir pris son origine dans le partage de la conquête ; Le bénéfice, propriété concédée, semblable d'abord à la simple possession, révocable quoique tendant de sa nature à l'hérédité, mais ne pouvant être aliénée ni transmise sans le consentement du donateur : on sait qu'elle avait pris son origine dans les mœurs des Germains.

Ce fut pourtant cette propriété tronquée qui l'emporta tout d'abord sur sa rivale, et, trop faible dans son indépendance, l'alleu alla se fondre peu à peu dans le bénéfice, propriété conditionnelle, mais protégée, dépendante, mais comblée des faveurs du chef.

Telle est la première période non de la féodalité, mais de la gestation féodale, c'est-à-dire de cette force naturelle des choses qui devait l'engendrer.

La seconde fut marquée par une violente réaction en faveur de l'alleu, quand le lien qui rattachait les bénéfices entre eux et tous ensemble au pouvoir central fut brisé, et que les grands fonctionnaires de l'Empire se furent rendus indépendants et propriétaires dans leurs gouvernements. Et sur quoi donc, en effet, allait porter l'exercice de ces gouvernements, si chaque propriété devenait à son tour souveraine, et sur quelle sécurité cette propriété souveraine pouvait-elle compter à son tour, s'il ne s'établissait un ordre, une combinaison hiérarchique qui, sans lui enlever son autonomie, la sauvât de sa propre faiblesse et donnât en même temps l'existence à un gouvernement régulier.

Entre l'allod, renaissant de ses cendres, et le féod ainsi attaqué ; entre l'indépendance barbare, relevant de nouveau sa tête menaçante, et le faible lien social ainsi rompu, lois,

propriété, gouvernement, tout semblait devoir s'abîmer dans un épouvantable chaos. Le fief naquit, et tout fut sauvé.

Le fief, propriété féodale, nous semble avoir revêtu quelquesuns des caractères de l'alleu et gardé les principaux caractères .du bénéfice.

Comme l'alleu, il fut patrimonial, héréditaire et se gouvernant par lui-même.

Comme le bénéfice, il releva d'une propriété supérieure, lui dut foi et hommage, fut tenu envers elle au service militaire et judiciaire, et fut de même sujet à révocation, à confiscation, s'il ne remplissait pas les charges imposées. Ainsi, le fief fut le résultat de la combinaison de l'allod et du féod, de l'alleu et du bénéfice : et peut-être eût-on mieux exprimé cette combinaison en disant : Féodalodité.

Dans un pareil système, l'homme n'entrait en rapport avec l'homme que par l'entremise de la terre.-La condition des terres entre elles détermina donc celle des hommes entre eux.

Or, quelle fut cette condition des terres, puisque la souveraineté et la propriété sont ici mêlées et confondues? Il y eut d'abord-la terre souveraine, l'unité; puis la terre vassale, fraction de l'unité, et la terre vassale devenait à son tour souverainejîe la terre sous-vassale, fraction de fraction.

Il y eut de même un suzerain, un seigneur intermédiaire et des vassaux, ou plus simplement des vassaux et des vavassaux.

Mais, à aucun degré de la hiérarchie, la propriété ne constituait un droit absolu, elle se rapproche toujours, par quelque côté, de la simple possession. En effet, au sommet de l'échelle, c'est-à-dire au point où la propriété féodale touche à l'alleu, elle est encore enchaînée. L'alleu lui-même ne pouvait être aliéné, sans le consentement de tous ceux qui étaient intéressés à sa conservation.

Nous savons donc maintenant ce qu'on doit entendre par fief : c'est une terre concédée par un seigneur dominant à un vassal. Il y avait à Angerville plusieurs fiefs, conséquemment plusieurs seigneurs; et comme les seigneurs ne cultivaient

pas eux-mêmes leur terre, ils avaient un intermédiaire, une sorte de fermier qui, moyennant un cens-, la dîme, le champart, cultivait, récoltait et se reconnaissait le vassal de son propriétaire, de son seigneur/Plus on possédait de terre, plus

on pouvait avoir de vassaux. Quand, dans un village, on avait la plus grande partie des habitants comme vassaux, on prenait le titre de seigneur de. ce village, et, comme le besoin de posséder est insatiable, non content de droits sur la terre , on cherchait à usurper la justice sur les personnes. Si, dans ce même village, se rencontraient plusieurs prétendants, plusieurs suzerains rivaux, il survenait toujours des contestations au sujet de droits à percevoir ou de titres de seigneurs à prendre.

C'est précisément ce qui est arrivé pour Angerville. Dans le principe, notre village appartenait au roi ; mais les abbés de Saint-Denis, mais les seigneurs de Méréville convoitaient ce territoire, ce hameau situé au milieu de leur domaine.

Le roi, de son côté, tenait à le conserver alors qu'il lui fallait, de distance en distance, certains postes, certains villages habités par des hommes dévoués, des vassaux qui, au premier signal, se levaient en masse pour faire rentrer dans le devoir, dans l'obéissancejes seigneurs laïques, inquiets des progrès de la centralisation qui menaçait de les soumettre au pouvoir royal, de leur enlever tous leurs droits et privilèges. Il semblait que la centralisation était l'ennemi le plus redoutable de ces seigneurs , vils instruments de la féodalité , dont les vassaux étaient taillables, corvéables à merci et miséricorde. Leur ty- rannie dans nos campagnes .était d'autant plus odieuse que , vivant au milieu de leurs serfs , ils pouvaient à chaque instant, suivant leur gré, exercer leur puissance absolue. Aussi, rien n'échappait à leurs passions. Tout était esclave de leurs vices. Dans un tel état de choses, la justice, la morale, la dignité humaine étaient singulièrement froissées. Partout, au lieu du foedus, du lien, il y avait décentralisation dans l'administration de la justice; il y avait sacrifice de la vie sociale à la vie individuelle, indifférence de la vie politique et

esprit d'hérédité, de conservation dans la famille du seigneur.

Nulle part se rencontrait cette égalité morale, qui fait le plus beau titre de gloire de nos sociétés modernes. Telle était, en général, la situation des campagnes sous l'empire des seigneurs laïques. Mais, dans notre Beauce, au XIIe siècle, la féodalité a marché sur deux lignes parallèles : l'une, celle que nous venons suivie par les seigneurs laïques, l'autre par les seigneurs ecclésiastiques. C'était, en quelque sorte, l'élément germain et l'élément romain se continuant à travers les âges sans se rencontrer.

En effet, de ces deux féodalités, l'une est militaire, l'autre religieuse : celle-ci est l'ennemie des rois, celle-là leur plus ferme appui. Quel est le cri de guerre au moyen-âge? Montjoie et Saint-Denis. Ce cri, le roi l'a-t-il poussé, Saint-Denis déploie l'oriflamme ; le roi meurt, Saint-Denis lui ouvre ses caveaux. Ces deux puissances étaient tellement unies, que le génie ombrageux de la révolution ne les séparait pas, quand il voyait encore, en ces temps de trouble, la royauté vivante dans la poussière sépulcrale de l'abbaye.

Or, les abbés de Saint-Denis étaient les seigneurs religieux les plus puissants de notre contrée; ils étaient aussi les plus riches, les plus instruits; ils pouvaient aussi faire plus de sacrifices pour leurs vassaux. Il y avait chez eux plus de protection , plus d'humanité envers les hommes, plus de respect pour leur terre. Ils dûrent nécessairement augmenter plus facilement leurs propriétés, leur puissance, en se conciliant l'esprit des populations agricoles qui, chaque année, avaient considérablement à se plaindre des dommages causés par le droit de chasse dont les seigneurs de Méréville usaient et abusaient.

Cette influence morale des abbés de Saint-Denis, unie à l'autorité royale, ne.tarda pas à ébranler fortement le pouvoir féodal , et quantité de serfs affluèrent sous l'oriflamme de SaintDenis ou sous la bannière du roi.

Angerville, enfant du roi, indépendante dès son origine, n'eut pas à souffrir la tyrannie des seigneurs laïques. Elle

était, sous ce rapport, dans des conditions excellentes pour se développer paisiblement à l'ombre des priviléges royaux.

Il y avait dans cette bourgade un germe de municipalité, un sens communal beaucoup plus développé qu'à Toury, village monacal, qu'à Méréville, village seigneurial. Ses habitants, relevant immédiatement du roi, n'eurent, dans le principe, rien à débattre avec les seigneurs féodaux ; ils furent soumis à des coutumes beaucoup plus douces, dont ils avaient la garantie dans leur charte de privilèges. Ils constituait les premiers échelons de la hiérarchie royale. En eux était tout le germe de la nationalité.

Les villages de notre Beauce furent, en effet, avec l'Église, le plus ferme appui de la royauté. Soutenue de leur dévoûment, elle sut se relever'de l'état de dégradation dans lequel elle était tombée sous les faibles successeurs de Charlemagne, et triompher de la féodalité. Mais, par un retour singulier, après avoir aidé à renverser les seigneurs féodaux, notre bourg royal en devint lui-même vassal quand, la terre n'étant plus souveraine, le village perdit toute l'influence qu'il avait eue au moyen-âge et ne devint plus nécessaire à la royauté qui avait subjugué les villes. Ses priviléges se fusionnèrent alors dans les coutumes, et au lieu de relever immédiatement de la justice du roi, ils relevèrent de la coutume d'Orléans ou d'Étampes, ou bien même il tomba sous celle des seigneurs voisins qui l'avaient envahi, et, chose plus singulière encore, ce village royal eut, à partir de cette époque, comme nous l'avons vu, beaucoup plus à souffrir de l'établissement de la royauté que de la féodalité.

Cependant ce système a eu sa raison d'être; car pour nous l'évolution d'un ensemble d'hommes est semblable à l'évolution d'un seul. Les sociétés ont leurs âges, et la féodalité nous semble avoir été l'enfance de la société française. Il n'y avait alors aucun équilibre entre la raison et le sentiment. C'était une époque de transition. Tuer le despotisme et l'esclavage, telle était sa mission; mais, placée entre l'ancien droit romain et l'indépendance barbare, destinée à remplacer l'une et l'autre,

le travail, de sa croissance fut pénible ; elle fut anarchique et faible, et n'atteignit pas tout son développement. Nous n'avons ni à la mépriser ni à la regretter, elle a été ce qu'elle devait être. Cette foi vive, ce violent esprit d'indépendance a été nécessaire à la force, à la maturité de la société. C'est le même phénomène qui se présente chez l'homme. Pendant sa jeunesse, la constitution n'existe pas encore ; il n'y a pas d'équilibre dans le mouvement de composition et de décomposition. Il n'est vraiment adulte, vraiment fort qu'après avoir atteint cette harmonie, c'est-à-dire quand la raison et le sentiment quand + les sens qui sont peuple écoutent le cerveau qui est chef, et réciproquement.

Néanmoins, ce système féodal avait poussé de telles racines qu'ii subsistait encore au temps de Louis XIV. On retrouvait ses institutions dans l'administration de la justice, de la guerre et des finances. Les fiefs existaient, et chaque seigneur avait ses droits de justice sur ses vassaux, ainsi que le champart, le mixage sur les terres. Il y avait encore des baillis, des sénéchaux devant lesquels on portait l'appel de ces justices seigneuriales. Angerville va nous permettre de juger tout ce qu'il y avait de défectueux dans l'administration de la justice, même à ce époque. Depuis plusieurs années déjà, les dames de Saint-Cyr, successeurs des abbés de Saint-Denis dans leur seigneurie d'Angerville, résistaient à M. Delpech, conseiller au Parlement et successeur des seigneurs de Méréville qui contestaient leurs droits. Poussées à bout, elles firent rédiger un mémoire sur l'état de leurs droits, ainsi que de ceux de M. Delpech, à Angerville, dont voici la teneur : « Les domaines et droits de mesdames de Saint-Cyr dans la Beauce, à cause de la manse abbatiale de l'abbaye de SaintDenis, sont des plus anciennes possessions de l'abbaye. La charte de Robert, roy de France, du 8 des Calendres de janvier, indiction II, la première année de son règne, revenant au 25 de janvier de l'an de J.-C. 998, en est une preuve in-

dubitable. Ce prince confirma par cette charte les religieux, en la possession et jouissance des biens qui leur appartenaient dans la Beauce, et entre autres de OVaconisualis) Guillerval et de ses colonies et dépendances, lesquelles n'y estant pas exprimées nommémant, se trouvent limitées à la paroisse entière de Monerville et à une partie de celle d'Angerville, par le procès-verbal de rédaction de la coustume d'Estampes du mois de septembre 1556, auquel le reverendissime cardinal de Bourbon, abbé de Saint-Denis, et les religieux de ladite abbaye assistèrent, par M. Nicola Camus, procureur au bailliage d'Orléans, leur procureur à cause de leur chastelnie de Guillerval, Monerville et Angerville en partie. Pour connoistre cette partie de la paroisse d'Angerville qui dépend de la chastelnie de Guillerval, il est nécessaire de distinguer la dite paroisse en deux parties : l'une intérieure, l'autre extérieure.

Cette dernière partie comprend les hameaux et territoirs de Villeneuve-le-Bœuf, Guestreville, Ouestreville et la Selle, sur lesquelles mesdames n'ayant aucun droit de seigneurie ny de justice. Il n'en sera pas parlé davantage. La partie intérieure comprend le bourg et territoire proprement dit d'Angerville, qui contiennent ensemble onze cents arpens ou cent dix muids de terre, joignant vers l'orient au territoire de Montrau de la paroisse de Merainville, et de toutes autres parts à ceux cy dessus. C'est sur ce bourg et son territoire que s'estend la chastelnie et conséquemment la haute justice d'icelle. Le bourg contient environ vingt-cinq arpens clos de murs et de fossés mal entretenus. Il est traversé par le chemin d'Orléans à Paris qui fait sa principale rue. Son église, ancienne, petite, mal construite, est desservie par un curé à la présentation de l'om..

cial ou du doyen de Chartres. Ledit bourg et son territoire sont partagés en cinq seigneuries, cavoir : de Saint-Denis, de Sainte-Croix-d'Estampes , de Brijolet, d'Ouestreville et de Merainville.

SEIGNEURIE DE MESDAMES DE SAINT-CYR, A CAUSE DE LA MANSE ABBATIALE DE SAINT-DENIS.

« Elle consiste en ses anciens droits et en ceux réunis à son domaine. Les droits réunis consistent en censives, champarts, courtage des vins et minage des grains ; les anciens consistent en plusieurs vassaux aux droits honorifiques de l'Eglise et au droit de haute justice sur le bourg et territoire d'Angerville.

Censives, champarts, courtage et minage.

« Noble homme, Gilles Poinville, et noble dame madame Ysabel, sa femme, possédoient anciennement un fief à Angerville, mouvant en plein fief de l'abbaye de Saint-Denis, qu'ils vendirent au proffit de l'office des charités de la dite abbaye, par contrat passé pardevant Thibaut Grasle, prévost d'Yenville, le dimanche d'après la Saint-Estienne de l'année 4303. Et messire Jean du Chasteau, chevalier, sire de Nangis en Brie, ayant aussi vendu, au proffit des dites charités, un autre fief scitué en la ville et au terroir d'Angerville, mouvant en plain fief du dit Gilles Poinville et en arrière fief de l'abbaye, le dit Poinville et sa dite femme louèrent, attefièrent et confirmèrent bonnement la dite vente par le dit contrat de l'année 1303.

Ces domaines et droits, acquis au proffit des charités, et depuis unis à la manse abbatiale en eschange d'autres droits qui appartenoient à l'hostellerie de la dite abbaye, consistoient : « Premièrement.-En une maison, grange, place ou espace contenant un arpent, qui servoit à mettre les champarts et les dixmes.

« Deuxièmement. — En terres labourables dont la quantité n'est point marquée.

« Troisièmement. — En censives.

« Quatrièmement. — Au droit de dixme sur les terres des religieux et sur toutes celles que l'on tenoit d'eux en cens et en autres manières.

« Cinquièmement. — Au droit de champart de toutes les terres que les dits religieux tenoient en leur propre domaine, et sur toutes les terres qui estoient tenues d'eux à cens ou autrement.

« Sixièmement. — En corvées, forages, hosties et autres droits.

« Mesdames ne possèdent aujourd'huy de ces droits et domarnes qu'une censive portant lods et rentes de vingt deniers pour livre, sur quelques maisons et sur environ dix-huit muids ou cent quatre-vingts arpents de terre, en plusieurs champtiers et réages, nommés les terres de Saint-Denis, à raison de quinze deniers pour setier ou de quinze sols pour muid ; droit de champart des grains que produisent les mesmes terres, à raison de la douzième gerbe rendue à la grange champarleresse du fermier ; droit de courtage, à raison d'un sol pour poinçon de vin vendu en gros sur la place d'Angerville; et celuy de minage, à raison de six deniers pour mine des grains vendus sur la dite place. Lesquels droits sont affermés, avec le notariat et le greffe de la dite chaslelnie à Angerville, cinq cens livres par an. Ces droits, si anciens et réduits à si peu de chose, souffrent néanmoins des contradictions, car : « Premièrement. — Ne se trouvant point de papier terrier ni conséquemment de reconnoissance de la censive et du champart, le fermier a tous les ans de nouveaux procès contre les redevables des dits-droits qui les luy refusent et qui achèveroient de les anéantir si l'on ne leur faisoit reconnoistre incessament.

« Deuxièmement. — M. Delpech prétend que la perception des droits de courtage et de minage peut préjudicier à ceux de la seigneurie. Il a fait deffendre au sieur Dessaux, fermier, de les louer ; l'on ne voit rien en cela de nouveau que de la part de M. Delpech.

« Il paroist, au contraire, de la part de mesdames que, par contract passé par devant Jacques Courtois, notaire gardenottes pour monseigneur l'abbé de Saint-Denis, à Angerville,

le 20 octobre 1633, M. Pierre Savoure, receveur de la terre et seigneurie d'Angerville pour mondit seigneur, a fait bail pour neuf années, avec promesse de garantie, à Michel Bourdeau, tailleur d'habits à Angerville, des dits droits de minage et de courtage et mesme du droit d'aulnage et de plassage apartenant au dit seigneur abbé, au dit bourg d'Angerville, pour en jouir comme il en avoit déjà jouy, moyennant la somme de deux cens livres par chacun an ; lue par sentence du bailly de Guillerval du 13 may 1648. Martin Menault fut condamné à payer le droit de minage à Lucas Rabourdin, fermier de la dite seigneurie, et que le dit Rabourdin ayant contestation pour raison du mesme droit, le dit bailly de Guillerval fist une enqueste le 9 aoust 1651, dans laquelle M. Jean Percherau, alors âgé de soixante-treize ans, déposa qu'il l'a voit levé sans trouble aux années 1608 et 1609; et Pierre Fanuet, âgé de cinquante-quatre ans, dist l'avoir aussy levé sans trouble pendant six années commencées environ vingt-huit ans avant l'enqueste, c'est-à-dire avant l'année 1623. Ces preuves estant suffisantes pour conserver mesdames en la possession et jouissance de ses droits de courtage et de minage, l'on ne pense pas que M. Delpech en puisse empescher la perception.

- FIEF DES MURS-NEUFS D'ANGERVILLE.

Vassaux.

« Le fief des Murs-Neufs d'Angerville consiste : « Premièrement. — En une grande maison et colombier à part, tenant à l'église et au cimetière.

« Deuxièmement. — En treize muids de terre labourable, au lieu de dix qu'il contenoit anciennement.

« Troisièmement. — Au droit de champart, à raison de la douziesme gerbe rendue à la grange champarteresse.

« Quatrièmement. — Au droit de dixme des grains que produisent les terres des dits domaines et champarts, qui ne se lèvent néantmoins plus de temps immémorial.

« Cinquièmement. — En une censivesur quelques maisons et terres du dit bourg et territoire.

« Sixièmement. —En plusieurs vassaux qui en tiennent en plain fief et en arrière-fief, des dites dames de Saint-Cyr, dix maisons et dix muids de terre.

« Septièmement. — Au droit de moyenne et basse justice sur toutes les dites terres qui contiennent ensemble plus de sept cens arpens.

« Il apartient à mesdemoiselles de Gervilliers, filles mineures des deffuncts sieur et dame de Gervilliers, sçavoir : moitié de la succession de la dame leur mère, qui estoit fille et héritière de messire Louis de Reviers, escuier, seigneur de Mauny ; et l'autre moitié, de la succession du sieur de Gervilliers, leur frère aisné, tué au siége de Barcelone depuis le déceds de la dite dame leur mère. Elles le tiennent en plain fief, foy et hommage, des dames de Saint-Cyr, ainsy qu'il paroist par les aveux et dénornbremens de Jean Dupont, escuier, damoiselle Gilette Dupont, sa sœur, Pérette de Magnac, veuve de Clément de Reilhac, avocat du roy au Parlement, Marc de la Rue, ba-» ron de Thour en Champagne, damoiselle Gabrielle de Reviers, fille majeure de Gabriel de Reviers et de damoiselle Renée de la Rue, et le dit messire Louis de Reviers, escuier, seigneur de Mauny, en ont rendu aveux à l'abbaye de Saint-Denis, le 20 juillet 1357, vendredy d'après la Magdelaine 1374, 30 octobre 1400,20 juin 1547, 22 décembre 1599et 26 octobre 1659.

« A l'exception d'une partie des dixmes ou des champarts qui relevoit anciennement de Jean de Fraville, escuier, et depuis du seigneur de Mérainville, le premier des aveux excepte indéfiniment ce qui en estoit deub du dit de Fraville, ceux des années 1374 et 1400 limittant cette exception au quart de la dixme, mais ceux des années 1547, 1599 et 1659 n'en font aucune exception.

« M. Delpech prétend néantmoins que les trois quarts du dit droit de champart relèvent de luy en plain fief, à cause de sa seigneurie de Mérainville, et l'autre quart des dites dames,

sur le fondement d'un aveu que messire Jean Desmontiers a donné au roy le 24 octobre 1639, de la dite seigneurie de Mérainville, dans lesquels il les a employés, conformément à un aveu qu'il dit luy en avoir esté donné par damoiselle Gabrielle de Reviers, dame des Murs. Mais cet aveu ne peut rien changer à la disposition des anciens, par plusieurs raisons et particulièrement par la prudence que la dite damoisellft a eu de les emploïer, pour mieux connoistre et discerner les dites mouvances et ne les point confondre; d'où il suit que l'on pourrait prend re droit par ceux des années 1547 et 4599, ainsy que de celuy de l'année 1659 : est conforme et conclure qu'il n'y a nulle exception à faire puisqu'ils n'en font aucune. Mais, parce que l'on peut présumer que ces trois aveux sont deffectueux en cet endroit aussi bien que celuy de l'année 1639, il est nécessaire de remonter plus haut et de convenir, conformément aux aveux des années 1374 et 1400, que le quart de la dixme qui apartient au dit fief des Murs, relève de Mérainville. Or, cette dixme ne se lève plus, ainsy qu'il a esté dit cy dessus, et le champart se lève annuellement. Si donc l'on substitue le champart au lien de la dixme, l'on tirera une nouvelle conclusion que tout le fief relève de mesdames, à l'exception du quart du champart qui relève de Mérainville.

Ce qui ne diffère que d'un douzième de ce que M. Delpech peut prétendre au dit droit de champart, suivant l'aveu que Pierre de Reilhac, escuier, seigneur de Mérai]nville et du dit fief des Murs, a donné à haut et puissant prince Jean de Foix, comte d'Estampes] (1), le 27 juin 1482, de la dite seigneurie de Mérainville, dans lequel il emploia cette portion du dit droit qui est à lui, en ces termes : « Item, la tierce partie par « indivis des champarts d'[[:angerville|Angerville, qui me sont dubs à cause « de mon chastel et seigneurie des Murs, assis au dit lieu « d'Angerville.

(1) Original au Trésor d'Estampes.

FIEF DE LESTOURVILLE,

« Ce fief, anciennement nommé le fief de la Porte, ensuite le fief des Mariettes, à présent le fief de LestourviJJe, pour avoir apartenu à des personnes qui ont porté ces noms, a apartenu ensuite en partie à messire de Poilou. Après lesquels, le tout a été réuni et possédé par M. de Hallot, idem seigneur de Lestourville. Il apartient présentement à M. Hardy des Ajoux, procureur au Chastelet de Paris, rue Quincampoix. Il consiste en 32 livres parisis valans 40 livres tournois de mêmes cens, à prendre sur plusieurs maisons du bourg d'Angerville et sur les quarante-huit muids de terre et champart des Murs, à raison de 15 deniers pour setier. Il relève indivisément de mesdames de Saint-Cyr et de M. de Mérainville, sçavoir : un tiers de mesdames de Saint-Cyr, suivant l'aveu que Guillaume de Prunelay a donné à l'abbaye de Saint-Denis le 1 4 février 1377, et qu'il est plus particulièrement expliqué aux aveux des années 4547, <599 et 1699 ; et les deux autres tiers du seigneur de Mérainville, ainsy qu'il paroist par ces trois derniers aveux et par celuy que Pierre de Reilhac a donné au comte d'Estampes en l'année 1482, dont voicy les termes : « Item, Hugues Pru« nelay, escuier, seigneur de la Porte, tient de moy les deux « parts par indivis du gros cens d'Angerville. »

« M. Delpech prétend néantmoins que le tout soit en sa mouvance. Aussy, sur le principe de cet aveu que le seigneur de Mérainville a donné au roy en l'année 1639, quoy qu'en l'expliquant au pied de la lettre, il soit conforme à ceux dont l'on vient de parler, car il ne contient que 22 livres parisis des dites censives, qui ainsy ne font peu plus des deux tiers des 32 livres parisis portées aux aveux anciens, notamment en ceux des années 1547 et 1599 aux quels ceux des années 1482 et 1659 sont conformes. Et quand il seroit vray qu'il contiendroit quelque disposition contraire, M. Delpech ne pourroit en tirer avantage, puisque ces anciens aveux y sont employés pour une plus particulière distinction des dites mouvances.

C'est cette petite mouvance mal entendue qui a donné lieu à la prétention que MM. de Mérainville ont eu au droit de justice sur les maisons et terres sujettes à cette censive ; laquelle prétention n'a encore eu aucun effet, parce qu'elles sont sous la haute justice de mesdames, ainsy qu'il sera dit plus particulièrement dans la suite. »

Dans un autre mémoire, fait postérieurement, nous voyons qu'il fut fait de la censive de Lestourville un cueilloir en forme de papier terrier, en l'année 4522, où il paraît qu'elle se levait sur la quantité de trente-trois maisons et quelques autres héritages du bourg (non clos) d'Angerville, et sur trois cent soixante-cinq arpents neuf boisseaux de terre, égaux à trentehuit muids onze boisseaux, chargés ensemble de 29 livres 12 sols tournois, savoir : les maisons et héritages du bourg, de 38 sols 8 deniers ; et les terres, de 27 livres 13 sols 4 deniers. Il en a été fait un autre papier terrier, par Pierre Savouré , notaire royal à Angerville, pour messire Sébastien Hardy, en l'année 1622, par le dépouillement duquel il s'est trouvé qu'elle se levait sur quatre-vingt-trois maisons et autres héritages du bourg, et sur trois cent quatre-vingt-neuf arpents huit boisseaux de terre, égaux à quarante muids sept septiers un quart, et que le tout était chargé de 32 livres 9 sols 2 deniers tournois, savoir : les maisons, de 40 sols 1 denier ; et les terres, de 30 livres 9 sols 1 denier.

Le nombre des maisons est bien plus grand dans ce dernier terrier qu'au premier, et celui du dernier est encore augmenté.

Cela ne procède que des divisions et subdivisions qui en ont été faites depuis, comme il a paru par les applications que l'on a faites desdites charges aux portions de ces maisons qui dominent les portes.

La quantité des terres est aussi augmentée de vingt-quatre arpents depuis le premier jusqu'au dernier terrier, et de neuf arpents depuis ce dernier jusqu'à présent. On croit que l'augmentation de vingt-quatre arpents dudit terrier est réelle, parce que les pièces doivent être employées dans l'un et l'autre

pour ce qu'elles contiennent, et cela ne peut procéder que do l'une de ces deux causes ou des deux ensemble, savoir : que cette quantité de vingt-quatre arpents avait été omise au premier terrier, ou qu'elle a été prise sur les champarts négligés de l'abbaye de Saint-Denis pour être employées au terrier.

Quoi qu'il en soit, cette longue possession ne permet pas que l'on en fasse une autre recherche ; et à l'égard de cette quantité de neuf arpents, dont les plans excèdent le contenu, au terrier de l'année 1622, l'on estime qu'elle procède de ce que l'on appelle bonne mesure, qui va ordinairement dans la Beauce à trois perches pour arpent.

Droit de justice.

« Le bourg et territoire d'Angerville, faisant partie de la chastelnie de Guillerval, il suit nécessairement qu'ils sont sous sa haute justice. Et pour cette raison, les seigneurs du fief des Murs ont reconnu, par leurs aveux des années 1357, 1374, 1400, 1547, 1599 et 1659, que les terres chargées du droit de champart qui en depend sont sous la justice de Saint-Denis, qui ne peut estre moindre que la haute, puisqu'il avoient droit de moyenne et de basse justice sur toutes terres dépendantes du dit fief, ainsy qu'il paroist par les mesmes aveux. Ce droit a néantmoins receu des contestations en différens temps, sçavoir : au XIIIe siècle, de la part de Guillaume et Jean de Ligneris, seigneurs de Mérainville; au XVIe siècle, de la part du substitut de M. le procureur général du roy au baillage d'Estampes, lors de la rédaction de la coutume du dit baillage, en l'année 1556, sur laquelle les parties furent renvoiées en la cour du Parlement au lendemain des Roys de l'année suivante; et au commencement de celuy ci, de la part de messire Jean Desmontiers, escuier, aussy seigneur de Mérainville. La première de ces contestations fut jugée par deux sentences : l'une provisoire, de M. le bailly d'Orléans, du mardy d'après la Nativité de Nostre Seigneur, l'an 1295 ; l'autre deffinitive, du prévost d'Yenville, du vendredy d'après la feste de Nostre Dame en

mars, l'an 1301 (1), par lesquelles le dit seigneur abbé et les religieux furent maintenus et gardés au dit droit de haute justice. L'on ne peut douter que le Parlement les y a aussi maintenus et gardés sur la contestation du substitut de M. le procureur général au baillage d'Estampes, car ils ont toujours esté apelés aux assises du dit baillage, comme mesdames le sont à présent, à cause de leur haute justice de Guillerval, Monerville et Angerville, qui a esté exercée jusqu'à présent en leur nom, sans trouble de la part du dit substitut de M. le procureur général du roy. La troisième contestation y a enfin donné des atteintes, après un procès de trente-deux ans, dont voicy le commencement : Messire Jean Desmontiers ayant pris pour trouble au droit de justice qu'il prétendoit avoir à Angerville, un adjournement fait à François et Jean Bourdeau, meusnier au dit lieu d'Angerville, pour procéder en la justice de Saint-Denis, messire Louis de Lorraine, abbé de la dite abbaye, en avoua ses officiers. Ce qui donna lieu à un procès aux requestes du palais, où il intervint sentence le 28 avril 1600, par laquelle le dit sieur de Mérainville fut maintenu et gardé en possession et saisine d'avoir droit de justice, tabellionnage ou notariat, péage et traverses, à Angerville et nottament.sur la maison où pendoit pour enseigne : le Regnard, et sur celle des dits François et Jean Bourdeau, jadis nommée : le Logis de la Selle, et autres mentionnées au procès de laquelle le dit sieur abbé, ayant interjetté appel, arrest du Parlement, intervint le 18 décembre 1604, qui mit l'appelation et sentence au néant; émendant, maintint et garde, le dit Desmontiers, en possession et saisine de ses droits de tabellionage et de justice, aux lieux et maisons mentionnés au procès ; et avant que de procéder sur le péage et traverses, ordonna que les parties contesteroient plus amplement. Cet arrest fust suivi d'un second, du 8 juin 1624, qui, en adjoutant au premier,

(1) Ne se trouve plus ; est énoncée dans la Sentence des requestes du Palais du 28 avril 1600.

a maintenu et gardé le dit Desmontiers, à cause de la cliastelnie de Mérainville, en possession et saisine des droits de justice au dit Angerville, spéciallement des lieux et maisons où estoient pour enseigne : l'Image Saint-Jacqttes, le Regnard, la Scelle, le Plat d'estain, l'Escu, le Lyon et les Rois. Ces arrest n'eurent pas d'abord leur exécution. Il paroist, au contraire qu'ils furent suivis de nouvelles contestations, sur lesquelles il en intervint un troisième le 21 janvier 1631 (1) par lequel il fut ordonné qu'avant que de procéder au jugement des apellations et instances y mentionnées, descente seroit faite au bourg d'Angerville, par le commissaire raporteurs du dit arrest, par devant lequel les parties conviendroient de six anciens, pour montrer et enseigner les tenans et aboutissans des maisons seizes à Angerville, prétendues par le dit sieur de Mérainville estre de sa justice et seigneurie à cause de ces fiefs relevant de sa chastelnie de Mérainville; et à cette fin, que exhibition leur seroit faite des aveux et autres titres concernant la dite prétendue justice et seigneurie. En conséquence duquel arrest, M. Claude le Clerc de Courcelles, conseiller en la cour, et les procureurs des parties s'estant rendus au bourg d'Angerville le 16 septembre au dit an 1631, le dit sieur de Courcelles dressa un long procès-verbal contenant, en cinquante-quatre articles, le dénombrement des maisons, jardins et autres héritages (2) que Veluot, procureur de M. de Mérainville, dist estre en la censive des fiefs de Brijolet, de Lestourville, des Murs et d'Ouestreville, et sous la haute justice et seigneurie de Mérainville, que les officiers d'icelle - exercoieiit en une place du dit Angerville au veu et sceu de Saint-Denis. Sur quoy Florentin Nau, procureur de M. l'abbé de Saint-Denis, dist que l'arrest interlocutoire du 21 janvier 1631 ayant jugé que la justice universelle dans l'estendue d'Angerville appartenoit au dit sieur

(1) Ne se tiouve point au Dépôt du Parlement ; M. Delpech prétendait en avoir une copie.

2) Existe dans l'Inventaire de Saint-Cyr.

abbé, il ne suffisoit pas de monstrer ny de donner les tenans et aboutissans des maisons sur lesquelles M. de Mérainville prétendoit avoir droit de l'exercer ; qu'il devoit le justiffier par titres, et particulièrement par les aveux de sa chastelnie. A quoy il ne fut pas satisfait ; et cependant, les dits Veluot et Nau, procureurs, produisirent pour témoins six anciens habitans de la dite paroisse d'Angerville, qui dirent unanimement que les maisons désignées et cottées au dit procès-verbal, estoient en effet en la censive des fiefs de Brijolet, de Lestourville, des Murs et d'Ouestreville ; que c'estoit tout ce qu'ils pouvoient dire sur ce dont il estoit question, fors qu'ils n'avoient jamais veu, les officiers de la justice de Mérainville, venir exercer la justice au bourg d'Angerville, comme le dit Veluot l'avait mis et fait au dit procès-verbal. Ce qu'il y a de certain, c'est que les officiers de Saint-Denis ont continué l'exercice de leur justice, tant en matière civille que criminelle, sur le bourg et territoire d'Angerville, à l'exception des maisons mentionnées en la sentence des requestes du palais de l'année 4600, et aux arrest des années 1604 et 1624, sur lesquelles le bailly de Mérainville a exercé la justice au lieu ordinaire de sa jurisdiction, au bourg de Mérainville. L'on peut dire que c'est, en effet, une atteinte aux droits de la justice de Saint-Denis, par deux raisons principalles : « La première, c'est que Pierre de Reilhac, seigneur de Mérainville, qui devoit d'autant mieux connoistre ce qui pouvoit lui appartenir au bourg et territoire d'Angerville, qu'il estoit aussi le seigneur du fief des Murs, n'employa pas ce droit de haute justice dans son aveu de l'année 1482. Il se contenta 'd'y mettre la tierce partie par indivis des champarts du dit fief, et les deux parties aussi par indivis du gros cens d'Angerville, dont les autres parties apartiennent à l'abbaye, sous la haute justice de laquelle sont les maisons et terres sujettes aux dits droits, comme il est écrit cy dessus ; « La seconde, c'est que François de Reilhac, chevalier, qui assista au procès-verbal de la coustume d'Estampes de l'année

■1556, n'y prit point d'autre qualité que celle de sieur vicomte de Mérainville, et ne s'opposa point à celle que M. l'abbé de Saint-Denis y prist de seigneur chastelain de Guillerval, Monerville et Angerville en partie : d'où l'on peut conclure, assez naturellement, que ces anciens seigneurs de Mérainville n'y avoient aucun droit de seigneurie ny de justice. Aussy le dit sieur Demontiers n'a-t-il rapporté aucun titre au procès dont il vient d'estre parlé, et la sentence des requestes du palais n'a esté rendue que sur un long exposé des droits de la chastelnie de Mérainville, qu'il a estendus sur le bourg d'Angerville sans autre preuve que celle qu'il pouvoit tirer de l'exercice du dit droit de justice sur les maisons y mentionnées; ce qui ne procédoit, comme M. l'abbé de Saint-Denis l'a mis en fait au dit procès, que de la mauvaise volonté de quelques-uns des anciens officiers de la dite abbaye, qui, l'estant aussi des seigneurs de Mérainville, la rendirent en leur nom, pour les favoriser au préjudice des droits du dit sieur abbé.

« M. Delpech n'est pas content aujourd'huy de l'avénement de ce procès ny de la diminution que les droits de l'abbaye en souffrent actuellement. Il prétend ne laisser à mesdames que la moyenne et basse justice sur les maisons et les terres de leur censive, et faire exercer en son nom la haute justice dans toute l'estendue du dit bourg et territoire d'Angerville. A l'effet de quoy il y a étably un procureur fiscal, un sergent voyer et un garde de ses chasses, ce que les précédens seigneurs de Mérainville ont si peu prétendu, que, procédant en la justice de Saint-Denis, il y est intervenu sentences les 3 et 22 avril 1682.

Officiers.

« M. Michel Peigné, avocat au baillage d'Orléans, assista au procès-verbal de rédaction de la coustume d'Estampes, en qualité de bailly de la chastelnie de Guillerval, Angerville et Monerville. M. Michel Larsonneau, commissaire du domaine d'Estampes, exerçoit la dite charge en l'année 1616. M. Louis Pelletier en estoit pourveu en l'année <621. M. Macé l'exer-

çoit en l'année 1644. En l'année 1648, elle estoit exercée par M. Jean Ruzé, et après par M. Michel Ruzé, son fils. Il y avoit anciennement, proche l'église, une maison où les officiers de l'abbaye rendoient la justice. Le pays est rempli de contracts et d'actes passés au tabellionnage de Saint-Denis, à Angerville. Les fourches patibulaires estoient au territoire de Guillerval, sur une pièce de terre que l'on appelle encore la Justice, près le chemin pavé d'Orléans à Paris, qui fut baillée à titre de cens il y a environ soixante ans.

Droits honorifiques.

« La maison seigneurialle d'Angerville, estant contiguë au cimetière et à l'église, les seigneurs de ce fief ont prétendu qu'ils estoient sur leur fond, et, conséquemment, qu'ils en estoient les fondateurs. Et pour cette raison, Marc de la Rue et messire Louis de Reviers, escuier, seigneur de Mauny, ayant employé ce droit de fondateurs, dans leurs aveux des 20 juin 1547 et 26 octobre 1659, le premier ne fut reçu qu'en ce qui estoit contenu dans celuy de damoiselle Gilette Dupont de l'année 1374, où il n'est point compris ; et cette article fut blâmé dans le dernier, attendu que l'avouant n'en avoit point de preuve. Aussi mesdames sont-elles mises seulles aux prières publiques de la dite église, comme MM. les abbés de Saint-Denis y ont esté mis avant elles, sinon comme fondateurs de l'église dans laquelle il y a une lettre aux armes de l'un deux, au moins comme seigneurs hauts justiciers d'Angerville; et le seigneur des Murs n'y a aucune marque de seigneurie que son banc qui est dans le cœur, près le sanctuaire, au costé de l'évangile : ce que M. Delpech ne se propose pas de laisser en cet estât, car : « Premièrement. — Il prétend oster le banc du seigneur des Murs, et en sa place y en faire mettre un à ses armes ; « Deuxièmement. — Ayant la haute justice et la faisant exercer en son nom, comme il le prétend, il aura les prières nominalles de plain droit, à l'exclusion de mesdames.

SEIGNEURIE DE SAINTE-CROIX DESTAMPES.

« La seigneurie de Sainte-Croix d'Estampes conciste en 10 livres de censives, sur plusieurs maisons du bourg d'Angerville et sur environ cinq muids de terre, en plusieurs pièces et divers champtiers du dit territoire, à raison de 20 deniers pour mines. »

Tels sont les seuls renseignements que donne le mémoire sur cette seigneurie. Une note nous apprend que le sieur Retté, alors notaire à Angerville, avait promis les titres en copie, qu'ensuite il les a refusés. Un autre mémoire nous dit que les vénérables chanoines et chapitre de l'église collégiale de Sainte-Croix d'Etampes avaient droit de lever une censive sur vingt-trois maisons du bourg d'Angerville, et sur quatrevingt-dix-huit arpents de terre, égaux à dix muids cinq mines, en divers champtiers et réages, à raison de 15 sols pour muid, suivant les mémoires et les plans dudit bourg et territoire.

Ces mémoires sont assez conformes à l'égard des maisons, ainsi que l'on trouve dans un papier de perception de ladite censive de l'année 1587 ; mais il y a une différence considérable à l'égard des terres, dont ce cueilloir ne comprend que soixante-dix-sept arpents sept boisseaux, c'est-à-dire vingt arpents trois boisseaux moins que les plans. Il eût été nécessaire que MM. de Sainte-Croix eussent communiqué leurs terriers, pour y rechercher la cause de cette différence.

MM. de Sainte-Croix prétendaient que cette censive leur avait été donnée, en aumône, sans aucune charge et indépendante de toute autre seigneurie, par les fondateurs de leur église. Il serait encore nécessaire d'en avoir les titres pour en certifier les possessions.

SEIGNEURIE DE BRIJOLET.

« La seigneurie de Brijolet concistoit, anciennement, en une mestairie de mesme nom, scituée proche le bourg d'Angerville,

sur le chemin de Villeneuve-le-Bœuf ; de laquelle il dépendoit une censive sur plusieurs maisons du dit bourg et sur la quantité de douze muids de terre, à raison de 25 deniers pour arpent. Ces terres estoient chargées du droit de champart, rendu à la grange champarteresse, à raison de la douziesme gerbe.

Cette ancienne maison est entièrement démolie, mais les censives et champarts existent; ils appartiennent sçavoir : les deux tiers à mesdemoiselles de Gervilliers, et l'autre tiers à M. Daumont, procureur en la cour, et au sieur de l'Espinay d'Estampes, au lieu de la damoiselle Patin (1), qui les tiennent en plain fief de M. Dorsonville, à cause de sa seigneurie d'Ouestreville, et en arrière-fief de M. Ursin de Fontenelle, à cause du Petit-Arbouville. M. de Mérainville n'y a aucun droit de seigneurie directe ny indirecte, ainsy que Florentin Nau, procureur de M. l'abbé de Saint-Denis, le mist en fait au procèsverbal de l'année 1631. C'est néantmoins de ce fief que dépendent les maisons énoncées en la sentence des requestes du palais de l'année 4600, et aux arrest des années 1604 et 1624, dont les officiers de Mérainville exercent la justice. »

Un autre mémoire dit que d'après un aveu du 19 mars 1683, la seigneurie de Brijolet consiste entre autres choses : en 15 livres 3 sols 10 deniers de cens, à prendre sur trente-huit maisons et sur cent douze arpents soixante-six boisseaux de terre, égaux à treize muids et environ trois quarts, à raison de 15 sols le muid, et au droit de champart des mêmes terres, livrées à raison de la douzième gerbe rendue à la grange champarte resse.

Le fermier de Brijolet levait à cette époque les champarts sur cent cinq arpents sept boisseaux de terre, c'est-à-dire sur treize arpents un boisseau plus qu'il n'en a été employé audit aveu. On fait observer que la bonne mesure peut produire une bonne partie de cet excès. Le surplus peut y avoir été omis.

(1) Fille de messire Philis Patin, docteur en médecine de la ville de Chartres.

SEIGNEURIE D'OUESTREVILLE.

« La seigneurie d'Ouestreville, ainsy apellée à cause qu'elle dépend ou plutôt fait partie de celle du mesme nom, qui a un territoire particulier dont il a esté parlé au commencement de cet estât, conciste en une censive sur quelques maisons du dit bourg et sur environ cinq muids de terre, en diverses pièces et champtiers du dit territoire, à raison de 15 deniers pour setier. Suivant l'avis que l'on en a eu, le fermier de mesdames les croit néantmoins en fief. Elle apartient au dit sieur d'Orsonville, qui la tient en fief du dit sieur Ursin de Fontenelle.

« L'on ne voit pas que M. Delpech ait aucun droit de seigneurie sur les dits fiefs. Il se qualifie néantmoins seigneur de Brijolet. C'est peut-être à cause de la justice qu'il fait exercer sur sept maisons qui en dépendent. Il prétend s'ajouter le surplus et ce qui dépend des seigneuries de Sainte-Croix d'Estampes et d'Ouestreville, dont les officiers de mesdames ont exercé la justice jusqu'à présent. »Nous trouvons ailleurs que cette seigneurie d'Ouestreville appartenait ci-devant à damoiselle Suzanne de Villeneuve, fille majeure, et à dame Marie-Elisabeth de Cambis, veuve de messire François-Théodore de Chambon, qui en ont donné leur aveu et dénombrement au sieur de Fontenelle, passé pardevant Pierre Laurent, notaire à Andonville, le 19 mars 1683.

Il y avait 40 sols 9 deniers de cens, à prendre et percevoir chacun an sur onze maisons du bourg d'Angerville et plusieurs vassaux qui tenaient en plein fief et arrière-fief dudit sieur de Funtenelle, deux autres maisons et la quantité de soixante-six arpents neuf boisseaux de terre et plusieurs réages et champtiers du territoire d'Angerville. On croit que ces maisons sont en effet de la mouvance et seigneurie directe d'Ouestreville, parce qu'il n'a encore rien paru qui en puisse faire douter. Et il y a apparence que la mouvance des terres était plus étendue qu'il ne paraît audit aveu , comme le prétendait la seigneur

d'Ouestreville, parce que cette quantité de soixante six arpents neuf boisseaux est prise en plusieurs réagesqui étaient vraisemblablement de même seigneurie, et contiennent ensemble quatre-vingt-quatorze arpents cinq boisseaux, c'est à-dire vingtsept arpents six boisseaux de plus que l'aveu. On pourrait en juger autrement, à cause que ces terres inféodées sont franches des champarts ; et on pense que les propriétaires des terres voisines chargées de ce droit, spécialement à cause de la proximité, auraient pris occasion d'en servir le seigneur d'Ouestreville, pour les en affranchir.

SEIGNEURIE DE MÉRAINVILLE.

« Il résulte de ce que l'on vient de dire : « Premièrement. — Que, aux termes de l'aveu donné au comte d'Estampes par Pierre de Reilhac, seigneur de Mérainville, en l'année 1482, le tiers indivis des champarts du fief des Murs, qui sont sous la haute justice de Saint-Denis, relève en plain fief du seigneur de Mérainville et en arrière-fief du comte d'Estampes: ce qui est presque conforme aux aveux du fief des Murs des années 1374 et 1400 ; « Deuxièmement. — Que, suivant le dit aveu de l'année 1482 et ceux fournis à l'abbaye les années 1377, 1547, 1599 et 1659, les deux tiers aussi indivis de la censive de Lestourville, qui se lève sur plusieurs maisons d'Angerville et sur les quarante-huit muids de terres sujettes au champart des Murs, sous la haute justice de Saint-Denis, relevant de la dite seigneurie de Mérainville en plain fief, et en arrière-fief d'Estampes.

« C'est tout ce qui paroist apartenir à M. Delpech, à qui messieurs abandonneront, s'ils le jugent à propos, le droit de justice qu'il fait exercer sur les sept maisons dépendantes du fief de Brijolet, mentionnées en la sentence des requestes du palais de l'année 1600 et aux arrests des années 1604 et 1624.

PARALLÈLE DES DROITS DE MESDAMES DE SAINT-CYR , ET DES PRÉTENTIONS DE M. DELPECH.

Droits de Mesdames. Prétentions de M. Delpech.

« Il a esté prouvé par la charte de « M. Delpech prétend qu'ils sont Robert, roy de France, de l'année sous sa chastelnie de Mérainville, et 998, et par le procès-verbal de la par cette raison, il se qualifie seirédaction de la coustume d'Estam- gneur d'Angerville.

pes de l'année 1556, que le bourg et territoire d'Angerville font partie de la chastelnie de Guillerval.

« Le fief des Murs, et toutes ses « M. Delpech prétend que les trois dépendances, relève de mesdames, quarts du dit droit de champart à l'exception d'un quart de la dix- soient en sa mouvance, à cause qu'ils me, suivant les aveux du drt fief des sont emploiés dans l'aveu que le seiannées 1374 et 1400, ou tout au plus gneur de Mérainville a donné au roy d'un tiers du champart qui relève de en l'année 1639.

Mérainville, suivant l'aveu de Pierre de Reilhac de l'année 1462.

« Le tiers du fief de Lestourville, < M. Delpech prétend que tout ce consistant en 40 livres de mesme fief relève de luy, en vertu du dit cens, à prendre sur plusieurs mai- aveu de l'année 1639, et pour cette sons du bourg et sur les quarante- raison, il s'en dit le seigneur haut huit muids de terre et champart du justicier.

fief des Murs qui sont sous la haute justice de Guillerval, relève de mesdames, suivant les aveux des années 1373,1547, 1599 et 1659. Et les deux autres tiers, du seigneur de Mérainville, suivant l'aveu de la dite année 1482.

« Mesdames ont droit de haute « M. Delpech prétend que mesjustice au bourg et territoire d'An- dames n'ont que moyenne et basse gerville, suivant la sentence du bail- justice sur les maisons et terres de ly d'Orléans et du prévost d'Yenville leurs censives seulement.

des années 1295 et 1301, le procèsverbal de la coustume d'Estampes de l'année 1556, et les anciens fiefs des Murs des années 1357, 1374, 1400, 1599 et 1659.

« Il a esté prouvé, par les dites « M. Delpech prétend avoir droit sentences des années 1295 et 1301, de haute justice sur toute l'estendue par le procès-verbal de la coustume du dit bourg et territoire d'Angerd'Estampes de l'année 1556, et par ville.

l'aveu de 1482, que les anciens seigneurs de Mérainville n'avoient aucun droit de justice au dit bourg et territoire, et qu'ils ne peuvent la faire exercer à présent, en vertu de la sentence et des arrests des années 1600, 1604 et 1624, que sur sept maisons.

« Les précédens seigneurs de Mé- « M. Delpech prétend qu'on ne rainville reconnoissoient la haute doit reconnoistre que la sienne.

justice de Saint-Denis, comme il paroist par sentence des 3 et 22 avril 1682.

c L'on appelle tous les ans, aux « Le bailly de Mérainville a réassises du baillage d'Estampes, le pondu aux dernières assises pour la bailly de Guillerval, Monerville et haute justice d'Angerville, qu'il a Angerville, pour mesdames de Saint- dit apartenir à M. de Mérainville.

Cyr, comme il l'estoit cy-devant pour M. l'abbé de Saint-Denis.

« M. l'abbé de Saint-Denis avoit « M. Delpech prétend avoir seul anciennement un poteau à ses armes ce droit.

au bourg d'Angerville, comme il paroist par la sentence des requestes du palais de l'année 1600.

c Le seigneur de Mérainville n'a- « M. Delpech y a adjouté un provoit à Angerville qu'un notaire ta- cureur fiscal et un sergent voyer.

bellion, en vertu de la sentence et des arrests des années 1600, 1604 et 1624.

le Le bailly de Mérainville exer- le M. Delpech la fait exercer au çoit cy-devant, au bourg de Mérain- bourg d'Angerville.

ville. la justice des sept maisons esnoncées aux dits sentences et arrests.

« Mesdames sont mises seules aux « M. Delpech faisant exercer, prières nominalles, comme MM. les comme il le prétend, la haute jusabbés y ont esté mis, sinon comme tice sur tout le bourg et territoire, il fondateurs, au moins comme hauts aura les prières nominalles de plain justiciers. droit, à l'exclusion de mesdames.

« Le seigneur des Murs a un banc « M. Delpech prétend l'en faire dans le coin de l'église, près le sanc- oster et y en faire mettre un à ses tuaire, au costé droit de l'évangile, armes.

« Mesdames ont droit de chasse « M. Delpech prétend y avoir paau territoire d'Angerville, à cause reil droit, et y a estably un garde de de leur haute justice. chasse qui porte sa bandouillère.

« Mesdames ont droit de courtage « M. Delpech a fait deffendre au et de minage sur les vins et sur les fermier de mesdames de les percegrains, ainsy qu'il a esté prouvé. voir.

« Deux habitans ayant depuis fait « M. Delpech prétend que cela édifier quelques bastiments aux en- excède le pouvoir du bailly de Guitdroits du bourg qui sont en la cen- lerval, et que ces baux sont nuls.

sive de mesdames, en vertu des baux à titres de cens que le bailly de Guillerval leur en a faits.

« M. Delpech ayant fait bail à « Le fermier de mesdames se titre de cens, pendant son économat, plaint que le redevable de cette reau nommé Fritau, d'une petite place devance luy en refuse le payement, sur laquelle il a fait bastir une mai- à cause, dit il, que M.'Delpech préson près la porte d'Angerville, du tend qu'elle luy apartient.

costé de Paris, moyennant 100 sols par an.

« Mesdames ont fait réunir à leur « L'on aprend que M. Delpech domaine plusieurs pièces de terre, prétend que cette sentence tourne à abandonnées au territoire d'Anger- son profil, et que les dites terres deville par sentence de leur bailly de meurent réunies à son domaine.

Guillerval.

« Le seigneur de Mérainville n'a- « M. Delpech y en a fait mettre voit point de poteau à Angerville, un à ses armes, près la porte de quand cette terre a esté vendue à Paris, dans un lieu où il est dit que M. Delpech. » l'on trouve en terre le tronc d'un ancien poteau de Mérainville. Il a aussi fait mettre, près la dite porte, une plaque à ses armes, contenant la pancarte des droits de péage qu'il prétend luy être dubs à Angerville.

Sur quoy l'on observe que la sentence des requestes du palais de l'année 1600 n'a pas été confirmée, si ce n'est par l'arrest de l'année 1604. » (I)

(1) Archives de Yersailles. — Liasse sur Angerville, cote 3.

GUILLERVAL.

« Mesdames de Saint-Cyr sont dames chastelaines de la partie de Guillerval, où elles ont droit de haute justice, non-seulement sur leurs terres, fonds, mais encore sur les autres fonds mouvans de qui que ce soit, ainsy qu'il a esté jugé par arrest du Parlement de Paris 1288, contre le bailly d'Orléans.

c Il y a, dans la dite paroisse de « M. Delpech prétend avoir droit Guillerval, une maison et un terri- de haute, moyenne et basse justice toire circonscript en dépendant , sur le dit lieu de Trapeau. Il a porté contenant cent soixante-six arpens, au roy la foy et hommage du dit nommés Trapeau, qui apartient à droit, et il se propose d'y faire messire Claude de Benard, cheva- mettre un poteau à ses armes. > lier. en l'année 1556, lors de la rédaction de la coustume d'Estampes.

Il relèva en plain fief de MM. de Boissy et de Bonne Vail, à cause de celuy qu'ils ont dans la part de Saclas, et en arrière-fief des célestins de Marcoussy, à cause de leur seigneurie de Saclas.

« Le seigneur de Trapeau a droit de mairie ou de moyenne et basse justice, et est appelé, en cette qualité, aux assises du baillage d'Estampes, « Le bailly de Guillerval a toujours exercé sa haute justice sur la dite maison et ses dépendences à Guillerval, qu'il a vendues par décret sur le nommé Germain Sédilot, le 13 may 1699, à Pierre LausmoHier, receveur du Mesnil-Girault, qui les a depuis vendues à M. Delpech. (1)

1; Inventaire de Saint-Cyr. — Angerville, cote Ire.

Le soin apporté dans le mémoire des dames de Saint-Cyr nous prouve combien elles étaient attachées à leurs possessions d'Angerville, combien aussi elles étaient peu disposées à céder leurs droits à M. Delpech, qui se plaignait du peu de sincérité qu'elles mettaient dans la production de leurs titres. Une lettre de M. Regnoust, rédacteur du mémoire, fait mention des accusations du seigneur de Méréville: « Je croy devoir écrire icy que M. Delpech m'impute deux « fautes : l'une, que je ne luy ai pas communiqué les titres de « mesdames ; et l'autre, que j'ai manqué de sincérité en plu« sieurs endroits de cet état. Sur la première de ces accusa« lions, il est vray qu'estant l'hiver à Paris, j'ay dit à M. Ma« net, son secrétaire, que j'avais peu de titres ; et en effet, le « cahier où sont les principaux ne m'a esté fourny que le 1er « de may, et je n'y ai recouvré la plus grande partie des autres « depuis; et pendant ces cinq ou six mois, personne de sa part « ne m'a demandé à les voir. La lecture seulle de ce mémoire « me justiffiera, à mon avis, de la seconde accusation, par le « soin que j'ai eu d'énoncer les titres dont j'ay tiré ce que j'ay « dit, et de marquer ceux de qui je tiens ceux que je n'ay pu « justiffier par titres.

Guilleryal, 12 novembre 1699.

« Signé, RIIGNOUST, »

CHAPITRE XI.

Mémoire de M. Delpech. — Réponse des dames de SJ-Cyr.

— Délibération du grand Conseil.

En présence d'un tel mémoire, M. Delpech prépara toutes ses armes. Il fit faire un compulsoire de tous ses titres. On rechercha tous les aveux rendus aux seigneurs de Méréville, soit pour leur seigneurie, soit pour leur justice à Angerville, et, lorsque toutes ces pièces, dont on trouvera les dates et le résumé plus loin, furent recueillies, apparut un mémoire en réponse à celui des dames de Saint-Cyr, et qui commençait par accuser les abbés de Saint-Denis des différends survenus entre elles et M. Delpech.

« Il ne resteroit, disait-il, aujourd'huy, aucune contestation, si les officiers de MM. les abbés de Saint-Denis, se prévalant du mauvais estat de la terre de Mérinville par les minoritez et les saisies réelles, n'eussent emçêché l'exécution des arrests qui ont entièrement réglez les droits que l'on dispute aujourd'huy au sieur de Mérinville.

« Pour estre convaincu de cette vérité, on peut lire le veu de la sentence des requestes du palais de l'année 1600, dans lequel on a raporté au long tous les moyens que les parties alléguoient de part et d'autre. Cette sentence a esté confirmée par un arrest de 1604, dans tous ses chefs, à l'exception de la question de sçavoir dans quel endroit le sieur de Mérinville

percevroit le péage qu'il a le droit de percevoir dans tous les endroits de sa baronnie : sur lequel la cour interlogue, et cependant ordonne par prévision qu'il continuera de les percevoir à Angerville, ce qu'il a toujours fait jusqu'à présent.

Ainsy, l'arrest est aujourd'huy defiinitif pour le tout.

« M. l'abbé de Saint-Denis, condamné par cet arrest, tascha d'en esluder l'exécution par des voyes indirectes. Il fit obtenir aux babitans d'Angerville, au mois d'avril 1609, des lettres patentes pour l'establissement d'un marché public à Angerville, et ses officiers firent assigner devant eux quelques habitans d'Angerville.

« Il est de règle, que les vassaux ou sujets ne peuvent establir un marché public ny une foire sans le consentement de leur seigneur. Le baron de Mérinville, sans la participation duquel on avait obtenu ces lettres, forma une opposition à l'enregistrement. Il interjetta appel en mesme temps d'une sentence du 28 aoust 1609 ; un néant ordonne que la cause dont le juge de Guillerval a retenu la connoissance sera renvoyée par devant le juge de Mérinville : « a maintenu et gardé, « maintient et garde le dit Desmontiers, à cause de sa chas« telnie de Mérinville, en possession et saisine des droits de « justice au dit Angerville, spéciallement es maisons es lieux « où pend pour enseigne : l'Image Saint-Jacques, le Renard, « la Scelle, le Plat d'Estain, l'Escu, le Lyon et les Roys.

« Deffenses au dit abbé de Saint-Denis, ses officiers et tous « autres de l'y troubler, sous peine d'amende arbitraire, et à « iceluy abbé de Saint-Denis et habitans d'Angerville condamnés aux dépens. »

« On peut dire qu'il n'y a pas de meilleur titre pour establir une justice, qu'un arrest qui a maintenu un soigneur dans son ancienne possession, particulièrement quand l'arrest se trouve contradictoire et avec les justiciables qui tâchoient de se soustraire à la jurisdiction, et avec les voisins qui tâchoient de l'usurper. La résistance des uns et l'entreprise des autres ne servent qu'à rendre le titre plus autentique. Une possession

paisible qui n'a jamais esté attaquée n'est pas si forte que celle qui s'est maintenue contre des ennemis aussi puissans.

« Le sieur de Mérinvilie ne croit pas devoir répondre à une petite équivoque qu'on pourroit faire sur les termes de cet arrest. Le sieur Desmontiers est maintenu et gardé dans la possession et saisine de la justice d'Angerville, et spéciallement sur sept maisons qui sont desnommées dans l'arrest.

« Il ne faut pas dire que sa justice est limitée à sept maisons ; le mot « spéciallement » n'est pas mis dans l'arrest pour détruire la première prononciation, au contraire il assure encore plus fortement le droit du sieur Desmontiers sur ces sept maisons. L'argument que ce terme peut produire se retorque contre l'abbé de Saint-Denis. Les officiers de Guillerval vouloient assujettir ces maisons à leur jurisdiction, l'arrest condamne leur entreprise.

« On maintient le sieur Desmontiers en général dans toute la justice d'Angerville et spéciallement sur sept maisons qui faisoient le sujet de la contestation. Ce n'est pas une dérogation au droit universel du dit sieur Desmontiers, autrement ce seroit une absurdité insuportable dans l'arrest. On donneroit toute la justice au dit sieur Desmontiers, et, dans le mesme temps, on la luosteroit en la restreignant sur sept maisons. Ce qui n'est adjousté que pour affermir son droit sur les maisons contentieuses, serviroit à le détruire sur celles qu'on ne luy contestoit pas. Le bon sens ne souffre pas une interprétation qui en est si éloignée.

« La mesme chose se rencontre dans la sentence du palais du 28 avril 1600, et dans l'arrest confirmatif du 18e décembre 1604. On a toujours maintenu le sieur Desmontiers dans la justice d'Angerville, sans aucune restriction, et spéciallement sur les lieux où les officiers de Guillerval avaient fait quelque entreprise.

« Pour monstrer plus particulièrement et par l'arrest mesme que la cour n'a pas prétendu restreindre la justice du sieur de Mérinville sur sept maisons, il faut remarquer qu'elle prononce

en ces termes : « Ayant égard à la requeste du 20 février 1612, « il paroist par ces termes que la cour a eu intention d'accorder « au sieur Desmontiers tout ce qu'il lui demandoit par sa dite « requeste; autrement elle auroit prononcé, ayant aucunement « égard à la dite requeste. » Il faut donc voir ce que le sieur Desmontiers demande par cette requeste. En voicy les termes : « Que deffenses fussent faites au dit sieur abbé et ses officiers de plus troubler le dit sieur de Mérinville en ses droits, nv prendre connoissance des causes des personnes, maisons, terres et héritages y mentionnés, et entr'autres de Lubin Laumosnier, demeurant à l'Image Saint-Pierre, et des demeurans aux logis des Roys, de la Scelle, du Renard, à peine de 2,000 francs d'amende, ny de prendre connoissance d'aucun cas, crimes et délits, chemins, rues et voyes publics du dit Angerville et paroisse du dit lieu, en la chasteinie du dit Mérinville, à peine de nullité et de tous dépens, dommages et intérêts. »

« Il se voit évidemment que la cour accordant au sieur Desmontiers ce qui est porté dans cette requeste, comme on n'en peut pas doutter, elle ne restreint point sa justice sur sept maisons. Mais ce qui prouve démonstrativement que M. l'abbé de Saint-Denis n'a jamais prétendu cette restriction, c'est qu'après avoir pris requeste civile contre cet arrest, en ce que l'on donne au sieur Desmontiers la qualité de seigneur d'Angerville, il demande que le sieur de Mérinville soit tenu d'indiquer les lieux sur lesquels il prétend avoir justice, à cause des fiefs dans Angerville qui relèvent de luy, ce qui auroit esté inutile si cette justice eust esté restrainte à sept maisons, qui sont bien désignées dans un arrest rendu cinq ou six ans auparavant en plaine connoissance de cause. La cour a si bien connu cette vérité, qu'elle a ordonné, par son arrest de 1631, que le sieur de Mérinville indiquera les tenans et aboutissans des maisons sizes au dit Angerville, prétendues par le dit Desmontiers estre en sa justice. Et sa justice et seigneurie, à cause

des fiefs relevant de la dite chastelnie et vicomté de Mérinville, et qu'à cette fin, exhibition des aveux, etc.

« Si la justice du sieur de Mérinville eust été réduite à sept maisons, il estoit inutile d'ordonner l'exhibition de l'arrest de 1624, contre lequel il n'y a point de requeste civille au moins en ce net.

« Cet arrest de 1631 estant très-important pour la conservation des droits du sieur de Mérinville, il ne sera pas hors de propos d'y faire quelques observations : « Premièrement.- Il paroist que M. l'abbé de Saint-Denis avoit obtenu requeste civille contre l'arrest de 1624, seulement en ce que cet arrest donnoit au sieur de Mérinville la qualité de seigneur d'Angerville. Ainsy, M. l'abbé de Saint-Denis aprouvoit et exécutoit le reste de l'arrest. L'arrest de 1631 ne prononce rien sur cette contestation, il ne porte qu'un interlocutoire. Il ordonne qu'avant de faire droit, le raporteur fera une descente à Angerville, et que les parties conviendront de six anciens habitans pour enseigner les tenans et aboutissans des maisons que le sieur Desmontiers prétendoit estre de sa justice et seigneurie, à cause des fiefs relevans de la chastelnie et vicomté de Mérinville.

« Secondement. — L'arrest a précisément jugé que le sieur de Mérinville a droit de justice sur tous les fiefs dans Angerville relevans de Mérinville. Il n'y a qu'à lire les termes de l'arrest pour estre persuadé de cette vérité. Il est certain d'ailleurs que les deux tiers de la censive de Lestourville relevans de Mérinville, ces deux tiers sont divisés et réglés, comme il paroist, par plusieurs aveux rendus par les seigneurs de cette censive. Ainsy, l'on ne peut disconvenir que le sieur de Mérinville n'ayt droit de faire exercer sa justice sur ces deux tiers, puisque l'arrest juge, comme il a esté dit, que la justice du sieur de Mérinville s'estend sur tout ce qui relève de Mérinville. Il s'agissoit donc uniquement, lors de la descente ordonnée par cet arrest, de sçavoir où estoient les fiefs relevans de Mérinville. Il faut donc commencer par accorder au sieur

de Mérinville la justice sur les maisons sujettes aux 22 livres 10 sols, qui sont les deux tiers de la censive de Lestourville.

Tout ce qui est allégué cy-dessus est prouvé par la sentence du 28 avril 1600, l'arrest confirmatif du 18 décembre 1604, l'arrest du 8 juin 1624 et celuy du 25 janvier 1631 ; lesquelles pièces sont cottées A.

« Pour monstrer que le sieur de Mérinville est en possession immémorialle et continuée de faire exercer sa justice nonseulement sur la censive de Lestourville, mais mesme sur la censive de Brijeolet et d'Oyestreville, il a fait compulser les registres du greffe de Mérinville, et, par les extraits qu'il en rapporte, il paroist qu'il exerce sa justice depuis plus de cent ans, jusques à présent, non-seulement sur les maisons de ces trois censives désignées par l'arrest de 1624, mais mesme sur plusieurs autres. On ne peut donc point alléguer aujourd'huy, au sieur de Mérinville, qu'on a acquis une suffisante prescription contre luy.

« 1° Dans le fait, il a toujours esté en possession, mesme pendant la minorité des sieurs de Mérinville, qui a duré depuis 1680 jusqu'au jour de l'adjudication faite au sieur Delpech ; « 2° Dans le droit, MM. les abbez de Saint-Denis n'ont pu acquérir une prescription contre la disposition des arrest cy dessus, puisqu'on les doit regarder comme leurs titres. Ce ne sont point, à la vérité, des titres positifs, mais ce sont des titres négatifs ; lesquels on ne peut jamais prescrire parce que, dit M. Charles Dumoulin, perpetus obstat titulus. Ce titre, quoique négatif, a toujours constitué MM. les abbez de SaintDenis dans la mauvaise foy et, par conséquent, les a mis dans une perpétuelle impossibilité d'acquérir une prescription, supposé que les sieurs de Mérinville n'eussent pas esté en possession de leurs droits, comme il paroist par les pièces cottées B.

« La possession immémorialle et continuée dans laquelle se trouve le sieur de Mérinville de faire exercer sa justice sur la censive de Lestourville, soutenue de titres aussy incontestables que ceux raportez cv-dossus, par lesquels il est évidemment

prouvé que ce qui relève de Mérinville est de sa justice, il reste à prouver que les deux tiers de cette censive de Lestourville ne sont plus aujourd'huy indivisés : ce qui paroist par les aveux que l'on raporte, dans lesquels il est fait une exacte énumération des maisons et héritages sujets aux 22 livres 10 sois, qui sont les deux tiers de cette censive de Lestourville que l'on convient estre de la seigneurie de Mérinville. Une quantité d'aveux aussi bien suivis que ceux que l'on raporte, dans lesquels on spéciffie la part et portion qui apartient au seigneur de Mérinville, prouve qu'il y a eu autrefois un partage, qu'il seroit mesme inutile de raporter si on l'avoit, puisqu'il n'estoit pas fait. Il seroit à propos de le régler de la mesme manière qu'il se trouve dans les dits aveux, lesquelles d'ailleurs auroient acquis une prescription suffisante, depuis près de deux cens ans que l'on continue à énoncer les maisons sur lesquelles on perçoit les portions de censives relevans de Mérinville. Il résulte de tout ce que dessus, que l'arrest de 1631 ayant jugé que ce qui relève de Mérinville est en sa justice, que par les aveux raportés, les deux tiers de la censive de Lestourville relevans de Mérinville, les maisons sujettes à ces deux tiers de censive estant désignées, il ne reste plus aucune difficulté de dire que le sieur de Mérinville a droit d'exercer la justice sur les maisons sujettes aux 22 livres 10 sols de la censive de Lestourville. Le raisonnement cy-dessus trouve son aplication pour la part et portion des dixmes et charaparts des Murs d'Angerville, que l'on convient qui relèvent du sieur de Mérinville.

« Pour prouver ce que dessus, produit deux aveux des deux tiers de la censive de Lestourville, avec un dénombrement des maisons sujettes aux 22 livres 10 sols, qui estoient autrefois les deux tiers de la censive de Lestourville, dans le temps qu'elle estoit indivise; pièces cottées C.

« Il ne luy reste donc qu'à prouver la possession et le droit qu'il a de faire exercer sa justice sur toutes les censives de Brigeollet et d'Oyestreville.

« C'est une maxime de droit, que la justice estant naturellement bornée par leurs territoires, celuy qui a justice sur un particulier du territoire est présumé l'avoir sur tous en général, s'il n'y a titre spécial et authentique ou contraire. Cela supposé, le sieur de Mérinville a droit de faire exercer sa justice sur toutes les censives de Brigeollet et d”Oyestreville, puisque, dans le nombre des sept maisons que l'on convient estre de la justice de Mérinville, il y en a cinq de la censive de Brigeollet, sçavoir : l'Image Saint-Jacques, le Regnard, la Scelle, l'Escu et les Ro-ys ; il y en a une de la censive de Lestourville, sça voir : le Plat d'Estain ; et enfin, il y en a une de la censive de Restreville, sçavoir : le Lyon. Quelle seroit donc la raison pour laquelle on auroit jugé ces sept maisons, qui sont de trois différentes censives, estre de la justice de Mérinville plutost que le surplus des maisons de ces mesmes censives ? Et pourquoy le surplus des maisons de ces trois censives ne sera-t-il pas aussy bien de la justice de Mérinville que les sept maisons que l'on ne dispute pas, d'autant plus que dans le temps du procès et lors de la descente à Angerville par M. Leclerc de Courcelles, l'on argumentait ainsy : Cette maison est de la censive de Lestourville ; celle-cy est de la censive de Brigeollet ; celle-là est de la censive d'Oyestreville. Donc elles sont de la justice de Mérinville. Il n'y a qu'à lire le procès-verbal de descente, qu'à désigner les endroits sujets aux trois censives de Lestourville, Brigeollet et d'Oyestreville, parce qu'on supposoit, comme il est vray, qu'il suillsoit qu'une maison fust dans une de ces trois censives pour estre de la justice de Mérinville. Cela paroist encore par une sentence- rendue le 5 may 1496, par laquelle il paroist que deux particuliers prétendans l'un estre de la justice de Saint-Denis, l'autre de celle de Mé-

rinville, l'on ordonne, avant faire droit, que descente sera faite sur les lieux, pour sçavoir si la cave en question est de la justice de Mérinville, c'est-à-dire si elle est de la censive de Brigeollet. Par conséquent, celuy qui revendiquoit la justice de Saint-Denis convenoit que si la cave en question estoit

scituée dans la censive de Brigeollet, elle estoit de la justice de Mérinville.

« Pour monstrer que cy-dessus, le sieur de Mérinville produit la dite sentence en original, en parchemin, et une copie en papier avec le procès-verbal de descente ; cottés D.

« Pour monstrer que les seigneurs d'Oyestreville, de qui relève la censive de Brigeollet, ont reconnu que cette censive estoit de la jurisdiction de Mérinville, on raporte une copie d'aveu, dans lequel il est dit que cette censive estoit de la jurisdiction de Mérinville. Cette pièce est cottée E.

« Pour monstrer que le sieur de Mérinville est en possession immémorialle d'exercer la justice sur cette censive, le sieur de Mérinville a fait mettre, à costé des expéditions, des sentences compulsées dans son greffe de Mérinville, non-seulement les noms de ceux qui possèdent aujourd'huy les maisons sur lesquelles le juge de Mérinville a exercé sa justice, mais mesme il a fait mettre à costé la censive à laquelle chaque maison est sujette. L'on connoistra aisément que le sieur de Mérinville a fait exercer sa justice, depuis un longtemps immémorial jusqu'à présent, non-seulement sur les sept maisons qu'on luy accorde aujourd'huy, mais mesme sur plusieurs autres des trois censives, sur lesquelles trois censives le sieur de Mérinville a seul droit de justice. Toutes ces expéditions de sentences sont raportées cy-devant sous la cotte B.

« Pour monstrer que le sieur de Mérinville a exercé sa justice sur plusieurs particuliers autres que les sept qu'on luy accorde, produit trois sentences par lesquelles le juge de Mérinville enjoint à dix particuliers, habitants d'Angerville, de venir faire estallonner leurs mesures aux armes de Mérinville; les dites pièces cottées H.. -0 « Pour monstrer que le sieur de Mérinville a fait exercer sa justice dans Angerville par des officiers résidens sur ce lieu, qu'il y a droit de voyerie, droit d'y avoir un lieutenant, un notaire, un sergent et un receveur des amendes, produit douze pièces cottées G.

« Pour monstrer que le sieur de Mérinville a toujours eu un poteau à ses armes dans Angerville, à l'endroit où il se trouve aujourd'huy, produit deux procès-verbaux, l'un du 16 décembre 1616 et l'autre du 13 novembre 1649, lesquels ont esté faist lorsqu'on a planté les dits poteaux ; les dites pièces cotées H.

« L'on ne disconviendra pas que la plus grande partie des terres qui sont au-dehors du bourg d'Angerville ne soient de la seigneurie de Mérinville, c'est-à-dire de sa mouvance et de sa justice , par exemple, Villeneuve-le-Bœuf, La Selle, Restreville, Guestreville et autres, en sorte qu'Angerville est scitué au milieu de son territoire, et l'on ne peut appliquer ici avec succès l'argument que les seigneurs tirent du droit d'enclave, pour establir leur seigneurie sur un lieu contesté.

« Tout ce qui a esté dit cy-dessus ne déroge point à la prétention du sieur de Mérinville pour sa qualité de seigneur universel d'Angerville, d'autant plus qu'il y a des moyens invincibles pour prouver que l'abbaye de Saint-Denis n'a jamais rien eu, dans Angerville, que quelques mouvances de peu de valleur. Cela se prouve : « 1 0 Par la charte mesme par laquelle le roy Dagobert a donné à l'abbaye de Saint-Denis toutes les terres qu'elle possède aujourd'huy en Beauce, dans laquelle il n'est point parlé d'Angerville; « 2° Par la Vie de l'abbé Suger, raportée dans le deuxième tome des Historiens des François de Duchesne, dans laquelle il paroist que l'abbé Suger a esté en Beauce mettre ordre à toutes les terres dépendantes de l'abbaye de Saint-Denis. Il parle de Guillerval, de Monnerville, de Toury et de toutes les autres, mais il ne parle point d'Angerville: la raison que l'abbé n'y avoit rien ; « 3° Par le procès-verbal de réformation de la coustume d'Estampes. Le procureur du roi remonstra (voicy ses termes) qu'à l'égard d'Angerville, l'abbé de Saint-Denis, sous ombre d'une jurisdiction foncière, usurpoit jurisdiction ordinaire sur quelque partie des habitants d'Angerville.

« Ces termes montrent évidemment que l'abbé de SaintDenis commençoit à prétendre quelque portion de justice, et aujourd'huy il voudroit l'avoir universelle. Pour monstrer encore qu'il ne prétendoit point, dans ce temps-là, la justice universelle qu'il demande aujourd'huy, c'est qu'il ne se qualifioit que seigneur d'Angerville en partie, ce qui est aujourd'huy une fin de non recevoir invincible contre le titre de seigneur universel qu'il demande.

« Il est vray que, dans le procès-verbal de réformation de la coustume d'Estampes de 1556, le seigneur de Mérinville ne paroist point apelé que pour raison de cette terre sans qu'on y adjouste ses dépendences. On s'est contenté de le désigner par le chef-lieu de sa seigneurie, soit pour éviter la prolixité, ou parce qu'en matière de fief il n'est pas nécessaire d'expliquer des dépendences : ce sont des accessoires qui suivent le principal. En effet, il est certain que le sieur de Mérinville estoit seigneur, dans ce temps-là, des bourgs d'Autruy et de SaintPère, qui sont des bourgs fermés et des dépendences de la baronnie de Mérinville, aussi bien que la paroisse d'Estouches, sur lesquels on ne luy conteste point la haute justice. Et, cependant, il n'a point esté apelé, lors du procès-verbal de réformation de la coustume, et ne l'est pas même encore aujourd'huy, aux assises, en qualité de seigneur de ces bourgs et villages. Il faut donc avouer que l'on se contente de désigner le chef-lieu de la seigneurie pour éviter la prolixité.

« Après tant de bons moyens qui establissent le droit de justice dans Angerville, peut-on trouver à redire si le sieur de Mérinville se qualifie seigneur d'Angerville?

« Si le sieur de Mérinville demande que son bailly de Mérinville réponde aux assises d'Estampes pour sa haute justice dans Angerville. Ne doit-on pas convenir que le sieur de Mérinville a droit d'avoir un poteau dans Angerville à ses armes, et d'y faire attacher la pancarte de ses droits de péage?

« Qu'il a droit d'y establir un procureur fiscal, un sergent voyer et autres officiers de justice, et d'y faire exercer sa justice, le tout pour la commodité de ses justiciables?

« Peut-on luy refuser les droits honorifiques dans l'église, en qualité de seigneur haut justicier, préférablement à ceux qui ont moins d'estendue de haute justice et à ceux qui n'en ont qu'une moyenne ou basse, telle qu'est le seigneur des Murs, qui n'a jamais prétendu aucune haute justice et qui n'est point patron ? Ainsy, quand bien mesme l'abbaye do Saint-Denis auroit une plus grande portion de haute justice, ce qui ne peut pas arriver, on ne pourroit point refuser au sieur de Mérinville de certains houneurs dans l'église, tels que sont : un banc dans la première place, la cinture funèbre et autres droits, lesquels ne peuvent convenir à une communauté non plus qu'à un seigneur ecclésiastique qui, suivant les canons, ne peut jouir de ces sortes de droits honorifiques par sa qualité.

« Peut-on dire que le sieur de Mérinville n'ayt pas droit d'establir un garde-chasse dans le bourg d'Angerville, dans lo temps que l'on convient que la campagne qui environne ce bourg est de sa seigneurie et justice ?

« A l'égard du droit de courtage et de minage, que le fermier des dames perçoit dans Angerville, ce droit n'estant estably qu'en conséquence des lettres patentes portant establissement d'un marché à Angerville, et ces lettres patentes estant annulées par l'arrest de 1624, le sieur de Mérinville a aujourd'huy le mesme intérêt que ce droit, dont le fondement a esté annulé, ne se lève point, qu'il l'avoit d'empescher l'establisspment du marché.

« Pour ce qui est des maisons que le bailly de Guillerval a donné à nouveaux cens, et des terres abandonnées dont il a ordonné la réunion, cela dépendra de la question de sçavoir dans quelle justice ces maisons et héritages se trouvent scitués.

« Il ne reste donc plus que de sçavoir à qui apartient la haute justice sur un fief apellé Trapeau, appartenant au sieur de Mérinville. Il déclare à cet égard qu'il n'y a que moyenne et basse justice, et que la haute justice apartient au roy, à cause de son duché d'Estampes, dont M. le duc de Vendosme est A.ngagiste. Cela paroist, évidemment, parce que la mairie de

Trapeau a esté apellée, de temps immémorial, aux assises du baillage d'Estampes. Le sieur de Mérinville a intérest de soutenir que la justice apartient au roy, parce qu'il est plus honorable d'apartenir à son souverain maistre qu'à aucuns sujets, de quelque qualité qu'ils soyent. (1) » OBSERVATIONS SUR LE MÉMOIRE DE M. DELPECII.

« La sentence de 1301 est non-seulement contradictoire, mais rendue du consentement du seigneur de Mérinville.

« Puisqu'elle est confirmée par l'arrest de 1604, cet arrest juge donc, ainsy que la sentence, que l'abbé de Saint-Denis a l'universalité de la justice dans Angerville.

« L'arrest de 1624 n'a débouté les habitans d'Angerville de l'enthériment des lettres de 1609, que parce qu'il y a des foires et marché à Mérinville et qu'Angerville n'en est qu'à une lieue de distance.

« L'arrest de 1624 ne subsiste plus, au moins de ce que l'arrest de 1631 a ordonné une descente que le seigneur de Mérinville indiqueroit et justifieroit de titres.

« De plus, cet arrest juge seulement que le seigneur de Mérinville a droit de justice sur quelques maisons d'Angerville; et quand l'énumération des sept maisons ne seroit pas limitative, on ne pourroit en induire autre chose, sinon que le seigneur de Mérinville a esté conservé dans le droit de se faire maintenir dans le droit de justice sur d'autres maisons en justifiant de titres, ce qu'il ne peut faire.

« La requeste du 20 febvrier 1612 ne faisoit vraysemblablement mention que de quelques maisons.

« Par cette requeste, le seigneur de Mérinville, après avoir parlé en général du bourg d'Angerville et paroisse du dit lieu, adjoutoit ces mots limitatifs : en la chastelnie du dit Mérinville.

« Si l'abbé de Saint-Denis, après sa requeste civille obtenue contre l'arrest de 1624, a demandé que le seigneur de Mérin-

(1) Inventaire de Saint-Cyr. — Angerville, cote 3.

ville fut tenu d'indiquer les lieux sur lesquels il prétend avoir justice, à cause des fiefs dans Angerville qui relèvent de luy, c'est parce que le seigneur de Mérinville, par ces mots et autres dont il s'estoit servi dans ses requestes, avoit marqué ne se pas renfermer aux sept maisons, et il falloit une fois fixer la justice par luy prétendue dans Angerville.

« En 1631, en matière de requestes civilles, on jugeoit souvent le rescindant avec le rescisoir.

« Et l'arrest de 1631 en est une preuve/puisqu'il contient un interlocutoire, ce qui ne se pratique plus depuis l'ordonnance de 1667 : il s'agissoit de biens d'église toujours réputés mineurs, et par cette raison, c'est sur le mérite du fond que l'on a interloqué. Cet interlocutoire estoit un préjugé contre les arrest de 1604 et 1624.

« Le seigneur de Mérinville aiant exécuté cet arrest et contesté dans le procès-verbal lors de la descente, c'est avoir abandonné les arrest de 1604 et 1624 et s'estre soumis à ne prétendre la justice que sur les maisons qui se trouvoient sur son fief et pour lesquelles il avoit des titres.

« Ce nest pas asséz que le seigneur de Mérinville ait dans Angerville les deux tiers du fief de Lestourville, il faudroit encore que, par des titres, il justifiât sur quelles maisons dépendantes de ce fief il a la justice.

« 11 ne raporte que deux aveux, l'un de 1618, l'autre de 1640, à luy rendus des dépendances de ce fief, et ces aveux ne font nulle mention de justice.

« Les fiefs de Brigeollet et d'Oestreville (1) ne relèvent point de Mérinville. Il faut donc déboutter le seigneur de Mérinville de la justice par luy prétendue sur les maisons basties sur ces fiefs, puisque l'arrest de 1661 ne l'admet à prétendre justice et à en justifier, que pour les maisons estant sur ces fiefs qui relèvent de luy ; et la possession immémorialle, par luy allé-

(1) Ouestreville s'est appelé successivement Uycstrerzllc, Ocstrcvillc, Outrevillc, Ouitrsville.

guée, de la justice, sur trois ou quatre maisons estant dans ces fiefs, n'est à compter pour rien aux termes de l'arvst de 1631.

« Il ne se trouve de minutes au greffe d'Angerville que depuis <646 ; mais les anciens titres que les dames de Saint-Cyr ont raportés suppléent au défaut d'actes de possession antérieurs à 1646, sçavoir : « La sentence de 1295, celle de 1301, contradictoires et rendues du consentement du seigneur de Mérinville.

« Les propres titres du seigneur de Mérinville font mesme sa condamnation, sçavoir : « Son adveu de 1482, qui ne fait nulle mention de justice; « L'attestation mendiée en 1540, de quatre habitans de Mérinville, qui ne désignent qu'environ douze maisons sur lesquelles ce seigneur de Mérinville ait justice dans Angerville; « Et les adveux à luy fournis pour deux tiers par les propriétaires du fief de Lestourville, dont il a esté cy-dessus parlé.

e Il n'importe que les seigneurs de Mérinville ayent fait partage de leur mouvance sur Lestourville et qu'ils jouissent de leurs deux tiers divisément, puisqu'il n'a point de titres pour prétendre la justice sur aucune des maisons dépendantes de ce fief, et que les adveux qui luy ont esté fournis en 1618 et 1640 détruisent sa prétention.

« Les fiefs de Brigeollet et d'Oestreville ne relèvent point de Mérinville. C'est inutilement que le seigneur de Mérinville allègue qu'il a justice sur une partie du territoire ; J'arrest de 1631 l'en exclud formellement, puisqu'il ne l'admet à justifier que pour les maisons dépendantes de ces fiefs.

« D'ailleures quand les choses seroient entières et que la possession par luy alléguée sur cinq des maisons de ce fief de Brigeollet seroit de quelque considération, cela ne feroit nulle conséquence pour le surplus du territoire de ce fief, car l'abbé de Saint-Denis estant fondé en droit universel, il ne peut recevoir de diminution qu'autant que la possession contraire se trouve établye, et cela par la règle tantum prescriptum quantum possessum.

« A l'égard du fief de Lestourville, la maison du Plat d'Estain n'en dépend point, mais bien du fief d'Oeslreville.

« Si, lors du procès-verbal de descente, on a désigné des maisons situées dans les fiefs de Lestourville, Brigeollet et Oestreville, on n'en peut tirer nulle conséquence, par deux raisons : « La première, que la désignation destituée de titres ne devoit de rien servir aux termes de l'arrest ; « Et la seconde, que l'on y a aussy désigné des maisons dépendantes du fief des Murs, qui sont incontestablement de la justice de Saint-Denis.

« On ne voit pas, par la sentence de 1496, que la cave contentieuse fût située dans la censive du fief de Brigeollet, et ainsy il n'y a nulle conséquence à en tirer pour les maisons dépendantes de ce fief, joint que les officiers de l'abbé de Saint-Denis n'ont pas esté parties dans cette sentence.

« Au nombre des sentences tirées du greffe de Mérinville, que le seigneur de Mérinville produit, il y en a plusieurs qui concernent des maisons qui dépendent des fiefs de Saint-Denis et des Murs, sur lesquelles, néantmoins, le seigneur de Mérinville reconnoist qu'il ne peut pas prétendre droit de justice.

« Donc, si les autres sentences font mention de maisons situées sur les fiefs de Brigeollet et Oestreville, le seigneur de Mérinville n'en peut tirer aucune conséquence, et au contraire il en faut conclure qu'il y a eu égallement entreprise à dessein d'usurpation pour les uns et pour les autres.

« Les actes de possession du seigneur de Mérinville ne peuvent entrer en comparaison avec ceux que rapportent les dames : 1° parce qu'ils sont en bien plus grand nombre; 2° parce qu'ils sont appuyés sur d'anciennes sentences rendues il y a trois ou quatre siècles. Or, selon Dumoulin, in con/lictu probationum, lorsqu'il s'agist de possession titulata vel antiquior vincit, et le seigneur de Mérinville est bien loin d'estre fondé en titres, ceux qu'il rapporte et notamment ses aveux de 1482, 1618 et 1640 sont contre luy, puisqu'ils ne font nulle mention de !a justice.

« Si quelquefois le seigneur de Mérinville a entrepris d'establir un lieutenant et un sergent à Angerville, c'est dans le temps qu'il poursuivoit avec plus de chaleur le procès contre l'abbé de Saint-Denis. De plus, il y a tout sujet de croire que ces prévisions et actes de réception à Mérinville n'ont point esté suivis d'exécution, car les officiers de l'abbé de Saint-Denis n'auroient pas manqué de s'y opposer.

« Et supposé même que le seigneur de Mérinville eut incontestablement la justice sur quelques maisons d'Angerville, il ne seroit pas pour cela en droit d'establir des officiers particuliers, Mérinville aiant esté de tout temps le siège de la justice, laquelle ne composant qu'un seul corps ne souffre ny démembrement ny multiplication.

« Le poteau ne regarde que le péage, duquel il n'est pas à présent question.

« Les fiefs que le seigneur de Mérinville a dans l'estendue de la paroisse d'Angerville sont contigus aux autres fiefs appartenant à l'abbé de Saint-Denis et aux autres seigneurs, mais ils ne font point d'enclave, et, bien loin de cela, la paroisse d'Angerville, du costé du midy et du septentrion, est bornée de la paroisse de Rouvray et de Monerville, qui sont de la seigneurie et haute justice des dames.

« Il est surprenant, après tous les titres cy-dessus raportez et l'arrest de 1 631, que le seigneur de Mérinville ose se flatter d'être seigneur universel d'Angerville, et il ne faut qu'opposer le seigneur de Mérinville à luy-même pour le désabuser de cette fausse idée, puisque la sentence de 1301 maintint deffinitivement l'abbé de Saint-Denis dans la justice sur Angerville, du.

propre consentement du seigneur de Mérinville, et avoit esté précédé d'une sentence provisoire de 1295.

« Ce qui fait connoistre combien se trompoit le procureur du roy du baillage d'Estampes], lorsqu']en 1536, c'est-à-dire près de trois siècles après la première de ces sentences, il s'avisa de prétendre que l'abbé de Saint-Denis n'avoit qu'une jurisdiction foncière dans [[:angerville|Angerville, et que sa possession d'y

exercer la justice estoit une usurpation de la justice ordinaire.

« Avant la réformation de la coustume d'Estampes, faite en 1556, le seigneur de Mérinville s'estoit déjà préparé du moins pour entreprendre sur la haute justice d'Angerville, comme il se voit par l'attestation qu'il mendia de quatre de ses habitans en 1540, dont il a esté cy-dessus parlé ; mais lors de sa comparution en l'assemblée des Estats tenus à Estampes, il n'osa pas prendre la qualité de seigneur d'Angerville ny en tout ny en partie, bien persuadé qu'il estoit que l'entreprise estoit trop récente pour ne pas estre aussitôt réprimée.

« Et pour mieux donner à connoistre l'origine de cette usurpation, il est à propos d'observer que le fief des Murs, auquel apartient moienne et basse justice, a autrefois apartenu au seigneur de Mérinville. -

« Une autre circonstance est que souvent le juge de l'abbé de Saint-Denis a aussy esté le juge du seigneur de Mérinville.

Voilà ce qui a aidé les seigneurs de Mérinville a estendre leur justice de Mérinville sur quelques maisons d'Angerville. Un commencement si vitieux n'a pas pu attribuer de droit au préjudice des titres aussy antiens, aussy authentiques que sont ceux de l'abbé de Saint-Denis.

« La prétention des droits honorifiques s'évanouit d'ellemême, après tout ce qui vient d'être dit.

« La prétention_d'establir un garde-chasse est chose nouvelle, et qui ne peut non plus estre tolérée que celle d'avoir un procureur fiscal, un sergent et autres officiers.

« Pour l'establissement des droits de courtage et minage, les dames ont des baux, une sentence de 1648, une enqueste de 4651 dans laquelle, entre autres tesmoins, a esté entendu un antien du lieu, agé de soixante-quinze ans, qui a déposé qu'il avoit toujours vu lever ces droits en 1607 et 4608, et les avoit levé lui-même comme fermier.

« Le territoire de Trapau, dont est fait mention en cet endroit, fait partie de la paroisse de Guillerval, où l'abbaye a droit de haute justice non-seulement sur son fond, mais encore

sur tous les autres fonds de la dite paroisse, mouvans de qui que ce soit, ainsy qu'il a esté jugé par arrest du Parlement de l'année 4288. »

Les débats arrivèrent au grand conseil du roi. L'embarras y fut grand. Comment condamner les dames de Saint-Louis, ces protégées du roi qui avaient reçu de lui La possession d'Angerville. D'un autre côté, M. Delpech, le vicomte de Méréville, le conseiller au Parlement, jouissait d'une grande considération, on ne voulait pas lui donner le dessous dans un procès où il disait que les droits qu'il avait sur Angerville lui venaient des rois, dont ses prédécesseurs s'étaient depuis longtemps reconnus vassaux. Du resie, la question était difficile à juger pour le grand conseil. Il eût fallu faire des recherches opposées à celles des dames de Saint-Cyr et du seigneur de Méréville, et leur prouver que dans le principe Angerville ne leur appartenait ni à l'un ni à l'autre. Ces recherches eussent été laborieuses et n'auraient sans doute donné satisfaction à aucun des adversaires. Le conseil crut sage de déterminer les parties à une transaction, et on prit à cet effet la délibération suivante :

DÉLIBÉRATION POUR RÉGLER LA JUSTICE A ANGERVILLE ET LA MOUVANCE DU FIBF DE LESTOURVILLE. (4) (7 avril 1701.) « Sur ce que l'intendant des dames a représenté que depuis un très-long temps il y a eu procès entre MM. les abbez de Saint-Denis en France, dont la manse est présentement unie à la maison des dites dames, et les propriétaires de la terre de MérinviUe, scituée en Beauce, pour raison de la justice par eux prétendue sur quelques maisons du bourg d'Angerville ; et qu'encore que ce procès ayl été jugé, en faveur des abbez

(1) Extrait du registre des délibérations du conseil estably par le roy, pour l'administration du temporel de la royalle maison de Saint-Louis, à. Saint-Cyr. — Inventaire de Saint Cyr. — Angerville, cotte 3.

de Saint-Denis, par deux sentences dont il n'y a point eu d'ap pel : la première, du mardy d'après Noël, l'an 1296, contre M. de Lignières, pour lors seigneur du dit Iérinville, rendue par le prévost d'Orléans; et la seconde, par le prévost d'Yenville, le vendredy d'après la Notre-Dame 1301, du consentement du dit seigneur de Mérinville. Néantmoins, les contestations pour le mesme fait auroient esté renouvellées, à la fin du mesme siècle, par les seigneur du dit Mérinville, et n'auroient pû estre terminées, quoy qu'il soit intervenu plusieurs sentences et arrest du Parlement des 28 aoust 1600, 18 décembre 1604, 8 juin 1624 et 2o janvier 1631, par le dernier desquels arrests le Parlement, pour estre pleinement instruit de l'étendue de la justice que le seigneur de Mérinville pouvoit prétendre dans le bourg d'Angerville, auroit ordonné que dessente seroit faite au dit bourg par le conseiller raporteur, devant lequel les partys conviendroient de six anciens du lieu. Simon G1 en seroit pris et nommé d'office, pour monstrer et enseigner les tenans et aboutissans des maisons sises au dit bourg d'Angerville, prétendues par le seigneur de Mérinville estre de sa justice, à cause des fiefs relevant de sa chastelnie, et qu'à cette fin exhibition seroit faite des aveux et autres titres concernant les dites prétendues justice et seigneurie : duquel arrest il résulte clairement que la justice apartenoit, à titre universel, à l'abbaye de Saint-Denis, dans Angerville, le propriétaire de Mérinville ayant esté réduit à indiquer en particulier les maisons sur lesquelles il prétendoit que sa justice s'estendoit. En exécution duquel arrest, indication ayant esté faite devant le commissaire de la cour, par le procureur du seigneur de Mérinville, d'environ cinquante maisons, les dites indications auroient esté contestées par le procureur de l'abbaye de SaintDenis, qui auroit soutenu qu'entre les maisons indiquées, il y en avoit plusieurs scituées dans la censive des fief de Brijolet, Outreville et du fief des Murs qui ne pouvoient, aux termes de l'arrest, estre prétendues dans la justice de Mérinville, parce que ces fiefs n'estoient point de sa mouvance. Et quant aux

maisons scituées dans la censive du fief de Lestourville, qu'encore que les deux tiers de ce fief fussent dans la mouvance du dit seigneur de Mérinville, il n'estoit pas fondé à prétendre la justice de ces deux tiers, parce que fief et justice n'ont rien de commun, et qu'aux termes de cet arrest, il falloit raporter des titres pour establir cette prétention de justice. Lequel procès-verbal de dessente ayant esté reçu par arrest du 22 février 1633, et les partyes appointées sur leurs demandes, les officiers de l'abbaye de Saint-Denis auroient continué, depuis ce temps jusqu'à présent, d'exercer la justice sur toutes les maisons du bourg d'Angerville, et auroient esté reconnus pour officiers de la justice ordinaire du lieu, par l'appel qui s'en est fait deux fois tous les ans aux assises du baillage d'Estampes, au préjudice de laquelle possession M. Delpech, nouvel adjudicataire de Mérinville, auroit troublé les officiers des dites dames dans l'exercice de cette justice par différentes entreprises, ayant estably depuis peu dans Angerville des officiers particuliers, pour y exercer sa prétendue justice contre ce qui s'observoit auparavant.

« A quoy auroit esté répondu par le dit sieur Delpech que, des deux anciennes sentences sur lesquelles les dames prétendent establir leur droit de justice dans le bourg d'Angerville, celle dattée du mardy d'après Noël 1295 est par deffaut et sans signification ; l'autre, dattée du vendredy d'après la NotreDame de mars de l'année 1301, est seulement énoncée dans la sentence de 1600 et n'a jamais esté raportée; et que de tout temps les seigneurs de Mérinville ont prétendu avoir tout droit de justice dans le bourg d'Angerville; et qu'ils y ont esté maintenus contradictoirement par les arrests de 1604 et 1624; et qu'encore celuy de 1624 luy adjuge la justice spéciallement sur sept maisons qui y sont nommément exprimées ; néantmoins il n'exclud pas de l'avoir sur plusieurs autres, les dites maisons n'estant spéciallement mentionnées au dit arrest que parce qu'elles faisoient la matière d'un procès, et qu'il paroist mesme par le prtcès-verbal, fait en exécution de l'arrest de 1631, que

le procureur du seigneur de Mérinville y a indiqué grand nombre d'autres maisons sujettes à la justice de la dite chastelnie; que son droit de justice n'a jamais été renfermé sur les maisons scituées dans la censive des fiefs mouvans de sa dite chastelnio, mais s'estendoit aussy sur les maisons scituées dans la censive des fiefs de Brijollet et Outerville, dont quelquesunes luy estoient mesme adjugez par l'arrest de 1624, sur toutes lesquelles maisons ses auteurs ont suffisamment conservé la possession de l'exercice de la justice dans Angerville. Il n'a fait qu'user du droit qui luy apartient, et qui n'avoit esté négligé depuis quelques années que parce que la terre de Mérinville estoit saisie réellement et les seigneurs en minorité ; par toutes lesquelles raisons le dit sieur Delpech soutenoit devoir estre maintenu dans l'exercice de la justice sur les deux tiers des maisons de la censive de Lestourville , sur celles de la censive de Brijolet et d'Oulreville suivant les titres , pour l'exercice de laquelle justice il auroit ses officiers dans Angerville, même un poteau avec ses armes et un carquan pour marque de sa justice.

« Le conseil, après avoir vu les pièces cy-dessus énoncées et dattées et plusieurs sentences et autres actes judiciaires qui marquent les exercices de justice dans Angerville avec les remarques et mémoires du sieur Regnoust, commis à la confection du papier terrier des seigneuries que les dames possèdent dans la Beauce, est d'avis qu'elles passent transaction avec le dit sieur Delpech, par laquelle les dites dames consentiront qu'il ayt la justice sur le canton des maisons scitués dans la partie du bourg d'Angerville qui est vers la porte qui va à Toury ; lesquelles maisons, estant dans un mesme tenant, sont bornées du costé du couchant par la grande rue du chemin d'Orléans à Paris, du costé du levant par la rue du Derrière, d'un bout au nord par la rue du Coulon, et d'autre au midy par la rue du Tour-de-Ville, exclusivement et sans que le dit sieur Delpech puisse prétendre aucun droit de justice sur les dites rues et sur le surplus du dit bourg, laquelle justice il fera

exercer par le bailly de la chastelnie de Mérinville sur les maisons cy-dessus cantonnées, pourra néantmoins avoir un notaire dans Angerville pour recevoir les actes entre ses justiciables, comme aussi pour marque et exercice de sa justice, pourra, si bon luy semble, avoir un poteau avec ses armes et un carquan proche et joignant les dites maisons. Et d'autant que dans le nombre de ces maisons cy-dessus, dont la justice est délaissée au dit sieur Delpech, il y en a quelques-unes dans la censive des dames, le dit conseil est d'avis que les censitaires, propriétaires des dites maisons cy-dessus, soient assignés, pour raison des dits droits de censive et autres droits seigneuriaux, pardevant le juge des dites dames, la justice à elles réservée sur les dites maisons cy-dessus cantonnées pour ce regard seulement. Et pour le surplus des maisons du dit bourg d'Angerville, Grande-Rue en son entier et toutes les autres rues, les dames y demeureront maintenues en tout droit de justice, qu'elles feront exercer par leurs officiers en la manière accoutumée; renonçant, pour cet effet, le dit sieur Delpech, à tout et tel droit de justice qu'il auroit prétendu sur aucunes des dites maisons, en conséquence des arrests cydessus mentionnés, ou autrement en quelque sorte et manière que ce puisse estre, et ce au moyen du délaissement qui luy est fait de toute la justice sur les maisons cy-dessus désignées.

Les habitans desquelles maisons auront, dans toutes les assemblées qui se feront dans la paroisse pour les affaires de la communauté, leurs voix et suffrages ainsy que les autres habitans, et seront obligez de se conformer aux règlemens qui seront faits par le juge des dites dames, concernant seulement les affaires générales et communes du dit lieu. Et où il seroit nécessaire de faire faire des exécutions et se transporter dans les dites maisons, ces -exécutions seront faites par les officiers de la justice de Mérinville. Et quant à la contestation qui estoit entre les partyes, pour régler ce que chacune d'elles peut prétendre de mouvance sur le champart apartenanlau seigneur du fief des Murs, sur plusieurs terres et héritages sis au terroir

d'Angerville, le conseil est encore d'avis que, par le traité qui sera fait entre les partyes, il soit dit que les dames auront la jouissance des trois quarts, et la mouvance du quart apartiendra au dit sieur Delpecli ; et qu'il continue de jouir de son droit de péage en la manière accoutumée ; et qu'au moyen de ce que dessus, tous procès et différends demeurent éteints et assoupis.

« Extrait et collationné par moy, intendant des affaires de la dite maison de Saint-Louis, à ce commis par arrest du conseil d'Estat du roy.

« MAUDUYT. »

TRANSACTION ENTRE LES DAMES DE SAINT-CYR ET M. DBLPECi!, POUR LE DROIT DE JUSTICE AU BOURG D'ANGERVILLE.

(12 avril 1701.) (1) « Par devant les conseillers du roy, notaires au chatelet de Paris, soussignez, furent présentes : dames Catherine du Pérou, supérieure ; Gabrielle de Jas, assistante et conseillère ; Anne-Françoise Gauthier de Fontaine, maîtresse générale des classes et conseillère; Catherine de Berval, dépositaire et conseillère ; et Marie-Anne Hallé, maîtresse des novices et conseillère; toutes les religieuses professes composant le conseil du monastère royal de Saint-Louis étably à Saint-Cyr, assemblées au son de la cloche, en la manière accoutumée, en leur parloir du despot, lieu ordinaire pour traiter et délibérer de leurs affaires, auquel est unie la manse abbatiale de SaintDenis en France, d'une part; et messire Jean Delpech, chevalier, baron, vicomte et haut chastelain de Mérinville, conseiller du roy en sa cour de Parlement, demeurant à Paris, rue Saint-Martin, paroisse Saint-Nicolas-des-Champs, d'autre part; considérant, etc., arrêté et conclu : « C'est à sçavoir qu'au lieu des maisons et autres lieux situés à Angerville, sur

(1) Inventaire de Saint Cyr. — Documents sur Angerville, cote 3.

lesquels le dit sieur Delpech avoit et pouvoit avoir droit de prétendre justice, suivant les dits arrets de 1604 et 1624, rendus contradictoirement entre l'abbé de Saint-Denis et Jean Desmontiers, il aura et lui appartiendra à l'avenir toute la justice sur le canton des dites maisons situées dans la partie du dit bourg d'Angerville qui est vers la porte qui va à Thoury, lesquelles maisons, estant toutes dans un mesme tenant, sont bornées du costé du couchant par la grande rue du chemin d'Orléans à Paris, du costé du levant par la rue du Derrière, d'un bout au nord par la rue du Coulon, et d'autre bout au midy par la rue du Tour-de-Ville, exclusivement et sans que le sieur Delpech puisse prétendre aucun droit de justice sur les dites rues et sur le surplus du dit bourg, la(luelle justice sur les maisons ci-dessus cantonnées, le sieur Delpech fera exercer par le bailly de sa chastellenie de Mérinville. Pourra néantmoins continuer, le dit seigneur, d'avoir un notaire dans Angerville, pour recevoir les actes entre ses justiciables ; comme aussi pour marque et exercice de sa dite justice , pourra, si bon lui semble, faire mettre un poteau avec ses armes et un carcan proche et joignant les dites maisons. Et d'autant que dans le nombre des maisons ci-dessus, dont la justice est délaissée au dit sieur Delpech, il y en a quelquesunes qui sont dans la censive des dites dames de Saint-Louis, il a esté expressément reconnu et convenu que les propriétaires des dites maisons et redevables de cens ou autres droits seigneuriaux envers les dites dames, seront assignés pour raison de ces droits par devant les juges des dites dames, la justice à elles réservée pour ce regard seulement.

« Et pour tout le surplus des maisons du dit bourg d'Angerville, Grande-Rue en son entier et toutes autres rues, les dames de Saint-Louis demeureront maintenues en tout droit de justice, qu'elles feront exercer par leurs officiers en la manière accoutumée, renonçant à cet effet, le dit sieur Delpech, à tout et tel droit de justice qu'il auroit pu prétendre sur aucune des dites maisons, en vertu des arrets cy-dessus men-

tionnés, ou autrement en quelque sorte et manière que ce puisse estre, et ce au moyen qui lui est fait de toute la justice sur les maisons situées dans le canton ci-dessus désigné dont il se contente, et desquelles maisons les habitans auront, dans toutes les assemblées qui se feront en la paroisse pour les affaires de la communauté, leurs voix et suffrages, ainsi que les autres habitans de la paroisse, et seront obligez de se conformer aux règlemens qui seront faits par le juge des dites dames, concernant seulement les affaires générales et communes du dit lieu ; et où il seroit nécessaire de faire faire des exécutions et se transporter dans las dites maisons, les dites exécutions seront faites par les officiers de la dite justice de Mérinville. »

Telle fut la transaction moyennant laquelle tout débat, toute contestation devait cesser entre les dames de Saint-Cyr et M. Delpech ; mais il n'en fut pas ainsi. Le seigneur de Méréville, conseiller, secrétaire du roi, receveur général des finances en la généralité de Riom en Auvergne, avait été nommé, par Sa Majesté, économe de la manse abbatiale de Saint-Denis, ce qui lui avait permis de connaître toutes les possessions attachées à la manse de l'nbbé et la validité de ces possessions.

Il savait parfaitement que les abbés de Saint-Denis n'avaient pas de titres sérieux pour prouver leurs droits à la seigneurie d'Angerville. A peine si la transaction était signée, qu'il en profita pour chercher une nouvelle querelle à ces pauvres dames de Saint-Cyr. Non content de s'être fait adjuger un canton bien limité de maisons dans Angerville, d'y avoir accru sa justice et son influence, il persuada à ses justiciables de ne pas payer, au fermier des revenus des dames de Saint-Cyr, le droit de minage qu'il prétendait injuste et qui n'avait, disait-il, été levé qu'en conséquence des lettres patentes de marché, obtenues à l'instigation du cardinal de Lorraine; mais que, les seigneurs de Méréville s'étant opposés à l'établissement de ce marché, il n'y avait pas de raison pour lever un droit de marché là où le marché n'existait pas et n'avait jamais existé.

Et, sur ce, le procès recommença avec plus de vigueur que jamais. Une chose assez curieuse, c'est que pendant ces mêmes débats, une jeune descendante de François de Reilhac et de Jean Desmontiers était élevée pauvre, au couvent de SaintCyr, et qu'il y avait, de par le monde, dans les armées françaises ou sur les vaisseaux du roi, de jeunes officiers dénués de fortune qui portaient encore (le dictionnaire de la noblesse en fait foi) le titre de vicomte de Méréville, et ne se doutaient peut-être pas de l'existence de M. le conseiller Delpech, adjudicataire du domaine de leurs ancêtres.

Quant à nos aïeux, ils n'assistèrent pas, spectateurs inertes et indifférents, au débat qui s'agitait entre la maison de Saint-Cyr et la seigneurie de Méréville. Les termes mêmes de la transaction qu'on vient de lire prouvent qu'ils avaient, dans toutes les affaires de la commune, droit de délibération et de décision, et que, même dans les assemblées paroissiales, les habitants soumis à la justice de Méréville n'étaient pas distingués de ceux qui dépendaient des religieuses de Saint-Cyr.

Quelques-uns de leurs anciens priviléges avaient donc été conservés par l'usage, à travers tous les changements que la localité avait subis. Et, sous la diversité féodale, il existait encore, comme nous n'avons cessé de le dire dans tout le cours de cette histoire, une sorte d'unité administrative, d'embryon de municipalité.

CHAPITRE XII.

Droit de minage. — Qualité de seigneur d'Angerville.

Les dames de Saint-Louis, en voyant leur droit de minage attaqué par un adversaire aussi puissant, aussi tenace que M. Delpech, firent, dès le 15 février 1702, une requête contre ses prétentions, laissant à leur fermier le soin d'en présenter une de son côté le 18 du même mois. Mais ces requêtes ne suffirent pas pour amener M. Delpech à traiter pacifiquement avec les dames de Saint-Cyr. Elles furent, au contraire, mises en demeure de contester les prétentions de leur adversaire et de prouver leurs droits. Aussi, trois ans après leur requête, le 12 septembre 1705, elles adressent au grand conseil du roi, devant lequel elles avaient obtenu de porter leurs causes, une défense contre M. Delpech intervenant en l'instance portée devant le bailli de Guillerval, à la requête de leur fermier, Pierre-Louis Rabourdin, contre Hierosme Tevenot, Jacques David, Jacques Pommereau, François Bourdeau et Antoine Puis, habitants d'Angerville, qui avaient, d'après le conseil de M. Delpech, refusé de payer le droit de minage.

Dans ce contredit, les dames de Saint-Cyr se plaignent, à juste titre, de ce qu'au mépris de la transaction passée le 12 avril 1701, M. Delpech, après avoir parfaitement reconnu les droits des religieuses de Saint-Cyr, après les avoir conservées dans leur justice et seigneurie d'Angerville, vienne dire que

cette transaction fait tort à ses droits, et qu'il n'a pu s'en plaindre par des respects humains : chose assez étrange, puisqu'en comparant ses propres titres avec cette transaction, il est prouvé que les dames de Saint-Louis, dans un esprit de paix dont elles tenaient à ne pas s'écarter par des considérations particulières que l'économe de la manse abbatiale ne devait pas ignorer, elles avaient délaissé à sa justice de Méréville un plus grand nombre de maisons dans le bourg d'Angerville et un territoire plus étendu que celui adjugé à tous ses prédécesseurs par les sentences et arrêts qu'il a lui-même produits en l'instance.

Que, de plus, outre l'extension de sa justice, elles lui avaient encore accordé un autre avantage en consentant, par cette transaction, à ce qu'il continuât de jouir, suivant son habitude, de son droit de péage dans Angerville, quoique ce droit eût été contesté à ses prédécesseurs par l'abbé de Saint-Denis.

Aussi, quel devait être leur étonnement, en voyant M. Delpech tirer de ce péage des inductions contre elles, pour s'attribuer à leur préjudice la justice et la seigneurie du territoire, d'autant mieux qu'elles prétendaient que ce droit de péage était tout à fait indépendant de la seigneurie du lieu. En effet, à l'exception de quelques coutumes particulières comme celles de Touraine, d'Anjou, dans toutes les autres, comme aussi dans celle d'Étampes où il n'en est pas question, on tenait pour maxime que, le droit de péage emportant une levée de deniers publics, « nul péage ne pouvait être permis ni imposé que par le roi. » De là venait la disposition des anciennes et nouvelles ordonnances (1) qui abolissaient les droits de péage, s'ils n'étaient fondés en titres ou possession de cent années non interrompues : ce qui marque bien qu'on ne regardait pas ce droit comme une suite et une dépendance de la seigneurie des lieux où il est établi. Il est certain que le roi était

(1) Ordonnances de Blois, art. 282. — Ordonnances des Eaux et Forêts en 1669, des droits de péage. — Déclaration de 1663 pour l'usage des péages.

le maître d'en faire la concession à qui bon lui semblait, indépendamment d'aucune seigneurie ; et il n'y a jamais eu aucune ordonnance, ni ancienne ni nouvelle, qui déclare le droit de péage attributif ou dépendant de la justice ou seigneurie d'Angerville.

Il est vrai qu'à une époque le seigneur de Méréville, Desmontiers, avait hasardé des conclusions expresses, par diffé rentes requêtes, sous prétexte de son droit de péage, pour qu'on fît défense, à l'abbé de Saint-Denis et à ses officiers, de prendre connaissance d'aucun cas, crimes et délits ès-chemins, vües et voies publiques dudit Angerville, sous peine de nullité.

On alla même jusqu'à arracher et ôter le poteau planté aux armes de l'abbé dans le bourg d'Angerville; mais le Parlement ne jugea pas à propos de prononcer en faveur des demandes du seigneur de Méréville, et laissa l'abbé de Saint-Denis dans la possession où il était à cet égard.

Un fait qui prouve le peu de bonne foi que le seigneur de Méréville avait mis dans sa transaction avec les dames de Saint-Cyr, c'est que, dans son inventaire, il dit qu'après cette transaction, il avait lieu d'espérer que les choses demeureraient tranquilles entre lui et les dames de Saint-Louis, comme s'il eût voulu par ces termes leur faire un reproche de ce que cette paix était troublée par la contestation présente. Il est certain, au contraire, que le trouble venait de sa part et par son propre fait, en ce que, depuis la transaction, il avait ordonné à ses officiers de faire défense aux habitants d'Angerville de payer aux dames de Saint-Louis le droit de minage en question, dont elles jouissaient avant et après cette transaction, et dont il n'est point dit un seul mot dans cet acte. On serait tenté de croire que M. Delpech n'avait engagé le procès et obtenu cette transaction que pour mieux faire valoir ensuite ses prétentions.

Ainsi, c'est seulement cinq mois après cet acte de conciliation, que les nommés Puis et Tevenot, ayant re(:u une sommation qui leur signifiait, le 16 septembre <701, de déclarer la quantité de grains qu'ils avaient fait entrer chez eux et d'en

payer le droit de minage, répondirent que, le jour précédent, le bailli de Méréville leur avait défendu de payer aucun droit de minage. Et M. Delpech poussait si loin son zèle contre l'intérêt des dames de Saint-Louis que, non content d'intervenir pour faire décharger du paiement de ce droit ses justiciables, il prit des conclusions expresses pour en exempter les autres habitants qui ne s'en plaignaient pas. Voilà ce qui força les dames de Saint-Louis de rendre compte au grand conseil de leur seigneurie, de leur droit déminage, et de se défendre contre les envahissements progressifs des seigneurs de Méréville. Aussi, le 14 mai 1706, elles produisirent un nouveau contredit en réponse à celui de M. Delpech du 2 mars 170G.

Cette pièce ainsi que celles du seigneur de Méréville présentent des documents trop intéressants sur les droits féodaux , sur la confusion qui existait encore à cette époque dans l'administration de la justice, pour ne pas donner au lecteur le droit de pénétrer avec nous dans ces curieux monuments du passé.

Mais une chose remarquable, c'est que, malgré tout le talent, toute l'habileté avec laquelle chacun des adversaires cherche à prouver ses droits sur Angerville, il y a de part et d'autre une égale impuissance à produire des titres ; et si M. Delpech accuse les dames de Saint-Louis d'avoir usurpé le droit de minage, il est incapable lui-même de leur fournir ses titres au droit de péage, si bien qu'on est amené à se poser ce dilemme : Ou l'on a accordé aux dames de Saint-Cyr, aux seigneurs de Méréville, les droits qu'ils ont sur Angerville, ou on ne les leur a pas accordés. Si on ne les leur a pas accordés, ils sont donc usurpateurs. La seigneurie d'Angerville ne leur appartenait donc pas ; ils n'étaient donc pas seigneurs d'Angerville.

Si, au contraire, comme le prétend M. Delpech, ces droits viennent du roi, Angerville appartenait donc au roi. Le roi était donc, dans le principe, seigneur d'Angerville. Angerville est donc bien l'Angere regis de Louis-le-Gros, ce qui sera confirmé par la suite du procès. Mais, d'abord, prenons connaissance des contredits produits par les deux parties.

MÉMOIRE DE M. DELPECU.

(2 mars 1706.) « La qualité de seigneur d'Angerville appartient à M. Delpech par tant de titres, et ces titres sont confirmés par une possession si paisible, si constante et si immémoriale, qu'il y a lieu de s'étonner que les dames de Saint-Cyr ayent entrepris de luy faire un pareil trouble et qu'elles ayent osé réclamer, contre une possession paisible et soutenue par des titres, dans le même temps qu'elles en prétendent tirer un si grand avantage pour leur propre deffense, d'une possession sans titres et contestée dans tous les temps.

« Il faut donc convenir qu'il est bien avantageux à M. Delpech qu'on ayt formé une pareille demande contre luy, puisque cela donne lieu de pouvoir comparer ces deux différentes demandes une à une.

« D'un côté, le conseil verra que les dames de Saint-Louis veulent se maintenir dans la possession de percevoir un droit de minage sur tous les habitans d'Angerville, sans avoir aucun titre et sans possession paisible et constante ; et d'un autre côté, elles forment un trouble et contestent à M. Delpech une qualité qui luy est acquise par titres et par possession.

« Voilà l'idée la plus juste qu'on puisse se former de tout le procès, qui se réduit à deux questions : l'une qui concerne la qualité de seigneur d'Angerville, l'autre concerne le droit de minage.

« On traitera d'abord la question qui regarde la qualité de seigneur d'Angerville, parce qu'on espère en tirer des inductions et des moyens contre la prétention du droit de minage.

« On ne peut disconvenir que-le seul titre en vertu duquel J'abbaye de Saint-Denis possède les domaines et terres qui luy appartiennent aujourd'huy dans la Beausse , ne soit la charte du roy Dagobert.

« On voit par les termes de cette charte deux faits très-importans :

« Le premier est que Guillerval, énoncé sous le nom de Yasconisualis, n'est point qualifiée chastelnie ; qu'au contraire il est compris sous la dénomination générale de villa, lequel terme, dans ce temps, n'a jamais signifié autre chose qu'une métairie, un domaine, ou une simple maison de campagne, ou du moins une terre sans aucun titre. Par quelle raison veut-on donc aujourd'huy qualifier Guillerval du nom de chastelnie? Est-il survenu quelque titre, depuis cette charte, qui luy ait donné droit de prendre ce titre de chastelnie? Si cela est, il n'y a qu'à le produire. Si on n'en a point, et cela est, pourquoy ne pas se contenter de la véritable qualité de Guillerval, sans luy en attribuer une qui ne luy a jamais appartenu ?

« Le second fait prouvé par cette charte, est qu'il n'y est parlé en aucune façon d'Angerville. Cependant on ne voit pas qu'on produise aucun titre postérieur à cette charte pour établir et prouver que l'abbaye ayt acquis quelques droits sur Angerville.

« Il est donc visible que ce n'est que par usurpation et par une possession sans titre que les droits des abbés ont esté étendus sur ce bourg.

« C'est vray que cette usurpation a eu ses degrés. En 1556, les religieux et abbé de Saint-Denis se contentèrent de s'attribuer la qualité de seigneur en partie du bourg d'Angerville.

La preuve en est escrite dans le procès-verbal de la reformation de la coutume d'Estampes. Ils reconnoissoient pour lors qu'ils n'avoient aucun droit d'être appelés seigneurs indéfiniment d'Angerville, et par là même ils reconnoissoient qu'ils n'estoient pas en droit de la contester au seigneur de Mérinville, qui en estoit et avoit toujours été en paisible possession.

« Il est donc reconnu expressement et très-formellement en 4621, car ayant trouvé à propos de faire quelques entreprises sur les seigneurs de Mérinville par raport au bourg d'Angerville.

« Dans l'arrest du Parlement qui intervint sur les contestations respectives, le seigneur de Mérinville fut qualiffié sei-

gneur indéfiniment d'Angerville, et les abbés de Saint-Denis ne furent point étonnés pour lors que cette qualité luy eût esté donnée. Et ce ne fut qu'en 1 630 que, par un esprit de vengence 'et par une entreprise nouvelle, on s'avisa de vouloir contester cette qualité au seigneur de Mérinville, et, sy on l'oze dire, que par un excès de chicane on prit requeste ci ville contre cet arrest, en ce seulement qui regardoit la qualité de seigneur d'Angerville.

« On ne peut disconvenir que, quelque désire qu'on eût pour lors de taquiner le seigneur de Mérinville, ces religieux et abbés de Saint-Denis ne crurent que le meilleur party et le plus sûr estoit de laisser tomber cette qualité en prescription, contens non pas d'avoir donné atteinte à cette qualité, mais d'avoir pu transmettre à leurs successeurs une procédure qui faisoit voir qu'ils avoient cru avoir quelque droit de le pouvoir contester. Mais, quelques motifs qu'ils ayent pu avoir, il est toujours certain que s'ils n'ont pas poursuivy sur cette requeste civile, il n'y a personne qui ne juge aisément qu'on doit l'imputer au défaut de moyens légitimes soit pour la faire entériné, soit pour détruire la qualité de seigneur qui en estoit le motif.

En effet, quel changement estoit-il arrivé, par raport à Angerville, depuis 1556 jusqu'en 4 6524 ? Par quelle raison et sous quel prétexte pouvoient-ils se plaindre, en 1630, que les dits seigneurs de Mérinville prenoient la qualité de seigneurs indéfiniment d'Angerville, eux qui n'avoient aucun droit de la prétendre et qui, dans un procès-verbal de coutume qui est regardé comme l'acte le plus authentique et le plus solennel de tous les actes publics d'une province, avoient cru beaucoup faire que d'avoir fait passer la qualité qu'ils avoient prise de seigneurs d'Angerville en partye.

« Cet arrest de 1624 subsiste donc aujourd'huy dans toutes ses partyes, et il a toujours esté exécuté par les seignéurs de Mérinville, en ce qui leur donne la qualité de seigneurs indéfiniment d'Angerville.

« L'acte de foy et hommage fait en 1671, celuy de M. Del-

pech du 3 septembre 1698, qualifient M. Delpech de seigneur d'Angerville. Son adveu fait au Parlement luy a adjugé le fief, terre et seigneurie d'Angerville. Les dames de Saint-Louis n'en ont point fait d'opposition.

« Mais cette énonciation de la qualité de seigneur d'Angerville n'est pas une suite de l'arrest de 1624, comme le prétendent les dames de Saint-Louis.

« Ce n'est qu'une continuation de possession de cette même qualité, qui se trouve dans les anciens aveux donnés à la chambre des comptes, et dans les actes de foy et hommage que les seigneurs de Mérinville ont porté au roy. L'acte de foy et hommage du 26 novembre 1616, celuy de 1599, celuy de 1539 et une infinité d'autres plus anciens, qu'on pourrait raporter, donnent tous la qualité de seigneur d'Angerville.

« Voilà donc, en faveur de M. Delpech, une possession bien constante et sans interruption de la qualité de seigneur indéfiniment d'Angerville, dans laquelle les seigneurs de Mérinville n'ont jamais ravie et à laquelle ils n'ont jamais dévoyé.

« C'est sur le fondement de cette possession, soutenue par des aveux et des actes de foy et hommage faits dans tous les temps, que M. Delpech a continué de prendre la qualité de seigneur d'Angerville.

« On oppose à M. Delpech deux moyens : l'un, qu'il a esté jugé avec les seigneurs de Mérinville, prédécesseurs de M. Delpech, qu'ils n'ont point la seigneurie du bourg d'Angerville, l'autre, que luy-même l'a reconnu par la transaction du muis de juin 1701.

« On répond au premier moyen qu'on ne trouvera point d'arrests qui ayent jugé que les seigneurs de Mérinville n'avoient point la seigneurie du bourg d'Angerville.

« L'arrest de 1624, qu'on prétend avoir jugé cette question en faveur des abbés de Saint-Denis, prouve tout le contraire, puisque dans le même arrest, le seigneur de Mérinville est qualifié seigneur d'Angerville et que les abbez de Saint-Denis ont été obligés de prendre requête civille contre cet arrest.

« Mais cet arrest, dit-on, juge que les seigneurs de Mérinville n'ont leur justice dans Angerville que par intention sur quelques maisons. La disposition n'est point limitative ni taxative. Cet arrest donne au seigneur de Mérinville la justice universelle d'Angerville, voyes, rues, et grands chemins du dit bourg, et si l'on a mis « et spécialement sur telles maisons, » ce n'a esté que parce que les particuliers ayant voulu se soustraire à la justice de Mérinville, ils estoient en cause, de sorte que ce n'a esté que par raport à la condamnation de ces gens qu'ils se trouvent énoncés dans cet arrest. Si tous les habitans et propriétaires des maisons d'Angerville avoient contesté, ils auroient esté tous compris, ce qui fait voir que la désignation qui a esté faite n'a point eu pour objet de restreindre la justice de Mérinville, mais seulement de punir ceux qui avoient voulu entreprendre de se soustraire à sa haute justice.

« Les dames de Saint-Louis prétendent qu'avant l'arrest de 1624, les seigneurs de Mérinville n'avoient jamais pris la qualité de seigneurs d'Angerville et que, depuis cet arrest, ils n'ont point continué de le prendre.

« Si les dames de Saint-Louis avoient vu les actes de foy et hommage faits en 1599, en 1671 et 1693, elles n'auroient pas avancé une pareille proposition, car elles auroient vu que dans les actes où il est important d'énoncer chaque membre en particulier de la baronnie et haute chastelnie de Mérinville, on a toujours compris la seigneurie d'Angerville indéfiniment.

« Mais elles ne trouveront pas que dans aucun acte les seigneurs de Mérinville ayent pris la qualité de seigneurs d'An gerville en partie, ainsy que les abbés de Saint-Denis ont fait en 1556. On conviendra avec elles que les seigneurs de Mérinville ont omis quelquefois d'énoncer la (lualité de seigneurs d'Angerville; mais si de pareilles omissions pouvoient former des moyens pour contester la qualité de seigneurs qui peut apartenir iMdes terres titrées sur les autres terres qui en sont des membres et des dépendances, il n'y a point de seigneur dans le royaume qu'on ne peut dépouiller du droit de seigneurie

dans la plus grande partie de leur terre principalle. Mais jusqu'à présent, de pareilles omissions n'ont esté d'aucune considération. On scayt que sous le titre principal sont censés comprises les autres qui n'en sont que les membres. Aussi, sous le titre de seigneur de Mérinville, la seigneurie d'Angerville qui est un membre de la haute chastelnie de Mérinville y est censé comprise. En un mot, il n'y a jamais d'omission quand le titre principal est énoncé, ce qui suffit dans les actes ordinaires. Ainsy, il est vray de dire qu'il n'y a point d'objection plus faible que celle qu'on veut former d'une pareille omission, surtout quand on voit que les mesmes seigneurs, dans les actes importans tels que sont les aveux et les actes de foy et hommage, se sont toujours conservés dans la pocession de se dire seigneurs d'Angerville sans aucune restriction.

« A l'égard du moyen que l'on veut tirer de la transaction du 12 juin 1701, il est encore plus facile de refuter que le premier moyen que l'on vient de détruire.

« Les dames de Saint-Louis prétendent que par cette transaction M. Delpech a reconnu qu'il n'avoit aucun droit sur la seigneurie et bourg d'Angerville, et la preuve de cette proposition, on la tire de ce que M. Delpech n'a point pris dans cette transaction la qualité de seigneur d'Angerville.

« On peut dire sans prévention que ce raisonnement est tout a fait des plus extraordinaires, et on pouroit commencer par le retorquer contre les dames de Saint-Louis, car elles sont dans le même cas, n'ayant pas pris elles-mêmes la qualité de dames d'Angerville.

« Secondement, la transaction de 1701 n'est pas le titre en vertu duquel M. Delpech prétend que la seigneurie d'Angerville lui appartient.

« Il reconnoistra toujours que cette transaction ne lui donne rien sur Angerville; mais il soutiendra qu'il n'y a pas une seule clause dans cette transaction qui puisse marquer que l'intention des partyes ayt esté de transiger sur la qualité de seigneur d'Angerville.

« Ce droit, cette qualité appartenoit incontestablement à M. Delpech avant la transaction, et il ne faisoit point la matière du différend sur lequel on a transigé, ainsy nul prétexte d'apliquer les clauses de cette transaction au droit de seigneur sur Angerville dont il ne s'agissoit point.

« L'objet de la transaction n'étoit que de finir les différends au sujet de différentes prétentions des partyes pour la justice.

« M. Delpech prétendoit que la justice lui appartenoit en entier sur le bourg d'Angerville et qu'il devoit lui estre permis de la faire exercer par ses officiers.

«Les dames de Saint-Louis prétendoient, au contraire, qu'une partie du bourg d'Angerville estoit du ressort et de la justice de Guillerval.

« Pour terminer cette contestation, on proposa à M. Delpech la voye de la transaction, et on luy marqua ensuite les conditions sous lesquelles on vouloit transiger. M. Delpeeh, par respect pour les personnes qui protègent la maison de SaintCyr, accepta les conditions qui lui furent proposées, et il partagea avec les dames de Saint-Cyr la justice sur le bourg d'Angerville, qui jusque-là avoit apartenu en entier aux seigneurs de Mérinville, ses prédécesseurs ; et pour prévenir de nouvelles contestations dans la suite, on désigna les bornes et les limites de la justice, qu'au lieu de faire un pareil détail pour régler les limites de la justice des dames de Saint-Louis, on se contenta de dire qu'elles avoient la justice sur le surplus.

« Voilà de quelle manière les choses se sont passées, non pas à l'avantage de M. Delpech, comme le conseiller des dames de Saint-Louis a voulu le faire entendre dans les contredits; mais ce qui est certain, c'est que l'intention des partyes, lors de la transaction, n'a esté que le partage de la haute justice sur Angerville, c'est-à-dire que de la part de M. Delpech, il a sacrifié à son repos une partie de la haute justice sur Angerville, et que les dames de Saint-Louis, d'autre part, ont commencé” à se former, par cette transaction, un titre sur cette

même justice qui avoit esté l'objet, dans le commencement du dernier siècle, des différentes entreprises des abbez de Saint-Denis auxquels elles ont succédé.

« Il n'y a donc nulle raison de vouloir prétendre que par cette transaction M. Delpech ayt renoncé, en faveur des dames de Saint-Louis, à prendre la qualité de seigneur d'Angerville indéfiniment, puisqu'il n'y a aucune clause qui puisse marquer que telle ayt esté l'intention des partyes, que cette qualité de seigneur n'estoit point l'objet de la transaction.

« D'où il suit qu'il faut remonter à ce qui a précédé la transaction, et en cela on connoistra que les seigneurs de Mérinville ont esté de tous temps en pocession de la qualité indéfinie de seigneur d'Angerville; que cette pocession a esté confirmée par l'arrest de 1624 et par le décret sur la terre de Mérinville, fait au Parlement, auquel n'y ayant eu aucun profit de la part des dames de Saint-Louis, en ce qu'il adjugeoit à M. Delpech le fief, terre et seigneurie d'Angerville indéfiniment. Le décret confirme cette qualité d'une manière irrévocable et pouvoit seul, indépendamment des autres titres et actes de pocession, suffire pour faire maintenir M. Delpech en pocession de cette qualité et faire déclarer les dames de Saint-Louis non recevables dans leur demande.

« Il faut présentement faire voir que les dames de SaintLouis sont mal fondées à prétendre un droit de minage dans Angerville.

« Pour établir cette proposition, on commencera par expliquer au conseil l'origine de ce droit de minage, et de quelle manière les fermiers des abbez de Saint-Denis ont commencé à introduire la levée de cet impôt dans Angerville; on fera voir que ce droit est un droit de marché qui ne peut s'acquérir sans un titre vallable, et enfin on prouvera que, quand même la pocession pouroit suffire pour acquérir ce droit, celle des damos de'Saint-Louis seroit trop défectueuse et trop imparfaite pour pouvoir jamais suppléer au titre ou pour faire présumer que la concession auroit pu leur en estre faite.

p

« Le conseil est supplié d'observer qu'en l'année 1609, on vouloit establir un marché dans le bourg d'Angerville.

« Le seigneur de Mérinville s'oposa à la ratification et publication des lettres patentes accordées pour l'établissement de ce marché d'Angerville; cela donna lieu à une contestation qui ne fut terminée que par l'arrest qui intervint le 8 juin de l'année 1624, qui déclara l'oposition bonne et vallable et débouta les demandeurs de l'enthérinement de leurs lettres.

« Pendant le cours du procès, les fermiers des religieux et abbez de Saint-Denis prirent occasion de ces lettres d'établissement de marché pour percevoir tous les droits de marché, tels que les droits de minage, aulnage, courtage et plaçage; ils accoutumèrent quelques-uns des habitans, insensiblement, à leur payer ces sortes de droits, et on ne voit point que depuis l'année 1609 jusqu'en 1624 ils ayent esté troublés dans la perception de ces droits, ni qu'ils les ayent perçus sur tous les habitans.

« Mais, en l'année 1625, Pierre Fauvet ayant voulu continuer de percevoir le droit de minage seulement, le sieur Desmontiers, seigneur de Mérinville, qui avoit obtenu l'arrest du 8 juin 1624, qui avoit cassé les lettres patentes d'établissement du marché, s'oposa à l'entreprise de Pierre Fauvet ; il obtint une commission de la chancellerie le 8 juillet 1625, à l'effet de faire assigner Pierre Fauvet au Parlement, pour lui voir faire deffense de percevoir les droits de minage sur les grains portés et conduits au bourg d'Angerville. Par exécution de cette commission, l'assignation fut donnée le 15 septembre de la même année et, les parties ayant esté apointées, il y eut un amortissement fourni par le seigneur de Mérinville au Parlement de l'année 1625 : ce qui fait voir au conseil qu'on regardoit pour lors la perception de ce droit de minage comme contravention à l'arrest du 8 juin 1624, et par conséquent comme un droit qui n'avoit esté introduit qu'à l'occasion du marché qu'on avoit voulu establir à Angerville; car, sans cela, on n'auroit pas procédé recta au Parlement contre Fauvet, pour faire

cesser en 1625 la perception de ce droit de minage, ne pouvant pas y avoir d'autre raison quand on y a porté cette demande.

« Tant que la contestation dura au Parlement contre Pierre Fauvet, on ne trouve point que le droit de minage ayt esté perçu, ny les autres droits qu'on s'estoit pareillement attribuez, tels que ceux d'aulnage, placage. Il y est vray que le sieur Desmontiers, seigneur de Mérinville, qui estoit gouverneur de Narbonne et qui avoit le commandement d'un corps d'armée dans la Guyenne, ayant esté obligé de se rendre dans son gouvernement et de se mettre à la teste des troupes qui pour lors estoient employées contre lesprotestans, distrait par ses grandes occupations, il abandonna le soin de ses affaires domestiques, et la poursuite du procès commencé contre Fauvet fut entièrement interrompue.

« On profita de l'absence du sieur Desmontiers, et, après une interruption de plusieurs années, on crut que l'occasion estoit favorable pour se remettre de nouveau en pocession de lever ce droit ; on commença par l'insérer, dans un bail du 21 octobre 1633, avec les droits de courtage, aulnage et plaçage. Quelques années après, la terre de Mérinville fut saisie réellement ; elle a esté en saisie réelle jusqu'en 1698 qu'elle a esté adjugée à M. Delpech.

« Pendant le cours de cette saisie réelle, on a continué la perception de ce droit, avec cette différence qui est fort considérable, sçavoir : que dans les derniers baux on a affecté de ne plus parler du droit de plaçage avec le droit de minage; on a supprimé ce droit de plaçage, par la raison que ce dernier droit ne pouvant jamais se percevoir que dans un marché pour raison de la place qu'on y occupe ; on craignit que si l'on continuoit à lever ce droit ou à l'insérer dans les baux, cela ne fît ouvrir les yeux et ne fît connoistre que le droit de minage et le droit de plaçage n'estoient tous deux que des droits de marché, et que n'ayant point esté establys, on ne pût leur objecter qu'ils n'estoient plus en droit de lever ces sortes de droits, qui n'avoient esté introduits qu'à l'occasion du marché dont les

lettres d'establisscmcnt, qui avoient esté obtenues en 1609, avoient esté cassées en 1624.

« De sorte qu'il est arrivé que de tous ces différents droits qui estoient énoncés dans le bail de l'année <633, les religieux et abbez de Saint-Denis ne s'estant conservé que dans la pocession de percevoir le droit de minage sur les bleds qui se vendent dans les maisons d'Angerville, ils y ont assujettis de temps en temps quelques particuliers: d'autres, plus opiniâtres et plus clairvoyans, ont refusé de payer ce droit, et ce qui a donné lieu à des poursuittes de la part des fermiers contre les particuliers, sur lesquelles il y a eu des sentences ; mais jamais on a osé mettre ces sentences à exécution, et c'est ce qui fait qu'elles n'ont jamais esté levées ni signiffiées, comme il paroist par celles qui ont esté produites au procès, lesquelles sont expédiées sur du papier timbré qui n'a eu lieu que beaucoup d'années après l'obtention de ces sentences.

« Les dames de Saint-Louis, ayant succédé aux droits des abbez de Saint-Denis, ignorent de quelle manière ce droit de minage avoit esté introduit, et, ne trouvant au lieu de titres que des actes qui marquent qu'une pocession très-équivoque et très-récente, n'ont pas laissé que de vouloir continuer la perception de ce droit, qui consiste à 6 deniers par mines, sur tous les bleds qui se vendent par les particuliers, dans leurs maisons, au bourg d'Angerville.

« M. Delpech ayant examiné sur quoy pouvoit estre fondé ce droit de minage, ayant découvert l'origine et n'ayant point trouvé qu'il eut de fondement légitime, alors qu'il estoit obligé de s'oposer à la perception de ce droit et de libérer les habitans d'Angerville, du nombre desquels une grande partie sont ses justiciables, d'un droit aussy insolite et aussy mal estably que le pouvoit estre ce droit de minage. Il a mesme regardé que la perception de ce droit estoit une infraction à la transaction du mois de juin 1701, par laquelle les dames de Saint-Louis avoient consenti que l'arrest du 8 juin 162i subsisteroit dans toutes ces dispositions, parce que cet arrest ayant cassé les

lettres d'establissement du marché, il avoit aboli tacitement tous les droits de minage, aulnage et placage qui n'en estoient que des accessoires : en sorte que M. Detpech, après avoir accordé un premier avantage aux dames de Saint-Louis en partageant avec elles sa justice, demande d'exécutter ponctuellement la transaction en ce qui concerne l'exécution de l'arrest du 8 juin 16*24, et qu'elles voudroient bien se désister de lever un droit si onéreux aux habitans d'Angerville et pour l'establissement duquel elles n'avoient ny titres ny pocession. Contre l'attente de M. Delpech, elles ont néantmoins persévéré à vouloir se maintenir dans la perception de ce droit, et par là elles ont forcé M. Delpech à entrer malgré luy en procès, pour contester ce droit de minage qui l'intéresse à titres différents : « Le premier, parce qu'étant fondé dans la perception du péage sur tout ce qui passe et repasse par Angerville, il y a justice qu'il n'y ayt point de nouveaux droits establys ; « Le deuxième, parce qu'une partie des habitans d'Angerville estant dans la haute justice de M. Delpech, il a intérêt que les dames de Saint-Louis ne perçoivent pas des droits sur ses propres justiciables.

« Ainsy, le conseil voit que l'intérêt de M. Delpech est trèslégitkne et très-sensible, ce qui suffit pour répondre à la fin de non recevoir qu'on luy oppose.

« Il faut présentement entrer dans les moyens du fond ; mais avant de le faire, le conseil permettra de résumer un peu et parolier les faits qui doivent demeurer constans au procès, et dont M. Delpech tire ses moyens et ses réponses à ceux qui sont employés en faveur des dames de Saint-Louis : « Un premier fait constant est que les dames de Saint-Louis ne rapportent aucun titre qui justiffie la concession du droit de minage ; « Le deuxième fait constant est qu'elles ont esté troublées à la pocession de ce droit dès l'année i 625, immédiatement après l'arrest de 1624 ; « Le troisième fait constant est que les dames de. Saint-

Louis ne peuvent raporter des titres de leur pocession avant 1609, qui est le temps de l'obtention des lettres pour l'establissement du marché d'Angerville; « Le quatrième fait constant est qu'il n'y a aucun marché à Angerville, de sorte qu'on prétend estre en droit de lever ce droit de minage sur les bleds qui se vendent dans l'intérieur des maisons d'Angerville.

« Ces quatre faits estant exposés, il faut establir deux supositions : « La première, que le droit de minage ne peut s'acquérir sans titre ; « La seconde, que les dames de Saint-Louis ne sont point dans le cas de se prévaloir des édits donnez en faveur du clergé, n'ayant point une pocession paisible, constante et capable de faire présumer la concession du droit dont est question.

« On ne peut disconvenir que le droit de minage ne soit un droit purement royal et domainal, qui ne tient rien du tout de la nature et de l'essence des fiefs, qui n'est attaché ny naturellement annexé à la voirie, haute justice et féodalité comme un droit commun et ordinaire.

« Tel est le sentiment de Bacquet en son Traité des Droits de Justice, chapitre XXVII, et Loyseau en son Traité des Seigneuries. Billon, commentateur de la Cour d'Auxerre, article 4, Livre I, tient ce même principe, et on raportera icy les conséquences que ce dernier auteur en a tiré d'une manière fort claire et fort solide. On sait que son autorité est d'un grand poids dans cette matière, d'autant qu'il est connu pour estre proprement le seul commentateur qui se soit donné la peine de traiter à fond les questions du droit de minage.

« De ce que ce droit n'est point attaché ni à la haute justice, ni à la féodalité, ni à la voirie, cet autheur en tire trois déductions principalles : « La première est qu'il ne suffit pas au seigneur haut justicier d'avoir une pocession immémorialle de ce droit pour s'en

dire seigneur incontestable, il faut qu'il y ait titre exprès ou tacite, ou bien une reconnoissance de bonne forme des redevables. Il dit un titre exprès, c'est-à-dire des lettres patentes de concession du roy, registrées en la chambre des comptes.

« Un titre tacite qui n'est autre chose qu'un aveu et dénombrement de tel droit reçu en la chambre des comptes, sans réserve ni protestation contraire de la part de M. le procureur général de la dite chambre ; « Le second principe que le mesme commentateur propose sur cette matière, est que le droit de minage doit estre considéré comme une pure servitude dont la liberté, comme d'une chose odieuse, se peut prescrire par trente ans et ne peut s'acquérir sans titre, non plus que les droits de banalité, de moulin, four, pressoirs et droits de corvées ; « Le troisième est que ce droit ne se doit lever qu'aux lieux où il y a establissement de foires et marchés, et qu'il ne se doit exiger qu'aux lieux où ils se tiennent et non chez les particuliers, parce que c'est, à proprement parler, un droit qui se paye aux seigneurs en reconnoissance d'un tel establissement pour le droit de placage.

« La coustume de Normandie, qui est toujours aussi sage qu'exacte dans ses dispositions, dans l'article 24 n'attribue mesme la connoissance des poids et mesures qu'à ceux qui ont droit de foire ou de marché, connoissance néantmoins qui par elle-même est attachée au droit de justice, mais qui néantmoins ne reçoit plus d'application quand le justicier n'a ny foire ny marché.

« Et, en effet, il n'y a aucune coustume qui attribue le droit de minage aux seigneurs hauts, moyens et bas justiciers en plein droit en conséquence de leur justice; car rien de plus différent en soy que le droit de police sur les mesures et le droit de minage, rien de plus différent que le droit d'estalonner les mesures d'avec le droit de lever une certaine somme de deniers sur les grains qui se vendent.

« Le droit de police sur les mesures et la punition et correction de ceux qui usent de fausses mesures apartient aux justiciers ; mais cette police n'est qu'un acte de justice qui est gratuit de la part du seigneur qui l'exerce.

« Le droit d'estalonnage est un droit qui se perçoit en raison des mesures qui sont estalonnées et non sur les marchandises qui se vendent, et ce droit d'eslalonnage se peut lever dans les maisons une fois tous les ans seulement en faisant la visite des mesures ; mais ce droit ne se multiplie pas à proportion des marchandises qui se vendent, par la raison qu'il n'y a que dans les marchés où l'on puisse avoir droit de lever quelque droit sur les grains par manière de droit de plaçage. Et on ne trouvera point d'exemple dans le royaume qu'aucun seigneur, ny laïc, ny ecclésiastique, soit en pocession de se faire payer dans les maisons des particuliers d'un droit sur les grains qui se vendent par les particuliers.

« On ne trouvera ny texte, ny coustume, ny arrest des cours souveraines, ny lettres patentes qui ayent jamais accordé à des seigneurs le droit de minage sur les bleds qui se vendent hors des marchés, par la raison que les bleds qui se vendent hors des marchés ne se peuvent vendre que par des ventes secrètes, clandestines et abusives qui ne doivent pas estre autorisées par quelque personne que puisse estre, et au contraire, chaque seigneur, dans l'estendue de sa justice, doit veiller à empes..

cher ces sortes de ventes, pour en prévenir les abus et les grands inconvéniens qui en arrivent, et pour tenir la main à ce que les ordonnances qui deffendent à tous particuliers de vendre leurs bleds hors des marchés, soient exécutées dans toute leur estendue.

« Car, sera-ce en vain que nos roys auront prohibé par leurs ordonnances à toutes personnes de ne point achepter les bleds.

hors des marchés publics, et auront prononcé des peines, des confiscations, des amendes et mesme des peines et punitions corporelles contre les achepteurs ?

« Dans l'année 4 482, Louis le onzième a fait la deffence en

ces termes : « Aucuns marchands ne soient si osés ny si hardis « d'achepter bleds si ce n'est en plain marché, et ce sur peine « de confiscation, d'amende arbitraire et d'estre punis à l'or« donnance de justice. »

« En 153H, François Ier estant à Compiègne renouvella ces deffenses, etc.

« Comment donc peut-on aujourd'huy concilier la disposition des ordonnances avec le droit de minage prétendu par les dames de Saint-Louis.

« Les ordonnances deffendent, sous des peines très-sévères, de vendre les bleds hors des marchés publics.

« Les dames de Saint-Louis, d'un autre costé, prétendent se maintenir en la pocession de percevoir 6 deniers par mine, sur les bleds qui se vendent hors des marchés, puisqu'il n'y en a point à Angerville et qu'elles ne le prétendent que sur les grains qui se vendent dans les maisons des particuliers.

« Les ordonnances enjoignent à tous les juges de punir sévèrement ceux qui vendront leurs bleds hors des marchés publics « Comment donc peut-on espérer aujourd'hui qu'on autorisera, par un jugement, la perception d'un droit de 6 deniers par mine sur les bleds qui se vendent hors du marché, dans les maisons des particuliers? Ne seroit-ce pas indirectement autoriser la vente des grains qui se feroit hors des marchés, que d'autoriser un pareil droit?

« Ainsy, le conseil voit que le droit prétendu par les dames de Saint-Cyr est un droit purement abusif et qui a esté introduit, au mépris des plus sages dispositions de nos ordonnances, au sujet de la vente des bleds, et que, bien loin qu'on puisse présumer que la concession leur en ayt esté faite, on ne peut regarder la pocession prétendue que comme une usurpation ou comme une entreprise qui n'a jamais paru que clandestinement devant les juges de la justice des abbez de Saint-Denis, qui estoient dévoués à leurs intérêts, et que, si les sentences de ces juges avoient paru par voye de l'apel dans des tribunaux

supérieurs, on ne peut révoquer en doute qu'elles n'eussent esté infirmées et qu'on eust prononcé des deffenses de percevoir un pareil droit, en prononçant des deffenses de vendre les bleds ailleurs qu'aux marchés publics et non dans les maisons particulières.

« Ainsy, voilà un premier point qui doit demeurer pour constant au procès : que le droit de minage est un droit de marché qui ne peut se lever que sur les bleds qui se vendent dans les marchés publics, et que, par conséquent, nul n'a droit de percevoir ce droit qu'en conséquence du droit de marché.

« Secondement, quand on pouroit suposer que les dames de Saint-Louis auroient un marché dans Angerville, elles n'en seroient pas mieux fondées à prétendre un droit de minage sur les bleds qui se vendroient dans ce marché. Il faudroit qu'elles puissent ra porter des titres en vertu desquels elles prétendroient estre en droit de pouvoir percevoir ce droit, parce que ce droit, comme il a esté dit cy-dessus, n'estant point ataché ni à la féodalité, ni à la justice, ni à la voirie, ni mesme à la concession et establissement d'un marché, nul ne le peut prétendre sans en raporter un titre vallable de droit ou aveux aux particuliers sur qui il se lève ; et d'autant plus deffavorable par lui-même, qu'il est imposé sur les bleds, est regardé comme une servitude que nul ne peut acquérir sans titre, semblable en cela aux droits de banalité de fours, moulins et pressoirs, aux droits de corvées, de guet, de garde, lesquels droits ne peuvent s'acquérir sans titre ou acte équivallant aux titres, tels que le sont les aveux et dénombremens.

« Dans le fait, les dames de Saint-Louis ne raportent aucun titre ni aucun acte équivallant au titre.

« Elles prétendent, à la vérité, que les édits donnés en faveur du clergé les dispensent de raporter des titres, et que la pocession dans laquelle elles sont de percevoir ce droit est plus que suffisante pour les faire maintenir dans la jouissance de ce mesme droit et faire deffense à quelque personne que ce puisse estre de les y troubler.

« Il ne sera pas difficile de faire voir qu'elles ne sont point dans le cas de se prévaloir de la disposition des édits donnez en faveur du clergé ; on raportera plusieurs raisons qui sont également solides et décisives.

« La première observation qu'on peut faire sur ces édits est que leur disposition n'est fondée que sur la présomption que, pendant les troubles arrivez dans l'estat au sujet des guerres de religion, les dépôts des titres publics des églises ont pu estre brûlez, de sorte qu'il ne seroit pas juste que l'Esglise ou le clergé souffrist des pertes considérables par de pareils cas.

fortuits et causés par une force majeure.

tMais, quand la présomption cesse, la disposition de la loi doit cesser pareillement, de sorte qu'on ne prétendroit pas aujourd'huy que les communautez establles depuis les troubles cessés pussent jouir de la-. dispence qui est accordée au clergé de représenter les titres, par la raison qu'on ne peut pas présumer à leur égard qu'elles ayent perdu leurs titres pendant les troubles, n'y en ayant eu aucun depuis leur establissement.

« Or, on ne peut jamais présumer que l'abbaye de SaintDenis ayt perdu ses titres au sujet du droit de minage. Il est de notoriété publique et tous les historiens de leur abbaye nous jpprenent que leurs chartes n'ont jamais été brûlées, et qu'ils ont eu le bonheur de conserver leurs titres dans toute leur intégrité. Sans cela, comment pouroient-ils avoir conservé jusqu'à nos jours la charte du roi Dagobert, qui est leur titre de propriété de tous les domaines qu'ils ont dans la Beausse.

« Il n'y a donc nulle raison de dispenser l'abbaye de SaintDenis ou ceux qui la représentent de raporter leurs titres ; et quand ils ne les représentent pas, on ne doit présumer autre chose, si ce n'est qu'ils n'ont jamais eu le titre qu'on leur de mande et qu'il n'a jamais existé.

« La seconde observation est qu'encore les édits donnez en faveur du clergé dispencent les communautez de représenter leurs titres; néantmoins, l'esprit de ces édits n'est point qu'ils puissent. prescrire contre leurs propres titres, sous prétexte

qu'ils ne sont point obligez de justiffier des titres des droits dont ils sont en pocession. Ainsy, quand le titre originaire est constant et que ce titre ne parle point des droits nouveaux qu'ils ont usurpés, leur titre prévaut sur leur pocession par un principe de droit qui a lieu à leur égard comme à l'égard des autres, sçavoir : que personne ne peut changer les titres de sa pocession.

« Or, le titre en vertu duquel l'abbaye de Saint-Denis possède des terres dans la Beausse est un titre très-constant, qui est ra porté aujourd'huy et qui existe entre les autres chartes de l'abbaye. Ce titre n'accorde point le droit de minage à l'abbaye de Saint-Denis. Ainsy, la pocession de ce droit estant contraire au titre est destruile par le titre. Elle ne peut pas opérer le mesme effet qu'une pocession immémorialle qui ne se trouveroit combattue par aucun titre.

« La troisième observation est que les droits donnez en faveur du clergé ne les maintient en la pocession des droits dont ils jouissent qu'autant que les mesmes droits ne dégénèrent point en un abus et ne sont point contraires à l'intérest public ou aux ordonnances générales de nos roys. L'abus ne se con serve point, et on ne prescrit point contre les dispositions des ordonnances et principallement contre celles qui intéressent la police générale du royaume.

« Or, le droit de minage tel que le prétendent les dames de Saint-Louis, c'est à-dire en le voulant percevoir sur les bleds qui se vendent chez les particuliers, est précisément et formellement contraire aux dispositions des ordonnances, et dégénéreroit en une aprobation tacite de la vente des bleds hors des marchez publics, ce qui, bien loin de pouvoir estre toléré, doit estre prohibé très-sévèrement. Et, par conséquent, la pocession d'un pareil droit ne pouroit pas servir de prétexte ny former un moyen légitime pour en continuer la perception.

« La quatrième observation est qu'aux termes de ces édits, on ne peut tirer avantage de la pocession qu'autant qu'il ne se trouve point d'incompatibilité entre la qualité de celui qui

possède et le droit qu'il veut se conserver en vertu de sa pocession, par la raison-que cette incompatibilité rend la pocession vitieuse dans son principe et qu'on ne peut jamais acquérir en vertu d'une pocession dont le principe est vitieux.

« On ne peut disconvenir, comme il a esté prouvé cy-dessus, que le droit de minage ne soit un véritable droit de marché, en sorte que quiconque n'a pas droit de marché, n'a pas droit de percevoir le droit de minage.

« Les dames de Saint-Cyr conviennent qu'elles n'ont point droit de marché dans Angerville, et par conséquent elles n'ont aucune aptitude à pouvoir prétendre ce droit. Leur pocession est donc vitieuse dans son principe, et elle leur devient par conséquent inutille pour se maintenir dans la jouissance d'un droit pour la perception duquel elles n'ont pas les qualitez nécessaires pour le percevoir, telle qu'est celle d'estre fondées en droit de marché, sans lequel le droit de minage ne peut subsister.

« La dernière observation est qu'aux termes des édits donnez en faveur du clergé, il faut que la pocession soit constante, immémorialle et sans trouble, pour pouvoir se prévaloir de la pocession quand elle n'est soutenue d'aucun titre. On en est convenu dans les escritures des dames de Saint-Louis. Ainzy, le droit est certain. Or, dans le fait, la pocession des dames de Saint-Louis n'a aucun de ces trois caractères : elle n'est ny constante, ny immémorialle, ny sans trouble.

« On a fait voir cy-dessus que les fermiers des abbez de Saint-Denis s'estoient ingérés de lever ce droit quelque temps après l'obtention de certaines lettres patentes d'establissement de marché, qui furent cassées par l'arrest du 8 juin 1624.

« On a fait voir qu'en mil six cent \ingt-cinq, Pierre Fauvet ayant voulu lever ce droit de minage, il fut assigné au Parlement à l'effet de faire cesser la perception de ce droit de minage, et de le faire condamner par corps à restituer les deniers qu'il en avoit reçus.

« Les prétendus actes de pocession produits par les dames de Saint-Louis ne sont que de l'année 1633.

« Ils sont donc postérieurs au trouble qui a esté fait par les seigneurs de Mérinville ; ce trouble est donc plus ancien que la pocession, et par conséquent il influe sur tout le cours de cette pocession et la rend défectueuse dans son principe et son origine.

« En effet, comment présumer que le droit de minage ayt apartenu légitimement et en vertu de bon titre aux religieux et abbez de Saint-Denis et qu'ils en ayent joui paisiblement et de temps immémorial, quand on voit que ce prétendu droit a pris naissance seulement dans le temps qu'on avoit obtenu des lettres pour establir un marché à Angerville? Car, peut-on raporter la moindre preuve que l'abbaye de Saint-Denis en ayt joui avant les lettres patentes données pour l'establissement du marché d'Angerville? Au contraire on trouve qu'aussitôt que les fermiers de l'abbaye ont voulu entreprendre de lever ce droit publiquement, que les seigneurs de Mérinville se sont oposés à cette entreprise, et qu'en exécution de l'arrest de 4624, ils ont assigné au Parlement Pierre Fauvet, qui s'estoit immiscé dans la perception de ce prétendu droit. Et ce trouble fait en 1625 a produit son effet jusqu'en 1633, époque où commence la pocession des abbez de Saint-Denis, ou plutôt c'est le temps où les fermiers de l'abbaye, profitant de l'absence du seigneur de Mérinville et des saisies réelles qui furent faites de sa terre, ont commencé à exiger sur les habitans d'Angerville ce prétendu droit de minage.

« A l'égard des actes qu'on produit pour establir cette pocession, ce sont des actes équivoques et qui n'ont jamais esté commis au seigneur de Mérinville depuis l'intéruption qu'il a faite en 1625. Ces actes sont des baux. On sait qu'ils se font sans légitime contradicteur. Les sentences qu'on produit contre les particuliers refusant de payer prouvent le trouble dans la recepte et dans la perception, d'autant plus que ceux qui les ont obtenues n'ont jamais osé s'en servir contre ceux qui avoient contesté, par la raison que la pocession estant pour lors trop récente, on ne croyoit pas pouvoir s'en faire un

moyen, et qu'on craignoit qu'on découvrist trop facilement l'origine de ce prétendu droit de minage. En sorte qu'on s'est contenté d'obtenir ces sentences ; mais jamais on ne les a signifiées à ceux qui estoient refusans de payer. On ne les a pas levées dans le temps qu'elles ont esté rendues. L'expédition de celles qui sont produites est en papier timbré, lequel, certainement, n'a eu lieu que bien longtemps après que ces sentences ont esté rendues.

« Il est donc de la dernière évidence que la pocession des dames de Saint-Louis n'est ny constante, ny immémoriaIle, ny sans trouble, ce qui auroit esté du moins nécessaire pour supléer aux titres, et principallement dans une matière de rigueur et aussi défavorable que celle où il s'agist d'introduire une espèce de taxe et d'impôt sur les bleds, préjudiciable à des habitants, et d'une très-dangereuse conséquence.

Il ne reste plus qu'à traiter une question qui est en quelque façon superflue, car, dès le moment que les dames de Saint-Louis sont mal fondées à prétendre en général un droit de minage sur les bleds qui se vendent dans les maisons des particuliers du bourg d'Angerville, il sembleroit inutile de faire voir que les dames sont mal fondées à prétendre lever ce droit sur les justiciables de M. Delpech.

« Cependant, pour achever de faire connoistre au conseil que la prétention des dames de Saint-Louis ne peut se soutenir de quelque façon qu'on l'envisage, on va faire voir clairement que, quand même elles seroient bien fondées à percevoir ce droit sur les habitans domiciliés dans le ressort de leur justice, elles n'ont ny raison ny prétexte pour prétendre le lever sur les justiciables de M. Delpech.

« On n'a besoin que du propre raisonnement dont on s'est servi en faveur des dames de Saint-Louis, pour prouver en général que le droit de minage leur aparlient.

« Le conseil des dames de Saint-Louis avance, dans ces contredits, que le droit de minage procède du droit qui apartient communément aux seigneurs ayant justice, d'avoir l'esta-

lonnage, Visitation et connoissance des mesures, où il a cité Ragneau et M. Pierre de Lhommeau, qui aporte pour maxime que les seigneurs ayant justice ont un droit de mesure à bled et à vin sur leurs sujets et rentiers.

« Or, si on le regarde comme un droit procédant du droit de justice, ce droit ne doit pas avoir plus d'estendue que la justice ; l'effet doit estre proportionné à la cause.

« Les dames de Saint-Louis ne peuvent pas exercer leur justice sur les justiciables de M Delpech ; pourquoy donc voudroient-elles lever sur ces mêmes justiciables des droits qui ne sont qu'un accessoire de cette même justice à laquelle elles n'ont pas droit de les assujettir.

« L'exemple qu'on propose des banalités auxquelles on prétend que les vassaux d'un autre seigneur sont justiciables, formeroit un moyen considérable en faveur des dames de SaintLouis, si on pouvoit establir cette compatibilité; mais l'auteur même, qu'on cite pour apuy de cette proposition, décide Je contraire. Brodeau, sur le même article 71, n° 20, raporte un arrest qui a jugé qu'encore que le seigneur haut justicier ne soit pas fondé en droit de bannalités de moulin, et par ce moyen ses hauts justiciables ayent la liberté d'en construire un dans leur fonds ou d'alleu moudre en tel moulin que bon leur semble, néantmoins il ne leur est pas permis de l'asservir et assujettir sans son consentement à la bannalité du moulin d'un seigneur voisin, moyennant argent ou autre récompense et indemnité. Il dit que la question a esté jugée entre Me Laubespine, évesque d'Orléans, et le chapitre de l'esgljse collégiale de Cléry.

« Il est vray que quand le seigneur a consent y , le consentement le rend non recevable de réclamer contre la convention faite avec luy et avec ses vassaux ; mais, jusqu'à ce que le consentement soit intervenu, nul seigneur n'a droit d'estendre sa bannalité sur les justiciables d'un autre seigne.ur, suivant ce qui est dit dans la loix : « De sel'vitutibus.

»

« Les arrests que raportent les dames de Saint-Louis ne jugent point la question qui se présente et ne décident point qu'un seigneur puisse assujettir les justiciables d'un seigneur à sa bannalité. Que ces arrest ayent jugé que, quand une fois la bannalité est establie par le consentement du seigneur sur ses propres justiciables, que ces justiciables soient tenus de procéder en la justice du seigneur qui a droit de bannalité, il ne s'en suit pas de cette décision qu'un seigneur puisse de plain droit exercer sa bannalité hors de l'estendue de sa propre justice, sur les justiciables d'un autre seigneur. Il ne s'en suit pas, comme le conseil des dames de Saint-Louis l'a inféré, de cet arrest, qu'un seigneur puisse exercer les droits seigneuriaux, même ceux que l'on regarde comme procédant de la justice, sur les justiciables d'un autre seigneur, d'autant plus que la bannalité dont il s'agist dans cet arrest n'est pas un droit procédant de la justice ; c'est ce que décide Brodeau qui a raporté cet arrest. II dit en termes formels : « Régulièrement le droit de bannalité ne dépend point de la qualité du fief ou haute justice de voirie, mais du titre particulier. »

« En un mot, les justiciables de M. Delpech ne doivent point avoir d'autre mesure que celle de la haute justice. Tout seigneur haut justicier, par le droit commun du royaume, a la connoissance des poids et mesures dans l'estendue de sa haute justice, quand il a foire ou marché. M. Delpech a l'un et l'autre. A l'égard du droit de minage, M. Delpech ne le prétend pas sur ses justiciables ; il sayt que ce droit ne peut apartenir qu'à titre particulier, et il convient qu'il n'en a point; mais il soutient qu'ayant un droit de péage sur toutes les marchandises passantes et repassantes par Angerville, ayant un droit de haute justice sur une partie de ce bourg, il a intérest de s'oposer à la perception d'un droit aussi extraordinaire que celuy dont il s'agist, droit qui n'est estably par aucun titre, qui n'a dù son origine qu'à des lettres patentes d'establissement de marché cassées par arrest de 1624, qui n'a jamais esté confirmé par une pocession paisible.

« Enfin, droit d'autant plus cxhorbitant, que de sa nature il doit estre levé sur les bleds vendus au marché : celuy dont il s'agist se lève dans les maisons. Il ne devroit se percevoir que sur les forains, et on veut assujettir à celuy-ci tous les habitans du bourg. Ce droit ne doit apartenir qu'à ceux qui ont droit de marché. Les dames de Saint-Louis n'en peuvent prétendre.

Il ne s'accorde qu'à ceux qui ont droit de justice, et pour estre levé dans les limites seulement de leur justice : et on veut estendre celuy-ci jusques sur les justiciables de M. Delpech.

Voilà jusqu'où les dames de Saint-Louis, en profitant des usurpations commencées par les abbez de Saint-Denis, ont porté l'excès de leurs prétentions.

« Autrefois les abbez de Saint - Denis n'avoient point de droits sur Angerville: ils ont dans la suite pris celuy de seigneur en partie ; aujourd'huy les dames qui leur ont succédé veulent estre dames indéfiniment, et veulent que M. Delpech n'ait pas le droit de se qualifier seigneur indéfiniment d'Angerville. Autrefois les abbez de Saint-Denis n'avoient aucun droit de justice dans Angerville: ils ont insensiblement empiété sur cette justice, et les dames de Saint-Louis qui leur ont succédé sont enfin parvenues, en 1701, à se former un titre sur cette justice, par une transaction qui partage cette justice entre elles et M. Delpech. Non contentes de ce premier avantage que M. Delpech avoit bien voulu leur accorder par un respect aveugle pour les personnes qui protégeoient cette mai son, elles ont, depuis la transaction, continué dans la prétention de lever ce droit de minage dont il s'agist, droit néantmoins auquel elles auroient tacitement renoncé, en consentant que l'arrest de 1624 subsisteroit, et que M. Delpech demeureroit conservé dans tous les droits qui lui estoient acquis par cet arrest qui avoit cassé les lettres d'establissement de marché, dont le droit de minage avoit toujours esté regardé comme un accessoire ou du moins comme le prétexte dont on s'estoit servi pour le lever. Elles ont cependant trouvé mauvais qu'on les ait troublées dans la pocession de ce droit, qui ne leur

apartient par aucun titre. Elles préteudent qu'après les avantages qu'elles avoient accordés à M. Delpech par cette transaction, il y avoit lieu d'espérer qu'il voudroit bien vivre en paix avec elles. Mais l'idée qu'on veut donner des avantages qui reviennent à M. Delpech par cette transaction, se dicipe nonseulement par les offres que fait M. Delpech de se désister de cette transaction et d'estre remis au mesme estat qu'il estoit, mais encore par les conclusions qu'il a prises par une requeste du , dans laquelle il a conclud à ce que les dames de Saint-Louis soient tenues de faire omologuer cette transaction , synon de la faute par elles d'en obtenir l'omologntion, qu'elle sera déclarée nulle.

« Ainsy, le conseil voit que M. Delpech n'a rien à se reprocher du costé du procédé, mais qu'il est en droit de se plaindre de ce que l'on a voulu, depuis la transaction, lever un droit de minage qui n'est apuyé par aucun titre ny par aucune pocession, et qui est mesme contre le droit public du royaume. Il croit avoir prouvé cette proposition par des moyens solides : partant il persiste dans les conclusions par luy prises au procès avec dépens. » (I)

fi) Jnventaire de Saint-Cyr. — Angcrvillc, cole 1”.

CHAPITRE XIII.

Contredit des Dames de Saint-Cyr devant le Grand-Conseil ou réponse à M. Delpech.

(14 mars 1706.)

« Contredit de productions nouvelles servant aussi de salvations, que mettent devant vous Nos Seigneurs du grand conseil du Roy : « Les dames supérieures et religieuses du monastère royal de Saint-Louis, estably à Saint-Cyr-lès-Versailles, aiant pris le fait et cause de Pierre Louis, fermier de la manse abbatiale de Saint-Denis, unie à leur monastère, évoquantes et demanderesses ; « Contre M. Delpech, conseiller au Parlement de Paris, seigneur de Mérinville, intervenant en l'instance portée devant le bailly de Guillerval, à la requeste du dit Louis, pour raison du dit droit de minage par luy demandé à IJierosme Thevenot et à quatre autres particuliers habitans du bourg d'Angerville, demeurans dans la justice du dit seigneur de Mérinville, évoqué et deffendeu r.

« A ce qu'il plaise au conseil, sans s'arrester à la demande formée par M. Delpech tant par la requeste du 9 septembre dernier que par ses salvations signifiées le 2 mars 1706 et requeste par luy présentée le 8e du dit mois dont il sera débouté, et sans avoir égard à la production nouvelle par luy faite le

mesme mois, le déclarer non recevable dans les appellations par luy interjettées, et en conséquence adjuger aux dames supérieures et religieuses du monastère roial de Saint-Louis les conclusions par elles prises au procès avec dépens.

« Il y a deux questions à juger dont M. Delpech a trou\é à propos d'intervertir l'ordre dans ses salvations, et l'on veut bien le suivre dans l'ordre qu'il s'est proposé : « La première est de savoir si M. Delpech est bien fondé à prendre nouvellement avec les dames de Saint-Louis la qualité de seigneur d'Angerville, sans que luy ny ses autheurs en aient ny titre ny pocession avec les abbez de Saint-Denis ; « La seconde, de savoir si M. Delpech est recevable et bien fondé à vouloir dépouiller les dames de Saint-Louis du droit de minage qu'elles et les abbez de Saint-Denis, leurs autheurs, sont en pocession de percevoir de temps immémorial sur tous les grains qui se vendent dans le bourg d'Angerville, dont la communauté ne se plaint point et ne s'est jamais plaint.

« Sur la première question, les dames de Saint-Louis ne sauroient trop s'étonner de la confiance avec laquelle M. Delpech avance, dans ses salvations, qu'il a tant de titres et une pocession si constante et si paisible de prendre la qualité de seigneur d'Angerville. Il est surpris, dit-il, que les dames de Saint-Louis aient entrepris et ozé luy en faire un trouble.

« Mais comment accorder ces expressions libres avec ce qui est justifié au procès par la production respective des parties, où l'on voit que non-seulement les seigneurs de Mérinville n'ont aucun titre, mais mesme qu'ils n'ont jamais osé prendre la qualité de seigneur d'Angerville avec les abbez de Saint-Denis ; que l'aiant fait insérer une seule fois dans les qualités d'un arrest, l'abbé de Saint-Denis s'en plaignit, et que depuis ce temps le seigneur de Mérinville cessa de la prendre dans les procédures qui suivirent et dans le cours du mesme procès ; que M. Delpech, en conséquence, ne l'a point prise dans une transaction qui s'est passée entre les dames de Saint Louis et luy au sujet de l'estendue de justice qu'il pouvoit prétendre dans

Angerville; et qu'enfin, dans les titres les plus solennels, les plus publics et les plus anciens qui soient employés de part et d'autre, les abbez de Saint-Denis se trouvent avoir pris cette qualité, sans que les seigneurs de Mérinville aient osé la prendre ny indéfiniment ny en partie.

« C'est une maxime constante en matière de féodalité, qu'un seigneur, dont le fief ou la justice s'étend sur une partie du territoire d'une seigneurie et paroisse voisine ou sur des fiefs particuliers sis au-dedans de la dite paroisse, mais distincts et séparés du fief et seigneurie de la dite paroisse, n'est point et ne se peut qualifier pour cela seigneur de la seigneurie et paroisse voisine, en laquelle il a seulement une extension de sa justice ou censive ; cette seigneurie voisine fait un corps distinct et séparé de celuy à cause duquel le dit seigneur y estend une portion de sa justice ou censive, et de là vient que cette extension ne luy donne pas mesme le droit de se dire seigneur en partie de la dite seigneurie voisine. Il en est comme de celuy qui auroit dans une paroisse un fief particulier à cause duquel il auroit justice ou censive sur portion du territoire de cette paroisse : il ne seroit pas néantmoins pour cela en droit de se qualifier seigneur en partie de la dite paroisse, et encore moins de se le dire indéfiniment. C'est ce que M. de Boissieu a parfaitement expliqué en son traité de l'Usage des Fiefs, part 2, chapitre XXVI, et dont il y a plusieurs arrests et rapports par M. Louët et son commentateur.

« Cette maxime a son application très-juste à l'espèce particulière. M. Delpech, à cause de sa seigneurie de Mérinville, estend la justice qui luy apartient à raison de cette terre, sur deux petits fiefs particuliers sis au-dedans du village et paroisse d'Angerville; mais cette justice n'a rien de commun avec le fief et seigneurie de la paroisse d'Angerville; cette justice que M. Delpech a droit d'exercer sur les censitaires des dits fiefs demeurans à Angerville, n'est point un corps de justice particulier, distinct et séparé de la justice de Mérinville, c'est la justice annexée à la seigneurie de Mérinville.

« Delà vient qu'il ne peut avoir d'officiers à Angerville pour y exercer la justice par luy prétendue. Il ne peut l'exercer que par les officiers qu'il a au siège de Mérinville.

« Au contraire, l'abbaye de Saint-Denis a toujours eu J'au.

ditoire de sa justice dans Angerville, et quoique la justice ne se rende pas depuis plusieurs années dans l'auditoire, à cause qu'il est tombé en ruine et qu'on a négligé de le faire réédifier, attendu le voisinage de Guillerval où les officiers de la justice apartenant à l'abbaye de Saint-Denis sont résidens et tiennent leur siège, la place de leur auditoire à Angerville est néantmoins toujours existante et connue sous le nom de l'Auditoire de Saint-Denis ; la justice universelle sur le bourg, fief et paroisse d'Angerville apartient toujours à la dite abbaye, et par une conséquence nécessaire la seigneurie du lieu et village d'Angerville.

« Il n'est pas mesme inutile d'observer en cet endroit que M. Delpech, qui ne néglige point d'occasion d'estendre les droits de sa terre, ou du moins de le tenter, estant informé que la seigneurie d'Angerville, que l'on avoit fait insérer dans son décret, ne luy apartenoit pas, mais estoit une dépendance de la manse abbatiale de Saint-Denis, et aiant d'abord parfaiment connu que pour fonder la qualité qu'il avoit dessein de prendre de seigneur d'Angerville, il falloit qu'il eust des officiers à Angerville pour y exercer la justice par luy prétendue sur quelques maisons du dit bourg, séparément de celle qu'il faisoit exercer à Mérinville, il entreprist, dès les commencements de son acquisition, ce que ses prédécesseurs, seigneurs de Mérinville n'avoient jamais pensé, d'establir des officiers de justice à Angerville.

« C'est de quoy les dames de Saint-Denis furent forcées de se plaindre ; c'est ce qui a principalement donné lieu à la transaction faite entre les parties le 12 avril 1701 ; et ce qui monstre qu'encore que la transaction ne soit pas expressément surJa question de la qualité de seigneur d'Angerville, néantmoins le sujet pour lequel elle a esté faite a un tel raport à

cette question, qu'il en résulte des conséquences très-justes pour monstrer que M. Delpech luy-mesme a reconnu sans fondement la prétention sur laquelle il insiste aujourd'huy pour la qualité de seigneur d'Angerville.

« Par cette transaction, M. Delpech est obligé de reconnoistre qu'il n'est pas fondé d'avoir des officiers de justice à Angerville. Il est dit que la justice à luy apartenant sur les maisons cantonnées par la dite transaction, sera exercée par le bailly de Mérinville ; ce n'est donc certainement qu'une extension de sa justice de Mérinville. Il n'a ny le fief et seigneurie d'Angerville, qui apartient aux dames de Saint-Louis, ny corps de justice particulière à Angerville; plus des trois quarts du bourg, et spécialement l'esglise paroissiale, sont dans le fief et justice des dames de Saint-Louis, comme il est justifié par le plan produit au procès et fait en temps non suspect.

« De là vient que, par la mesme transaction, il est porté que, pour les affaires de la communauté du dit bourg, ceux des habitants d'Angerville qui sont justiciables de la justice de Mérinville, seront obligés de se conformer aux règlements faits par les juges des dames de Saint-Louis, pour marquer que le corps du dit bourg et communauté sont reconnus estre dans le fief et justice de Saint-Denis. C'est aussi pour cela que, par la mesme transaction , toutes les rues du bourg d'Angerville, grandes et petites, -mesme celles qui entourent les maisons délaissées à la justice de M. Delpech, sont déclarées estre de la justice des dames de Saint-Louis. M. Delpech aporte-t-il quelques titres antérieurs contraires? Il n'en a point.

« Les dames de Saint-Louis ont fait voir dans leur contredit que tout ce qui est porté par cette transaction n'a rien qui ne soit conforme en ce qui résulte des sentences et arrests rendus entre l'abbé de Saint-Denis et le seigneur de Mérinville, depuis 1600 jusqu'en 1631 inclusivement, sinon que les dites dames ont accordé, par cette transaction, une plus grande estendue de justice à M. Delpech dans Angerville qu'il n'en a

esté adjugé à ses prédécesseurs par les dites sentences et arrests.

Les dites dames de Saint-Louis ne répéteront rien de ce qui est expliqué à cet égard par leurs contredits ; elles suplient seulement le conseil de vouloir bien en prendre lecture. Il en résulte que, suivant les titres mesme produits par M. Delpech, les seigneurs de Mérinville ne sont point seigneurs du territoire et paroisse d'Angerville, mais au contraire que la seigneurie en apartient à l'abbaye de Saint-Denis.

« C'est la raison pour laquelle M. Delpech se retranche seulement sur la prétendue pocession de prendre par luy et ses autheurs la qualité de seigneur d'Angerville; mais il est facile de faire voir que la prétention de M. Delpech n'est pas plus avantageuse du costé de la pocession que par les titres, et qu'il est également mal fondé dans l'un et dans l'autre.

i Le conseil est très-humblement supplié d'observer d'abord que non-seulement M. Delpech ne raporte aucun titre par lequel il paroisse que ses prédécesseurs, seigneurs de Mérinville, aient acquis la terre et seigneurie d'Angerville à quelques titres que ce soient, mais encore que des actes de pocession qu'il produit pour monstrer que les seigneurs de Mérinville ont pris la qualité de seigneurs d'Angerville, il n'y en a aucun qui précède la rédaction des coustumes de Chartres, Orléans et Estampes. A cette rédaction ont esté apelés les seigneurs de Mérinville, qui n'y ont jamais pris la qualité de seigneurs d'Angerville indéfiniment ny en partie : en sorte qu'il doit demeurer pour constant qu'en la dite rédaction et lors d'icelle, les seigneurs de Mérinville n'avoient ny titre ny pocession de se qualifier seigneur d'Angerville; au contraire, les abbez de Saint-Denis estoient dès-lors en pocession publique et paisible de prendre cette qualité, sans réclamation de la part des seigneurs de Mérinville ou Méréville.

« M. Delpech tasche de se faire un moien de ce que, dans le procès-verbal de la rédaction de la coustume d'Estampes, en 1556, les abbez religieux de Saint-Denis en France ne prennent la qualité de seigneurs d'Angerville qu'en partie. Et

il est vray que telle est renonciation emploiée dans le procèsverbal par un procureur au baillage d'Orléans, qui comparoissoit pour les abbez et religieux de Saint-Denis; mais cet argument reçoit deux réponses qui détruisent parfaitement les inductions que M. Delpech en veut tirer.

« La première réponse est que, pour que M. Delpech pust tirer quélqu'avantage de cette énonciation, il faudroit que le seigneur de Mérinville, qui est emploié dans le mesme procèsverbal, y comparant par son bailly de Méréville, assisté d'un procureur du dit seigneur, y eust pris qualité de seigneur d'Angerville indéfiniment, comme le prétend M. Delpech.

« C'est néantmoins ce qui ne se trouve point. C'estoit alors François de Reilhac qui estoit seigneur de Mérinville ou Méréville, car M. Delpech ne sauroit dénier que Merville, ou.

Méréville, ou Mérinville soient la mesme chose, puisque dans les sentences et arrests qu'il produit luy-mesme, dattés du commencement du dernier siècle, sa terre n'y est point autrement dénommée que Merville ou Méréville, et il paroist, par les aveux mesme qu'il raporte postérieurement, qu'en effet c'estoit François de Reilhac qui possédoit- alors la terre de Mérinville ou Méréville. Le seigneur de Méréville est apelé dans ce procès-verbal, et comparoist sous le nom de François de Reilhac, chevalier, sieur et vicomte de Méréville, par maistre Antoine Langlois et Barthélemy Martial, bailly et prévost du dit Méréville, et Levassor, procureur du dit de Reilhac.

« Voilà les qualitez dans lesquelles il est emploié ; et nonseulement il ne prend point celle de seigneur d'Angerville ny indéfiniment ny en partie, mais il ne proteste point contre les qualitez précédemment prises dans les mesmes actes par l'abbé de Saint-Denis.

« M. Delpech, qui n'ignore pas le contenu dans ce procès-verbal et qui a prévu l'avantage que les dames de Saint-Louis pouvoient tirer de ce que le seigneur de Méréville n'y a point pris la qualité de seigneur d'Angerville ny contesté celle prise par l'abbé de Saint-Denis, tasche de prévenir cette objection,

en insinuant dans ses salvations que la qualité de vicomte de Méréville comprend toutes les seigneuries qui composent la dite vicomte et en font les dépendances.

« Mais ce qui monstre la faiblesse de cette réponse et la détruit mesme entièrement, c'est que la plupart des fiefs et seigneuries dont M. Delpech prétend aujourd'huy composer sa chastelnie de Méréville, comme Villeneuve-le-Bœuf, Trapeau, Ouestreville, Guestreville, Montereau, Villiers-le-Bois, sont mentionnés dans ce mesme procès-verbal comme apartenant à d'autres seigneurs qui en prennent expressément la qualité. Et à l'égard de la seigneurie d'Angerville, outre la qualité qui y est insérée pour l'abbé de Saint-Denis, on trouve dans le dit procès-verbal que le substitut de M. le procureur général au baillage d'Orléans, y a revendiqué les habitans des paroisses de Guillerval, Angerville et Monarville comme estant du ressort et baillage d'Orléans ; qu'il a esté soutenu, au contraire, par le procureur de-l'abbé de Saint-Denis et par le substitut de M. le procureur général au baillage d'Estampes, que les dits sujets et justiciers des dites chastelnies de Guillerval, Angerville et Monarville sont du ressort et baillage d'Estampes; mesme l'on y voit le dit substitut prétendre que tous les habitans d'Angerville sont de la jurisdiction ordinaire d'Estampes. Sur lesquelles contestations, les commissaires ont renvoié les parties au Parlement de Paris, par l'ordonnance mise au pied dudit procès-verbal, pour en estre ordonné par la cour, avec M. le procureur général, ce qu'elle verra estre à faire par raison. Et dans l'énoncé de ces contestations, il est expressément mentionné que les paroisses de Guillerval, Angerville et Monarville apartiennent aux abbez et religieux de Saint-Denis en Franc-e. qe « S'il estoit vray que le seigneur de Mérinville eust alors prétendu non pas la seigneurie d'Angerville indéfiniment, comme la prétend aujourd'huy M. Delpech, mais seulement une portion de la seigneurie et une portion de la justice dans le dit bourg, les officiers de la justice du seigneur de Méréville,

qui assistoient pour luy à ce procès-verbal, auroient-ils manqué de parler dans cette contestation et d'y expliquer les droits ou prétentions du dit seigneur qui y auroit eu un intérest sensible, s'il avoit prétendu droit de justice sur Angerville? Cependant, ils n'y prennent aucune part : preuve invincible que le seigneur de Méréville ne prétendoit lors ny seigneurie ny justice dans Angerville.

« La seconde réponse à l'énonciation emploiée au commencement du dit procès-verbal où le procureur de l'abbé de SaintDenis le qualifie seulement seigneur d'Angerville en partie, c'est qu'en remontant à des temps plus reculez et cherchant toujours la preuve de cette qualité dans des titres publics et incontestables, on trouve que, près de vingt ans avant la rédaction de la coustume d'Estampes, et lors de la première rédaction de celle d'Orléans, en 1509, les religieux et couvent de Saint-Denis en France y ont comparu et sont emploiés en qualité de seigneurs de Guillerval et d'Angerville en Beausse indéfiniment ; et l'on voit qu'à peu près dans le mesme temps et peu auparavant, la coustume de Chartres aiant esté rédigée, Jean de Reilhac, seigneur de Marville, y a comparu en la seule qualité d'escuier, seigneur de Marville, qui est ce qu'on a apelé depuis Merville, puis Mérinville, sans prendre qualité de vicomte, ny de chastelain, ny de seigneur d'Angerville ny indéfiniment ny en partie, pendant que les abbez et religieux de Saint-Denis la prenoient indéfiniment et en estoient en pocession paisible.

« Il n'est donc pas vray, ce que dit M. Delpech, que les abbez et religieux de Saint-Denis aient commencé par se qualifier seigneurs en partie d'Angerville.

« Il paroist, au contraire, par le plus ancien acte de pocession qui soit raporté, et qui est un tiltre public, qu'ils y ont pris qualité de seigneurs d'Angerville indéfiniment.

« Mais ce qui est certain par ces tiltres publics, c'est que les seigneurs de Méréville ne se qualifioient point alors seigneurs d'Angerville, comme fait aujourd'huy M. Delpech, et que les

ahbez et religieux de Saint-Denis en prenoient la qualité quatre-vingt-dix ans auparavant qu'il paroisse aucun acte où les seigneurs de Mérinville aient entrepris de se qualifier seigneurs d'Angerville.

« M. Delpech, pour establir à cet égard la prétendue pocession de ses autheurs, raporte plusieurs pièces, dont les unes portent elles-mêmes leur contredit, les autres se détruisent par les pièces mesme de la première production de M. Delpech.

« Sous la cotte A de sa production nouvelle sont quatre pièces, dont la première, du 16 novembre 1698, est une copie collationnée par extrait du prononcé de l'arrest du Parlement de Paris, portant adjudication de la terre et chastelnie de Mérinville à M. Éyestiennot, procureur audit Parlement, qui en a fait ensuite la déclaration au profit de M. Delpech; par l'extrait duquel prononcé il paroist que, dans le nombre des fiefs y dénommez comme faisant la consistance et dépendance de la terre de Mérinvilla, l'on a compris le fief, terre et seigneurie d'Angerville-la-Gaste.

« La seconde pièce, du 3 septembre 4 698, est un acte de foy et hommage rendu au chasteau d'Estampes par M. Delpech, à cause de la terre de Mérinville ; lequel acte de foy et hommage contient aussi un aveu et dénombrement des fiefs et droits que M. Delpech énonce comme dépendans de la dite terre de Mérinville. Et dans les qualitez de cet acte, M. Delpech emploie dix-sept ou dix-huit noms de fiefs ou seigneuries différents, entre lesquels est le lieu d'Angerville-la-Gaste.

« La troisième pièce, du 15 juillet 4 699, est une commission du petit seau? adressée à messieurs de la chambre des comptes, portant que M. Delpech y a esté reçu en foy et hommage, à cause de l'acquisition par luy faite de la chastelnie de Mérinville et ses dépendances; dans les qualitez de laquelle commission M. Delpech a encore fait insérer, au nombre de ses seigneuries, le lieu d'Angerville-la-Gaste, comme aussi l'a compris au nombre des lieux pour lesquels il a fait la foy et hommage.

« Et la quatrième pièce, du 20 juillet 4 699, est l'attache?

des auditteurs de la chambre des comptes, adressée aux officiers du baillage d'Estampes, portant, en conséquence, mandement de faire main levée des dits fiefs s'ils avoient esté saisis ; dans lequel acte sont copiées les précédentes lettres et emploiées les mesmes dépendances de la terre de Mérinville : desquelles pièces M. Delpech prétend inférer qu'il est en droit et pocession de se qualifier seigneur d'Angerville.

« Cette induction est facile à détruire ; et pour cela, il suffit d'observer d'abord que la première des dites pièces est tout à fait informe et ne peut faire aucune foy en l'estat qu'elle est produite. Ce n'est ny l'original, ny la copie du décret de la terre de Mérinville, c'est un extrait du prononcé, lequel extrait n'est ny compulsé, ny collationné avec partie, mais est délivré par copie, signé d'un secrétaire du roy sans réquisition de personne, sans datte, et sans dire où il a pris cette pièce ny à qui il l'a rendue. Ce n'est point en cette forme qu'on produit un arrest dont on se veut servir en justice réglée.

« Quand il plaira à M. Delpech de produire un décret en forme, les dames de Saint-Louis luy feront voir que ce n'est pas un tiltre légitime contre elles pour les dépouiller de la seigneurie d'Angerville dont elles sont en pocession avant, lors et depuis le dit décret, pocession mesme reconnue par M. Delpech dans la transaction qu'il a passée depuis avec les dites dames, le 12 avril 1701.

« A l'égard de l'acte de foy et hommage et lettres de la chambre des comptes, dans lesquels M. Delpech a compris le lieu d'Angerville-la-Gaste au nombre des dépendances de la seigneurie de Mérinville, il paroist que cette énonciation par luy faite n'est qu'une suitte de celle dont ses prédécesseurs ont commencé d'insérer dans liS actes de foy et hommage et dénombremens qu'ils ont rendus de la dite terre et seigneurie de Mérinville, ès années 1599, 1616 et 1671, qui sont raportez par M. Delpech sous la cotte BB, et ne peuvent certainement préjudicier aux droits des dames de Saint-Louis, par les raisons qui seront observées cy-après en contredisant les pièces de la

dite cotte BB, dont le contredit servira à la deuxième, troisième et quatrième pièces de la cotte AA. Sous cette cotte sont quatre pièces.

« La première, du '2 septembre 1599, est un acte de foy et hommage en parchemin, contenant aussi aveu et dénombrement des droits dépendans de la dite terre, rendu au chasteau d'Estampes par Jean Desmontiers, lors seigneur de Mérinville, tant pour lui que pour ses frères et sœurs, en qualité de fils aisné et principal héritier de Françoise de Reilhac, sa mère; lequel Jean Desmontiers y prend qualité de haut chastelain, baron et vicomte de Mérinville, le bourg Saint-Père du dit Angerville-Ia-Gaste et Autruy, puis emploie encore, dans le corps du dit acte, le lieu dl Anferville-la-Gaste au nombre de ceux sur lesquels s'estend sa seigneurie et justice de Méréville.

« La deuxième, du 26 novembre 1616, est un autre acte de foy et hommage en papier, contenant pareil aveu et dénombrement des droits de ladite terre, aussi rendu à Estampes par le mesme Jean Desmontiers, en exécution des publications qu'avait fait faire M. le duc de Vendosme, nouvellement en pocession du duché d'Estampes, lequel acte contient les mesmes qualitez et énonciations que celuy cy-dessus.

« La troisième, du 30 mars 1671, est un autre acte de foy et hommage en parchemin, avec pareil aveu et dénombrement, rendu à Estampes par Charles Desmontiers, comprenant aussi le lieu d'Angerville dans les mesmes qualitez et énonciations que les précédons.

« La quatrième et dernière pièce, du 7 novembre 1689, est un acte de souffrance requis à Estampes par le tuteur des enfants mineurs de deffunt Charles Desmontiers, à cause de la dite terre de Merville, dont les dits mineurs avoient acquis une moitié par décret et l'autre moitié leur apartenoit à tiltre de substitution ; lequel acte en papier met aussi le lieu d'Angerville-la-Gaste comme faisant partie des seigneuries pour lesquelles on demande souffrance.

« Desquelles pièces M. Delpech infère que luy et ses pré-

déceseurs sont en bonne et ancienne pocession de prendre qualité de seigneurs d'Angerville-la-Gaste.

« La première observation que le conseil est très-Immblement supplié de faire sur toutes ces pièces, est que le premier et plus ancien de tous les dits actes a manifestement servi de modèle à tous les autres pour les qualitez et énonciations dont M. Delpech prétend tirer avantage, et le premier acte est du 2 septembre 1599 : ce qui fournit une première réponse résul tant de ce que cet acte est fait par Jean Desmontiers, seigneur de Méréville, durant le procès qu'il avoit contre l'abbé de Saint-Denis pour régler l'estendue de justice que le dit Desmontiers pouvoit prétendre dans le bourg d'Angerville. Il paroist, par le veu de la sentence rendue entre les parties le 28 avril 1600 et qui est produite par M. Delpech, que, dès le 12 décembre 1597, le mesme Jean Desmontiers avoit présenté au bailly d'Estampes une requeste en trouble contre l'abbé de Saint-Denis et ses officiers; qu'entre les droits qu'il prétendoit luy apartenir comme seigneur de Mérinville, estoit celuy de comprendre le bourg et paroisse d'Angerville dans les fins de sa haute chastelnie et de s'en dire seigneur; et que, sur cette contestation portée aux requestes du palais du Parlement de Paris par l'abbé de Saint-Denis, les parties auroient esté apointées par sentence du 20 juillet 1598. C'est donc dans la chaleur de la poursuite de ce procès que l'aveu de 1599 a esté fourny par le dit Jean Desmontiers et qu'il y a inséré pour la première fois, à l'insu de l'abbé de Saint-Denis, la qualité de seigneur d'Angerville qu'il n'avoit encore osé prendre dans les procédures. Il en est de mesme de l'acte de foy et hommage et aveu de 1616, rendu par le mesme Jean Desmontiers. Le procès qu'il avoit avec l'abbé de Saint-Denis subsistoit encore, et la chaleur des parties na faisoit qu'augmenter par le temps.

Il y avoit eu une requeste du dit sieur Desmontiers, en 1612, à ce que deffenses fussent faites, aux officiers de l'abbé de Saint-Denis, de plus prendre connoissance des causes des personnes et maisons y mentionnées.

« Ce qui marque bien que le dit Desmontiers ne prétendoit la justice que sur certaines personnes et maisons dans Angerville, comme il a esté jugé par l'arrest de 1604, et non pas une justice uuiverselle. Il estoit apellant de sentences rendues par les officiers d'Angerville, qui avoient connu des causes des dites personnnes et maisons. Sur ces apellations et demandes, les parties a voient esté apointées par arrest des 30 janvier 1613 et 12 aoust 1614 : c'est ce qui paroist par le veu de l'arrest de 1624.

« C'est donc aussi dans la vivacité de cette mesme poursuite entre les mesmes parties qu'a esté rendu le dit acte de foy et hommage et aveu de 1616, avec la qualité, clandestinement affectée, de seigneur d'Angerville, pour se former un commencement de pocession qui pust servir dans la suitte. Par conséquent, ce sont des actes faits en temps très-suspect, et c'est sur ces deux premiers actes que tous les postérieurs ont esté copiés : ce qui fait voir combien la source de cette prétendue pocession est vitieuse.

« La deuxième réponse est que de ce qui est énoncé dans tous ces actes de foy et hommage et aveux portés à Estampes, le seigneur de Méréville ne peut jamais faire de preuves ny argumens contre les dames de Saint-Louis, parce que cela n'est point fait avec elles ny avec les abbez de Saint-Denis, leurs autheurs ; ce sont des actes clandestins à leur égard, et dans lesquels les seigneurs de Méréville pouvoient insérer tels droits et qualitez que bon leur sembloit, sans craindre qu'on les leur contestast, parce que le seigneur à qui ces aveux estoient présentés et avec qui seul ces actes ont esté faits, n'avoit pas intérest de les contredire en ce point, mais au contraire trouvoit son avantage dans tout ce qui grossissoit le fief de son vassal. M. Delpech n'ignore pas, sans doute, le principe constant dans nostre jurisprudence françoise : que tous les actes de foy et hommage, aveux et dénombrement sont bons pour faire foy entre les seigneurs à qui ils sont rendus et le vassal qui les luy rend, mais ne peuvent jamais préjudicier à un tiers. C'est.

l'une des maximes du droit françois establi dans les Institutes de Loisel, Livre IV, Traité des Fiefs, maxime XLVII. Ainsy, la prétendue pocession résultant de ce qui a esté énoncé dans tous ces actes, ne fait point une pocession contre les abbez de Saint-Denis, parce qu'elle n'est point avec eux; ot cette réponse est d'autant plus invincible que les dits aveux n'ont mesme jamais esté ny publiez ny vérifiez.

« La troisième réponse est que cette pocession clandestine ne commence qu'en 1599, et les abbczdeSaint-Denisen avoient une publique de prendre la qualité de seigneur d'Angerville indéfiniment, quatre-vingt-dix ans auparavant, comme il est prouvé par le titre public de la rédaction de la coustume d'Orléans, en 1509, avant qu'il y eust une coustume d'Estampes rédigée; et l'on trouve, dans les pièces mesme produites par M. Delpech, des titres beaucoup plus anciens pour fonder une pocession des abbez de Saint-Denis, puisque, dans les moyens de l'abbé de Saint-Denis, référés en la sentence du 28 avril 1600, il est fait mention expresse d'une sentence contradictoire du juge d'Yenville, du vendredy avant la Nostre-Dame de mars 1301, qui avoit maintenu l'abbé de Saint-Denis en tout droit de justice sur le bourg d'Angerville, ses apartenances et dépendances entièrement.

« La quatrième réponse se tire de ce qui s'est passé contradictoirement entre l'abbé de Saint-Denis et les seigneurs de Méréville, depuis les dits actes clandestins: d'où il résulte que les seigneurs de Méréville ont eux-mesmes reconnu qu'ils n'estoient point seigneurs d'Angerville et n'avoient point de droit d'en prendre la qualité. Le conseil a remarqué cy-dessus que, pendant que le dit Jean Desmontiers affectoit de prendre cette qualité , à l'insu de l'abbé de Saint-Denis, dans ses aveux de 1599 et 1616 , il n'osoit la prendre dans ses procédures de l'instance, qui estoient en mesme temps pendantes entre luy et l'abbé de Saint-Denis pour la justice que le dit Desmontiers prétendoit luy apartenir sur quelques maisons du dit bourg. En effet, il paroist, par les pièces mesme produites par

M. Delpech, que le seigneur de Mérinville n'a point pris qualité de seigneur d'Angerville ny dans la sentence de 1600 ny dans l'arrest de 1604.

« La première fois qu'il a inséré ouvertement cette usurpation, c'a esté en la faisant insérer dans les qualités de l'arrest de 1624. Après qu'il eust esté rendu, et dans cette première tentative, l'abbé de Saint-Denis ne manque point de réclamer, former complaintes, pour raison de trouble à luy fait en sa pocession de se dire et qualifier seigneur haut justicier d'Angerville, prist rfqueste civile contre le dit arrest, en ce que par luy qualité de seigneur d'Angerville avoit esté donné au sieur Desmontiers, et demanda que deffenses luy fussent faites de plus prendre à l'avenir cette qualité.

« Les parties furent apointées sur cette demande par arrest du 7 juillet 1629. Et, comme il ne pouvoit régulièrement estre statué sur différentes apellations interjettées comme de déni, renvoy des sentences rendues par le juge de Saint-Denis à Angerville entre des particuliers que le seigneur de Mérinville y prétendoit estre de sa justice, sans estre précisément instruit des maisons que le seigneur de Mérinville prétendoit estre de sa justice dans Angerville, il intervint arrest contradictoire (1631|, qui ordonna qu'avant procéder au jugement des apellations et instances, descente seroit faite au bourg d'Angerville pour monstrer et enseigner les tenans et aboutissans des maisons scituées à Angerville, prétendues par le dit Desmontiers estre en sa justice et seigneurie à cause des fiefs relevant de Méréville.

« Peut-on rien voir de plus formel que le dispositif de cet arrest, pour establir que le seigneur de Mérinville ne prétendoit qu'une extension de sa justice sur certaines maisons dans Angerville, et non pas la justice ny seigneurie universelle du dit bourg, puisqu'on l'oblige d'enseigner les maisons qu'il prétend estre de sa justice comme situées au-dedans des fiefs particuliers mouvans de sa chastelnie. Et ce qui est important à observer, c'est que, dans cet arrest, le seigneur de Mérinville

déférant à la réclamation de l'abbé de Saint-Denis contre la qualité de seigneur d'Angerville prise par M. Desmontiers dans l'arrest précédent, il cesse de la prendre dans celuy-ci, et l'on ne trouvera depuis ce temps aucun acte ny procédure où le seigneur de Mérinville ait pris avec l'abbé de Saint-Denis la mesme qualité qu'il avoit hazardée de prendre pour la première fois dans l'arrest de 1624. Il n'est donc pas vray, comme le dit M. Delpech, que l'arrest de 1624 ait esté exécuté en ce point; au contraire, celuy mesme qui y avoit pris cette qualité y a dérogé et a cessé de la prendre dans un autre arrest immédiatement suivant.

« Le premier acte qui paroisse au procès contradictoirement fait entre les parties depuis cette ancienne procédure, est la transaction faite entre les dames de Saint-Louis et M. Delpech (12 avjil 1701), dans laquelle non-seulement il n'a point pris la qualité de seigneur d'Angerville, mais il a reconnu qu'à la réserve des maisons renfermées dans le petit canton qu'il a souhaité luy estre assigné, la justice entière sur le bourg et sur toutes les rues qui en dépendent, grandes et petites, mesme celles qui enferment le dit canton, apartenoit aux dames de Saint-Louis, et qu'en conséquence, ceux qui habiteroient les maisons du canton à luy réservé, seroient tenus de se conformer aux règlemens faits par les officiers de la justice des dites dames, pour ce qui concernoit les affaires communes au bourg d'Angerville. Rien ne peut, assurément, marquer davantage que la justice universelle leur en apartient et que M. Delpech l'a reconnu.

« M. Delpech dit qu'il n'y a rien dans cette transaction qui marque que l'intention des parties ait esté de transiger sur la qualité de seigneur d'Angerville; mais qu'y a-t il qui ait plus de raport à la qualité de seigneur d'Angerville que de sçavoir à qui apartient la haute justice sur le bourg d'Angerville?

n'est-ce pas la justice qui détermine principalement la qualité de seigneur? M. Delpech est trop instruit des maximes féodales pour dénier ce principe.

« Il affecte d'insérer dans ses salvations qu'on luy a marqué de la part des dites dames les conditions sous lesquelles on vouloit transiger, qu'il les a acceptées par respect pour les personnes qui protègent cette maison. Mais, M. Delpech ne doit pas espérer que ces énonciations étudiées changent la vérité des choses. Il ne fera pas croire que les personnes qui protègent la maison de Saint-Louis soient capables de luy arracher son bien pour en enrichir cette maison. C'est trop entreprendre de sa part que de vouloir tout à la fois faire passer ceux qui ont bien voulu prendre connoissance des intérests des parties dans cette transaction, pour des usurpateurs du bien de M. Delpech, et luy pour négligeant et relasché sur ses droits. Toutes les pièces du procès concourent à justifier que M. Delpech a plus eu, par cette transaction, qu'il ne pouvoit jamais prétendre en vertu des sentences et arrests que luymcsme produit, et il ne devroit pas oublier les ménagemens et les égards qu'il sait que ces personnes ont eu pour luy par des considérations particulières.

« Les dames de Saint-Louis ne répéteront point les sujets qu'elles avoient de se plaindre du procédé de M. Delpech.

Elles ont esté forcées, contre leur gré, de s'en expliquer dans leur contredit. Elles se contenteront d'observer en cet endroit que le respect que M. Delpech dit avoir eu pour les personnes qui protègent leur maison, ne l'a pas empesché de leur susciter deux procès, dont luy-mesme a desjà reconnu par cette transaction que le premier estoit injuste, et elles espèrent que le conseil aura la bonté de porter le mesme jugement de celuy dont il s'agit.

« M. Delpech, continuant toujours de s'énoncer sur l'histoire de cette transaction d'une manière qui n'est pas tout à fait conforme aux faits qui sont de sa connoissance, dit en ses salvations que, sur ce qu'il prétendoit la justice en entier dans Angerville et que les dames en prétendoient une partie, il a consenti de partager avec les dites dames cette justice qui jusquelà avoit apartenu à ses prédécesseurs, seigneurs de Mérinville :

comme si, jusqu'à cette transaction, les dames de Saint-Louis et, avant elles, les abbez de Saint-Denis n'avoient point eu la justice sur Angerville et que M. Delpech leur accordast par bienveillance de partager la sienne.

« Seroit-il possible que M. Delpech eust oublié que luymesme ne produit pas une seule pièce en sa première production, qui ne servist à justifier le droit de justice apartenant à l'abbé de Saint-Denis sur le bourg d'Angerville, et dont l'abbaye de Saint-Denis estoit en pocession publique et immémoriale avant la dite transaction.

« Comment peut-il accorder cette énonciation avec l'arrest contradictoire de 1631, par lequel, avant de statuer sur les apelations que le seigneur de Mérinville avoit interjettées de plusieurs sentences rendues par le juge de l'abbé de SaintDenis à Angerville, on oblige le dit seigneur de Mérinville de cotter et enseigner, par tenans et aboutissans, les maisons d'Angerville qu'il prétend estre de sa justice de Mérinville ?

Comment l'accorder avec la pocession constante des abbez de Saint-Denis pour l'exercice de leur justice dans Angerville avant et depuis cet arrest ?

« Ne diroit-on pas encore, à voir l'expression dont se sert M. Delpech, que cette transaction partage la justice d'Angerville par moitié entre les dames et luy? et c'est peut-être ce qu'il a principalement voulu faire croire. Il n'ignore pas, néantmoins, que le canton qui luy a esté assigné ne compose pas la cinquiesme partie du dit bourg. Les dames ont la justice sur les quatre autres cinquiesmes du dit bourg, sur l'esglise, sur toutes les rues. Les bornes du canton assigné à M. Delpech sont justifiées par le plan d'Angerville que produisent les dames de Saint-Louis, et qui est peut-estre suspect, puisqu'il est copié sur celuy qu'elles ont fait lever longtemps avant le procès, pour servir à la confection du terrier que les dites dames ont fait faire'en vertu de lettres patentes du roy, du 3 mars 1693.

« M. Delpech, après s'être instruit sur les lieux tant qu'il a

voulu et pris bon conseil, a luy-mesme souhaité qu'on luy abandonnast la justice sur les maisons ramassées dans ce petit canton, au lieu de celle qu'il avoit auparavant sur quelques maisons dispersées dans le bourg. On a suivi son choix. Il produit luy-mesme cette transaction comme son titre.

« Il est donc constant, par ses propres pièces, que la portion de justice qu'il a dans Angerville n'est point comparable à celle qui apartient aux dites dames ; que cette portion de justice ne fait pas un corps de justice particulière et séparé, mais n'est qu'une extension de sa justice de Mérinville : au lieu que celle des dames est la véritable justice du bourg d'Angerville attachée à la seigneurie du dit bourg, et ne comprend pas seulement l'esglise, les rues et plus des trois quarts du dit bourg, mais s'estend au dehors sur tout le territoire.

« Il n'est pas surprenant que , dans ces circonstances, M. Delpech n'ait pas pris la qualité de seigneur d'Angerville dans cette transaction ; mais il est surprenant qu'il la veuille prendre aujourd'huy, mesmc indéfiniment, sans avoir aucun titre ny pocession avec les abbez de Saint-Denis.

« M. Delpech, qui sait bien que cette transaction fixe et arrête le droit de chacune des parties sur le bourg d'Angerville, d'une manière qui n'est pas avantageuse à sa prétention, dit qu'il faut remonter au temps qui a précédé la dite transaction; mais il n'y trouvera pas plus d'avantage, et pour le faire connoistre en un mot, les dames de Saint-Louis observeront que tous les actes qui ont précédé cette transaction se peuvent diviser en trois temps, sçavoir : « Le temps qui précède le procès qu'il y a eu entre le sieur Desmontiers et l'abbé de Saint-Denis ; le temps qui a couru depuis le procès commencé en 4597 jusqu'en 1631 inclusivement ; et le temps qui a suivi depuis 1631 jusqu'à présent.

« Avant ce procès, commencé en 4597, il ne paroist pas un seul acte où le seigneur de Mérinville ait pris qualité de seigneur d'Angerville; au contraire, de la part de l'abbaie de Saint-Denis, il y a preuve publique, par des titres incontes-

tables, que les abbez de Saint-Denis estoient en pocession de prendre cette qualité quatre-vingt-dix ans auparavant le dit procès.

« Durant ce procès, le seigneur de Mérinville a commencé de la prendre par des actes clandestins ; mais, dès la première fois qu'il a bazardé de l'insérer dans une pièce commune, sçavoir, dans les qualitez de l'arrest de 162i, l'abbé de SaintDenis s'en est plaint, a demandé que deffenses fussent faites au seigneur de Mérinville de plus, à l'advenir, prendre qualité de seigneur d'Angerville: et, en conséquence, le seigneur de Mérinville a cessé de prendre cette qualité dans l'arrest de 1631.

« Depuis cet arrest, l'on ne voit aucun acte fait entre les abbez de Saint-Denis et les seigneurs de Mérinville, que la transaction de 1701, où M. Delpech n'a point la qualité de seigneur d'Angerville. M. Delpech emploie, comme une preuve de pocession en sa faveur depuis ce temps, un acte de foy et hommage et aveu rendu par Charles Desmontiers en 1671, un acte de souffrances demandé par ses enfans en 1689, et l'aveu que M. Delpech luy-mesme a rendu depuis son acquisition de Mérinville en 1699 ; mais ce sont des actes dans lesquels on a copié les qualitez emploiées par affectation dans les aveux que Jean Desmontiers avoit rendus durant le procès qu'il avoit avec l'abbé de Saint-Denis, et qui ne font point de preuves de pocession contre l'abbé de Saint-Denis, parce qu'ils ne sont point faits avec luy. Les dames de Saint-Louis pourroient, avec plus de raison, emploier, pour preuve de pocession de leur part, les qualitez insérées dans toutes les sentences rendues, depuis ce temps comme auparavant, par le juge de l'abbé de Saint-Denis à Angerville, dans lesquelles il se qualifie juge de Guillarval, Monerville et Angervitte-la-Gaste, pour l'abbé de Saint-Denis, « seul seigneur des dits lieux. » Ce qui est justifié par les sentences produites au procès portant condamnation, contre quelques particuliers, de paier la somme à laquelle montoit le droit de minage des grains par eux vendus ; aux qualitez desquelles sentences sont conformes toutes celles rendues par le dit juge entre tous les habitans des dits lieux : ce qui fait une preuve de pocession publique qui ne peut avoir esté ignorée des seigneurs de Mérinville voisins des dits lieux, et qui est bien différente de celle qui résulte des qualitez des aveux par eux rendus à un autre seigneur, qui ne sont mesme ny vérifiés ny publiés. « M. DeJpech, connoissant combien sa prétention est défectueuse et ne trouvant pas de moien pour l'establir, se réduit à vouloir rechercher le titre originaire du droit que ses prédécesseurs et luy ont reconnu apartenir à l'abbé de Saint-Denis dans [[:angerville|Angerville. Il prétend que tous les domaines possédez en Beausse par l'abbaie de Saint-Denis luy ont esté donnez par le roy Dagobert ; que la charte de ce prince, raportée par Doublet en son Histoire de Saint-Denis, ne parle point du lieu d'Angerville; mesme que Guillerval n'y est point emploié sous le titre de chastelnie qu'on luy donne aujourd'huy, mais seulement apelé villa, qui ne signifie qu'une métairie : d'où il infère que le titre de chastelnie de Guillerval et la seigneurie d'Angerville ont esté usurpez par l'abbé de Saint-Denis.

« La première réflexion que pouvoit faire M. Delpech est qu'il ne sçauroit tirer aucun avantage de ses inductions, puisque eette usurpation prétendue, si elle estoit véritable, ne donneroit pas à M. Delpech une justice et seigneurie pour laquelle il n'a, de sa part, ny titre ny pocession. Mais, que devient cette objection d'usurpation prétendue, quand il paroist, par les pièces mesme qu'il a produites, que, dès l'année 4 301, l'abbaie de Saint-Denis estoit en pocession de tout droit de justice sur le bourg d'Angerville et y avoit esté maintenue par sentence? ce seroit donc une usurpation authorisée par jugement, il y a plus de quatre cens ans, et suivi de pocession publique depuis ce temps.

« Que sert-il d'observer que la charte du roy Dagobert portant donation des terres de Guillerval et Monarville à l'abbaie de Saint-Denis en 640, ne parle point d'Angerville? cette terre ne peut-elle pas avoir esté donnée ou acquise depuis ce temps ?

Peut on arguer le deffaut de représentation de titres originaires contre une pocession 4e plusieurs siècles, et n'est-il pas notoire que, quelque soin qu'on ait pris des archives de l'ahbaie deSaintDenis, elle a néantmoins perdu les titres primitifs de donation ou acquisition d'une grande partie des biens dont elle jouit?

« M. Delpech n'est pas bien informé de la signification du mot villa, quand il dit qu'il ne signifie qu'une métairie. Il trouvera, dans le Glossaire du sieur Ducange, que villa, dans la latinité de ce temps, signifie ville, et personne n'ignore que dans la pluspart des anciens titres, tout ce que nous apelons aujourd'huy bourgs ou villages, est appelé ville en français, et en latin villa.

« Ce n'est pas une objection plus pertinente de dire que, dans la charte du roy Dagobert, la terre de Guillerval n'est pas qualifiée de chastelnie. M. Delpech n'ignore pas, sans doute, que le mot chastelain et chastelnie ne signifioit pas alors un titre de seigneur comme à présent, mais estoit seulement, et a esté longtemps depuis, la dénomination de l'office de celuy que le seigneur establissoit pour juge dans sa seigneurie, comme font encore aujourd'huy la pluspart des villes du Perche et Normandie et les viguiers en Languedoc. Ces chastelains, mesme anciennement, n'exerçaient, pour la pluspart, que la basse justice. Aujourd'huy, le mot de chastelnie est le titre des seigneuries qui ont leur rang immédiatement au-dessus des hauts justiciers ordinaires. Il signifie mesme souvent l'enclave et détroit de justice apartenant au seigneur chastelain; comme les mots de prévosté et viguerie. Cette dénomination de chastelain a esté prise du mot chastel ou chastelet, c'est-àdire le chasteau où est le siège principal de la seigneurie. Et depuis que la chastelnie est regardée comme titre de dignité entre les seigneuries, les dames de Saint-Louis ont l'avantage que la seigneurie de Guillerval, Monerville et Angerville est qualifiée du titre de chastelnie dans un titre public et incontestable, qui est le procès-verbal de la rédaction des coustumes d'Estampes, fait il y a cent cinquante ans.

« Ainsy, M. Delpech est également destitué de moiens, soit pour establir sa prétention, soit pour contester le droit qui apartient aux dames de Saint-Louis.

« Si l'on examine le titre qui doit fonder la qualité de sei gneur, il est justifié au procès que la justice sur plus des trois quarts du bourg d'Angerville, l'esglise et toutes les rues, apartient aux dames de Saint-Louis seules, à l'exclusion de M. Delpech, et spécialement qu'il n'y a que le juge des dites dames qui puisse connoistre des affaires de la communauté du dit bourg. Si l'on examine la pocession, l'on trouve un ancien estat certain pour les abbez de Saint-Denis. La tentation que les seigneurs de Mérinville ont voulu faire dans la suite pour usurper la qualité de seigneur d'Angerville, et qui a esté contestée, desquelles à part se trouve parfaitement détruite tant par l'ancien que par le dernier estat contraire et incontestable.

Il doit donc demeurer pour constant que M. Delpech n'a ny titre ny pocession valable pour s'arroger avec elles cette qualité.

« Sur la deuxième question, concernant le droit de minage qui se paie par tous les habitans d'Angerville, M. Delpech, sentant d'abord la force de la fin de non recevoir, qui résulte contre luy de ce qu'il conteste pour la communauté des habitans d'Angerville un droit que la communauté ne conteste point, et de ce que, sans estre luy-même sujet à ce droit, il s'érige en libérateur de ceux qui y sont sujets, mais qui ne se plaignent pas, mesme ceux qui ne sont ny dans sa justice ny dans sa censive, tasche d'excuser ce procédé extraordinaire par deux raisons : l'une tirée du droit de péage qu'il lève sur les marchandises passantes et repassantes par le bourg d'Angerville, ce qui fait, dit-il, qu'il a intérest qu'il ne soit pas levé d'autres droits sur les habitans; l'autre tirée de ce qu'une partie des dits h.abitans estant justiciables de sa chastelnie de Mérinville, il a titre suffisant pour les dcffendre.

« Cette dernière raison, qui est la plus spécieuse, mais qui n'opère pas un moyen au fond, comme les dames de SaintLouis l'ont fait voir dans leurs contredits, ne pouvait rendre

l'action de M. Delpech recevable que pour ce qu'il y a d'habitans justiciables de M. Delpech dans Angerville, qui ne font au plus qu'un cinquiesme du dit bourg, et non pour ce qui regarde la communauté des dits habitans qui sont dans la seigneurie des dames de Saint-Louis. Cependant, M. Delpech a conclu, par son inventaire de production et par une requeste expresse du 9 septembre 1705, à ce qu'il fust fait deffense aux dites dames de Saint-Louis de lever le droit de minage tant sur les habitans d'Angerville, sujets et justiciables de la chastelnie de Mérinville, que sur les autres habitans du dit lieu d'Angerville. Il conclut donc aussi pour la descharge de ceux qui ne sont point de sa justice. La communauté des dits habitans est dans la seigneurie et justice des dames et ne se plaint point : par conséquent, la fin de non recevoir reste à cet égard entière contre M. Delpech.

« A l'égard de la raison tirée du péage que lève M. Delpech sur les marchandises qui passent dans Angerville, elle ne peut jamais luy servir de prétexte pour contester le droit de minage apartenant aux dames de Saint-Louis, parce que ce droit de minage n'a rien de commun avec le droit de péage, qui n'émane ny de la seigneurie ny de la justice sur le lieu, mais doit émaner d'une concession expresse du roy et se lever principalement sur les marchands forains qui vont ou viennent de Paris à Orléans.

« La fin de non recevoir estant ainsy restablie en son entier contre M. Delpech, il faut examiner les moiens qu'il proposo au fond pour dépouiller les dames du droit de minage.

« Les dames de Saint-Louis ont justifié au procès la pocession constante et immémorialle en laquelle elles sont de la perception de ce droit sans aucun trouble de la part des habitans d'Angerville, et elles ont fait voir dans leurs contredits que, suivant la disposition des ordonnances du roiaume et des arrests du conseil, cette pocession est suffisante pour les y maintenir sans qu'elles soient obligées de raporter le titre constitutif du dit droit.

« M. Delpech ne pouvant pas dénier le fait de cette pocession, tasche d'en attribuer l'origine aux lettres obtenues en 1609, par les habitans d'Angerville, pour l'establissement d'un marché dans le dit bourg, et en infère que les dits habitans aiant esté déboutés de l'effet et entérinement des dites lettres par arrest du Parlement de Paris du 8 juin 1624, les abbez de Saint-Denis n'ont pu continuer, au préjudice de cet arrest, la perception du droit de minage qu'ils n'avoient establi qu'à l'occasion du dit marché; qu'en effet les dames de Saint-Louis ne sçauroient aporter d'actes de pocession de ce droit avant l'année 1609; et que le nommé Pierre Fauvet, fermier de l'abbaie de Saint-Denis à Angerville, lors du dit arrest de 1624, ayant voulu, peu après cet arrest, continuer la perception de ce droit de minage dans Angerville, nonobstant qu'il n'y eust point de marché, le seigneur de Mérinville prit une commission du Parlement, en vertu de laquelle il fit assigner le dit Fauvet le 15 septembre 1625, pour se voir faire deffenses de percevoir les droits de minage sur les grains portés et conduits au bourg d'Angerville: ce qui fait voir, dit-on, que l'on regardoit l'usurpation du droit de minage comme une contravention à l'arrest de 1624. Enfin, M. Delpech fortifie cette présomption en posant pour principe que le droit de minage ne peut estre levé qu'aux lieux où il y a establissement de foires et marché sur les grains qui se vendent seulement dans les marchés, et qu'il n'y a ny loi, ny arrest, ny exemple qui authorise la perception de ce droit sur les grains qui se vendent par les partie culiers hors les marchés et dans leurs maisons.

« Si le conseil de M. Delpech avoit bien voulu examiner les documens et les arrests sur la mesure et la perception du droit de minage, il auroit trouvé qu'il y a des ordonnances, des arrests et par conséquent des exemples qui authorisent la levée de ce droit sur les grains qui se vendent par les particuliers hors le marché, dans leurs maisons et greniers, et se seroit sans doute abstenu d'avancer avec confiance une proposition contraire.

« Les dames de Saint-Louis pouvoient se contenter de répondre qu'il n'y a ny loi, ny texte de coutume, ny ordonnance, ny arrest qui establisse qu'un droit de minage ne puisse estre levé que sur les grains qui se vendent dans les marchés, et qui fasse deffenses de le percevoir sur les grains qui se vendent par les habitans hors le marché et dans leurs maisons ; qu'ainsy, pour maintenir les dites dames dans leur pocession, il suffit qu'elle ne soit condamnée par aucune loi.

« Mais leur deffense n'est pas réduite à cette proposition négative ; il est facile de monstrer, par plusieurs authorités et exemples, qu'un droit de minage peut estre levé sur les grains qui se vendent hors les marchés et dans les maisons des particuliers.

« Si M. Delpech veut se donner la peine de lire les ordonnance faites par M. le duc de Bouillon pour la seigneurie de Sedan et ses dépendances, en 1568, il y trouvera une disposition expresse portant que le droit de minage est dubs au dit seigneur par toutes les personnes vendant grains, soit en la halle soit ailleurs, en la ville et faubourgs de Sedan, et tant à jours de marché qu'autres jours ; laquelle disposition est d'autant plus remarquable que, pour la rédaction de ces ordonnances, M. le duc de Bouillon prit le temps que quelques-uns des plus célèbres avocats du Parlement de Paris et des notables personnages en l'estude des loix de ce roiaume, entre autres J'illustre Pithou , s'estoient réfugiez à Sedan pour y continuer leurs ouvrages à l'abry des troubles et tumultes que les religionnaires commençoient d'exciter dans le roiaume. De là vient que ces ordonnances ont esté rédigées, pour la pluspart, en conformité de nos usages. On les a mesme imprimées avec la signature de quatorze personnes que M. de Bouillon avoit à cet effet apelé en son conseil, entre lesquelles est celle du sieur Pithou.

« Mais il n'est pas besoin d'aller chercher, dans les usages de Sedan sous les ducs de Bouillon, l'exemple d'un droit de minage sur les grains pris et vendus hors les marchés : on

trouve, dans le recueil de M. Barnabe, un arrest célèbre du 9 aoust 157, qui a confirmé les saisies faites à la requeste des abbesses et religieuses de Maubuisson, pour un droit de minage à elles apartenant sur les grains qui se vendent dans toute la ville et faubourg de Pontoise, et a condamné les manans et habitans de la dite ville et faubourg à paier ce droit sur les grains par eux vendus et mesurés soit au marché de la dite ville, soit daus les maisons et greniers.

« Il n'est donc pas vray qu'il ne puisse y avoir de droit de minage perçu ailleurs que dans un marché ; et l'authorité du aieur Billon, advocat, que l'on dit estre de ce sentiment dans le commentaire qu'il a donné sur la coustume d'Auxerre en 1693, n'est point assurément comparable à l'authorité d'un arrest, ny mesme à l'opinion des sieurs Pithou, Duham, Delalouëtt et autres, qui, travaillant à la rédaction des ordonnances de Sedan, ont cru que le droit de minage apartenant au seigneur de Sedan pouvoit estre levé dans tous les endroits de la ville et faubourgs de Sedan, c'est-à-dire chez tous les particuliers où il se vendoit des grains, et les jours qui ne sont pas des marchés.

« C'est une illusion de dire, comme l'on a fait de la part de M. Delpech, qu'il n'est pas possible d'authoriser la perception d'un droit de minage sur les grains qui se vendent dans les maisons, par ce, dit-on, que les ordonnances de Louis XI, en 4482, et de François 1er, en 1531, ne permettent la vente des grains qu'en plain marché, et regardent comme abusives celles qui se font dans les maisons ou greniers, hors les marchés publics.

« M. Delpech nignore pas, sans doute, que ces ordonnances, qui ne regardent que la vente des bleds, n'ont esté faites que dans des temps de stérilité et rareté de grains ; et qu'afin que personne n'en pust faire aplication à un autre cas, le mesme roy François Ier en prist la précaution de s'en expliquer par une disposition expresse dans son ordonnance du 3 mars 1535, dont le préambule est conçu en ces termes : « Comme cy-de-

« vant, après avoir esté averti de la grande stérilité et faute de « bleds qui estoit en celuy nostre roiaume; craignant que nos « sujets ne tombassent en nécessité, nous eussions, pour obvier « aux transports d'iceux et pour le bien et soulagement du « pauvre peuple, ordonné qu'ils fussent doresnavent vendus et « distribuez aux marchez et lieux publics destinez à vendre « bled, et non ailleurs, et, sur ce, fait faire certaines prohi« bitions et deffenses : et soit ainsy que, graces à Nostre Sei« gneur, en nostre roiaume il en aist de présent telles quantité « et abondance, qu'il n'est à craindre que nos sujets en puissent « avoir disette, désirant les relever de la perte, dépens et la« beurs qu'ils ont de porter leurs bleds ès dits marchez, etc. »

En conséquence, le dispositif porte : « Leur avons permis et « permettons que, jusqu'à ce qu'autrement il en soit ordonné, « ils puissent vendre leurs grains et où bon leur semblera, « tout ainsi qu'ils faisoient auparavant les dites deffenses. »

Et l'ordonnance du 20 juin 1539, qui répète la mesme permission à tous les sujets du roy, « de vendre et revendre leurs « grains tout ainsi que bon leur semblera, » ajoute : « en « paiant les droits pour ce deus et accoutumez, aux lieux et « aux personnes auxquels ils sont deus d'ancienneté. »

« C'est ce que l'on trouve encore répété dans l'article 12 de l'ordonnance faite en 1567 par le roy Charles IX, et de celle faite en 1577 par le roy Henri III, pour la police générale du roiaume et de la police pour les grains ; lequel article porte que, « en temps de cherté ou doute d'icelles, les officiers de « la police feront deffenses, à tous les habitans des villes, de « ne vendre grains en greniers, ains seulement ès halles, « marchez et places publiques, aux jours et heures accoutu« mez. » Et le mesme article adj ouste que, « hors ces temps, « ne sera loisible vendre grains aux dits greniers, sinon au « prix du dernier marché. »

« Il est donc loisible d'en vendre dans les maisons et greniers particuliers hors le temps de la cherté, pourveu qu'on les vende au prix du dernier marché. Et c'est la raison pour

laquelle l'arrest de 1572, en confirmant aux religieuses de Maubuisson leur droit de minage, n'a pas fait difficulté de condamner les habitans de la ville et faubourgs de Pontoise, à paier ce droit sur les grains vendus dans leurs maisons et greniers comme sur ceux vendus au marché. Il y a mesme actuellement dans le roiaume un usage si notoire sur cette liberté, qu'il n'y a ny raison ny convenance de la contester.

« Aussi M. François Ragneau, dans son indice expliquant la signification du droit de minage, se contente de remarquer que « c'est le droit que le seigneur prend sur la mine de grain « pour le mesurage, » et n'adjouste point que ce droit ne puisse se lever que dans le marché, le jour qu'il se tient. La mesme définition se trouve raportée dans M. Jean Bacquet, Traité des droits de justice, chapitre XXVII, sans dire que ce droit ne puisse estre perçu que dans les marchez. Et bien loin que M. Jean Bacquet, en cet endroit, soit d'avis que la droit de minage est purement royal, domanial, comme M. Delpech l'insère dans ses salvations, il est d'avis, au contraire, que le droit de poids et mesures, d'où émane celuy de mesurage ou minage, peut apartenir aux seigneurs hauts et moiens justiciers dans leurs terres. On trouvera bien que, raportant en ce chapitre une cause agitée entre la dame de Fondeville, qui prétendoit un droit de mesurage dans un village près d'Honfleur, où elle avoit justice, et M. de Montpensier, qui revendiquoit ce droit comme seigneur supérieur à cause de la vicomté d'Ange, et subrogé aux droits du roy qui luy avoit cédé ce domaine en eschange de plusieurs seigneuries assises en Flandre, M. Jean Baquet observe que M. le procureur général soutint, en cette cause, que le droit de poids et mesures et conséquemment celuy de mesurage, apartenant au roy comme domanial, n'avoit pu estre compris dans le transport fait à M. de Montpensier ; mais la dite dame s'estant deffendue de cette proposition, et remonstré que non-seulement grand nombre de seigneurs particuliers estoient en pocession des droits de poids, mesures et minage dans leurs terres, mais qu'il y

avoit plusieurs dispositions expresses de coustumes, dans le roiaume, qui attribuent le droit de poids et mesures mesme au moien justicier, il intervint arrcst, le 21 juin <554, qui apointa les partyes et adjugea par provision le droit de mesurage à la dame de Fondeville, pour le regard des victuailles : après tous lesquels muiens amplement déduits, M. Jean Bacquet conclut que le droit de poids et mesures peut apartenir aux seigneurs hauts ou moiens justiciers dans leurs terres.

« Il est certain que le droit de mesurage ou minage procède de celuy de connoistre des poids et mesures dont les vassaux et justiciables du seigneur usent pour le commerce de leurs grains et victuailles dans l'estendue de sa seigneurie. Il faut donc convenir que les seigneurs particuliers qui ont titre ou sont en pocession de jouir de ce droit dans leurs terres, sont bien fondez à s'y maintenir sans que ce droit puisse estre réputé roial et domanial, si ce n'est dans les terres ou domaines du roy où il a coustume de se lever.

« Il est vray que ce droit n'est pas une dépendance nécessaire de la justice et féodalité, c'est-à-dire que tous les seigneurs aiant justice ne sont pas en droit d'en jouir, mais seulement quand ils ont titre ou pocession à cet effet.

« M. Delpech prétend que la pocession ne suffit pas et qu'it faut un titre pour assurer la perception de ce droit, parce qu'on le considère comme une pure servitude qui ne peut s'acquérir sans titre, ce doit estre un titre exprès qui est une concession du roy par lettres patentes registrées ou un titre tacite, qui est un aveu et dénombrement reçu en la chambre des comptes sans réserve ny protestation contraires de la part de M. le procureur général de la chambre, ou enfin une reconnoissance des habitans, ou autre titre valable passé entr'eux et le seigneur.

« Pour establir cette proposition, M. Delpech ne raporte point d'autre authorité que l'avis de M. Billon en son commentaire sur l'article 4 de la coustume d'Auxerre, et il auroit pu observer que l'unique raison sur laquelle cetautheur fonde cette opinion est, dit-il, que Bacquet, au Traité des droits de

justice, chapitre XXVII, numéro 6, tient que le droit de mesurage ou minage est purement roial et domanial : « ainsi, adjouste cet autheur, on peut dire qu'il ne su (Ht pas à un seigneur d'avoir une pocession. » Dans le fait, il n'est pas véritable que Bacquet tienne le droit de mesurage ou minage estre purement roial et domanial, comme il a esté expliqué cydessus et comme on le peut voir à l'endroit cité. Ainsi, cet autheur s'estant trompé dans le fait qu'il emploie pour tout fondement de son avis, il s'ensuit que l'induction qu'il en a tirée est fausse et sans fondement; aussy ne l'apuye-t-il par aucune authorité de loy, ny préjugé, ny sentiment de docteur tel que ce puisse estre.

« Les dames de Saint-Louis ont establi, dans leurs contredits, la différence qu'il faut faire entre un droit seigneurial comme celuy dont il s'agit et les véritables servitudes pour lesquelles il a esté inséré dans plusieurs coustumes une disposition portant que nulle servitude ne peut s'acquérir sans titre.

Elles ont fait voir, par les termes, par l'ordre des titres des coustumes et par les arrests mesme du conseil, que c'est aller contre l'esprit et la disposition expresse des coustumes d'apliquer cette maxime aux droits seigneuriaux, comme sont ceux de minage ou bannalitif. C'est ce que le conseil a nettement jugé en faveur des dames de Saint-Louis, contre les habitans de Nogent-sur-Seine, par arrest solennel du 30 mars 1701, ce qu'elles ont establi dans leurs contredits d'une manière si démonstrative que M. Delpech n'a pas jugé à propos d'y répondre dans ses salvations. C'est pourquoy les dames n'en répéteront rien icy ; elles se contenteront de suplier très-humblement le conseil de vouloir bien en prendre lecture.

« Elles ont adjousté la disposition des ordonnances du roiaume, qui veulent que les communautez ecclésiastiques soient maintenues dans la jouissance de tous les biens et droits, quand mesme elles ne raporteroient que des actes et preuves de leur pocession, par exhibition d'anciens baux et autres documens.

« M. Delpcch prétend que les dames de Saint-Louis ne sont pas dans le cas de profiter de cette disposition d'ordonnance, parce qu'elle est fondée sur la présomption que, pendant les troubles de la religion dans le roiaume, les titres des esglises ont esté bruslez, mais que les chartes de l'abbaie de SaintDenis n'ont jamais esté bruslez, puisqu'on y a conservé jusqu'à présent celle du roy Dagobert, et qu'ainsi, le motif de la loy cessant, sa disposition doit aussy cesser.

« La réponse est que le motif des troubles causés dans le roiaume par les guerres de religion, n'est escrit dans aucune des ordonnances qui dispensent te” ecclésiastiques de représenter les titres constitutifs des droits apartenant à leurs esglises et bénéfices pour s'en conserver la pocession ; l'on y trouve seulement énoncé la remonstrance que les ecclésiastiques ont faite de la perte de leurs titres advenue par l'injure des temps, ce qui ne s'aplique pas seulement aux incendies causés par les guerres de religion, mais à tout autre accident par lequel d'anciens titres peuvent estre perdus ou déchirez aux archives durant un long espace de temps.

« Quoique les chartes de l'abbaie de Saint-Denis n'ayent pas esté bruslez, il est néantmoins certain que cette abbaie a perdu un grand nombre de ses titres, soit par la négligence d'aucuns officiers, soit par l'avarice d'autres qui s'en sont emparez à mauvaise intention., ou par une infinité d'autres afflictions qui arrivent dans le cours de plusieurs siècles.

Ainsi, la dite abbaie est d'autant plus dans le cas de profiter de cette disposition d'ordonnance, qu'elle est une des plus anciennes du roiaume. C'est aussy ce que le conseil a récemment jugé au profit des dames de Saint-Louis, par le dit arrest qui les a maintenues en pocession de la bannalité de four de Nogent-sur-Seine, quoiqu'elles n'en raportassent point le titre constitutif ny mesme aucun aveu et dénombrement, mais seulement des baux et sentences qui en justifioient la pocession.

« M. Delpech adjousto qu'en tout cas, ces ordonnances n'ont pas l'effet d'authoriser les ecclésiastiques à prescrire contre

leurs titres ; mais cette objection ne peut avoir d'aplication au procès, puisqu'on ne voit point le titre en vertu duquel l'abbaie de Saint-Denis possède la seigneurie d'Angerville.

« Il faut dire la mesme chose de l'objection que fait M. Delpech, que les ecclésiastiques ne sont confirmés dans leur pocession par les ordonnances, qu'autant qu'elle ne dégénère point en abus et n'est point contraire au droit public. Ce principe est vray, mais n'a aucune aplication au procès, puisque les dames de Saint-Louis ont fait voir que la vente des grains par les particuliers, dans leurs maisons et greniers, est expressément permise par les ordonnances, et qu'en conséquence la pocession du droit de minage sur les grains qui se vendent dans les maisons et greniers, bien loin d'estre contraire au droit public, est expressément authorisée par les arrests.

« L'argument que M. Delpech prétend tirer en sa faveur, de ce qu'il n'y a point de marché establi dans Angerville, est pareillement inutile, puisque le droit de minage peut estre perçu sur les grains qui se vendent hors les marchez publics, qu'il y en a plusieurs exemples, et qu'il n'y a aucune loy qui dise le contraire.

« Pour ce qui est de la nature de la pocession des dames de Saint-Louis dans la perception de ce droit, laquelle pocession M. Delpech prétend n'esfrc pas constante, immémorialle et sans trouble, les dames de Saint-Louis soutiennent le contraire avec grande raison, et en effet leur pocession est si constante, que M. Delpech ne sçauroit le dénier. C'est un fait notoire et public dans le lieu d'Angerville. Elle est immémorialle, puisqu'on n'en voit l'origine ; et c'est sans raison qu'on la veut attribuer aux lettres patentes obtenues en 1609 par les habitans d'Angerville pour l'establisserncnt d'un marché dans le dit bourg, puisqu'il ne paroist aucunement que ces lettres patentes, référées dans le veu de l'arrest de 1624, fissent mention de droit de minage, et qu'il n'y a pas mesme d'aparence que les dits habitans, au nom desquels elles sont obtenues, y eussent demandé l'imposition d'un nouveau droit sur une mesure.

« M. Delpech, pour attribuer l'origine du droit de minage aux dites lettres patentes de 1609, produit trois 'pièces sous la cotte DD des productions nouvelles.

« La première, en datte du 8 juillet <625, est une commission prise au Parlement de Paris par le sieur Desmontiers, à deux fins, l'une pour y faire assigner les officiers de la justice de l'abbaie de Saint-Denis à Angerville, sur l'apel interjette par le dit sieur Desmontiers d'une sentence par eux rendue le 27 juin précédent, qui avoit débouté le procureur fiscal de Mérinville du renvoy par luy requis d'une demande en retrait lignager, portée devant les dits officiers de la justice de SaintDenis à Angerville par un particulier que le seigneur de Mérinville prétendoit estre de sa justice ; et l'autre pour faire assigner Je nommé Pierre Fauvet, l'un des habitans d'Angerville, « pour se voir faire deffenses de plus lever et prendre le « droit de minage qu'il s'efforçoit chacun jour de prendre et « lever, sur les grains portez et conduits chaque jour au dit « Angerville, qui s'y vendent pour la commodité publique, et « estre condamné, par emprisonnement de sa personne, à en « rendre les fruits et levées au demandeur, à raison de 400 li« vres par an depuis qu'il a levé le dit droit. »

« La seconde pièce, en datte du 14 septembre 1625, est l'assignation donnée au dit Fauvet en conséquence de la commission.

« Et la troisième, sans datte, est un projet ou copie d'avertissement à fournir et produire et faire, par ledit seigneur de Mérinville contre ledit Fauvet, pour raison de cette demande.

Desquelles pièces M. Delpech prétend inférer que le droit de minage apartenant aux dames de Saint-Louis dans Angerville n'a esté introduit qu'à l'occasion du marché qu'on avoit tenté d'y establir, puisque depuis l'nrrest de 1624, qui avoit débouté les habitans d'Angerville de l'effet et enthérinement des lettres patentes par eux obtenues pour l'establissement d'un marché dans le bourg d'Angerville, le seigneur de Mérinville a fait assigner, en contravention du dit arrest, le nommé Fauvet,

qui continuoit de lever le droit de minage dans Angerville, comme s'il eust encore esté deu.

« Trois observations détruisent entièrement l'induction que l'on veut tirer des pièces contre les dames de Saint-Louis : « La première est, que dans toute cette procédure, on ne voit point que le seigneur de Mérinville ayt soutenu, commf fait M. Delpech, que les habitans d'Angerville ne deussein pas paier le droit de minage; mais il paroist que sa prétention estoit que la levée de ce droit dans Angerville devoit tourner à son profit. C'est ce qui résulte clairement des termes dans lesquels la demande est conçue, et dont le demandeur s'expliquoit dans le projet d'avertissement. Le sieur Desmontiers conclut, par son exploit, à ce que Fauvet, qui avoit levé ce droit, fust condamné, par emprisonnement de sa personne, à luy en rendre les fruits, à raison de 400 livres par an depuis qu'il a pris et levé le dit droit, et en ses dommages et intérests.

Et dans le projet d'avertissement, le dit sieur Desmontiers explique, pour moien de sa demande, qu'en sa chastelnie de Mérinville, qu'il dit avoir son estendue dans Angerville, il a entre autres droits le droit de minage et mesurage des grains qui se vendent en sa dite chastelnie, aux foires et marchez et autres jours.

« Ce n'est pas dire, comme fait M. Delpech, qu'il ne doit point estre levé de droit de minage dans Angerville; c'est seulement vouloir que la levée s'en fasse au profit des seigneurs de Mérinville. Il paroist mesme que le seigneur de Mérinville pensoit alors fort différemment de ce que M. Delpech avance dans ses salvations, que les grains ne peuvent estre vendus ny le droit de minage perçu que dans les marchez, puisque le dit sieur Desmontiers énonçoit en termes exprès, dans le dit avertissement, qu'il avoit droit de lever ce droit de minage sur les grains qui se vendoienl, dans l'estendue de sa chastelnie, aux foires et marchez et autres jours.

« Aujourd'huy M. Delpech veut bien reconnoistre qu'il ne prétend pas ce droit.

« La seconde observation est que cette procédure n'a point esté faite avec l'abbé de Saint-Denis, à qui seul apartenoit la perception du droit de minage dans Angerville. Il n'est point dénommé dans cette demande ny assigné sur icelles : ainsy ce ne pouvoit estre qu'une procédure collusoire.

« Et la troisième observation est. que cette procédure n'a esté suivie d'aucun jugement, quoiqu'il y ait eu, depuis ce temps, un arrest rendu contradictoirement entre le seigneur de Mérinville et l'abbé de Saint-Denis, sur les apellations inlerjettées par le dit seigneur de Mérinville, des sentences rendues, par le juge de l'abbé de Saint-Denis, entre des habitans d'Angerville; la première desquelles apellations estoit relevée par la mesme commission qui contient à la fin cette demande particulière contre le nommé Fauvet, concernant le droit de minage.

« Cet arrest est celuy du 25 janvier 1631, qui ordonne qu'avant procéder au jugement des apellations, il sera fait une descente au bourg d'Angerville, pour monstreret enseigner les tenans et aboutissans des maisons sises audit Angerville, prétendues par le dit Desmontiers estre en sa justice à cause des fiefs relevant de sa chasteinie de Mérinville. L'on trouve énoncé entre autres, dans le veu de cet arrest, le dit relief d'apel du 8 juillet 1625; mais Fauvet ne se trouve point dans les qualitez du dit arrest ; et dans le veu ny dans le dispositif de cet arrest, il n'est pas dit un mot du droit de minage ny de la demande formée contre le dit Fauvet, soit afin de deffenses de percevoir le minage, soit afin de restitution de ce qui en avoit esté perçu.

On peut observer mesme qu'encore que M. Delpech se trouve avoir exactement entre les mains toute cette procédure, jusqu'à un brouillon d'avertissement plein de ratures et d'interlignes, écrite de différentes mains et en différens temps, il ne fait pas néantmoins aparoir des deffenses qui doivent avoir esté fournies par le dit Fauvet sur cette demande, en sorte que l'unique fait certain qui résulte des dites pièces est que, lors et depuis l'arrest de 1624, le droit de minage se levoit dans Angerville.

Il est justifié au procès que, depuis ce temps, l'abbé de SaintDenis a continué de lever le dit droit comme auparavant. Ainsy, ce prétendu trouble que le sieur Desmontiers n'a osé poursuivre et qui n'a point empesché la continuation de la jouissance dudit droit, ne sert qu'à prouver et confirmer davantage la pocession de l'abbé de Saint-Denis dans la perception du droit de minage à Angerville.

« Les dames de Saint-Louis tirent encore un second avantage des dites pièces, ce qui est important à observer, c'est qu'il paroist, par les termes dans lesquels le sieur Desmontiers s'explique, soit dans l'exposé, soit dans les fins de sa commission, qu'il ne prétendoit point et n'a jamais prétendu la justice universelle dans Angerville, mais seulement une extension de sa justice de Mérinville sur quelques habitans du dit Angerville demeurant dans des maisons qui sont de la censive des fiefs particuliers relevant de Mérinville.

« Le seigneur de Mérinville expose luy-mesme, dans cette commission , « que les droits de justice qu'il a au dit An« gerville s'estendent sur les tenanciers et censitaires de la c censive dite de Lestourville, relevant en foy de l'exposant, » et l'on a divisé en interlignes d'une autre encre, et en temps différejls, « les censitaires de Brigeolet relevant du sieur « d'Ouestreville. » Puis il conclut, par la mesme commission, à ce que deffenses soient faites, aux officiers de la justice de l'abbaie de Saint-Denis, de plus le troubler dans ses droits de justice à Angerville, « ny prendre connoissance des causes de « ses justiciables, qui sont les dits censitaires de Brigeolet, « Lestourville et autres mentionnés au procès; et deffenses aux « justiciables et censitaires susdits, de plus, par intelligence < ou autrement, procéder par devant les officiers de l'abbé de « Saint-Denis, ny les reconnoistre. »

« Il est certain que ce langage n'est point celuy d'un seigneur qui prétendroit la seigneurie et justice universelle du bourg d'Angerville, mais, au contraire, ce sont des expressions qui limitent et renferment la prétention du seigneur de Mérin-

ville à prétendre la justice du dit Mérinville seulement sur certains habitants d'Angerville, qui sont censitaires des fief particuliers de Brigeolet et Lestourville relevant de la chastelnie de Mérinville. C'est la raison pour laquelle, par l'arrest contradictoire qui intervint ensuite entre les parties en 1631, la cour désirant connoistre précisément quelle estendue de justice le seigneur de Mérinville pouvoit prétendre dans Angerville, ordonne que par devant six anciens du lieu convenus entre les parties ou nommés d'office par les commissaires de la dite cour, le seigneur de Mérinville montrera et enseignera les tenans et aboutissans des maisons sises au dit Angerville, par luy prétendues estre en sa justice à cause des fiefs relevant de la dite cliastelnie de Mérinville. C'est donc une justice limitée à l'estendue de quelques fiefs particuliers dans Angerville, mais qui ne comprend point les fiefs et seigneuries du bourg d'Angerville, suivant la reconnoissance mesme des prédécesseurs de M. Delpech, par la manière dont ils se sont expliqués dans les livres de cette procédure nouvellement produite.

« Ainsy, les dames de Saint-Louis suplient très-humblement le conseil d'observer que non-seulement ces pièces ne peuvent servir une induction que M. Delpech en prétendoit tirer, mais encore que les dames sont en estat de s'en servir avec avantage contre M. Delpech, pour monstrer que suivant ses propres titres, il est mal fondé à prendre la qualité de seigneur d'Angerville.

« Enfin, la pocession de l'abbé de Saint-Denis, pour la perception du droit de minage dans Angerville, est paisible et sans trouble, puisque la communauté des habitans d'Angerville n'a jamais contesté le droit et ne le conteste point encore. S'il y a des sentences rendues par le juge de l'abbé de Saint-Denis, c'est contre des particuliers seulement, et sur des contestations qui estoient aparemment sur le plus ou le moins de grain qui avoit esté vendu par le particulier en fraude du droit de minage, ce qui ne sert qu'à prouver la paisibilité de la pocession

du dit droit : et l'on peut ajouter que, quand mesme le droit auroit esté contesté par des particuliers, les sentences contradictoirement rendues contre eux, et qui ont passé depuis en force de chose jugée, ne feroient que confirmer d'autant plus la dite pocession, bien loin de luy donnor atteinte suivant la disposition de la loy, 34 ff de Legibus. Senatus consul de longe consuetudine.

« N'est-ce pas uno véritable illusion que l'apel que M. Delpech interjette aujourd'huy de ces sentences, qui sont des années 1648, 1656 et 1666, qui ne regardent ny luy ny ses autheurs, et qui ont passé depuis ce temps en force de chose jugée et dont l'effet est consommé par une pleine et entière exécution?' Si les particuliers mesme contre lesquels elles ont esté rendues ne seroient point aujourd'huy recevables en un apel, à plus forte raison M. Delpech ne peut-il pas estre roceu. Il est sans intérest et sans moien pour les attaquer.

« Reste la dernière question, en laquelle M. Delpech sou” tient qu'en tout cas les dames de Saint-Louis ne sont pas bien, fondées à exercer ce droit sur les habitans d'Angerville, justiciables de M. Delpech à cause de la justice de Mérinville qui s'estend.dans un petit canton du bourg d'Angerville.

« Pour establir cette proposition, il emploie ce que les dames do Saint-Louis ont dit dans leurs contredits, que le droit de minage procède communément du droit qui apartient aux seigneurs aiant justice, d'avoir l'estalonnage, visite et connoissance des mesures dont leurs vassaux et justiciables sont obligez d'user dans le commerce des grains et victuailles, pour le mesurage desquels plusieurs seigneurs sont en pocession de percevoir une certaine redevance en grains ou en argent par chacune mesure : d'où M. Delpech infère que si ce droit procède de la justice, il ne doit pas avoir plus d'estenduc que la justice du seigneur qui en jouit, etqu'ainsy, vouloir de la part des dames de Saint-Louis estendre la perception de ce droit sur les habitans qui sont justiciables du seigneur de MIrinvilJe, c'est porter leurs prétentions jusqu'à l'excès et vouloir profiter

des usurpations commencées par les abbez de Saint-Denis, qui n'avoient autrefois aucun droit sur Angerville, puis s'en sont qualifiez seulement seigneurs en partie, et aujourd'huy les dames de Saint-Louis veulent estre dames indéfiniment, et que M. Delpech n'ait pas le droit de s'en qualifier seigneur.

« Il faut effacer d'abord cette idée d'usurpation, prétendue faite graduellement par les abbez de Saint-Denis sur Angerville, puisqu'outre la sentence rendue il y a plus de quatre cens ans, qui a maintenu les abbez et religieux de Saint-Denis en son droit de justice sur Angerville, et qui est énoncée dans la sentence de 1600 produite par M. Delpech, il est prouvé au procès que les abbez et religieux de Saint-Denis estoient en pocession publique de se qualifier seigneurs d'Angerville indéfiniment, cent ans auparavant que les seigneurs de Mérinville eussent pensé à usurper cette qualité, et que M. Delpech se trompe dans la gradation qu'il imagine quand il dit que les abbez de Saint-Denis ont commencé par se dire seigneurs d'Angerville en partie, puisque, cinquante ans auparavant l'acte où ils ont esté ainsy qualifiez par erreur, on trouve qu'ils estoient en pocession publique de prendre la qualité de seigneurs d'Angerville indéfiniment.

« Il est vray que les dames de Saint-Louis, expliquant dans leurs contredits d'où peut procéder le droit de minage, ont dit qu'il dérive principalement du droit de mesure apartenant aux seigneurs hauts justiciers ; mais elles ont estably en mesme temps que le seigneur qui avoit ce droit dans un territoire, pouvoit l'exercer sur la totalité des habitans du dit territoire, quand mesme il s'en trouveroit qui seroient censitaires et justiciables d'un autre seigneur voisin, parce que la perception de ce droit doit estre une dans un mesme territoire, comme la perception des droits de bannalitéde four, pressoir ou moulin. C'est ce que les dames de Saint-Louis ont apuyé de plusieurs exemples authorisez par la jurisprudence des arrests du conseil et du Parlement, entre autres de celuy rendu au conseil au profit des dites dames, pour la bannalité des fours de No-

gent, le 30 mars 1701. Elles ne répéteront point icy ce qu'elles ont expliqué à cet égard dans leurs contredits ; elles espèrent que le conseil aura la bonté d'en prendre lecture.

« M. Delpech n'a pu trouver d'autre réponse à cet arrest, sinon que M. Julien Bordeau, qui en raporte deux notables sur M. Loùet, lett. M., somm. 19, num. 10, et sur l'article 71 de la coustume de Paris, 120, 26, semble dire le contraire sur le mesme article 71, num. 20.

« M. Delpech veut bien se tromper, car M. Julien Brodeau, en ce nombre 20, dit bien que les justiciables d'un seigneur haut justicier, qui n'a pas droit de bannalité dans sa seigneurie, ne peuvent, de leur pure volonté et sans son consentement, s'assujettir à la bannalité d'un seigneur voisin moiennant argent ou indemnité; mais il ne dit pas qu'un seigneur ne puisse avoir droit de bannalité sur les justiciables d'un autre seigneur, au contraire, ce qu'il dit comporte que les justiciables d'un seigneur peuvent au moins, de son consentement, estre assujettis à la bannalité d'un autre seigneur voisin.

« Il ne faut pas s'imaginer pour cela que celuy qui jouit d'un droit de bannalité sur les justiciables d'un autre seigneur soit obligé de raporter le consentement du dit seigneur, car, outre-que le deffaut de représenter ce consentement n'est pas un moien pertinent quand le droit se trouve estably par une pocession immémorialle, puisqu'en ces cas les coustumcs ne requièrent point la représentation du titre constitutif de la bannalité et se contentent des actes énonciatifs do la pocession comme sont les aveux , il faut ajouter que souvent celuy à qui apartient la justice sur quelque portion du territoire où s'estend la bannalité d'un autre seigneur, peut n'avoir acquis cette justice, par concession du roy, que longtemps depuis la bannalité de l'autre seigneur establye dans le territoire : auquel cas, il seroit absurde de vouloir que le seigneur à qui apartient la bannalité, raportast le consentement de celuy qui auroit postérieurement acquis la justice sur quoique partie des habitans sujets à la dite bannalité. Et si l'on a jugé, par le dit

arrest contradictoire du conseil du 30 mai 1701, que des habitans d'un territoire dont la justice apartient au roy, peuvent estre sujets à la bannalité d'un autre seigneur, qui ne raportoit néantmoins pas de consentement du roy, mais seulement des preuves de la pocession de ce droit de bannalité, sans en avoir mesme rendu aucun aveu ny dénombrement, à plus forte raison doit-on juger la mesme chose pour le droit de minage dont il s'agit sur la portion des habitans d'Angerville qui sont justiciables de M. Delpech, sans que les dames de Saint-Louis puissent estre obligées de raporter le consentement des autheurs de M. Delpech.

« Les dames de Saint - Louis observeront encore qu'entre l'espèce jugée à leur profit par le dit arrest du 30 mars 1704 et celle qui est présentement à juger, il se trouve deux différences qui leur sont infiniment avantageuses : « La première est que le droit de minage en question est beaucoup moins considérable que celuy de bannalité de four ; « Et la deuxième est qu'elles ont esté maintenues en pocession de cette bannalité de four dans la ville et faubourg de Nogent-sur-Seine, sans avoir aucune pocession de justice sur aucune portion du territoire où s'estend la dite bannalité : au lieu qu'elles n'ont pas simplement une portion de justice dans Angerville, mais elles ont la justice universelle sur la communauté du dit bourg. En sorte que les habitans des maisons délaissées à la justice de Mérinville sont obligez de se conformer aux règlements faits par le juge des dites dames, pour ce qui concerne les affaires communes du dit bourg. C'est le juge des dites dames qui y exerce la police, qui marque le temps de la coupe des grains, nomme des commissaires pour visiter et entretenir les puits publics, connoist des entreprises sur la voie publique, donne la permission de mettre auvens, enseignes, contrevents, et nul n'en peut avoir sans sa permission.

C'est le juge des dites dames qui entend les comptes du syndic de la communauté des habitans d'Angerville, qui connoist la levée nécessaire au paiement des debtes communes. C'est de-

vant luy qu'on assigne les marguilliers pour raison des debtes et autres affaires de l'esglise. Enfin les dites dames disposent de places vaines et vagues, et le juge les donne à cens à leur profit. Tout cela marque le droit de justice universelle sur le territoire, tel que les dames l'exerçoient dans Angerville avant la transaction du 42 avril 1701, et que M. Delpech luy-mesme l'a reconnu par la dite transaction.

« Il est certain qu'avant cette transaction, les dames de Saint-Louis estoient en pocession ancienne, paisible et uniforme de percevoir le droit de minage sur tous les habitans d'Angerville, sans distinction de ceux qui habitoient quelques maisons particulières et dispersées sur lesquelles le seigneur de Mérinville estendoit sa justice. La transaction du 12 avril n'a rien changé à cet égard et n'a pas donné aux liabitans des maisons renfermées dans le petit canton délaissé à la justice de M. Delpech, plus de prérogatives qu'en avoient auparavant les habitans de ces maisons délaissées où s'estendoit la justice du seigneur de Mérinville. Ainsy, il n'est rien arrivé de nouveau qui puisse faire perdre aux dames de Saint-Louis l'avantage de leur pocession pour la perception de leur droit de minage dans toute l'estendue du dit bourg.

« n. Delpech finit ses observations en répétant que le respect pour les personnes qui protègent la maison de Saint-Louis lui a fait accorder plusieurs avantages aux dites dames par la transaction du 12 avril 1701 ; et comme il a bien senti que toutes les pièces du procès servent à justifier le contraire, il ajoute que si les dames de Saint-Louis prétendent que les avantages de cette transaction soient du costé de M. Delpech, cette idée doit cesser par les offres qu'il fait de s'en désister et estre remis au mesme estat qu'il estoit avant la dite transaction.

« A quoy les dames de Saint-Louis ne croient pas devoir répondre autre chose, sinon que si elles n'acceptent pas ses offres, ce n'est pas pour aucune utilité qu'elles tirent de la transaction, mais pour ne pas tomber dans une involution de

procès avec M. Delpech, qui, par la manière dont il s'est conduit pour susciter celuy-cy, leur a apris à n'en pas désirer d'autres avec luy.

« Partant, persistent les dites dames aux conclusions par elles cy-devant prises et demandent dépens.

« Religieux NOUET. »

Les affaires allaient s'envenimant de plus en plus. Pauvre Angerville! elle faisait couler non pas des flots de sang, rassurez-vous, mais des flots d'encre. Les mois ne se comptaient plus que par assignations, requêtes, contredits, et jamais on ne vit larrons disputer avec plus d'acharnement leur part de butin. Non contents des fameux mémoires que les parties avaient produits en mars et en mai 1706, au mois de juin de la même année, le haut châtelain de Méréville adressa à Nosseigneurs du grand conseil du roi une autre production non moins étendue que la précédente. Nous résumerons, le mieux qu'il nous sera possible, les longs débats, les suprêmes agitations et de monseigneur Delpech et de mesdames de Saint-Cyr.

Ce faisant, nous croyons épargner au lecteur bien des redites qu'on reprocherait assurément à l'historien. Sans doute, il est nécessaire d'appuyer ces faits par des actes authentiques qui, en leur donnant plus de relief, plus de couleur, reportent mieux l'esprit sur la scène du passé. En entendant le langage d'une époque, on sent mieux la tournure de son esprit, et l'orthographe du temps offre elle-même un intérêt puissant.

Mais, à côté de ces qualités archéologiques dont toute histoire sérieuse doit s'entourer, il en est d'autres non moins essentielles. L'historien ne doit pas être simplement un compilateur.

Semblable aux chercheurs d'or séparant de la masse argileuse ou sablonneuse les paillettes brillantes qui, ensuite agrégées, devront produire un métal précieux, il doit, lui aussi, au milieu des documents qui l'entourent, savoir distraire les faits

(1) 14 may 1706. — Inventaire de Saint-Cyr. — Angerville, cote 1re.

marquants, les ramasser, les unir, pour former, s'il lui est possible , un tout homogène. Nous allons donc résumer les arguments avec lesquels M. Delpech réfute les assertions du défendeur que les dames de Saint-Cyr se sont choisi. Peut-être y trouverons-nous quelques documents nouveaux qui viendront démontrer une fois de plus que ce pauvre village, pour lequel les deux prétendus seigneurs se querellaient si opiniâtrement, n'appartenait ni à l'un ni à l'autre.

Après avoir, dans un exorde court mais habile, déclaré les faits avancés par l'adversaire entachés de mensonge, ses propositions pleines d'erreur, et rendu par cela même son argumentation suspecte aux juges, M. Delpech, dans son mémoire du 29 juin 4706, défendant sa qualité de seigneur d'Angerville, s'écrie : « Quoi 1 le suppliant et ses auteurs n'ont ni titre ni possession qui les autorisent à prendre, avec les abbés de Saint-Denis, la qualité de seigneur d'Angerville? - Mais, qu'est-ce donc que le décret émané du Parlement de Paris ?

Son droit d'ailleurs s'appuie sur bien d'autres titres que les dames de Saint-Cyr ne se sont pas donné la peine de lire. On prétend qu'il s'est avisé de prendre la qualité de seigneur d'Angerville pour la première fois lors de l'arrêt de 16? Hé bien! il mettra sous les yeux des procédures et arrêts qui lui donnent, bien avant, cette qualité. Après cela, ne sera-t il pas en droit de dire qu'on lui dénie à tort la qualité de seigneur d'Angerville? »

M. Delpech prend ensuite l'offensive et scrute la valeur des titres à la qualité de seigneur d'Angerville présentés par les dames de Saint-Cyr.

« Les abbés de Saint-Denis se disent seigneurs d'Angerville indéfiniment dans les procès-verbaux des coutumes de Chartres et d'Orléans. — D'abord le procès - verbal de la coutume de Chartres ne souffle mot à ce sujet. La coutume d'Orléans les désigne ainsi, en effet; mais cette coutume ne régit pas Angerville: si bien que les seigneurs de Mérinville n'y ont pas même fait acte de présence. Lorsqu'a eu lieu la

rédaction de la coutume d'Étampes, dont ressort Angerville, on les a vus au contraire, et les abbés de Saint-Denis, si hardis à la coutume d'Orléans, se sont décerné le titre modeste de seigneurs d'Angerville en partie. — Mais, objecte-t-on, le seigneur de Mérinvile n'énonce pas le bourg d'Angerville dans cette rédaction. On sait très-bien que dans les terres titrées, comme celle de Mérinville, on se contente d'énoncer le cheflieu. Ne faudra-t-il pas bientôt, en nommant un homme, articuler qu'il a des bras et une tête, sous peine de laisser présumer qu'il n'a ni bras ni tête ? »

Seconde proposition dans laquelle l'œil sagace de M. Delpech distingue deux parties : 1° les seigneurs de Mérinville n'ont osé prendre qu'une fois la qualité de seigneurs d'Anger-.

ville; 20 ils se sont gardés de jamais la reprendre, les abbés de Saint-Denis s'étant plaint aussitôt.

A la première partie de la seconde proposition, il oppose nombre de procédures survenues entre les abbés de Saint-Denis et les seigneurs de Mérinville, où ces derniers sont nommés ostensiblement seigneurs d'Angerville.

A l'encontre de la seconde, il demande s'il est besoin de raisonner pour prouver aux demanderesses leur erreur. Ses productions nouvelles attestent que depuis et avant l'arrêt de 1624, dans lequel seul, d'après les dames de Saint-Louis, les seigneurs de Mérinville auraient pris le titre de seigneurs d'Angerville, que depuis et avant ils l'avaient toujours porté.

Il a d'ailleurs l'arrêt de 1624 qui lui adjuge cette qualité.

Les abbés de Saint-Denis en ont bien appelé par voie de requête ; mais la requête est périmée, prescrite, sans avoir été jugée. La qualité de seigneur d'Angerville doit donc lui demeurer incontestablement.

Troisième proposition : Il n'a pas pris la qualité de seigneur d'Angerville dans la transaction passée entre elles et lui.

Manque-t-on de mémoire? est-on de mauvaise foi? Dans les conférences qui ont préparé la transaction, sur l'observation faite par le conseiller des dames de Saint-Louis que la ba-

ronnie et vicomte de Mérinville emportait la seigneurie d'Angerville, on convint de sous-entendre ce dernier titre; afin que cela ne pût lui préjudicier, les dames, de Saint-Louis s'abstinrent de le prendre également. Il dit vrai, la transaction en fait foi.

En matière féodale, disent les dames de Saint-Louis, il est de maxime constante qu'un seigneur dont le fief ou la justice s'étend sur partie du territoire d'une paroisse voisine, dans laquelle il a seulement une intention de justice ou censive, que ce seigneur n'est pas fondé à prendre la qualité même de seigneur en partie de cette seigneurie.

Cela est vrai, mais pour les seigneurs féodaux qui ne sont pas hauts justiciers. Au reste, hauts justiciers ou non, peu importe à la cause dont il s'agit. Le principe invoqué par les dames de Saint-Louis ne lui est nullement applicable.

Le bourg d'Angerville se compose de cinq ou six censives, qui sont comprises pour la plupart dans la seigneurie de Mérinville. Il n'y a pas de fief portant le nom de fief d'Angerville.

Dès-lors, ou bien il n'y a pas de seigneur d'Angerville, ou bien c'est au seigneur haut justicier des censives que ce titre appartient.

Qu'entendent les dames de Saint-Louis par ces mots : intention de justice? Les justiciables d'Angerville viennent plaider à Méréville, c'est vrai; mais cette particularité marque la seigneurie de Méréville comme haute seigneurie. Quand des lettres de chancellerie autorisent un nouvel acquéreur à appeler ses justiciables dans l'ancien fief, le droit de l'acquéreur n'est que mieux constaté.

On dit que les fiefs dont se compose la châtellenie de Mérinville sont énoncés dans le procès-verbal des coutumes, Angerville n'est pas mentionnée ; - Villeneuve-le-Bœuf, Trapeau, Montereau ne sont pas mentionnés non plus. Le vicomte de Méréville n'avait pas alors la propriété de ces seigneuries; il ne pouvait comparaître pour elles.

En résumé, M. Delpech base ses prétentions à la seigneurie

d'Angerville sur beaucoup plus de titres de propriété et de possession que ne le font les demanderesses. L'arrest de 1624 et son décret lui suffiraient, alors que les dames de Saint-Louis se jettent uniquement dans des déclamations et des raisonnements sur la transaction de 1701.

Passons à la question de minage.

Les demanderesses commencent par proposer une fin de non-recevoir résultant de la qualité de M. Delpech.— M. Delpech a bien le droit de s'opposer à la perception de ce droit, si ses prédécesseurs ont pu empêcher l'établissement du marché, le droit de minage n'ayant pas d'autre raison d'être que le marché ; ensuite M. Delpech n'est pas seul en cause, il y a les habitants d'Angerville qui réclament contre l'assignation à eux faite d'avoir à payer ce droit de minage. En voilà assez pour motiver le rejet de la fin de non-recevoir.

Le seigneur de Mérinville n'eùt-il pas eu la moindre autorité sur le bourg d'Angerville, il pouvait encore faire obstacle à l'établissement du marché : Angerville est à peine distant de deux lieues de Méréville, et les ordonnances défendent la création d'un marché à moins de trois lieues d'un autre marché.

Le conseil ne se laissera pas prendre à la confusion que l'on cherche à faire du droit de minage avec le droit de poids et mesures. Ce dernier appartient aux moyens et bas justiciers ; il se perçoit jusque dans les moindres villages, alors même qu'il n'y a pas de marché.

Si les dames de Saint-Louis étaient d'accord avec ellesmêmes : elles présentent le droit de minage tantôt comme un droit seigneurial, tantôt comme un droit de marché.

Les ordonnances dispensent les seigneuries ecclésiastiques de produire les titres primordiaux, pourvu qu'ils aient une possession immémoriale non contestée. Ces ordonnances, il l'a prouvé, ne peuvent leur être d'un grand secours.

La procédure est engagée, oppose-t-on, avec le fermier et non avec les abbés de Saint-Denis. – Les abbés devaient

prendre fait et cause pour leur fermier, ils ne l'ont pas osé.

Autre contredit : La procédure n'a pas été suivie de jugement. — A quoi bon ! le fermier se désistait.

Que les demanderesses rentrent dans la question et ne parlent pas de justice universelle, lorsqu'il s'agit du droit de minage.

Lorsqu'il interjette appel des sentences de 1648, 1656, 4 666, il en a bien le droit. Ces sentences n'ont jamais été signifiées, et les sentences ne valent que du jour de la signification.

Puisque l'existence d'oppositions à la perception du droit de minage est constante, peut-on avancer qu'il y a eu consentement de la part des habitants et des auteurs du suppliant.

Il a prouvé que les demanderesses n'étaient pas en possession de ce droit lors de la transaction de 1701.

La raison derrière laquelle se retranchent les demanderesses pour refuser l'abrogation de la transaction de 1701, n'a pas la moindre vraisemblance.

Il n'y a plus de doute aujourd'hui pour M. Delpech, ce procès lui est intenté pour le chagriner et l'obliger à tout abandonner aux demanderesses, comme il l'a déjà fait par la transaction de 4701. (4)

REQUÊTE SERVANT DE CONTREDIT A LA PRODUCTION NOUVELLE DE M. DELPECH.

( 9 juillet 1706. )

Les dames de Saint-Cyr débutent dans leur réplique, comme M. Delpech en achevant son mémoire, par des doléances non moins piquantes. Si M. Delpech voit dans les dames de SaintLouis des brouillons qui en veulent à son repos et ont juré sa ruine, celles-ci à leur tour accusent le seigneur de Méréville de chicane. Ses productions nouvelles du 28 juin n'ont qu'un but : rendre ce procès interminable, reculer le jugement le plus possible.

(1) Extrait de VInventairr de Saint-Cyr. cote 1”.

Elles opposent une fin de non-recevoir, parce que M. Delpech se mêle d'affaires qui ne le touchent pas. Il n'est pas redevable du droit de minage et les habitants ne portent aucune plainte. Quant à son dire qu'il a intérêt à ne pas vouloir la perception de ce droit, comme les seigneurs de Méréville avaient droit à empêcher l'établissement d'un marché, la comparaison n'est pas valable. Que lui importe le droit de minage que doivent payer les habitants d'Angerville.

Si les dames de Saint-Louis possèdent de longue date la perception du droit de minage, c'est en contrevenant, dit M. Delpcch, aux lois qui défendent la vente des grains hors des marchés. Les lois autorisent cette vente et maintiennent des seigneurs dans la perception du droit de minage sur les grains vendus chez des particuliers. Vous ne vous arrêterez pas à l'objection qu'il y avait dans ce cas du droit de marché, les lois ne distinguant pas elles-mêmes.

La confusion dont il accuse les dames de Saint-Louis n'est que dans son esprit : elles ont toujours soutenu que le droit de minage était un droit seigneurial. Mais M. Delpech, dans la transaction de 1701, n'a-t-il pas affirmé qu'elles ont des droits seigneuriaux et féodaux sur les habitants délaissés à la justice de Mérinv il le ? Voici les termes exprès : « Attendu que « dans le nombre des maisons délaissées à la justice de M. Del« pech dans Angerville, il y en a quelques-unes qui sont en « la censive des dames de Saint-Louis, il a esté convenu que « les propriétaires des dites maisons, redevables de cens ou « autres droits seigneuriaux envers les dites dames, seront « assignez pour raison des dits droits par devant le juge des « dites dames, la justice à elles réservée par co regard seule« ment. » Le droit de minage réservé aux dames de SaintLouis est là. C'est un droit seigneurial ; quel besoin avait-on d'en faire mention ?

QUALITÉ DE SEIGNEUR D'ANGERVILLE.

Les dames de Saint-Louis sont obligées de faire interdire à

M. Delpech le titre de seigneur d'Angerville qu'il s'arroge à tort. Cette qualité appartient surtout aux ayant-droits de justice universelle, et c'est le cas des abbés de Saint-Denis. La possession est constante. Depuis l'arrêt de 1624, dans lequel seul les seigneurs de Mérinvilie se sont dits seigneurs d'Angerville, la plainte portée à ce sujet par les abbés de Saint-Denis et le jugement de 1631, les seigneurs de Mérinville abandonnent ce titre, qui ne saurait être prescrit, puisqu'il n'y a pas eu de possession.

M. Delpech fonde sa prétendue possession en apportant les pièces sur lesquelles sont intervenus les arrêts de 1624 et 1631.

Que prouvent ces pièces de procédure? rien. Dans l'arrêt de 1624, le seigneur de Méréville est dit seigneur d'Angerville; il fallait nécessairement qu'il eùt pris ce titre dans la procédure, les qualités d'un arrêt s'expédiant toujours sur les qualités de la procédure. Quant à l'arrêt de 1631, on ne peut pas le nier, il est là faisant défense formelle au seigneur de Mérinville de prendre cette qualité.

M. Delpech ne se lasse pas ; il produit des procédures postérieures à l'arrêt de 1624, datées de 1625, 1626, 1627, et il entend en tirer avantage.

En voici l'explication bien naturelle : le sieur Desmontiers, se prévalant des termes de l'arrêt de 1624, a pris la qualité de seigneur d'Angerville dans les procédures de 1625, 1626, 1627, qu'il a jugé à propos de recommencer, et alors l'abbé de Saint-Denis s'est hâté d'adresser une requête civile contre l'arrêt de 1624, et la requête a abouti, vous savez à quoi? à

une condamnation.

Après 1631, dans une requête du 29 décembre 1633, le sieur Desmontiers prend la qualité de seigneur d'Angerville. Qu'y pouvaient les abbés de Saint-Denis? Si vous nous montrez un contrat, un jugement contradictoire où le seigneur de Mérinville prenne, concurremment avec l'abbé de Saint-Denis, la qualité de seigneur d'Angerville, vous prouverez quelque

chose ; mais une pièce dans laquelle M. Desmontiers est juge et partie, que dit-elle ?

Lors de la transaction de 1701, il a été convenu, c'est vrai, que les deux parties n'y prendraient pas la qualité de seigneur d'Angerville; mais ce qui ne l'est pas, c'est que les dames de Saint-Louis aient reconnu que ce titre fut impliqué dans la dénomination de vicomte de Méréville. Oui, M. Delpech a proposé un projet de transaction dans lequel il prenait ce titre; mais il a dû y renoncer après une discussion assez vive. Au reste, ce qui tranche le procès d'une manière définitive, c'est que la transaction reconnaît le droit de justice universelle aux dames de Saint-Louis sur Angerville, et que ce droit est le signe distinctif du seigneur.

M. Delpech n'a jamais vu, quoiqu'il le prétende, que l'arrêt de 1624 mette dans la justice de Méréville les rues et voies d'Angerville. Il l'a bien demandé, mais ses conclusions ont été rejetées.

Dès 1509, les abbés de Saint-Denis sont en possession de la qualité de seigneurs d'Angerville. La rédaction des coutumes d'Étampes, d'Orléans et do Chartres le prouve. M. Delpech a des aveux qui datent de 1482, mais rien qui lui adjuge la qualité de seigneur d'Angerville.

Plaisante chose ! d'après M. Delpech.le titre de vicomte de Méréville, mentionné dans les coutumes d'Étampes, emporterait la qualité de seigneur d'Angerville. Mais voilà ce qui fait le procès. Angerville est-il dans la dépendance de Méréville?

nous le nions.

La paroisse et le territoire d'Angerville se divisent, comme le dit très-bien M. Delpcch, en plusieurs fiefs particuliers. Le fief de Saint-Denis est le plus important, parce qu'il a dans sa mouvance le fief des Murs. Ce fief a un manoir avec colombier à part près de l'église. Rappelons ici que les sieurs de Reilhac, seigneurs de Méréville, ont longtemps eu le fief des Murs, où ils faisaient exercer par leurs officiers la basse et la moyenne justice. De cette possession dérivent évidemment ces

contestations interminables qui divisent la seigneurie de Méréville et l'abbaye de Saint-Denis.

Dans la transaction, les dames de Saint-Louis ont laissé la justice à M. Delpech sur un canton qui forme à peine le cinquième du bourg, et M. Delpech, de son côté, a reconnu que la haute justice appartient aux dames de Saint-Louis sur le surplus et sur l'universalité du territoire d'Angerville. C'est au conseil à juger si cela ne fait rien pour la qualité de seigneur d'Angerville.

M. Delpech soutient qu'il peut avoir un notaire à Angerville.

C'est un droit qui ne lui est pas contesté : mais à condition que ce notaire instrumente dans le ressort de la justice de Méréville seulement.

Les seigneurs de Méréville n'ont jamais prétendu qu'une extension de leur justice, et non la justice universelle sur Angerville; les productions nouvelles de M. Delpech le prouvent et se tournent contre lui-même, comme il arrive toujours, du reste, à ceux qui ne veulent qu'éloigner le jugement lorsque le procès est en état.

M. Delpech veut justifier sa qualité de seigneur d'Angerville par une sentence du baillage d'Étampes. — On peut voir par cette même pièce que les dames de Saint-Louis s'y sont opposées.

Sous la cote CCC, M. Delpech produit un plan du bourg d'Angerville. Il s'en sert afin de prouver que, si le canton laissé à sa justice n'est pas le plus étendu, il est le plus important, grâce aux hôtelleries qui s'y trouvent. - Qu'on l'examine ce plan, les dames de Saint-Louis ne demandent pas mieux.

M. Delpech a soixante maisons dans sa justice, sur trois cent six maisons dont le bourg est composé. Pourra-t-on mettre en parallèle les quelques hôtelleries de M. Delpech avec tous les lieux publics, église, cimetière, places, rues grandes et petites des dames de Saint-Louis, et n'est-ce pas absurde de prétendre à la qualité de seigneur d'Angerville quand les choses sont ainsi ?

Quant aux termes injurieux dont M. Delpech use en plus d'un endroit, vraiment on a raison quand on ne croit pas de sa dignité d'y répondre.

Les dames de Saint-Louis terminent en demandant acte au conseil des contredits qu'elles viennent d'opposer aux productions nouvelles de M. Delpech, et en espérant que justice sera faite. (1)

SUPPLICATION DES HABITANTS D'ANGERVILLE AU GRAND CONSEIL DU ROI.

(5 août 1703.) Les habitants d'Angerville, désireux d'être délivrés du droit de minage qu'ils avaient tous les ans à payer aux dames de Saint-Cyr, s'unirent à M. Delpech, leur protecteur intéressé, pour demander l'abolition de ce droit, et ils adressèrent euxmêmes, à cet effet, une supplication au grand conseil du roi, dans laquelle on remarque qu'indépendamment des seigneuries qui divisaient Angerville, il y avait une municipalité, une communauté gouvernée par un maire perpétuel, ainsi que le prouve l'acte suivant ; « A Nosseigneurs du grand Conseil du roi.

« Suplie humblement la manse, manans et habitans du bourg d'Angerville, disans que les fermiers de la maison de Saint- Cyr, à laquelle est unie la manse abbatiale de l'abbaie de Saint-Denis, aiant voulu exiger sans aucun tiltre un prétendu droit de minage sur tous les grains du dit lieu, cela auroit donné lieu à une contestation renvoiée aux requestes du Palais par M. Delpech, seigneur de Mérinville, Angerville et autres lieux, et évoquée au conseil par les dames de Saint-Cyr.

« Les suplians aiant esté informez de ce procès, ils y sont

(1) Archives de Versailles. — Inventaire de Saint-Cyr, cote lre.

intervenus affin d'empescher l'exaction de ce prétendu droit de minage à quoy on les veut assujettir. Les dames de SaintCyr ont contesté cette intervention ; mais, par arrest du 2 du présent mois d'août, les suplians ont esté receus parties intervenantes; les règlemens ont esté déclarez communs avec eux, ordonné qu'ils y satisfairont et que, sur leur intervention, ces, parties écriront et produiront dans le jour cy-joint à l'instance, et pour marquer que les suplians ne sont pas intervenus pour éloigner le jugement du procès, ils ont emploié leur intervention pour écriture et production, mesme pour contredits.

« En cet estât, il est aisé de faire voir que leur intervention est incontestable. En effet, il est question au procès de sçavoir si le bourg d'Angerville est assujetti au prétendu droit de mir nage que les fermiers de Saint-Cyr veulent indûment exiger des dits habitans d'Angerville. Or, en premier lieu, les habitans sont les parties les plus nécessaires, puisqu'il s'agit d'une servitude que l'on veut imposer sur eux. Cela establit la nécessité de leur intervention ; leur qualité les obiige d'autant plus d'intervenir qu'il s'agit de leur liberté.

« En second lieu, les dames do Saint-Cyr n'ont aucun tiltre pour exiger le prétendu droit de minage ; elles n'en, ont raporté aucun-: c'est de quoy le conseil sera persuadé par la visite du procès. Néantmoins, un droit de cette qualité ne se peut exiger sans un tiltre positif.

« Ces quelques prétendus baux clandestins, qui n'ont eu aucune exécution, ne sont pas des tiltres, non plus que quelques sentences surprises par deffault contre des particuliers, lesquelles n'ont jamais esté signifiées ; d'ailleurs, il y en a tant que de besoin apel : ainsy, il faut connoistre que les dames de Saint-Cyr n'ont aucun tiltre pour exiger le droit de minage dont est question.

«En troisiesme lieu, non-seulement elles n'ont pas de tiltres, mais elles n'ont pas droit de marché au bourg d'Angerville: le droit de minage est un droit de marché, quand il y a marché dans un lieu; les grains y doivent estre pour estre

vendus, et l'on paye un droit, pour mesurer les grains, apelé droit de minage, c'est-à-dire pour mesurer chaque mine de grain ; mais ce droit n'est deu qu'à cause du marché. Il est vray que quand il y a marché dans le lieu, si les grains, au lieu d'y estre vendus, se vendoient dans des maisons particulières, celuy qui auroit droit de marché prétendroit exiger le droit de minage à cause des grains vendus hors le marché, présuposant que cela se feroit en fraude de son droit de marché ; mais se peut-il que l'on ait authorisé l'exaction d'un pareil droit où il n'y a point de marché? car, quand il n'y a point de marché, les habitans ont la liberté de vendre ou de disposer autrement de leurs grains, soit dans leurs maisons ou ailleurs, sans estre assujettis au payement d'aucun droit, soit pour plaçage, mesurage ou minage : de sorte qu'il n'y a aucun prétexte raisonnable pour exiger des suplians un droit de cette qualité; c'est une exaction que les fermiers de Saint-Cyr veullent faire à la faveur du nom des dites dames de SaintCyr ; ces daines ont trop de piété et de charité pour ne pas condamner elles-mesmes une telle prétention.

« Si elles estoient informées par elles-mesmes qu'elles n'ont ny tiltre, ny pocession, ny droit de marché au bourg d'Angerville; elles n'ont pas seulement droit de mesure ; le gros du curé d'Angerville se paie à la mesure de Mérinville ; il n'y a point d'autre mesure en usage, au bourg d'Angerville, et à Monerville et à Guillerval, qui apartienne entièrement à l'abbaie de Saint-Denis ; les gros des curés se paient à la mesure de Mérinville, et on ne se sert point d'autre mesure ; or, si les dames de Saint-Cyr avoient droit de minage à Angerville, elles auroient une mesure particulière : d'où il suit que leur prétention n'a pas la moindre aparence.

« Aussy est-il certain que ce n'est qu'à l'occasion de l'establissement d'un marché qu'on a voulu s'arroger le droit de minage dont est question. Il y eut, en l'année 1600, des lettres patentes obtenues par l'aulhorité de l'abbaie de Saint-Denis pour l'establissement d'un marché au bourg d'Angerville;

mais, le seigneur de Mérinville s'y estant oposé, il fut ordonné, par un arrest du Parlement de Paris de l'année 1624, que les lettres seroient raportées ; l'abbé de Saint-Denis et les habitans d'Angerville furent déboutiez de l'enthérinement d'icelles : de sorte que l'abbé de Saint-Denis n'ayant pu parvenir à l'establissement d'un marché à Angerville, il ne pouvoit exiger ny droit de minage ny aucuns des autres droits apellez droits de marché. Le moyen qu'il avoit pris pour s'en attribuer aiant esté blasmé et condamné par l'arrest du Parlement de Paris, il faut donc qu'il demeure pour constant que l'abbaie de Saint-Denis est sans tiltre, sans droit et sans pocession légitime.

« Si, de temps en temps, les fermiers de l'abbaie de SaintDenis ont voulu exiger ce droit de quelques particuliers, cela ne peut servir qu'à prouver leur avidité injuste par deux raisons : l'une, qu'ils ne se sont jamais adressez au corps des habitans, avec lesquels ils n'ont jamais eu ny jugement ny aucuns actes pocessoires; ainsy, les entreprises des fermiers ne peuvent passer que pour le dessein d'exiger, à la faveur de la faiblesse de quelques paysans, un droit qui ne leur estoit point deu.

«L'autre raison est que les jugemens surpris par defTault n'ont jamais eu d'exécution ; il ne s'en trouvera pas mesmc qu'ils ayent esté signifiez : une sentence par deffault non signifiée est totalement inutile.

« Mais cette prétendue pocession est inutile; elle est d'ailleurs inutile de soi-même, parce que, quand il s'agit de droit de minage et d'autres servitudes de cette nature, il faut raporter des titres positifs. La pocession ne sert de rien ; mais, dans ce fait grave, il y a des preuves que ce prétendu droit a esté contesté toutes les fois qu'on a voulu l'exiger, et qu'il n'a jamais esté payé.

« Ce n'est pas la première fois que les fermiers de SaintDenis ont intenté action pour l'exaction de ce prétendu droit.

Le nommé Rabourdin, en 1681, fit assigner deux particuliers,

nommez Mathurin Sergent et Antoine Puis, habitans d'Angerville, pour déclarer les grains qu'ils avoient vendus et achetez et payer le prétendu droit de minage.

« Ce fermier fit évoquer l'instance au conseil au nom de mons (1) Pélisson, économe de l'abbaie de Saint-Denis; mais mons Pélisson ne la voulut point soutenir, il en abandonna la poursuitte. Rabourdin la voulut entreprendre à ses risques ; il reprit l'instance, au lieu de mons Pélisson, au mois de janvier <688 ; il surprit un arrest de rétention par deffault, le 13 février au dit an, contre Sergent.

« Sergent aiant donné avis de cette poursuitte à la communauté des habitans d'Angerville, ils firent un acte d'assemblée le 9 mars 1688, par lequel : 1° ils constituèrent Sergent pour leur procureur ; « 2° Ils donnèrent pouvoir de constituer procureur, au nom des dits habitans, pour deffendre à la prétention du dit Rabourdin à prendre le fait et cause des dits Sergent et Puis; « 3° Ils expliquèrent les moiens de leur deffense, consistant à dire que Rabourdin, de son autliorité privée, ne les pouvoit assujettir au droit de minage, parce quo l'abbaie de SaintDenis n'avoit aucun droit de marché au dit bourg d'Angerville; qu'à la vérité, la dite abbaie avait droit de seigneurie au dit bourg d'Angerville, mais qu'il y avoit plusieurs autres seigneurs : en sorte que ce qui cstoit fait par Rabourdin n'estoit que pour troubler Je repos des dits habitans. Cet acte d'assemblée sera produit par les suplians, avec les procédures antérieures. Rabourdin n'a osé faire juger l'instance ; elle a esté abandonnée parce que c'estoit une entreprise injuste : ce qui prouve d'une manière évidente deux choses, l'une que ce prétendu droit en question a toujours esté contesté lorsqu'on a voulu l'exiger.

« L'autre, que l'abbaie de Saint-Denis n'a eu ny pu avoir de pocession paisible, puisqu'il y a toujours eu des actions et

(1) Pour monsieur.

des procédures. L'instance commencée par Rabourdin subsiste encore, de sorte qu'on ne peut entrer dans le prétendu fait de pocession soit à cause qu'il n'est pas admissible cette fois sur cette face qu'il faudroit une pocession publique et paisible ; or il ne peut y avoir de pocession paisible et publique au moment qu'il n'y a aucun acte pocessoire avec le corps des habitans ; et qu'il y a des contestations et des instances encore indécises.

Il faudroit suposer la pocession paisible pendant un laps de temps suffisant auparavant les instances et les contestations ; mais encore la pocession ne sert de rien, si elle n'est accom pagnée de titres précis et positifs : de sorte qu'il n'y a aucune difficulté, ayant égard à l'intervention des supliants, de déboutter les dames de Saint-Cyr de leurs prétentions et demande concernant le prétendu droit de minage dont est question.

« Aussy, leurs fermiers et leurs agens reconnaissent - ils qu'ils ne pouvoient réussir que par des voyes odieuses, que les dames de Saint-Cyr seroient les premières à blasmer. En effet, ces suplians aiant donné leur requeste d'intervention, elle a esté contestée sous le nom des dames de Saint-Cyr ; elle a néantmoins esté receue par arrest contradictoire du 2 du présent mois.

« Entre la requeste d'intervention et l'arrest, les fermiers des dames de Saint-Cyr et leurs agens ont voulu faire désavouer la dite intervention ; ils se sont pour cela adressez, le dimanche 1er août, à quelques particuliers habitans qui sont dans leurs dépendances ; ils ont contraint les particuliers, soit par prières, soit par menaces ou autrement, à signer un prétendu acte contracté à la délibération en forme de procuration précédente.

« Mais cela ne peut servir qu'à faire voir la violence exercée par les agens et les fermiers de la maison de Saint-Cyr, puisque : 1° cela est contraire à l'illtérest commun en particulier des dits habitans ; « 2° Les habitans se sont toujours oposés à l'exaction de ce

prétendu droit; l'acte d'assemblée du 9 may 1688 en fait foy ; « 3° L'acte exigé de surprise le 1er août est nul, soit à cause qu'il n'a point esté précédé d'une convocation par le maire perpétuel, suivant les édits et déclarations du roy, soit à cause qu'il n'a esté signé que par quelques particuliers engagez par crainte ou par menace ou d'autres moiens illicites ; « 4° Aussy, la communauté ayant esté assemblée par le maire perpétuel, au son de la cloche, en la manière accoutumée, à l'issue des vespres, le mesme jour 1er aoust 1706, il a esté passé un acte d'assemblée, par lequel les dits habitans ont confirmé la procuration qu'ils avoient passée pour intervenir dans l'instance, et ils ont révoqué en tant que de besoin l'acte passé le mesme jour par quelques particuliers habitans de la dite paroisse ; ils ont donné de nouveau pouvoir de soutenir qu'ils ne doivent aucun droit de minage et demander d'en estre déchargez. Ce procédé, de la part des agens et fermiers de Saint-Cyr, est très-condamnable, car, d'un costé, si l'abbaie de Saint-Denis a des tiltres pour exiger le droit de minage dont est question, ils ne doivent pas craindre l'événement de l'intervention des habitans d'Angerville; et, d'un autre costé, si ce droit n'est pas deu, comme on ne peut en douter, pourquoy surprendre par de mauvais moiens quelques paysans de leurs dépendances, pour les assujettir à une servitude dont ils ne sont pas tenus? Cela est aussy viollent qu'injuste, et si les dames de Saint-Cyr estoient instruites d'un tel procédé, il ne faut pas douter qu'elles seroient les premières à blasmer la conduitte de leurs agens et de leurs fermiers, aussy bien que leur injuste entreprise : de sorte qu'il y a lieu d'espérer que les suplians seront déchargez de la prétention des dites dames de Saint-Cyr, et avec dommages-intérests et dépens. Les dépens, dommages et intérests ne cousteront rien aux dames de Saint-Cyr ; elles ont sans doute des indemnités des fermiers qui les engagent à faire un mauvais procès.

« Reste à produire les pièces suivantes : « La première, du 1'2 juillet 1681, est un exploit d'assigna-

tion donnée, à la requeste de Claude Rabourdin, receveur d'Angerville, à Mathurin Sergent, à comparoir par devant le bailly de Monerville, entre autres choses pour estre condamné à faire sa déclaration des sons, des bleds et avoines qu'il a vendus et achetés au dit bourg d'Angerville depuis certain temps ; « La deuxiesme, du 20 octobre 1684, est par employ d'une assignation au conseil, donnée au dit Sergent, à la requeste de M. Pélisson ; « La troisiesme, du 29 janvier 1688, est aussy par employ d'un acte en reprise, fait par le dit Rabourdin au lieu de M. Pélisson ; « La quatriesme, du 13 février 1688, est un arrest de rétention obtenu par deffault par le dit Rabourdin contre le nommé Sergent, au bas duquel est l'exploit d'assignation du 29 mars au dit an, et ensuite un pouvoir du dit Sergent du 5 mars au dit an ; « La cinquiesme, du 9 may 1688, est un acte d'assemblée des dits habitans d'Angerville; « La sixiesme, du 25 juillet 1706, est par employ de l'acte d'assemblée des dits habitans, par lequel ils ont donné pouvoir à leur- procureur d'intervenir en l'instance en question ; « La septiesme, du 28 du dit mois de juillet, est la requeste d'intervention des dits habitans, aux fins y convenues, signé Briffaut ; « La huitiesme, du 1er aoust 1706, est un acte d'assemblée des habitans, par lequel ils ont confirmé la procuration produitte du 25 juillet ; « La neuviesme, du 2 aoust 1706, est par employ de l'arrest du conseil qui reçoit les dits habitans partyes intervenantes, déclare les règlemens communs, ordonne qu'ils y satisfairont, que, sur leur intervention, les partyes écriront, produiront ce que bon leur semblera à la requeste des dites dames de SaintCyr jointe au procès et acte de cet employ.

« Donner acte aux suplians de ce que, pour plus amples

moiens d'intervention, escriture et production, en exécution du dit arrest du conseil du 2 aoust 4706, les suplians employent le contenu en la présente requeste; recevoir les pièces y mentionnées ; promettre aux suplians de les produire aux fins et indications cy-dessus. »

Cette supplication des habitants d'Angerville nous paraît avoir été bien plutôt rédigée par M. Delpech que par les manants du bourg, et il est probable que tous n'y ont pas pris part. Les justiciables du seigneur de Méréville ont dû être les premiers à s'insurger contre la perception du droit de minage.

Tous n'auraient pas mieux demandé, sans doute, que d'en être affranchis. Mais comme ce droit était perçu depuis déjà longtemps par les dames de Saint-Cyr, que les gens de l'époque ne l'avaient jamais vu contesté, qu'ils ignoraient les droits des dames de Saint-Cyr à ce sujet, que ces dames, du reste, ainsi que les abbés de Saint-Denis, n'avaient jamais été pour le pays des seigneurs exigeants, qu'il y avait même un certain intérêt à relever d'une maison aussi puissante, il dut paraître injuste ou du moins peu adroit, à un certain nombre d'entre eux, de se mettre en opposition si avouée avec elles et de les accuser de recevoir, suivant les termes de l'acte, des indemnités des fermiers qui les engageaient à faire un mauvais procès, tandis qu'au contraire c'étatt M. Delpech qui l'avait provoqué, bien moins avec l'intention de décharger les habitants d'Angerville que dans l'idée de faire prévaloir ses droits sur les dames de Saint-Cyr et de pouvoir un jour se dire hautement seigneur d'Angerville, dont il caressait adroitement les habitants. Mais les dames de Saint-Louis intervinrent bien vite auprès des gens du pays et firent si bien qu'elles les déterminèrent à contredire la violente supplication qu'ils avaient adressées au grand conseil, à s'en désister, à renoncer à toutes poursuites et à consentir d'une voix unanime que les dames obtiennent un arrêt pour les maintenir en la perception dudit droit sur tous les habitants et sur toute l'étendue du bourg d'Angerville. Aussi voyons-nous que, « un dimanche de l'an-

née mil sept cent dix, avant midy, issue de la grande messe paroissiale, dite, chantée et célébrée en l'esglise Saint-Pierre d'Angerville, en l'assemblée générale convoquée par le maire du dit bourg, au son de la cloche, en la manière accoutumée, pour délibérer des affaires de la communauté, sont comparus, par devant Pierre Retté, notaire roial, commis au dit Angerville sous le principal tabellion d'Estampes, présents, les témoins souscrits, les manans et habitans du dit bourg et paroisse d'Angerville en personne.

« Le dit sieur maire a représenté que, le vingt-huit juillet mil sept cent six, il avoit esté présenté requeste à nosseigneurs du grand conseil, au nom des dits habitans, pour intervenir dans l'instance qui y est encore pendante entre les dames du monastère roial de Saint-Louis estably à Saint-Cyr, dames du dit Angerville, d'une part, et M. Delpech, conseiller au Parlement de Paris, seigneur de Mérinville, d'autre part : dans laquelle requeste il a esté conclu à ce que les dites dames fussent débouttées de leur demande pour raison du droit de minage qu'elles perçoivent dans la dite paroisse ; que cette intervention n'ayant pas esté formée par le vœu commun de tous les habitans, dans un acte d'assemblée générale ; mesme aiant esté désavoué par plusieurs qui en craignoient l'entérinement, par acte du premier aoust suivant de la mesmo année mil sept cent six ; attendu la pocession publique et ancienne de la perception de ce droit, il auroit cru estre de son debvoir de prendre connoissance plus exacte du dit procès, dont aiant eu communication : et, après avoir sur ce pris conseil, il estime estre du bien de la communauté de se désister de la dite requeste, pour ne pas s'exposer à une condamnation de despcns, si les dites dames veulent bien l'agréer et leur en faire la remise.

« Sur quoy, les dits habitans aiant intervenu, délibéré entre eux, et tous aiant parfaite connoissance de la pocession du dit

droit, il a esté arresté d'une voix unanime que la communauté se désistera de la dite requeste présentée en son nom, renoncera à faire aucune poursuitte. En conséquence de la dite requeste, il consentira que les dites dames obtiennent arrest de se maintenir en la perception du dit droit, ainsy qu'il est accoutumé, sur tous les particuliers habitant dans toute l'estendue du dit bourg d'Angerville, à l'effet de quoy les dits comparans, par ces présentes, constituent leur procureur général et spécial auquel ils donnent pouvoir de, pour et en leur nom, faire signiiïier le dit désistement et consentement, et en passer aux susdites dames tel acte que le procureur jugera à propos, et obtenir des dites dames la remise des despens dont elles pourroient prétendre la condamnation : dont et de quoy ils ont requis acte qui leur a esté accordé pour servir ce que de raison.

« Fait et arresté au devant de la principalle porte et entrée de la dite esglise paroissiale, les jour et an que dessus. » (1) Après cet acte où la communauté d'Angerville assemblée consentait à ce que le droit de minage fût perçu comme d'habitude par les dames de Saint-Cyr, le grand conseil , qui devait être fatigué de la longueur de ce procès , prononça, en 1710, l'arrest suivant : « Entre les dames de Saint-Cyr, aiant pris fait et cause pour Pierre-Louis Rabourdin, fermier des revenus de la manse abbatiale de Saint Denis, unie à la dite maison de Saint-Cyr, d'une part, et Jérosme Téveneau, Jacques David, Jacques Pommereau, François Bourdeau et Antoine Puys, hosteliers, demeurant au bourg d'Angerville, M. Jean Delpech, haut chastelain de Mérinville et Angerville, intervenant, afin d'estre reçu apelant de trois sentences du bailly de Guillerval, des 13 may 1648, 29 mars 1656, 13 febvrier 1700, par raison du droit de minage que les maires, manans et habitans du dit bourg d'Angerville sont tenus de payer de tous les grains qu'ils

Il) Inventaire de Saint-Cyr. — Archives de Versailles, cote lre.

font entrer dans leurs maisons, à raison de 6 deniers pour mine, d'autre part ; « Connues les productions des partyes et ouïes les conclusions du procureur général; vues, entre autres choses, les trois sentences dont est apel, la première, du 13 may 1648, rendue par le bailly de la chastelnie de Guillerval, Monerville et Angerville, entre Lucas Rabourdin, receveur d'Angerville, et Martin Menault, marchand, demeurant au dit bourg, qui condamne le dit Menault à payer au dit Rabourdin le dit droit de minage et aux dépens; la deuxiesme, du 29 mars 1656, rendue par le mesme juge, qui condamne Elys Puys et Perrine Dessaux, sa femme, à payer pareillement au dit Rabourdin le droit de minage, en 4 livres d'amende et aux dépens; la troisiesme sentence, du 17 febvrier 1700, rendue par le mesme baillage, sentence par laquelle Nicolas Gigout est condamné à payer au dit Rabourdin les droits de minage. Iceluy grand conseil faisant droit sur le tout, sur les apellations interjetées des dites sentences et ordonnances, a mis les dites apellations au néant, ordonne que ce dont est apel sortira son effet, et, sans s'arrêter aux requestes et demandes du dit sieur Delpech, intervention et demandes des maires, manans et habitans du dit bourg d'Angerville dont il les déboutte, maintient et garde les dames de Saint-Louis ou de Saint-Cyr en la pocession et jouissance de percevoir le droit de minage sur les grains qui se vendent dans l'estendue du dit bourg d'Angerville. — Deffenses aux dits Delpech, manans et habitans d'Angerville de les y troubler, et les condamne aux dépens.

« Et avant faire droit sur le chef de la requeste des dites religieuses et communauté de Saint-Louis, tendant à ce que deffenses fussent faites au dit Delpech de prendre la qualité de seigneur d'Angerville, et sur celle du dit Delpech, afin d'être maintenu au droit et pocession de prendre la dite qualité, sauf aux dites religieuses à prendre la qualité de dames en partie d'Angerville, ordonne que les partyes contesteront plus amplement. Dépens réservés à cet égard. 19 mars 1710. »

On le voit, cet arrêt distingue parfaitement la seigneurie féodale, autrement appelée directe, de la justice ou seigneurie publique. Il donne gain de cause aux dames de Saint-Cyr pour tout ce qui concerne ce droit de minage ; mais, quand il est question de leur droit à la véritable seigneurie, à la seigneurie universelle, exclusive, absolue, c'est une autre affaire. Il n'admet pas davantage la demande de M. Delpech, quelque modérée qu'elle soit, et bien que ce dernier consente à ce que les dames de Saint-Cyr puissent s'intituler dames d'Angerville, pourvu qu'il puisse, de son côté, s'en dire un peu, si peu que rien, seigneur. Non, l'arrêt déclare que la religion du conseil n'est pas suffisamment éclairée à cet égard, et que, les parties n'ayant encore rien prouvé sur ce point, force est bien de surseoir jusqu'à plus ample informé.

Or, le procès avait duré cent ans. Cent ans les deux parties, Méréville et Saint-Denis, avaient disputé sur le titre de seigneur d'Angerville, avaient lutté pour établir leur droit à ce titre, et voilà que le grand conseil déclarait qu'il n'y avait encore rien d'établi à cet égard. Ce mot dit tout : Un jour, le loup et le renard plaidèrent par devant le singe. Le procès allait se compliquant de plus en plus, quand l'intègre et judicieux quadrumane, après avoir bien sué en son lit de justice, prit le parti, si l'on en croit La Fontaine, de renvoyer les parties dos à dos et dépens compensés, car, se dit-il : Toi, loup (Méréville), tu te plains quoiqu'on ne t'ait rien pris, Et toi, renard (Saint-Denis), as pris ce que l'on te demande.

Tel fut l'arrêt du grand conseil. Le procès fut suspendu.

Les dames de Saint-Cyr crurent avoir gagné, et M. Delpech ne crut pas avoir perdu. Il épia l'occasion de faire revivre son prétendu titre de seigneur d'Angerville. Cette occasion lui fut offerte. En 1716, il fut question de baptiser une cloche à Angerville. M. Delpech brigua l'honneur d'en être le parrain, l'obtint et voulut que sa fille portât l'inscription suivante : L'an MDCCXVI, jé esté bénite par Georges Mineau, prestre,

- curé d'Angerville, assisté de M. Philippe Mineau, son vicaire; jé esté nommée Jeanne Magdeleine par M. Jean Delpech, marquis et seigneur de Mérinville, Angerville et autres lieux, conseiller du roy en la cour du Parlement, et madame Magdeleine de Mouchy, épouse de M. Paul Delpeah, seigneur de Chaumot, conseiller du roy, receveur général des finances. Estoient présens : Pierre Courtois, conseiller du roy, maire perpétuel du dit lieu, Jean Richaut, receveur de Vil-.

leneuve, Mathieu Benoiet, marchands hosteliers tous.

Une, cloche ainsi baptisée devait mal sonner aux oreilles des dames de Saint-Cyr. Elles recommencèrent leurs plaintes et doléances, t M. Delpech, pour les calmer, fut obligé de faire (2t septembre 4716), par devant Me Jourdain, nataire à Paris, une déclaration portant que la qualité de seigneur d'Angerville apposée en inscription sur la cloche nouvellement baptisée en l'église d'Angerville, ne pouvait lui acquérir un nouveau droit ni préjudicier à celui qui appartenait réellement aux dames sur les terres, justice et seigneurie dudit Angerville, dans lequel droit le sieur Delpeeh n'a point entendu troubler lesdites dames directement ni indirectement. On eut donc encore la paix pour un moment. Mais, l'année suivante, une nouvejle occasion se présenta de faire revivre ses titres, et le seigneur de Méréville ne devait pas manquer d'en profiter. L'année précédente, c'était la grosse cloche qui avait mis en émoi ces pauvres dames de Saint-Cyr, et, malgré les troubles occasionnés de part et d'autres, M. Delpech profitait de l'arrivée d'une petite cloche à Angerville pour insinuer encore ses titres dans l'acte de baptême, ainsi que nous le voyons dans les archives de la mairie : vi mars MDccxvn. La petite cloche de cette paroisse a esté bénite, avec les cérémonies accoutumées, par moy, prestre et curé de cette paroisse, soussigné ; laquelle cloche a esté nommée Jeanne Magdeleine par maislre Jean-Jacques Manet, conseiller du roy, maire perpétuel de la ville d'Estampes et bailly du marquisat de Mérinville ; par Marie-Theraige

Pommereau, fille de Louis Pommereau, receveur des Murs d'Angerville, au nom et comme fondé de procuration passée devant Dutartre, son beau-frère, notaire au Chastelet de Paris, le troisiesme-des présens mois et an; de messire Jean Delpech, seigneur de Mérinville et de cette paroisse, conseiller au Parlement ; et de dame Magdeleine de Mouchy, épouse de maistre Paul Delpech, seigneur de Chaumot, conseiller du roy, receveur général des finances d'Auvergne.

En présence de sieur Robert Blot, curé de Mérouville, de Philippe Mineau, vicaire, et Paul Cassegrain, diacre de cette paroisse, Pierre Courtois, maire, Jean Richaut, Mathieu Benoist, marguilliers en charge, soussignez.

Voyant la ténacité avec laquelle M. Delpech persistait à se faire reconnaître seigneur d'Angerville, les dames de SaintCyr se firent rendre, en 4702, un aveu et dénombrement, à cause de leur châtellenie de Toury, par dame Françoise Lebesgue de Moyainville, veuve de M. Claude de Reviers (1), au nom et comme tutrice, au lieu de sondit mari, de damoiselle Charlotte-Françoise Le Maréchal de Gervilliers, fille et unique héritière de M. César-Laurent Le Maréchal et de dame Angélique de Reviers, ses père et mère, et pour la représentation

(1) Ce Claude de Reviers était fils de Louis de Reviers, qui, mort en 1670, a laissé six enfants : 1° Simon-Henri de Reviers, chevalier, seigneur de Mauny, âgé de 20 ans 2° Damoiselle Marie-Anne de Reviers, 16 3° Angélique « « 13 4° Claude de Reviers, écuyer, 10 5° François de Reviers, écuyer, 8 6° Louis-Charles de Reviers, 6 Tous enfants et héritiers de Louis de Reviers et de dame Angélique de Crassort.

Simon-Henri avait eu le total du lieu et manoir seigneurial et la moitié des terres labourables ; l'autre moitié était échue aux autres enfants. Cet aîné mourut à Dunkerque le 4 mai 1672. M. le comte de Reviers de Mauny, propriétaire du château de Douys, près de Châteaudun, est un descendant de cette famille.

de ladite dame, sa mère, et du sieur Louis do Reviers, son aïeul paternel, du fief, terre et seigneurie des Murs d'Angerville, mouvant de ladite châtellenie de Toury en plein fief, foi et hommage, rachat, quint, denier, marc d'argent, cheval de service; consistant ledit fief en un manoir nommé les MursNeufs d'Angerville, composé d'une maison où il y a deux chambres basses, deux chambres hautes, cave dessous, grenier dessus, grange à côté, petite écurie, petite cour devant close, devant la grange champart aussi, à côté petite cour close ; grande cour derrière et plusieurs autres bâtiments , jardin derrière et à côté de ladite grande cour, dans lequel il y a un colombier à pied, le tout clos de murs et contenant un arpent.

Tenant par devant voir l'ancien carrefour du Puits-de-SainteBarbe et à la rue par laquelle on allait autrefois à Dommerville; vers l'occident et le septentrion, aux rues du tour de ville et au jardin et place de l'ancien presbytère ; et vers le midi, au cimetière et à une petite ruelle conduisant à J'église.

Item. La quantité de deux cent quatre-ving-dix-neuf mines trois boisseaux de terres labourables, en dix-sept pièces sises au terroir d'Angerville: La première, contenant quatre mines (au réage de six livres),-sur le champtier de Saint-Lubin ; tenant d'un long, vers l'orient, à Jean Delafoy au lieu de Nicolas Chaude qui était au lieu de Boisseaux; d'occident à Lucas Ilordessaux au lieu de Nicolas Dorge ; du septentrion et du midi à plusieurs terres et champarts, un sentier entre deux du côté du midi; La seconde, contenant neuf mines et demie, au champtier des Glaizoires à Louis Pommereau et autres: d'orient au vieux chemin de Pithiviers, et d'occident au champtier de SaintLubin ; La troisième, contenant douze mines et un boisseau, proche la butte de Rigaudenne, tenant au vieux chemin de Pithiviers ; La quatrième, contenant cinq boisseaux, faisait partie d'un réage dont le surplus est un fief de ladite damoiselle, au champtier de la Grosse-Borne ;

La cinquième, contenant trois mines, proche le moulin el murs d'Ouestreville, au champtier de l'Orme-Brùlé ; La sixième, contenant quatre mines, au champtier de Poulainville ou la Vieille-Voie ; La septième, contenant vingt-huit mines, derrière le lieu seigneurial dudit fief des Murs, sur le chemin de Dommerville; La huitième, contenant trente-deux mines, audit lieu, sur le chemin d'Étampes; La neuvième, contenant un muid, nommée le Petit-Muiddes-Murs, sur le sentier allant à La Celle ; La dixième, contenant vingt-huit mines, au champtier du Croc-à-la-Mardelle, proche le Petit-Muid ; La onzième, contenant trois ininots, au champtier du Chevreau ; La douzième, contenant trente-quatre mines, faisant partie des cinquante mines, le surplus étant joint à la pièce suivante, audit champtier, près les deux buttes du chemin de Méréville; La treizième, contenant trente-neuf mines, dont seize mines font partie desdites cinquante mines, audit lieu ; La quatorzième, contenant vingt-neuf mines, au champtier des Multeaux ; La quinzième, contenant quarante mines, au champtier du Champ-Breteau (au bail du mois de Saint-Lubin) ; La seizième, contenant un minot et deux tiers, faisant le tiers d'un septier, au champtier du Noyer Saint-Lubin, près les quarante mines ci-dessus ; La dix-septième, contenant neuf mines, audit Noyer-SaintLubin.

Item. Les censives, les maisons, terres et héritages énoncés audit aveu, dimes et champarts à raison de douze gerbes sur quarante-deux muids ou environ de terre, au terroir d'Angerville, en plusieurs pièces ci-détaillées, avec moyenne et basse justice, par devant Haillard, notaire à Toury. 25 octobre 1702 (1).

(1) Archives de Versailles. — Inventaire de Saint-Cyr.

Non contentes de cet aveu, les dames de Saint-Cyr, pour défendre leurs intérêts, créèrent à Angerville un procureur fiscal. On sait que ces sortes de magistrats, établis près des justices seigneuriales, y remplissaient les fonctions qu'exerçaient les procureurs du roi dans les justices royales.

De son côté, le conseiller opiniâtre- devait faire, à quelques années de là, un acte de seigneur à Angerville beaucoup plus important, comme nous le verrons plus loin, que l'inscription et le baptême d'une cloche. Mais alors Mme de Maintenon n'était plus là.

Il ne faut pas s'étonner de la ténacité avec laquelle les deuxparties se disputaient la seigneurie d'Angerville. Ce bourg avait pris au xyn? siècle une certaine importance. On y rencontre aussi à la même époque la présence d'un bailli. De cette rivalité de pouvoir devait résulter certains avantages pour AngeLvilIe. Chacun de ces seigneurs avait intérêt à se conserver les bonnes grâces des habitants. Aussi, l'un et l'autre leur faisaient à bon compte, des concessions de terrain, ainsi que le prouvent des adjudications de 1710, 1711, 1721, qui nous attestent également l'organisation de la justice locale, la présence du procureur fiscal et celle du bailli.

Malgré tous leurs efforts, ces pauvres dames de Saint-Cyr ne jouissaient cependant pas encore d'une possession seigneuriale constamment tranquille et paisible. En 1724, elles eurent encore un assaut à soutenir dans leur justice d'Angerville de la part des officiers royaux d'Étampes, tantae molis erat ! Mais elles repoussèrent vaillamment leurs agresseurs et triomphèrent encore devant le grand conseil (1) : (ç Arrêt du grand conseit, rendu entre les supérieures et religieuses de la maison de Saint-Louis à Saint-Cyr, dames des,châtellenies d'Angerville, Monnerville et Guillerval, appelantes comme de juges incompétents de l'apposition des scellés faite, par le lieutenant général d'Étampes, en la maison de

11) Inventaire dé Saint~Cy,r.

feu sieur Sergent, curé dudit Guillerval, et Guy Vian de Cottainville, exécuteur testamentaire dudit sieur Sergent, et Louis Marin-Leroy, lieutenant général, et les autres officiers dudit bailliage d'Étampes, par lequel, sur productions respectives et conclusions du procureur général, ce dont est appel a été mis au néant, émondant et corrigeant. — Lesdites dames de Saint-Louis sont gardées et maintenues au droit et possession de, par leurs officiers, desdites châtellenies d'Angerville, Monnerville et Guillerval, exercer la haute, moyenne et basse justice sur toutes sortes de personnes ecclésiastiques et gentilshommes demeurant dans l'étendue desdites châtellenies; fait défenses aux officiers du bailliage d'Étampes ou à tous autres de @ les y troubler ; ce faisant, ordonne que lesdits officiers d'Étampes seront tenus de rendre et restituer incessamment, à ceux de la justice de Guillerval, les droits, vacations et émoluments qu'ils ont perçus pour la reconnaissance et levée des scellés par eux faits en la maison et après le décès dudit sieur curé de Guillerval, comme aussi de restituer, au greffe de ladite châtellenie de Guillerval, les grosses, expéditions, procèsverbaux et autres actes par eux faits à cette occasion, et sur le surplus, les parties ont été mises hors de cours et de procès, lesdits Vian de Cottainville et officiers du bailliage d'Étampes condamnés à tous les dépens. 16 septembre 1724. (1) » Il est bon de remarquer que cet arrêt concerne plus particulièrement Guillerval qu'Angerville; mais il montre avec quels soins les dames de Saint-Cyr cherchaient à assimiler en tout Angerville à leurs possessions incontestables et incontestées de Monnerville et de Guillerval. Dans leurs qualités, le titre de dames d'Angerville n'est point séparé de celui de dames de Monnerville et de Guillerval, et on voit avec quelle sollicitude elles veillent non-seulement à la conserver, mais encore à la posséder tout entière. Enfin, Angerville est élevée au rang de

(1) Inventaire de Saint-Cyr. — Archives de Versailles. — Inventaire de Saint-Denis, tome XIV, page 437.

châtellenie. Cette petite ville avait donc fait de grands progrès.

Moins ancienne que Monnerville, elle l'effaçait déjà à cette époque, et de cette rivalité de beauté naquit le dicton populaire : Monnerville la belle fille !

Angerville la Gâte.

Ou encore cette variante :

Angerville la Gâte, Pussay le Copet, Monnerville entre deux, Guillerval le Pouilleux.

Beaucoup de gens croient encore que l'épithète la Gâte provient de ce dicton. Mais il est facile de voir que c'est l'épithète la Gâte qui a donné lieu au jeu de mats, et non pas le jeu de mots à l'épithète. Il est encore une autre opinion traditionnelle aussi peu fondée, c'est celle qui fait dériver le nom d'Angerville d'Angelorum villa, à cause d'un ancien couvent de religieuses que leur piété aurait, dit-on, fait comparer à des anges. 0 sancta simplicitas !

CHAPITRE XIV.

ilernière transaction. — Fin du procès. — M. Delpech reste 80ul sefgnenr d'Angerville.

La manse abbatiale de Saint-Denis, unie à la maison de Saint- Cyr possédait partout des terres sur lesquelles elle avait tous droits de justice haute, moyenne et basse, domaines, rivières, péages, bois, fiefs, arrière-fiefs, foi et hommages, cens, rentes, terrage, champarts, dîmes et autres droits et devoirs seigneuriaux qui lui étaient dus par des personnes de tout rang et dont elle devait jouir. Mais la plupart des anciens terriers ayant été perdus ou détournés par la mauvaise foi ou la négligence des administrateurs, plusieurs de ces droits furent usurpés et méconnus. M. Delpech, conseiller, secrétaire du roi, économe de l'administration des biens, droits et revenus temporels de la maison de Saint-Cyr, voulut, dans l'intérêt de cette maison, mettre ordre à un tel état de choses, et il adressa à cet effet au grand conseil, le 3 mars i693, une requête qui obtint un arrêt d'enregistrement le 16 avril suivant, ainsi que des lettres patentes du roi qui en ordonnait l'exécution, à savoir : « Que tous les possesseurs de fiefs, terres et droits, nobles, tant laïques qu'ecclésiastiques, communautés, gens de main-morte et autres relevans immédiatement de la manse abbatiale de l'abbaye de Saint-Denis en France, à cause de ses domaines, qui n'ont pas fait les foy et hommages ny fourny

leurs aveux et dénombremens, seront tenus, dans six semaines, de faire les dits foy et hommages, bailler leurs aveux et dénombremens , conformément aux coutumes des lieux , par devant les notaires qui seront nommez sur les dits lieux par le commissaire député, et iceux faire recevoir; lesquels aveux contiendront une déclaration de la consistance de leurs dits fiefs, terres et seigneuries et des arrières-fiefs qui en relèvent, les droits de justice, voiries, censives, champarts, dixmes inféodées et autres droits, privilèges et dépendances qui y sont annexés, maisons et héritages qui leur doivent cens, lods, ventes, saisines et amendes ou autres droits seigneuriaux; seront tenus, les dits possesseurs, vassaux et censitaires, de déclarer les titres en vertu desquels ils possèdent les dits fiefs, terres et seigneuries, soit par succession, donation, eschange, acquisition ou autrement, à quels devoirs et services ils sont obligez envers la dite manse abbatiale ; exprimeront dans les dits aveux les confins et limites des dits fiefs, par tenans et aboutissans présens, en reprenant les anciens ; déclareront aussi les aliénations et dénombremens qui en ont esté faits, si aucuns y a, et au profit de quelles personnes et à quel titre ; représenteront les quittances des droits seigneuriaux et féodaux qu'ils auront payez aux mutations ; communiqueront au procureur de la commission, estably par nous, les titres de leur possession, et quittances des droits seigneuriaux, pour, sur le veu des dites pièces, estre procédé à la réception ou blâme des dits aveux. Et à l'égard de ceux qui ont fait les dits foy et hommages, fourny et fait recevoir leurs aveux et dénombremens, et qui sont encore détenteurs des fiefs et héritages y mentionnez, ils seront seulement tenus de représenter les dits aveux et sentences de réception, avec la quittance des droits féodaux, et d'en bailler copies collationnées par les notaires commis, dont il leur sera donné acte sans frais par le greffier de la commission. Que tous les possesseurs des maisons, héritages, places et autres biens en rotures, tenus en censives des domaines de la dite manse abbatiale, passeront

aussi, dans le mois, une déclaration contenant leurs noms, la consistance de leurs héritages, leurs tenans et aboutissans présens, reprenant les anciens, la censive et les redevances dont ils sont chargez ; déclareront quels sont les titres en vertu desquels ils en jouissent, si par succession, donation, eschange, acquisition ou autrement, et représenteront les quittances des droits seigneuriaux qu'ils en ont payé, et communiqueront les dites déclarations, titres de possession et quittances de droits seigneuriaux qu'ils en ont payé, pour, sur le veu des dites pièces, estre procédé à la réception ou blasme des dites déclarations. (1) » La position qu'occupait M. Delpech nous rend facilement compte du procès survenu entre lui et les dames de Saint-Cyr.

Les lettres patentes du roi, en ordonnant, en 1693, de procéder au papier terrier de Saint-Denis et aux revenus de la manse abbatiale, donnèrent une connaissance exacte de la valeur des titres. Or, comme Angerville faisait partie de la manse abbatiale, l'économe de Saint-Denis vit très-bien que cette possession était douteuse, équivoque, que l'inventaire de Saint-Denis n'avait point de titre sérieux pour prouver cette possession, que, de plus, elle avait été contestée par les seigneurs de Méréville. Aussi, quand le conseiller du roi, qui avait demandé et avait obtenu des lettres patentes, à la faveur des dames de Saint-Cyr, pour régler et augmenter leurs revenus, fut devenu, cinq ans plus tard, adjudicataire de la terre de Méréville, il se servit admirablement des connaissances qu'il avait acquises dans le relevé du terrier et des.

revenus de la manse abbatiale. Non - seulement il acquit à bon marché la terre de Méréville qui était tombée en saisie, mais bientôt il jeta des regards de convoitise sur celle d'Angerville; il ambitionna le titre de seigneur de ce lieu, et celui qui naguère paraissait être le plus zélé défenseur des intérêts des dames de Saint-Cyr, devint leur ennemi le plus acharné T

(1) Extrait des registres du grand conseil du roi.

le plus opiniâtre. Nous avons vu avec quelle violence il les attaque dans leur possession d'Angerville, avec quelle argutie, quelle subtilité de langage, il sait faire retourner à son avantage les textes les moins explicites, les arrêts, les jugements ou les aveux rendus au roi par ses prédécesseurs. Mais, au surplus, il lui suffit d'être seigneur haut châtelain de Méréville et de savoir qu'un certain nombre d'habitants d'Angerville relèvent de cette châtellenie, qu'ils sont ses justiciables, pour qu'au moyen d'un sophisme assez vulgaire, mais très-bien déguisé, qui consiste à prendre la partie pour le tout, il prétende à rien moins qu'à la justice entière sur Angerville. Il conteste donc aux dames de Saint-Cyr leurs droits de justice sur Angerville. Puis de là un procès s'engage, et il en résulte pour lui une délimitation précise de sa possession, réglée par la transaction de 1701. Après ce premier avantage, il en désire un autre. Il persuade aux habitants d'Angerville de ne plus payer le droit de minage que les abbés de Saint-Denis percevaient sur eux depuis longtemps, et enfin il ose disputer à ces pauvres dames de Saint-Cyr le titre de seigneur d'Angerville.

Mais le grand conseil maintient, malgré la puissante argumentation de M. Delpech, les dames de Saint-Louis dans leur possession du droit de minage. Quant au droit à la seigneurie, il ne se trouva pas assez édifié sur les droits de chacune des parties. Cependant, les dames de Saint-Cyr répondaient facilement par un sophisme à celui de M. Delpech : « Ce n'est pas vous qui êtes le seigneur d'Angerville, donc c'est à nous qu'appartient la seigneurie. » Du reste, nul effort pour établir leur droit. Suivant elles, pour les communautés religieuses, la possession dispense de produire le titre. Elle traite la seigneurie comme en droit on traite les meubles. Ces communautés possédant en franche aumône, ne sont pas obligées <de reconnaître la main qui a donné. Elles ne doivent d'aveux à personne, et la meilleure raison pour elles de posséder, c'est d'être déjà en possession. Aussi, loin de remonter à l'origine où elles seraient forcées de reconnaître qu'Angerville n'annar-

tenait pas aux religieux de Saint-Denis, elles se contentent d'assurer que les abbés de Saint-Denis ont pris le titre de seigneurs d'Angerville cent ans avant le procès intenté contre eux par Jean Desmontiers, et dans quel acte? dans le procèsverbal de la rédaction de la coutume d'Orléans, démenti cinquante ans plus tard par les termes du procès-vernal de la coutume d'Étampes et par les contestations qui s'élevèrent alors entre les abbés de Saint-Denis et le substitut du procureur général du roi. Quant aux seigneurs de Méréville, qui avancent tenir Angerville du roi, ils ne citent pas le nom du roi qui, le premier, leur fit cette donation. Leurs aveux ne remontent pas plus loin que François Ier. D'où vient donc cette pauvreté de moyens, cette égale impuissance des deux côtés à rapporter des titres authentiques de droits réels à la seigneurie d'Angerville, quand, par sa position même entre les terres des châtelains de Méréville et les possessions de l'abbaye, Angerville semblait bien ne devoir être qu'à l'un ou à l'autre? Si donc, après plus d'un siècle de débats, de contestations, d'enquêtes et de plaidoiries, il reste établi qu'elle n'appartenait en principe ni à l'un ni à l'autre, que faudra-t-il en conclure, sinon qu'elle appartenait au roi et qu'elle était bien. l'Angere regis de Louis-le-Gros ? Du reste, il y a un fait qui prouve d'une façon péremptoire qu'Angerville appartenait bien au roi : ce sont les lettres patentes de l'établissement de foires et marché que les habitants d'Angerville demandent directement au roi et que Charles VIII, en 1489, accorde « à l'humble supplication de ses bien-amez les manans et habitans du bourg d'Angerville-la-Gaste. » Il est certain que si, à cette époque, il y avait eu un seigneur d'Angerville, c'eût été le seigneur qui aurait fait la demande. Et, chose remarquable, c'est que dans tout le procès au sujet de la seigneurie, il n'y a pas une seule pièce ou le titre de seigneur d'Angerville soit énoncé, si ce n'est longtemps après ces lettres patentes; et, fait plus curieux encore, c'est que ni l'une ni l'autre des parties n'a fait mention de cette charte. En effet, ils n'avaient aucun intérêt à

la produire, puisqu'elle était un argument contre eux, aussi bien que la charte d'Angere regis dont ils ne disent mot, et pour cause. Les seigneurs de Méréville et les abbés de Saint-Denis n'étaient cependant pas indifférents à ces sortes d'établissements, puisque, en 4600, le cardinal de Lorraine, abbé de. Saint-Denis, demandant, comme seigneur du lieu, l'établissement d'un marché, le seigneur de Méréville intervint pour s'y opposer. Quant aux seigneurs de Méréville, ce n'est guère qu'à partir de François Ier qu'ils font des aveux au roi, dans lesquels ils reconnaissent tenir de lui la possession d'Angerville. Du reste, il faut croire que ces aveux leur ont été très-profitables, car, malgré les lois sur les marchés, Jean de Reilhac obtint, vingt-deux ans après celles d'Angerville, des lettres patentes de marché pour Méréville. Donc il était impossible dans le procès, aux abbés de Saint-Denis, aux dames de Saint-Cyr, de prouver leurs droits à la seigneurie d'Angerville qui ne leur avait jamais appartenu. Donc le procureur du roi, à la coutume d'Étampes, avait eu raison de les traiter d'usurpateurs. Donc le grand conseil était sage en ne prenant aucune décision, aucun arrêt à l'égard de cette seigneurie, et il est évident que s'il avait eu en possession la charte d'Angere régis, celle-tfe l'établissement des foires et marché de 1489, il aurait condamné les prétentions des abbés de Saint-Denis et, par suite, les dames de Saint-Cyr. Il aurait demandé aux seigneurs de Méréville des titres plus authentiques, plus précis, attestant une donation faite par le roi et, par conséquent, leurs qualités à la seigneurie d'Angerville: et c'est l'inverse qu'ils produisent au procès, en disant par leurs aveux qu'ils tiennent Angerville du roi et en ne le prouvant pas.

L'arrêt du grand conseil fut plus favorable, au résumé, aux dames de Saint-Cyr qu'au seigneur de Méréville. Aussi, M. Delpech chercha-t-il à transiger avec ses adversaires. Il comprit que, pour tarir la source de toute contestation, de tout procès, il fallait faire cesser le mélange des mouvances, la confusion des droits, le partage de la justice dans un même

bourg, dans une même paroisse, entre différents seigneurs, et réunir tous les droits sur un seul. Mais, comme la seigneurie d'Angerville flattait son amour-propre, que, d'un autre côté, le pays, le territoire est voisin de son domaine, il demande que ce soient les dames de Saint-Cyr qui lui cèdent ce qu'elles possèdent dans Angerville, leur offrant en échange la terre et seigneurie de Trapeau, qu'il disait être située dans la paroisse de Guillerval et consister en droits.de haute, basse et moyenne justice, fiefs, censive et terres labourables, et être affermée la somme de 500 livres. M. Delpech ne pouvait, disait-il, démembrer de sa terre de Méréville les droits de seigneurie qu'il avait dans la paroisse d'Angerville sans porter atteinte au titre de sa baronnie, la première du duché d'Étampes, et que, suivant les ordonnances, les anciennes baronnies doivent être composées d'un certain nombre de paroisses; que, de plus, il a un droit de péage dans Angerville, qui est indivisible de celui qu'il a universellement sur tous ceux qui passent dans les fins et limites de sa terre de Méréville: en sorte qu'il ne perçoit le péage d'Angerville que par une conséquence de son droit universel. Or, de ce que le droit de péage est général et indivisible, il faut convenir que le péage d'Angerville ne peut pas être cédé. Les dames de Saint-Cyr n'étaient pas moins désireuses que M. Delpech de ne pas céder leur possession d'Angerville. Elles trouvaient que l'agresseur devait bien plutôt leur délaisser le peu qu'il avait, d'autant mieux que ces possessions étaient hors des limites du bourg et du territoire d'Angerville ; que, du reste, ses revenus sont beaucoup moins importants que les leurs ; qu'enfin, la maison de Trapeau et les terres qui en dépendent sont en parties situées au territoire de Guillerval, sur des côtes incultes et dépéries de valeur, et le surplus au territoire de Saclas, le tout mouvant en fief du territoire de Saclas et en arrière-fief des célestins de Marcoussy; que cette terre n'a droit que de basse et moyenne justice, la partie située dans la paroisse de Guillerval étant sous la justice des dames de Saint-Louis à cause de leur châtellenie de euil-

lerval, suivant arrêt du Parlement de 1288. Le bailly de Guillerval y a toujours exercé la haute justice, et, par décret et autorité de ladite justice, le 13 mai 1699, il a vendu ladite terre de Trapeau au sieur Pierre Lausmonier, qui l'a ensuite vendue à M. Delpech. La terre de Trapeau ne rapporte que 300 livres, et la seigneurie d'Angerville en vaut 600, sans y comprendre le droit de justice qui est très-honorable. Les dames de Saint-Cyr ne peuvent accepter un pareil échange.

Elles ont si peu l'intention de démembrer une paroisse de la justice de Méréville, qu'elles lui donneront le consentement d'ériger selon son désir en paroisse sa terre de Villeneuve-leBœuf, s'il veut accepter, en échange de ses droits d'Angerville, ce qu'elles ont à Méréville et qui rapporte un tiers en plus : d'autant mieux qu'elles ont la haute justice d'Angerville et qu'elle est exercée en leur nom par les officiers de la châtellenie de Guillerval; que, du reste, on lui abandonnera son droit de péage qui, pour éviter toute espèce de mélange, pourrait être, par des lettres patentes qu'on obtiendrait facilement du roi, transporté à son territoire de La Selle, qui est située sur le grand chemin d'Angerville à Méréville. Les difficultés de l'échange prouvent bien que l'amour-propre était singulièrement en jeu dans la question. On échangerait volontiers ce qu'on possède de territoire à Angerville; mais ce qu'il coûte de céder, c'est le titre de seigneur d'Angerville, c'est ce droit de haute, basse et moyenne justice ; c'est qu'en cédant on semble encore avouer ses torts, et cela est difficile après avoir si longtemps, si opiniâtrement défendu ses droits. Enfin, après bien des débats, bien des tentatives de conciliation, M. Delpech proposa d'abandonner aux dames de Saint-Cyr une ferme importante située au territoire de Rouvray et qui, là encore, partageait les droits entre ces deux seigneurs. Les dames de Saint-Louis, fatiguées de tant de contestations et pressées par les instances de M. Delpech avec qui il leur importait de vivre en bonne intelligence, non-seulement parce que ce membre du grand conseil du roi était influent et savait défendre ses

droits, mais aussi parce que ses nombreuses propriétés en Beauce, se trouvant presque partout intercalées, mêlées aux leurs, pouvaient, avec un peu de mauvaise volonté, être à chaque instant un sujet de querelles, une source intarissable de nouveaux procès, consentirent donc, le 15 mai 1730, à faire cet échange dont voici le contrat : CONTRAT D'ÉCHANGE.

(15 mai 1730.)

« Par devant les conseillers du roi, notaires à Paris, soussignés, furent présents : dames Madeleine de Linemare, supérieure ; Anne-Françoise Gautier de Fontaines, assistante; Catherine Duperray, maîtresse des novices; Suzanne de Rocquemont ; Anne de Blasset ; Jacqueline de Veilhaut ; Catherine de Berval, dépositaire ; Marie-Suzanne de Radouay ; Marie-Gilberte de Faure ; Charlotte de Riancourt ; Françoise de Champigny ; Sélénie-Fébronie de Laigny ; Marie-Jeanne de la Rousière ; Élisabeth de Fouquenbergue ; Marie-Jeanne de Cuves ; Marie-Françoise de Beaulieu ; Marie-Joseph Vaudant ; Marie-Charlotte Dulonde ; Marie-Madeleine de Berval ; Jeanne de Boissauveur ; Jeanne-Françoise de Boufflées ; Marie-Anne Garnier ; Madeleine de Solure ; Marguerite de Vadaucourt ; Marie-Madeleine de Caleuil ; Marie-Anne Descoublaut ; Françoise de Croisilles ; Anne-Claire de Bosredon ; Marie-Gilberte de Grenetures, maîtresse générale des classes ; Marie-Anne de Tessières; Françoise de Dragueville; Gabrielle de Mornay de Montchevreuil ; Jeanne-Jules Daudechy; Marie de Mouville ; Marguerite Duhan , et Angélique - Bonne de Mornay, toutes religieuses professes de la royale maison de Saint-Louis établie à Sair-lt-Cyr- lès-Versailles, à laquelle sont unis les biens et revenus de la manse abbatiale de Saint-Denis en France ; lesdites dames faisant et composant toute la communauté de ladite maison, capitulairement assemblées, au son de la cloche, en la manière aceoutumée, au grand parloir

d'icelle maison, lieu ordinaire de traiter et de délibérer de leurs affaires temporelles, d'une part ; « Et messiro Jean Delpech, marquis de Méréville, conseiller du roi en sa cour de Parlement et grand'chambre d'icelle, demeurant à Paris, rue Vieille-du-Temple, paroisse Saint-Jeanen-Grève, d'autre part ; « Lesquelles parties ont dit, savoir : de la part desdites dames, que, presque de tous les temps, il y a eu des contestations entre les abbés de Saint-Denis, même avec lesdites dames depuis l'union de ladite manse abbatiale, et les seigneurs de Méréville, pour raison et à cause des droits de justice haute, moyenne et basse, censive et directe seigneurie, que lesdites parties ont toujours respectivement soutenu leur appartenir, à l'exclusion l'une de l'autre, audit bourg d'Angerville-la-Gaste et sur tout le territoire dudit lieu d'Angerville, le tout contenant, suivant le mesurage que lesdites dames en ont fait faire en l'année 1700, douze cent un arpents six boisseaux.

« Que, l'an 1296, il y a eu une sentence rendue en la prévôté d'Orléans, qui a été suivie d'une autre rendue en la prévôté d'Yenville en 1301, et de plusieurs sentences et arrêts du Parlement des 28 août 1614 et 25 janvier 1631, entre l'abbaye de Saint-Denis et le seigneur de Méréville, pour raison des limites et autres droits desdits seigneurs audit bourg et territoire d'Angerville.

« Que, le 12 avril 1701, il a été passé transaction entre les dames et le seigneur de Méréville, par laquelle, au lieu des censives et droits de justice qui appartenaient audit seigneur de Méréville sur plusieurs maisons au bourg d'Angerville et en différents quartiers, il a été convenu qu'il aurait droit de justice et censive sur un seul canton y désigné ; que, peu de temps après, il se forma contestation pour le droit de mesurage et minage de grains audit bourg d'Angerville, au droit duquel minage et mesurage lesdites dames ont été maintenues, par arrêt contradictoire du grand conseil du 19 mars 1710.

« Que, en dernier lieu, il.s'est renouvelé deux contestations,

l'une au sujet d'un surplus de terre au terroir d'Angerville possédé par Antoine Puys, laquelle pièce lesdites dames prétendent leur appartenir comme censive de leur domaine d'Angerville par droit de déshérence ; la seconde au sujet d'une affiche mise audit bourg d'Angerville, concernant la chasse, de laquelle affiche lesdites dames ont intenté complainte comme d'un trouble à leur droit de haute justice audit bourg et territoire d'Angerville: sur lesquelles deux dernières contestations.

et autres circonstances et dépendances, les parties soient en instance appointée au grand conseil ; à quoi lesdites dames ajoutaient que tous lesdits droits de justice, censive, minage et mesurage peuvent d'autant moins être contestés aux dames qu'ils sont établis sur les anciens titres et sur les jugements et arrêts ci-dessus datés, confirmés par la possession actuelle et publique et par l'exercice de la justice sur le territoire prouvé, entre autres par la nomination, qui se fait tous les ans par devant les officiers, des messieurs qui sont commis à la garde des grains et fruits dans l'étendue dudit territoire.

« Et, de la part de M. Delpech, il a été dit que les abbés de Saint-Denis ont eu pour objet, dans tous les temps, de tâcher de porter atteinte aux droits des seigneurs de Méréville, auxquels la qualité de seigneur d'Angerville et la haute, moyenne et basse justice sur le bourg et sur tout le territoire d'Angerville ont toujours appartenu ; que, s'étant rendu adjudicataire de la terre de Méréville, lesdites dames, à la maison de laquelle la manse abbatiale de Saint-Denis a été unie, ont cherché à renouveler les mêmes contestations et à faire de nouvelles entreprises ; que, pour acheter la paix et par complaisance, il passa avec elles une transaction, le 12 avril 1701, par laquelle il leur abandonna une partie de la justice sur le bourg d'Angerville; mais, quelques années après, les dames voulant percevoir dans le bourg d'Angerville un droit de minage qui ne leur appartenait point, il s'opposa à la perception de ce droit : ce qui confirma une contestation au grand conseil, dans laquelle lesdites dames entreprirent de lui contester la qualité

de seigneur ; sur quoi il intervint un arrêt le 1 9 mars <710, par lequel il fut ordonné que les parties contesteraient plus amplement au sujet de la qualité de seigneur d'Angerville, sans que les dites dames aient fait aucune poursuite pour parvenir au jugement de cet interlocutoire.

« Que, les choses en cette situation, lesdites dames ont entrepris, depuis quelque temps, de lui contester le droit de chasse dans l'étendue du territoire d'Angerville, ce qui a donné lieu à une nouvelle contestation portée au grand conseil, dans laquelle il a demandé d'être maintenu dans le droit de chasse sur tout le territoire d'Angerville, comme appartenant à lui seul ; et que, ayant appris aussi que les dames avaient traduit au grand conseil Antoine Puys, laboureur à Angerville, pour voir confirmer une sentence qui l'a condamné à se désister d'un septier de terre situé au terroir d'Angerville, comme prétendant l'avoir fait réunir à leur domaine avec d'autres terres sises au mémo terroir, par droit de déshérence, par une sentence de 1729, rendue clandestinement et à l'insu des seigneurs de Méréville dans un temps où cette terre était en saisie réelle, il s'est trouvé obligé d'intervenir dans cette contestation, parce qu'étant seul seigneur haut justicier sur tout le territoire d'Angerville, supposé qu'il y a eu lieu à la déshérence, ce ne pourrait être qu'à son profit : et, sur ce fondement, aurait conclu à être maintenu dans sa qualité de seigneur haut justicier.

« Que, pour soutenir les différentes contestations que lesdites dames de Saint-Louis avaient intentées, elles ne pouvaient tirer aucun avantage des deux prétendues sentences des années 1295 et 1301, parce qu'à l'égard de la première, elle n'est que par défaut et non signifiée, et la seconde n'a jamais été rapportée; que lesdites dames ne pouvaient non plus fonder leurs prétentions sur la sentence du 28 avril 1600 et sur l'arrêt du 18 décembre 1604, puisqu'ils ont précisément maintenu le seigneur de Méréville dans le droit de justice sur le bourg d'Angerville, et que celui du 18 juin 4684 a précisément jugé, en faveur du

seigneur de Méréville, la qualité de seigneur et haut châtelain d'Angerville; que, pour celui de 1631, ne prononçant qu'un interlocutoire, elles ne pourraient en tirer aucun avantage; qu'ainsi, indépendamment d'une infinité d'autres titres qu'il a en sa faveur, il était vrai de dire que ces sentences et arrêts, loin de pouvoir appuyer les nouvelles prétentions desdites dames de Saint-Louis, étaient beaucoup plus que suffisants pour établir que la qualité de seigneur d'Angerville et la haute et moyenne justice sur le bourg et sur tout le territoire d'Angerville lui appartiennent; qu'à la vérité, par la transaction de 1701, il aurait eu la complaisance de partager avec lesdites dames la justice sur les maisons et le bourg d'Angerville, mais que les nouvelles contestations qu'on lui suscitait l'autorisaient à réclamer contre cette transaction ; que, par conséquent, lesdites dames ne pouvaient espérer de réussir dans aucune de leurs prétentions ; qu'en effet, à l'égard de la contestation interloquée par l'arrêt de 1710 au sujet de la qualité de seigneur d'Angerville, cette qualité ne pouvait lui être contestée, puisqu'elle a été précisément jugée en faveur des seigneurs de Méréville par lesdits arrêts et notamment par celui de 1684 ; que le droit de chasse, qui était une suite de cette qualité de seigneur d'Angerville, avait toujours appartenu aux seigneurs de Méréville et ne leur avait jamais été contesté ni prétendu par les abbés de Saint-Denis ; et qu'enfin, le droit de déshérence que lesdites dames prétendaient s'arroger sur le territoire d'Angerville, appartenait à lui seul comme seigneur haut justicier sur tout le territoire d'Angerville; que, dans toutes ces circonstances, malgré l'abandon qu'il avait fait auxdites dames d'une partie de ses droits pour se procurer la tranquillité, se trouvant de nouveau obligé de soutenir avec elles différents procès sur leurs nouvelles prétentions, il était résolu d'attaquer la transaction de 1701 par lettres de rescision, contre laquelle il lui serait facile de se faire restituer, comme y étant entièrement lésé, et d'attaquer l'arrêt de 1710 au chef, par lequel les dames avaient été maintenues dans leur prétendu droit de mi-

nage sur les grains qui se vendent dans l'étendue du bourg d'Angerville, qui se trouvait directement contraire à celui de 1684 qui avait”été précisément jugé; que l'abbé de SaintDenis, que les dames représentent, n'avait aucun droit de marché sur le bourg d'Angerville.

« Et d'autant que ce qui s'est passé fait connaître qu'il est difficile de parvenir à fixer au juste ce qui appartient à chacune desdites parties audit bourg et territoire d'Angerville; que la possession des droits de justice par les deux différentes seigneuries, dans le même lieu, causera toujours des contestations qu'il n'est pas facile de prévoir ; que même celles qui sont à régler causeraient des frais considérables et qui absorberaient la valeur du fonds des droits qui y donnent liou, il a été proposé, par le seigneur de Méréville, d'échanger les droits do justice, mouvances et censives qui appartiennent auxdites dames dans ledit bourg et territoire d'Angerville, pour et avec d'autres fonds d'héritages à la bienséance desdites dames et qui leur rapporteront un revenu plus clair et plus considérable que ce qu'elles ont audit bourg et territoire d'Angerville-la-Gaste; que, pour marquer auxdites dames, par ledit seigneur de Méréville, la déférence qu'il conservera toujours pour leur maison, et leur faire connaître qu'il cherche à leur procurer ces avantages, il veut bien traiter, par forme d'échange, des droits qui peuvent appartenir auxdites dames audit bourg et territoire d'Angerville, et leur céder un fief, ferme et métairie qui lui appartient au bourg et paroisse de Rouvray-SaintDenis.

« Que l'avantage que lesdites dames retireront de ce traité sera d'autant plus considérable, que ce qui leur appartient au bourg d'Angerville n'est pas affermé 300 livres par an, et ne consiste principalement qu'au droit de mesurage, qui est, comme on dit, sujet à contestation, au lieu que la ferme et métairie qui lui appartient audit lieu de Rouvray est actuellement affermée 775 livres, un sac de blé-froment et deux sacs d'avoine par an, et sera dans la suite louée au moins 1,000 li-

vres ; qu'elle consiste en dix-sept muids, dix mines, deux boisseaux et demi de terre, et en plusieurs bâtiments trèscommodes pour un fermier, desquels bâtiments lesdites dames pourront, tant pour ladite ferme que pour loger les grains des terres de leurs domaines et des dîmes qui leur appartiennent audit lieu de Rouvray où elles n'ont aucun bâtiment.

« Toutes lesquelles propositions ayant été examinées par lesdites dames en leur chapitre et communauté, et par le conseil établi par le roi pour l'administration du temporel de leur maison, pour terminer tous les procès et différends nés et à naître, ont, lesdites parties, sur le tout, transigé et fait les échanges en permutation ci-après : c'est à savoir que lesdites dames, sous le bon plaisir du roi, et suivant l'avis du conseil établi par Sa Majesté pour l'administration du temporel de leur maison, du 20 du présent mois de mai 1730, dont une expédition, signé Mauduyt, est demeurée jointe à la minute des présentes, ont baillé, cédé, quitté et délaissé par ces présentes, à titre de pur, vrai et perpétuel échange, et promettent garantir de tous troubles le seigneur marquis de Méréville, ce acceptant, pour lui et ses successeurs seigneurs dudit marquisat de Méréville, tous droits de justice haute, moyenne et basse, greffes et tabellionnages, amendes et autres droits, dépendant de la haute justice, rentes et redevances, mouvances tant en fiefs que roture, terres labourables, champarts, droits de minage, censive et directe seigneurie qui leur appartiennent audit bourg et territoire d'Angerville, lesdits droits consistant en droit de haute, moyenne et basse justice audit bourg d'Angerville, et droits en dépendant conformément à la transaction dudit jour 10 avril 1731, plus un droit de justice qui appartient auxdites dames sur le territoire dudit Angerville, plus vingt mines de terres labourables qui ont été réunies par déshérence au domaine desdites dames par sentence du bailli de Méréville et Angerville du 2 septembre 1689, plus un droit de mesurage à raison de 6 deniers pour mine de grains qui se vendent dans le bourg d'Angerville, et droit da courtage à

raison de 1 sol pour poinçon de vin qui se vend en détail dans le bourg d'Angerville, plus 33 sols 2 deniers de cens sur vingt-six maisons et autres héritages dans le bourg qui contiennent ensemble environ quatre arpents, plus 42 sols 9 deniers de cens sur vingt-un arpents et demi de terre en différents champtiers, plus 13 livres 16 sols 8 deniers de cens sur cent soixante-treize arpents trois boisseaux et demi de terre en autres différents champtiers, et environ 10 livres par an de redevances, à cause des concessions faites par lesdites dames de quelques places dans les fossés du bourg d'Angerville; tous les cens portant lods et rentes, plus droits de champart des grains à raison de la douzième gerbe sur lesdits cent soixante-treize arpents trois boisseaux et demi de terre, plus quelques autres censives et redevances de Méréville et Angerville au sujet desquelles il peut y avoir quelques contestations, plus la mouvance des trois quarts du fief des Murs-Neufs d'Angerville, situés au bourg et territoire d'Angerville, tenu et mouvant desdites dames à cause de leur châtellenie de Toury, lequel fief consiste en bâtiments près l'église d'Angerville, cent vingt-un arpents sept boisseaux de terre, la mouvance sur douze maisons et héritages dans le bourg qui contiennent un arpent trois quartiers et sur cent six arpents de terre labourable, et au droit de champart à la douzième gerbe sur quatre cent cinq arpents de terre, plus la mouvance des deux tiers du fief ou censive de Lestourville, tenu desdites dames à cause de leur châtellenie de Guillerval et Monnerville, qui consiste en 33 livres 10 sols de cens sur quatre-vingt-huit maisons du bourg d'Angerville, et un arpent et demi de terre en la censive de quatre cent cinq arpents de terre sujets au champart dudit fief des Murs.

« Et, généralement, lesdites dames cèdent, transportent et délaissent audit seigneur de Méréville, au titre d'échange, tous les domaines, droit de justice, mouvances, champarts, censive et directe seigneurie, rentes et redevances et toutes autres choses généralement quelconques qui peuvent leur appartenir au bourg et terre d'Angerville à quel titre que ce puisse être,

ainsi qu'elles en ont joui ou dû jouir, sans aucune exception ni réserve quelconque et de quelque manière que ce soit.

« De laquelle haute, moyenne et basse justice, greffe, notariat, mouvances en fief et en roture, censives, champarts, rentes et redevances, mesdames remettront audit seigneur de Méréville tous les titres de propriété, papiers terriers, papiers de perception, carte, arpentage, acte de foi, aveu et dénombrement, tant anciens que nouveaux, même les arrêts qui leur en assurent la possession, pour, par lesdits seigneurs de Méréville, se faire reconnaître au lieu et place desdites dames.

« Lesdits droits de justice, domaine, censive et seigneurie, rentes et redevances, tenus et mouvant du roi en franc alleu, franche aumône, sans aucune charge ni redevance envers Sa Majesté et autres.

« Appartenant lesdits biens et droits auxdites dames, comme faisant partie des biens et revenus de la manse abbatiale de l'abbaye de Saint-Denis unie à leur maison.

« Et, en contr'échange, ledit seigneur marquis de Méréville cède, quitte et délaisse, audit titre de vrai, pur et perpétuel échange, et promet garantir de tous troubles, dont : douaires, évictions, substitutions, hypothèques et autres empêchements généralement quelconques, auxdites dames de Saint-Louis, ce acceptant, une ferme et métairie située au bourg et paroisse de Rouvray-Saint-Denis ès environs, appelée la Chabotterie, consistant en bâtiment et logement de demeure pour un fermier, granges, bergeries, écuries, étables et autres lieux, cour et jardin clos de murs, avec la quantité de dix sept muids dix mines deux boisseaux et demi de terres labourables en plusieurs réages et champtiers, y compris trente-une mines et demie un demi-boisseau que ledit seigneur de Méréville a acquis de Claude Peigné et qui sont joints à ladite ferme et métairie, ainsi que le tout s'étend, poursuit et comporte et qu'il est expliqué par détail dans les contrats d'acquisition et dans des baux ; sera fait procès - verbal détaillé de l'état et du nombre dos bâtiments qui composant les choses cédées par ledit sei-

gneur de Méréville, lequel sera annexé à la minute des présentes.

« Et généralement tout ce qui dépend de ladite ferme et métairie et desdites trente-une mines et demie un demi-boisseau de terre, sans aucune chose en excepter ni réserver; ledit seigneur de Méréville délivrera contrats d'acquisition, titres, papiers et autres enseignements auxdites dames , desquels titres, ensemble de ceux qui seront remis par lesdites dames, il sera fait un inventaire sommaire qui sera annexé à la minute des présentes.

« Mais, attendu qu'il appartient au seigneur de Méréville, dans ledit bourg et paroisse de Rouvray-Saint-Denis, une autre petite métairie affermée présentement à Denis Fleury, ledit seigneur de Méréville déclare expressément que ladite métairie n'est point comprise dans la présente cession, et qu'au contraire, elle est nommément exceptée et réservée audit seigneur de Méréville.

« N'est pareillement point comprise au présent échange la rente de 12 livres par an, au principal de 600 livres, due audit seigneur de Méréville par ledit Claude Peigné, pour pareille somme qu'il avait payée pour lui au-delà du prix des biens qu'il avait acquis dudit Peigné ; laquelle rente, en principal et arrérages échus et à échoir, ledit seigneur de Méréville réserve et excepte dudit échange.

« Étant, lesdites fermes, métairies et terres, pour la plus grande partie, en la haute, moyenne et basse justice, censive et directe seigneurie des dames de Saint-Louis, à cause de leur terre et châtellenie de Toury et de Rouvray en dépendant, et chargées envers lesdites dames des cens et redevances ordinaires que les parties n'ont pu déclarer présentant par le menu quitte des arrérages desdits cens et redevances jusqu'au dernier décembre 1729 ; le surplus étant en censive de quelques seigneuries voisines , ainsi qu'il paraît par les ensaisinements étant en marge du contrat de l'acquisition faite par ledit seigneur de Méréville.

« Appartenant audit seigneur de Méréville au moyen de l'acquisition qu'il en a faite, savoir : de ladite ferme de la Chabotterie, par contrat passé par devant Jean Geoffroy, notaire et principal tabellion dudit marquisat de Méréville, présentement, le 16 octobre 1719, de Nicolas Gautron et autres, auxquels ladite ferme et métairie appartenait, ayant été acquise par ledit Nicolas Gautron, pendant sa communauté avec Catherine Barry, sa femme, de Claude Ursin sieur de Fontenelle, par contrat passé par devant Jacques Canet, notaire à Orléans , le 10 mars 1694 ; lesquels Gautron et sa femme en avaient fait faire sur eux un décret volontaire, expédié au bailliage d'Orléans le 25 avril 1695 ; et les trente-une mines et demie un demi-boisseau de terre, pareillement acquis par ledit seigneur de Méréville par deux contrats passés par devant ledit Geoffroy, les 2 juillet et 6 octobre 1720, de Claude Peigné, bourgeois d'Orléans, auquel Peigné lesdites terres appartenaient, soit de son chef, comme héritier de Charles Peigné, son père, suivant ce partage passé par devant Denis Gallard, notaire royal à , le 13 juin 1702, qui comme ayant acquis partie desdites terres de la veuve Renée Pavart, par le contrat passé par devant ledit Gallard, le ; pour, desdites choses échangées, fonds, tréfonds, fruits, profits, revenus et émoluments d'icelles, jouir respectivement par chacune desdites parties, et en faire et disposer comme des choses à elles appartenant en toute propriété.

« Jouissance. — A commencer la jouissance au jour et fête de Saint-Martin prochaine 1730, et, à l'égard de ladite ferme et métairie, à commencer à lever les guérets au jour de Pâques 1730 ; semer au mois d'octobre, et faire la première récolte au mois d'août 1731.

« Et si lesdites parties dépossèdent les fermiers jouissant alors, elles seront tenues de les indemniser s'il y échet.

« Le présent échange fait à la charge des cens, redevances et droits de fiefs, dont ledit fief et métairie est tenu envers lesdites dames de Saint-Louis ou autres seigneurs ; en outre,

ledit échange est fait but à but et sans soulte ni retour faire par l'une des parties à l'autre.

« Et, au moyen dudit présent échange, se sont lesdites parties dessaisies, en faveur l'une de l'autre, des choses échangées et de tous droits qu'elles avaient et pouvaient avoir sur et à cause d'icelles, procureur le porteur en donnant pouvoir.

« Déclare, ledit seigneur de Méréville, qu'il entend unir et unissons les domaines et droits à lui cédés par lesdites dames, à sadite terre et marquisat de Méréville, pour, avec ledit marquisat, ne. composer qu'un seul et unique fief, mouvant et relevant du roi à cause de sa grosse tour d'Étampes.

« Et, de la part desdites dames, a été aussi déclaré ledit échange pour que ladite ferme et métairie soit et demeure unie, et appartienne à ladite manse abbatiale de Saint-Denis, et qu'elle soit unie et incorporée à ladite châtellenie de Toury et Rouvray en dépendant, et tienne lieu des biens et droits par elles cédés audit seigneur de Méréville, lequel n'entend, par l'acceptation qu'il fait de la cession des droits, à accorder ni convenir qu'ils appartinssent en entier ni en partie et sans contestation auxdites dames ; lesquelles ne pourront aussi inquiéter de la part dudit seigneur de Méréville pour la garantie- en total des droits, sinon de leurs faits et promesses qui sont qu'elles n'en ont vendu ni aliéné aucun , et attendu qu'elles ne cèdent audit seigneur de Méréville que tout ce qui peut leur appartenir audit lieu, bourg et territoire d'Angerville.

« Et, pour distinguer le territoire d'Angerville, dans lequel lesdites dames n'entendent rien retenir ni réserver, des territoires voisins, dans lesquels il leur appartient droit de justice haute, moyenne et basse, censive, seigneurie directe, douairière, dîmes, champarts et autres droits, et qui ne sont point compris dans le présent échange, a été convenu entre les parties qu'il serait planté des bornes aux extrémités du territoire d'Angerville où le territoire d'Angerville se trouve limithrophe d'autres territoires appartenant aux dames et non compris au

présent échange, et que le procès-verbal de bornage sera annexé à la minute des présentes.

« Le présent échange sera annexé et confirmé par monseigneur l'évêque de Chartres, comme aussi il sera ratifié et approuvé par les religieux de ladite abbaye de Saint-Denis en leur chapitre, et sera obtenu, par lesdites dames, lettres patentes du roi de confirmation du présent échange, lesquelles seront enregistrées au Parlement et partout où besoin sera, le tout dans six mois de ce jour ; a été, de plus, spécialement convenu que tous les frais et déboursés du présent acte et de tout ce qui doit être fait en conséquence, seront à la charge de mesdames, de sans que, pour raison de ce, ledit seigneur de Méréville puisse être tenu de débourser aucune somme.

« Sera permis aux parties de faire décret à leurs frais les biens à elles ci-dessus cédés; sauf s'il arrivait des oppositions auxdits décrets, mains-levées en seraient rapportées aux frais et dépens de celle du chef de laquelle les oppositions auraient été formées.

« Et, au moyen des présentes, tous procès, causes et instances mûs et à mouvoir, tant au sujet de la qualité de seigneur indéfiniment d'Angerville, desdits droits de chasse, de déshérence et tous autres pendants, tant au grand conseil qu'ailleurs, si aucuns y a entre les parties, demeurent nuls, terminés, éteints et assoupis, sans aucun dépens de part ni d'autre.

« Et d'autant que, du prix de la ferme de la Chabotterie, il est resté entre les mains du seigneur de Méréville la somme de 887 livres 14 sols 4 0 deniers, pour être payée sans intérêt aux enfants de Nicolas Gautron lorsqu'ils auraient atteint l'âge de majorité, icelui seigneur de Méréville a cédé et délaissé auxdites dames acceptantes, l'année qui échéera aux jours de Noël 4730 et Pentecôte 1731, du prix du bail ès-dits biens par lui présentement cédés en échange, qui sera dû par Philippe Forteau, lequel, en payant ès-mains desdites dames, en sera et demeurera déchargé, reconnaissant lesdites dames que le seigneur de Méréville leur a présentement payé le surplus

jusqu'à concurrence desdites 887 livres 11 sols 10 deniers, au moyen de quoi lesdites dames s'obligent de payer après la majorité des enfants de Nicolas Gautron et sans intérêts , comme dit est, et d'en acquitter ledit seigneur de Méréville.

« Le tout ayant été ainsi convenu et accordé entre les parties ; lesquelles, pour l'exécution des présentes, ont élu leur domicile irrévocable, savoir : lesdites dames, en l'hôtnl de la Charité-de-Saint-Denis, à elles appartenant, sis à Paris, rue des Charités-Saint-Denis, dite des Grands-Augustins, paroisse Saint-André-des-Arts ; et ledit sieur Delpech, en sa demeure ci-devant désignée auxquels lieux : promettant, obligeant, chacun en droit soit renonçant. Fait et passé, à l'égard desdites dames de Saint-Cyr, en leur dit parloir, et à l'égard dudit sieur Delpech, en sa demeure, l'an mil sept cent trente, le quinzième jour de mai, après midi, scellé ledit jour, et ont signé la minute des présentes audit Jourdain, notaire, « ANCOTY, de l'insinuation, JOURDAIN, LANGLAIS. »

CONFIRMATION.

(5 novembre 1731.) v - • « Louis, par la grâce de Dieu, roi de France et de Navarre, à tous présents et à venir, salut.

« Nos chères et bien-aimées les supérieures, religieuses et communauté de notre maison de Saint-Louis, fondée à SaintCyr, nous ont fait représenter que pour prévenir et arrêter le cours des contestations qui duraient depuis plusieurs siècles, et qui avaient été renouvelées à l'occasion des droits de haute, moyenne et basse justice, censive et directe seigneurie sur le bourg, paroisse et territoire d'Angerville-la-Gaste, lesquels droits étaient respectivement prétendus par notre ami et féal le sieur Delpech, marquis de Méréville, notre conseiller en la grand'chambre de notre cour de Parlement à Paris, comme avaient fait ses prédécesseurs seigneurs de ladite terre de Méréville, et par les exposantes après les abbés de l'abbaye de Saint-Denis, aux droits desquels lesdites exposantes sont subrogées à cause de l'union de la manse abbatiale de ladite abbaye à la maison des exposantes : il a été passé, entre lesdites exposantes et ledit sieur Delpech, le <5 mai de l'année dernière, une transaction en forme d'échange, par laquelle, sous notre bon plaisir et suivant l'avis du conseil par nous établi pour l'administration temporelle de la maison des exposantes, elles ont cédé et transporté audit sieur Delpech, à titre d'échange, tous les droits de justice, greffe et tabellionnage, amendes et autres droits dépendant de la haute justice, rentes, redevances, mouvances tant en fief qu'en roture, terres labourables, champarts, droits de minage, censive et directe seigneurie, et généralement tous les droits qui pouvaient leur appartenir audit bourg et territoire d'Angerville, à quel titre que ce puisse être : lesquels droits de justice, domaines et autres droits, tenus de nous en franc aleu et franche aumône, ledit sieur Delpech a déclaré vouloir incorporer à sadite terre et marquisat de Méréville, pour, avec ledit marquisat, ne composer qu'un seul et unique fief, mouvant et relevant de nous à cause de notre château ou grosse tour d'Étampes. Et, en contr'échange, ledit sieur Delpech a cédé aux exposantes, audit titre d'échange, une ferme et métairie située au bourg et paroisse de Rouvray-Saint-Denis et ès-environs, appelée la Chabotterie, consistant en maison de demeure pour un fermier, granges, bergeries, écuries, étables et autre lieux, avec la quantité de dix-sept muids dix mines deux boisseaux et demi de terres labourables, et généralement de ladite ferme et métairie : lequel échange lesdites dames ont pareillement dé” claré faire, pour, ladite ferme et métairie de la Chabotterie, appartenir dorénavant à ladite manse abbatiale de Saint-Denis et demeurer unie et incorporée à la châtellenie de Toury et Rouvray en dépendant, mouvant et relevant de nous, comme dit est, et tenir lieu des biens et droits par elles cédés audit sieur Delpech, au moyen de quoi tous procès, causes et ins-

tances mûs et à mouvoir, tant au sujet de la qualification de seigneur d'Angerville que des droits de chasse et tous autres, demeurent nuls, terminés, éteints et assoupis. Nous ont pareillement, lesdites exposantes, fait représenter que, sous notre bon plaisir et suivant l'avis dudit conseil par nous établi pour l'administration de leur temporel et p!u les causes y énoncées, elles ont, par contrat des 21 mars et 15 mai derniers, donné, à titre de bail emphytéotique, pour quatre-vingtdix-neuf ans, à Etienne Gallois et Marie-Challas, sa femme, une ferme située au village du Perray, et une autre ferme, appelée le Roseau, près ledit lieu du Perray, avec 22 livres 10 sols de rente constituée, due par Toussaint Guillemain, demeurant en la paroisse du Perray ; lesdits biens acquis au profit desdites exposantes par contrat du 6 mai 1694; ledit bail emphytéotique fait à la charge par lesdits preneurs de faire faire à leurs frais et dépens les réparations nécessaires aux bâtiments desdites fermes, suivant le procès-verbal énoncé audit contrat, ou ce qui reste desdites réparations à faire ; comme aussi à la charge de par eux, leurs hoirs, successeurs et ayant cause d'entretenir lesdits bâtiments, et iceux bâtiments rendre, à la fin des quatre-vingt-dix-neuf ans, en bon état de toutes réparations, cultiver les terres et les rendre en bonne nature de culture à l'expiration dudit bail et autres conditions, et outre moyennant et à raison de trois muids de blé-froment du meilleur du crû desdites fermes, mesure de Hambouillet, rendu, conduit au marché dudit lieu ou autre pareille distance.

Lesquels transaction, échange et bail empyhtéotique, les exposantes nous ont très-humblement fait supplier d'agréer et confirmer pour être exécutés. A ces causes, de l'avis de notre conseil, qui a vu ladite transaction contenant échange, passé entre lesdites exposantes et ledit sieur Delpech, et le contrat de bail emphytéotique fait par lesdites exposantes auxdits Gallois et sa femme ; ensemble les avis du conseil par nous établi pour l'administration du temporel des exposantes, le tout ciattaché sous le contre-scel de notre chancellerie : nous avons

approuvé, confirmé et autorisé, et, par ces présentes signées de notre main, approuvons, confirmons et autorisons la transaction passée entre ledit sieur Delpech de Méréville le 15 mai de l'année dernière; voulons et nous plaît qu'elle soit exécutée selon sa forme et teneur. Ce faisant, que les droits de seigneurie, justicef censive, droits et domaines qui appartenaient aux exposantes dans ledit bourg, paroisse et territoire d'Angerville, soient et demeurent désunis, des joints et séparés, comme nous les désunissons, des joignons et séparons de la justice et domaine qui appartient aux exposantes, pour être, à l'avenir, joints, unis et incorporés, comme nous les joignons, unissons et incorporons au domaine et à la justice du marquisat de Méréville, pour ne faire, à l'avenir, qu'une seule et même justice, laquelle sera exercée sur tous les hommes, vassaux et habitants desdits lieux, par les officiers de la justice de Méréville appartenant audit sieur Delpech, sans toutefois aucun changement ni transaction de ressort, et sans que, pour raison de ces présentes, lesdits vassaux et habitants soient tenus à autres et plus grands droits et devoirs que ceux dont ils sont actuellement chargés; pour jouir desdits droits, par ledit sieur Delpech et ses successeurs, propriétaires de ladite terre et marquisat de Méréville, à perpétuité, conformément à ladite transaction. Voulons, en outre, que lesdites exposantes jouissent aussi, à perpétuité, de ladite métairie et ferme de la Chabotterie à elles cédée par ledit sieur Delpech de Méréville, et que ladite ferme et métairie, qui était ci-devant en la justice et censive des exposantes à cause de la terre et châtellenie de Toury et Rouvray, soit et demeure unie et incorporée, comme par ces présentes nous l'unissons et incorporons au domaine de ladite châtellenie de Toury et Rouvray, pour être tenue et mouvant de nous, ainsi que le surplus de ladite châtellenie.

Nous avons, en outre, approuvé, confirmé et autorisé, approuvons, confirmons et autorisons le bail emphytéotique fait par les exposantes auxdits Gallois et sa femme les 21 mars et 15 mai de l'année dernière, lesdites fermes du Perray et du Ro-

seau, et de la susdite rente de 22 livres 10 sols ; voulons et nous plaît qu'il soit exécuté selon sa forme et teneur : ce faisant, que lesdits Gallois et sa femme, leurs héritiers, successeurs ou ayant-cause, jouissent des héritages et rentes y mentionnés pendant le temps et espace de quatre-vingt-dix-neuf années, aux charges toutefois de redevances, clauses et conditions y portées. Si donnons en mandement à nos amés et féaux conseillers, les gens tenant notre cour de Parlement à Paris, que ces présentes ils aient à faire enregistrer, et de leur contenu jouir et user, les exposantes, le sieur Delpech de Méréville, leurs successeurs et ayant-cause et les autres parties y dénommées , pleinement, paisiblement et perpétuellement, cessant et faisant cesser tous troubles et empêchements, et nonobstant toutes choses à ce contraires, auxquelles nous avons dérogé et dérogeons à cét égard seulement et sans tirer à conséquence, car tel est notre bon plaisir : et afin que ce soit chose ferme et stable à toujours, nous avons fait mettre notre scel à cesdites présentes.

« Donné à Marly au mois de novembre l'an de grâce mil sept cent trente-un et de notre règne le dix-septième.

« Signé, LOUIS.

« Et sur le replis : par le roi, Pholypeau. Et scellé du grand sceau de cire verte en lacs de soie rouge et verte ; visa Chauvelin, pour homologation de transaction. »

Après une requête de commodo et incommodo, en date du 4 juin 1732, au sujet de l'échange à faire entre M. Delpech et les dames de Saint-Cyr, on demanda le consentement des habitants d'Angerville, ainsi que le témoigne l'acte suivant : ACTE D'ASSEMBLÉE DES HABITANTS D'ANGERVILLE, CONTENANT LEUR CONSENTEMENT A L'ENREGISTREMENT DES LETTRES DE CONFIRMATION DE L'ÉCHANGE.

(28 décembre 1732.) « Aujourd'hui, dimanche vingt-huitième jour du mois de

décembre mil sept cent trente-deux, en la présence et par devant les notaires royaux du bailliage d'Étampes, soussignés, requis à l'effet ci-après, en l'assemblée des vassaux justiciables et habitants du bourg, paroisse, terre et seigneurie d'Angerville-la-Gaste, convoqués à son de cloche en la manière accoutumée, et tenue au-devant de la porte et principale entrée de l'église paroissiale de Saint-Pierre d'Angerville, lieu ordinaire de tenir les assemblées publiques sur les affaires communes dudit bourg et paroisse d'Angerville, issue des vêpres, cejourd'hui chantées en ladite église, le peuple sortant en grand nombre ; à laquelle assemblée étaient présents Mathieu Benoist, marchand hôtelier et à présent syndic de ladite paroisse en charge, monsieur Georges Mineau, prêtre et curé dudit lieu, monsieur Jean-Baptiste Goupy, vicaire de ladite paroisse, sieurs Claude Dessaut, Etienne Dauvilliers, marguillers, Jean Fortu, chirurgien et procureur fiscal, Jean Laigneau, serrurier, Jacques Boivin, sellier, sieur Gérôme Menault, marchand hôtelier, sieur Pierre Thomas, aussi marchand hôtelier, sieur François Touchard, receveur et marchand, Jean Opé, marchand charcutier, sieur Jean Rousseau, maître de poste d'Angerville, André Langlois, hôtelier, Antoine Hardy, huissier royal, François Opé, charcutier, Louis Biffaut, receveur du péage dudit Angerville, François Ballot, maître de pension, Toussaint Pavy, marchand, maître Louis Genty, notaire royal au bailliage d'Orléans, et tous habitants dudit bourg d'Angerville, y demeurant et à ce présents; « Ledit Benoist a représenté que, par arrêt de la cour du Parlement du 15 février 1732, intervenu sur la requête des dames supérieures et religieuses de Saint-Louis, à Saint-Cyr, afin d'enregistrement des lettres patentes de confirmation de la transaction du 15 mai 1730, par laquelle lesdites dames ont cédé à titre d'échange, à M. Jean Delpech, chevalier, seigneur marquis de Méréville, conseiller de grand'chambre, les domaines, droits de justice, mouvances, censives, minage, mesurage et autres qui appartenaient auxdites dames au bourg

et territoire d'Angerville; il a été ordonné que lesdites lettres patentes et transaction seront communiquées aux vassaux justiciables et habitants de cedit bourg, paroisse, terre et seigneurie d'Angerville, convoqués et assemblés en la manière accoutumée ; « Sur quoi, lesdits habitants sus - nommés et assemblés comme dit est, après avoir délibéré entr'eux et lecture faite, tant des lettres patentes du roi, données à Marly au mois d'octobre 1731, que de la transaction contenant l'échange dudit jour 45 mai 1730, lesdites lettres et transaction communiquées conformément audit arrêt ; iceux habitants ayant considéré et observé que l'échange fait entre lesdites dames de Saint-Louis et ledit seigneur de Méréville, ledit jour 15 mai 1730, ne peut leur faire préjudice ni aux vassaux censitaires et justiciables de ladite seigneurie, paroisse et territoire d'Angerville, qu'au contraire il leur sera avantageux en ce qu'il fera cesser les contestations qui arrivaient souvent, causées par les prétentions respectives desdites dames et dudit seigneur d'Angerville, ce qui empêchait souvent les affaires d'être terminées, tant pour les droits de censives, justice et seigneurie d'Angerville, ce qui causait des frais et des longueurs de procès à la charge desdits habitants ; que d'ailleurs il est plus convenable à la communauté desdits habitants de n'avoir qu'un seul seigneur que d'en avoir plusieurs; enfin, que l'échange du droit de justice n'apportera aucun changement à l'exercice d'icelle ni au ressort des appellations; il a été arrêté d'une voix unanime que lesdits habitants consentiraient, comme ils consentent par ces présentes, que lesdites lettres soient enregistrées, pour, icelles lettres, ensemble ledit contrat d'échange, être exécutés selon leur forme et teneur, et, pour réitérer ledit consentement partout et autant de fois qu'il sera nécessaire, lesdits habitants ont constitué leur procureur ledit Benoist, à présent syndic, ou celui qui sera lors en charge, auquel ils donnent pouvoir même de présenter, si besoin est, requête à Nosseigneurs du Parlement, à l'effet de consentir audit enregistrement, plaider

et opposer et appeler, constituer procureur et généralement dont et de quoi a été fait et dressé le présent acte par lesdits notaires soussignés, les jour et an que dessus, au-devant de ladite porte principale et entrée de ladite église paroissiale de Saint-Pierre d'Angerville; lesdits habitants ont, avec lesdits notaires, signé sur la minute des présentes, qui est contrôlée à Méréville le deux janvier mil sept cent trente-trois, par Boreau, commis, qui a reçu 12 sols ; la minute restée à Fresne, l'un desdits notaires soussignés.

« BOREAU. » « FRESNE. »

Le consentement à l'enregistrement des lettres de confirmation de l'échange étant donné par les habitants d'Angerville, elles furent enregistrées par le conseil de l'administration de Saint - Cyr le 5 février 1733, ratifiées par les religieux de Saint-Denis le 15 mai 1733, et enfin la transaction se passa le 12 mars 1738.

TRANSACTION AVEC M. DELPECH SUR L'EXÉCUTION DE L'ÉCHANGE D'ANGERVILLE ET DE LA FERME DE LA CIIABOTTERIE.

REMISE RESPECTIVE DES TITRES.

(12 mars 1738.) Malgré la transaction du 15 mai 4730, d'après laquelle toute contestation devait être terminée, de nouvelles chicanes étaient survenues au sujet de la perception des loyers des propriétés respectivement concédées et des indemnités qu'on devait donner aux fermiers. Ces discussions avaient ajourné la remise des titres. Il devenait d'autant plus urgent de terminer cette affaire, que le marquis de Méréville, messire Jean Delpech, n'était plus. Il y eut donc à cet effet, le 12 mars 1738, une réunion entre les descendants de M. Delpech et des dames de la maison de Saint-Louis ; on rappela la transaction passée le 15 mai 1730 par devant Jourdain, l'un des notaires soussignés, et les parties reconnurent qu'elles s'étaient remises tous les titres concernant les biens respectivement cédés en échange par

ladite transaction. Ils se promirent, en outre, s'ils en trouvaient d'autres, de se les remettre de bonne foi, et se déchargèrent réciproquement de leurs prétentions, pour terminer le procès et rendre complète l'exécution du contrat de 1730. (1) Ce procès survenu au sujet d'Angerville non-seulement nous a fourni des détails historiques sur l'administration du village et sur les lieux circonvoisins, mais de plus, et c'est ce qui nous a décidé à en donner une communication complète , il donne la peinture la plus exacte de la confusion , des ti raillements qui existaient encore au xvme siècle dans les questions de droit. Il nous a montré aussi quelle importance la propriété féodale 'avait encore conservée malgré les con* quêtes de la royauté. Néanmoins, beaucoup de petites seigneuries avaient disparu.

Déjà, autour d'Angerville, celles d'Ouestreville et de Villeneuve ne relevaient plus de seigneurs immédiats. Villeneuve, qui avait pour seigneur particulier, à la rédaction de la coutume d'Étampes, Jean Sabrevoys, était passée dans le-domaine de Méréville qui y faisait exercer la justice par un bailli. Nous savons fort peu de chose sur cette seigneurie. Les registres de la mairie d'Angerville nous indiquent seulement qu'en 1641, Charles de Sarville était receveur de la terre et seigneurie de Villeneuve; en 1643, c'était Antoine Dubois, et en <687, Toussaint Ruzé.

Il y a peu de temps, on voyait encore au-dessus de la porte de la ferme située en face de la chapelle une tête de bœuf qui était peut-être l'écusson du seigneur. Dans cette ferme, au fond, à droite, dans des bâtiments qui servent actuellement d'étables, on peut reconnaître l'ancienne résidence du seigneur.

Il y a même une partie voûtée avec arcatures qui semble indiquer une ancienne chapelle.

Ouestreville, qui avait si longtemps conservé son seigneur particulier, relevait à cette époque de l'hôpital d'Orléans, à

(1) Original. — Aux archives de Versailles. — Liasse sur Rouvray.

cause de la seigneurie du Petit-Arbouville. Quant à Guestréville, il consistait alors en une ferme et plusieurs terres labourables possédées par les chartreux d'Orléans.

Bassonville, surnommée aujourd'hui la Jambe-en-l'Air, était aussi une seigneurie dépendante des chanoines réguliers de Saint-Euverte d'Orléans, ainsi que l'atteste le reçu suivant que nous devons à l'obligeance de M. Babault, docteur-médecin à Angerville: « Je, soussigné, fermier de messieurs les vénérables cha* noines réguliers de Saint-Euverte d'Orléans, seigneurs de la « seigneurie de Bassonville, en la paroisse d'Angerville, re« connois avoir reçu du sieur Quinton, marchand à Angerville, « la somme de quatre livres dix sols, à la quelle je me suis « restraint pour les proffits de quint d'un boisseau et demi de « terre qu'il a acquis des héritiers de la veuve Dargère, situé « à Bassonville, près d'Angerville, sans préjudice d'autres « droits et de l'aveu à fournir. A Orléans, ce six octobre mil « sept cent quatre-vingt-six. »

« DELANOË. »

Les hameaux n'avaient pas perdu à cette sorte de centralisation. Il était préférable pour eux d'être assujettis à un seigneur plus puissant. Ils y trouvaient à cette époque plus de protection. Il y eut aussi, pendant la minorité de Louis XV, une sorte de renaissance pour les campagnes. Le régent exempta de six années de tailles tous les soldats libérés qui mettraient en valeur les terres sans culture et les maisons abandonnées.

Puis, en abolissant toutes les lettres de noblesse accordées à la bourgeoisie depuis 1689, il augmenta le nombre des contribuables et diminua quelque peu le fardeau qui écrasait la classe agïicole. De plus, il ordonna aux intendants de province « de tenir la main à ce que les collecteurs, procédant par voie d'exécution contre les taillables , n'enlevassent point leurs chevaux et bœufs servant au labourage, ni leurs lits, habits,

ustensiles et outils avec lesquels les ouvriers et artisans gagnent leur vie. »

Angerville surtout devait ressentir les bienfaits de ces réformes. Déjà une ordonnance du 16 août <720 établissait la grande route d'Étampes à Orléans. Cette route améliorée devait nécessairement agrandir ses débouchés, multiplier ses arrivages, augmenter son commerce. Mais ce qui devait leur valoir la plus grande somme de bien-être et de prospérité, c'était l'établissement de foires et marchés qui devaient être le plus puissant aliment de son commerce.

On a vu dans le procès qu'Angerville avait anciennement possédé une foire qui se tenait le jour de Saint-Eutrope. Cette foire, qui n'était autre que celle accordée avec les marchés par Charles VIII, dans les lettres patentes qui n'ont pas encore été relatées au procès parce qu'aucune des parties n'avait intérêt à les mettre au jour, fut abolie par la jalouse concurrence de Méréville. Un peu plus tard, les habitants d'Angerville avaient obtenu des lettres patentes de Henri IV pour l'établissement d'un autre marché, lorsque Jean Desmontiers, seigneur de Méréville, s'opposa à leur enregistrement, comme préjudiciable aux droits acquis et aux intérêts existants de Méréville.

Mais M. Delpech, resté seul maître d'Angerville, comprit que, par sa position, cette petite ville pouvait devenir un centre commercial intermédiaire à celui de Janville et d'Étampes, et utile aux petits fermiers qui n'auraient plus besoin de se transporter aussi loin. La réussite d'un marché, qui devait augmenter ses ressources, ne faisait pas le moindre doute, ainsi que nous l'avons vu par les ventes de grains qui avaient lieu chez les particuliers. Car, pour qu'on jugeât bon de prélever un droit sur cette vente et qu'on ne craignît pas de s'engager dans un procès à ce sujet, il fallait bien que les transactions atteignissent un chiffre assez important.

Mais qu'était-ce donc que M. Delpech? un homme de robe appartenant à une famille de robe. Un des membres occupait Le fauteuil de la présidence à la cour des aides, un autre rem-

plissait les fonctions d'avocat-général. Famille partie des rangs du tiers-états, ils avaient sans doute gagné leurs titres de noblesse par des services dans la magistrature dont le souvenir est perdu. Ils avaient leur blason, et voiei les armoiries authentiques du conseiller au Parlement, seigneur de Méréville: « d'azur, au chevron brisé d'or, accompagné en chef de deux rayons mouvans des angles de l'écu et en pointe d'un pélican, dans son aire, le tout d'or, posé sur un mont d'argent, et d'une bordure de gueules. » C'est M. Delpech qui, après avoir longuement argumenté contre le droit de minage de l'intérêt qu'il avait, comme son prédécesseur, à ce qu'il ne s'établît pas de marché à Angerville, obtint de Louis XV des lettres patentesqui donnent des foires et marché à notre pays. Les intérêts avaient changé; il était tout-puissant dans la ville, les revenus devaient entrer dans sa caisse. Dans cet état de choses, l'honnête seigneur crut pouvoir reporter l'un des deux marchés de Méréville à Angerville, et, ce faisant, il calculait bien pour lui-même et mieux encore pour Angerville.

C'est dans les termes suivants que Louis XV accordait ces lettres patentes : « Louis, par la grâce de Dieu roy de France et de Navarre, à tous présents et à venir, salut : Notre amé et féal le sieur Jean Delpech, marquis de Méréville, notre conseiller en la grand'chambre de notre cour de Parlement de Paris, nous a fait exposer que, comme propriétaire du marquisat, terre, seigneurie et justice de Méréville et dépendances, il a, entre autres choses, droit d'y faire tenir quatre foires par an et deux marchés par semaine, l'un le mardy et l'autre le vendredy ; que, n'y ayant ni foire ni marché au bourg d'Angerville dépendant dudit marquisat de Méréville, situé sur la grande route de Paris à Orléans et le passage des troupes, il est fort onéreux et incommode aux habitants dudit bourg et des lieux circonvoisins d'être obligés de porter leurs denrées et marchandises à plus de quatre lieues à la ronde ; que, pour améliorer le dit bourg d'Angerville et

procurer des vivres plus abondamment aux troupes et aux passagers, le dit sieur exposant désirerait pouvoir y établir deux foires pour chacune année, la première le 20 juillet et la seconde le jour et feste de Saint-Hubert, et y transférer le marché qui se tient le vendredy à Méréville, pour y être tenu le même jour de vendredy de chaque semaine ; sur quoi il nous a très-humblement fait supplier de luy accorder nos lettres sur ce nécessaires. A ces causes, voulant favorablement traiter le dit sieur exposant et lui donner des marques de la satisfaction que nous avons de ses services, nous lui avons, de notre grâce spéciale, pleine puissance et autorité royale, permis et accordé et, par ces présentes signées de notre main, permettons et accordons de faire tenir au dit lieu d'Angerville deux foires par chacun an, la première le ^0 juillet et la seconde le jour et feste de Saint-Hubert, et d'y transférer le marché qui se tenait au dit lieu de Méréville le vendredy de chaque semaine, lesquels foires et marché nous avons, des mesures, grâces, pouvoir et autorité que dessus, créés, établis et autorisés et par ces présentes créons, établissons et autorisons, pour en jouir, par le dit sieur exposant et ses successeurs, aux mêmes droits, avantages et prérogatives, et par les marchands et habitants du dit Jieu e-t des endroits circonvoisins, marchands forains et tous autres, des mêmes franchises, exemptions, priviléges et liberté dont jouissent les marchands et habitants des autres lieux d'établissement de foires et marchés, sans préjudice des quatre foires et du second marché qui se tenaient cy-devant et qui continueront de se tenir à l'avenir au dit lieu de Méréville. Voulons et nous plaît que le dit sieur exposant et ses.

successeurs fassent bâtir et construire les halles, estaux, boutiques, échoppes nécessaires, s'ils ne sont déjà construits ; qu'ils perçoivent et fassent percevoir les droits qui seront dûs suivant les us et coutumes, et que tous marchands puissent aller, venir, séjourner, vendre, débiter, troquer et échanger toutes sortes de marchandises licites et permises, ainsi qu'il est accoutumé, pourvu toutefois qu'à quatre lieues à la ronde

du dit lieu d'Angerville, il n'y ait pas au dit jour autres foires et marchés auxquels ces présentes puissent préjudicier; que les dites foires et marchés n'échoient aux jours de dimanches et festes solennelles, auquel cas ils seront remis au lendemain et sans qu'on puisse prétendre aucune exemption ni franchise de nos droits. Si, donnons en mandement à nos amés et féaux conseillers les gens tenant notre chambre des comptes à Paris que, ès présent, ils ayent à faire registrer livre public partout où besoin sera, et du contenu faire jouir, user, le dit sieur exposant, marquis de Méréville, et ses successeurs, propriétaires des dites terres et marquisat du dit Méréville, pleinement, paisiblement et perpétuellement, ensemble les marchands et habitants du dit lieu d'Angerville et lieux circonvoisins, marchands forains et tous autres qui iront et viendront aux foires et marchés, cessant et faisant cesser tous troubles et empêchements à ce contraires : car tel est notre bon plaisir.

Et, afin que ce soit chose ferme et stable à toujours, nous avons fait mettre notre scel à ces présentes, données à Versailles le quatorzième jour de novembre, l'an de grâce mil sept cent trente-cinq, et de notre règne le vingtième ; signé sous le reply, LOUIS. Et sur le reply : par le roi, Phelippeaux. —

Scellés en lacs de soie et cire verte ; et sur le reply est écrit : Registrés en la chambre des comptes, ouï le procureur général du roy pour jouir, par l'impétrant et ses successeurs, propriétaires du marquisat de Méréville, de l'effet et contenu en icelles, et être exécutés selon leur forme, teneur y suivant, et aux charges portées par l'arrêt sur ce, fait le trois février mil sept cent trente-six, signé Ducorme, et à côté visa Chaumelin. »

Ces lettres furent en effet enregistrées le 3 février 1736, par arrêt de la chambre des comptes, rendu sur enquête faite au bailliage de Dourdan, ce qui prouve qu'Angerville faisait alors partie de l'élection de Dourdan. Si le lecteur est curieux de connaître les droits et profits que tirait le marquis de Méréville de cet établissement, en voici l'énumération :

Pour le roulage de chaque queue de vin. 5 deniers p.

Pour chaque bête chargée de lard, chandelle, huile, savon et autres marchandises de même espèce. 15 den. p.

Pour chaque bête chargée de bled, pain, farine, viande. 5 den.

Tous messagers roïaux. 15 den.

Pour deux tonneaux enfoncés ou à gueule bée, chargés sur un cheval, mulet ou bête asine. 5 den.

Pour deux tonneaux chargés sur une charrette ou autre harnais. 5 den.

Chaque bête chargée de gibier, volaille. 17 den.

Pour la couple de toute bête 3 den.

Pour une meule de moulin non percée chargée sur une charrette. 3 sols 9 den.

Pour une meule percée. 6 sols 9 den.

Pour cheval, jument, mulet dans foire et marché 15 den. p.

Pour chaque corne de mouton. 20 den.

Pour chaque millier de harengs saurs. 2 den.

Pour chaque millier saurs. 3 mailles.

Pour chaque bête chargée de meubles de fer 1m.

Pour chaque bête chargée de pûële, poëlon de cuivre.. 1 m.

Pour chaque homme porteur de vivre à col. 1 vivre pour l'année.

Pour chaque homme porteur de faïence. 1 pot pour l'année.

Chaque marchand de saumon.. 1 queue et 1 tête p. l'année.

Chaque marchand de lamproie. 1 lamproie p. l'année.

Chaque millier de cire 2 sols p.

Une douzaine de faux. 8 den. p.

Pour un cent de faucilles. 4 faucilles.

« Et généralement sur toutes sortes de marchandises passantes, traversantes, sortantes et dégarnissant notre dite haute châtellenie, suivant l'usagc qui s'observe en la ville d'Étampes, conformément à la pancarte d'icelle ville. »

Mais, soyons justes, ces petits profils de M. Delpech ne doivent pas nous empêcher de reconnaître qu'il a bien mérité

d'Angerville, puisqu'il est le fondateur de ses foires et de son marché. Déjà bien des années s'étaient écoulées depuis leur établissement, et la Saint-Hubert ramenait annuellement sa foire du 3 novembre, lorsqu'un beau jour de cette même foire on vit tout à coup la foule des allants et venants, des vendeurs et acheteurs, étrangers ou habitants du bourg, s'amonceler devant une pauvre boutique de serrurier, comme attirée là par quelque spectacle bien étrange ou du moins tout nouveau. Les éclats de rire, les trépignements de joie, les battements de mains des premiers arrivés faisaient un irrésistible appel aux retardataires, et la foule devenait de moment en moment plus compacte aux abords de la noire boutique qu'elle menaçait d'envahir et d'encombrer. Quelle curiosité si puissante pouvait donc ainsi troubler la foire, distraire les préoccupations de l'intérêt et tenir là, bouche béante, muets d'étonnement ou saisis d'une naïve admiration, paysans et bourgeois, villageois et citadins, hommes ou femmes, jeunes ou vieux ?

Ce que c'était? Eh bien ! Angerville qui parmi ses enfants comptait déjà Blanchet, savant philologue et de plus l'un de ces esprits délicats et fins, l'une de ces âmes enchaînées au passé par le respect, poussées vers l'avenir par l'intelligence, et qui servirent, comme Fénélon lui-même, de transition entre le XVIIe et le XVIIIe siècle, Angerville venait de trouver son Vaucanson.

Pierre-Eutrope Montigny, le serrurier devant la boutique duquel la foule s'était amassée , était un de ces hommes de génie sans instruction, comme on en rencontre tant dans l'histoire des inventions, et dont le nombre serait bien plus considérable encore si une foule de ces génies malheureux n'avaient été souvent forcés par le besoin de s'ensevelir dans l'oubli. Il était né à Angerville le 16 mai 1735 ; son père, serrurier luimême, l'avait élevé dans sa profession. Dès sa jeunesse, l'adresse avec laquelle il exécutait ses travaux, l'originalité de son caractère décelaient en lui un esprit peu ordinaire. Sa première œuvre fut un tourne-broche destiné à sa mère, sur

lequel il avait gravé : « C'est Montigny qui m'a fait sans forge ni soumet. » Poussé par son instinct inventif, il avait déjà produit une foule de petits mécanismes industrieux, lorsqu'en 1780, il commença à mettre à exécution une idée qui le tourmentait depuis déjà bien des années. Il établit, au-dessus de sa boutique qui était justement sur la place du marché, dans la maison de M. Baraillon-Molard, une horloge à automates.

Telle était la merveille qui avait, le jour dont nous parlons, si bien captivé la foule. Cette horloge, dont le mécanisme était aussi simple qu'ingénieux, marchait à l'aide de moufles et de poids et ressemblait, dit-on, à une espèce de tourne-broche ; mais qu'importe la ressemblance? Toujours est-il que cette horloge marquait les jours, les heures, les minutes et les quarts qui étaient sonnés par des timbres différents et annoncés par de petites marionnettes en bois dont le nombre augmentait avec celui des heures.

Aussi, depuis le moment où elle fit sa première apparition en public, chaque jour, à l'heure de midi, y avait-il foule devant la porte du père Montigny pour voir défiler tous les personnages de l'horloge. A peine l'aiguille avait-elle indiqué l'heure que trois pélerins s'avançaient pour sonner les quarts; après-eux venait un Jacquemard qui frappait les douze coups.

Puis on voyait successivement : une quêteuse suivie d'un bedeau avec un personnage qui la saluait en passant ; un chien courant après un lièvre ; un remouleur ayant le mouvement du corps, des bras et de la tête ; un homme faisant danser un ours; deux personnages dansant un menuet; un autre sonnant de la trompette ; un joueur de vielle ; un singe faisant la cabriole en arrière ; une grosse tête tirant la langue et clignant les yeux ; un soldat imitant un factionnaire allant et venant sans cesse. De plus, on remarquait au-dessus du timbre des heures un chapeau chinois surmonté d'un pégase en girouette.

Tous ces personnages étaient, dit-on, sortis des mains du père Montigny.

Bientôt l'horloge à automates eut conquis de la renommée,

de la célébrité. Les visiteurs qu'elle attira ne furent plus seulement des curieux indigènes, des flaneurs de l'endroit ou des enfants musards. Plus d'un voyageur descendit à la hâte de la diligence ou de la patache d'illustre mémoire, pour courir à l'horloge d'Angerville. Historiens, géographes, voyageurs, tout le monde en parlait, tout le monde demandait à en connaître l'auteur. Ce n'était pas chose facile : Eutrope était souvent dans les communes environnantes à raccommoder ou remonter les horloges paroissiales, et, ces jours-là, retenu par les curés qui aimaient sa conversation originale et admiraient ses aptitudes gastronomiques, il rentrait tard au logis. Un soir donc, dit la chronique, arrêté à souper chez un de ces bons curés où il y avait société, Montigny rit, boit et mange comme quatre. On était au dessert ; l'heure s'avançait, et notre gastronome, croyant le repas fini, avait fermé et mis son couteau à la poche, quand la vieille servante du presbytère apparut avec un énorme gâteau, en disant d'une voix trembloltante : « Il est bon, Montigny; il est bon. » Montigny, qui ne reculait jamais devant un bon morceau, se frottait déjà les mains, mais survient un embarras : M. le curé a prié le mécanicien de faire les parts. Comment, à l'insu des convives, ouvrir le couteau qu'on a imprudemment fermé? « Messieurs, dit l'adjoint d'Angerville (car Montigny fut adjoint), permettez-moi, avant d'entamer ce gâteau, de vous raconter comment on ne doit jamais rentrer trop tard au logis. — Raconte, Montigny, raconte , dit le curé. — Eh bien 1 messieurs , dernièrement, m'étant attardé chez un de vos confrères, je gagnais tranquillement Angerville, quand un voleur m'arrête en me demandant la bourse ou la vie. A ce mot, je tire vivement mon couteau de la poche et, à l'aspect de sa grande lame que vous voyez et que je brandissais hardiment, le voleur s'enfuit à toutes jambes. - Quoique Montigny n'ait pas eu peur, vous remarquez, messieurs, qu'il est imprudent de le retenir trop longtemps. » Ceci dit, les armes à la main, notre gastronome attaque vigoureusement le gâteau et s'attarde volontiers. Mais

ce bonhomme, si jjlein de verve, si communicatif chez les autres, ne donnait guère d'entrée chez lui. On avait beau le prier, lui offrir de l'argent, il ne voulut jamais montrer le mécanisme qui faisait marcher ses automates. Il était, pour son invention, comme un avare pour son trésor. Aussi la pauvre horloge sonna sa dernière heure avec celle de l'inventeur.

Après la mort de Montigny, qui arriva le 10 mai 1828, personne ne sachant comment faire marcher la vielle, le bedeau, la quêteuse et le remouleur, on fut obligé de tout abandonner, et, triste destinée des inventions humaines ! l'horloge démontée, brouettée, alla vivre ignorée dans la ferraille d'un chaudronnier du pays, surnommé Jean la Brouette. Le père Jean était trèsindustrieux ; il chercha à rendre le mouvement à l'horloge et la vie aux marionnettes; il en tourna, retourna cent fois les débris, mais vains efforts ! la grosse tète avait fermé les yeux pour ne plus les rouvrir, elle ne tirait plus la langue ; les danseurs de menuet étaient paralytiques, et le factionnaire s'était endormi.

Quelques-uns de ces personnages échappèrent aux mains du père Jean. Le remouleur se réfugia dans le jardin de M. Valette, horloger du pays, pour servir de girouette à faire peur-aux oiseaux.

Le Pégase, ayant pris la fuite, fut arrêté sur une maison voisine du sauvage. Le pauvre cheval ailé de Neptune, transformé également en girouette, paraît obéir à regret aux vents, et ses grincements trahissent sa mauvaise humeur.

Un seul de tous ces personnages eut une destinée plus heureuse : le danseur d'ours fut emmené, avec les pénates de l'inventeur, par une nièce qui avait conservé pour son oncle un culte digne d'éloges, et nous devons à la générosité de son fils, M. Lesage, de Gommerville, la faveur de posséder cet illustre personnage. Mais, hâtons-nous de reprendre notre marche, car le temps, cette autre grande horloge à automates, vient de sonner l'heure de la Révolution.

CHAPITRE XV.

Révolution. — Bande d'Orgères. - Passage de la duchesse d'Angoulême. — Grand conseil de guerre. — Établissement de foires.

On a pu juger, par la suite de toute notre histoire, qu'à part les vicomtes de Mérinville qui furent véritablement de grands seigneurs, et les abbés de Saint-Denis dont l'influence s'exerçait de loin et de haut, la noblesse du pays ne s'élevait guère au-dessus du niveau de la haute bourgeoisie. Les petits nobles d'Angerville, devenus pour la plupart feudataires des abbés de Saint-Denis, puis ensuite des dames de Saint-Louis, n'étaient pas de ceux dont les têtes, suivant la comparaison du poète latin, s'élèvent au-dessus des autres. Le proverbe disait des nobles de notre contrée :

C'est un gentilhomme de Beauce, Qui se tient au lit quand on refait ses chausses.

Aussi, quand la Révolution éclata, elle les trouva si bien confondus avec la bourgeoisie qu'elle ne les en distingua pas.

Angerville n'eut donc pas à subir le spectacle de ces déplorables émigrations ni des spoliations non moins déplorables qui en furent la conséquence.

Par suite de la suppression des ordres religieux, en février 4790, les feudataires de l'ancienne abbaye de Saint-Denis, les vassaux des dames de Saint-Cyr devinrent des contribuables

de l'État, voilà tout. L'assemblée nationale, en abolissant les droits féodaux et censuels, sans indemnité, avait cependant admis une exception en faveur de ceux dont le titre primitif fournirait qu'ils étaient le prix de la concession du fonds. La Convention crut voir, dans cette distinction, une tolérance qui pouvait ramener la féodalité, et supprima le tout. Ces petits adjudicataires de terrain à Angerville, dont nous avons parlé dans l'un des précédents chapitres, dûrent alors se réjouir; la petite propriété était décidément créée. Assurément, si quelque penseur eût alors arrêté ses regards sur le passé de notre modeste cité, il eût facilement compris tous les avantages qui ressortaient pour elle de la position que ses priviléges et les circonstances lui avaient faite. Elle n'avait pas eu à suivre les destinées orageuses de ces longues et fières dynasties de comtes et barons qu'on rencontre ailleurs. Jamais le caprice d'un maître violent n'avait prodigué le sang de ses habitants en de funestes guerres. Bien que vivant de sa vie propre et individuelle, bien que jalouse de ses priviléges locaux, elle avait toujours gravité vers le centre commun, toujours convergé vers l'intérêt général. A côté du principe féodal, ses usages y avaient depuis logtémps naturalisé, entretenu et conservé le droit d*délibération municipale; elle s-e trouvait donc presque de plein-pied avec l'esprit administratif que le nouveau régime allait y introduire. Que pouvait-elle donc, comme ville et comme centre de population, gagner à la Révolution ? d'être élevée au rang des cantons dans la nouvelle distribution de territoire ? Elle le fut, en effet, par le décret du 22 décembre 1789 ; mais cette même ville, qui possédait avant la Révolution une justice locale, un bailli, un procureur fiscal, lin syndic et un membre à l'assemblée provinciale de l'Orléanais, perdit jusqu'à cet humble rang de canton, par la décision du conseil d'État du 3 brumaire an x, dans lequel les cinquante-quatre cantons du département de Seine-et-Oise étaient réduits à trente-six. Voilà ce que le génie et le besoin de la centralisation lui valaient. Voilà comment beaucoup de petites localités ont

été arrêtées dans leur essor, après avoir grandi dans l'atmosphère orageuse du moyen-âge.

Mais, au surplus, les bienfaits de la Révolution sont si grands, si incontestables, qu'il serait puéril de regretter un seul instant les avantages du passé. Elle apportait avec elle, pour tout le monde, même justice, même poids, même mesure, même admissibilité aux emplois. Elle consacrait et l'égalité civile, et la liberté de l'industrie, et la petite propriété qui stimule les facultés de l'homme. Elle devait, disent certaines gens, amener bien d'autres résultats. Mais l'idéal est quelque chose de si haut placé, de si difficile à atteindre, que, pour en approcher, il faudra sans doute bien longtemps encore emprunter les ailes de la charité évangélique. 93 croyait y

atteindre d'une autre manière, et, comme les plus belles illusions engendrent les déceptions les plus cruelles, cette vive conviction , cet espoir ardent furent changés en sombres fu* reurs, en passions sauvages par les obstacles même qu'ils rencontrèrent. La terreur vint frapper aux portes de nos villages. On vit des bandes de gens armés de piques, de fusils, de sabres et de poignards, dicter, au nom du peuple, le prix des grains dans nos marchés. A ÉLampes, le maire Simonneau, ayant voulu s'opposer à ce désordre, fut tué et mis .en pièces. Angerville, Dieu merci, n'eut pas de tels forfaits à déplorer, mais les scènes de désordres n'y manquèrent pas, et, le vendredi 8 mars 1792, il y eut au marché des troublés assez sérieux pour y amener, le vendredi suivant, les commissaires d'Étampes qui dressèrent le procès-verbal ci-après ; « Nous , commissaires du directoire du département de Seine-et-Oise, chargés, par sa délibération du 7 mars, présent mois, de rétablir l'ordre et la liberté du commerce des subsistances dans plusieurs districts du département, nous sommes transportés cejourd'hui à Angerville, jour où se tient le marché audit lieu ; d'après l'avis qui nous a été donné par le directoire au district d'Étampes, en nous faisant passer copie de la lettre à lui adressée, le 10 du présent mois, par MM. les

maires et officiers municipaux dudit lieu, qui lui faisaient part de la violence qu'ils ont éprouvée le dernier jour de marché pour la taxe des grains ; pourquoi ils lui demandaient du secours, à l'effet de parer au désordre dans le marché prochain ; et, nous étant rendus dans la maison commune, après avoir conféré avec M. le commandant des détachements de la garde nationale volontaire de Paris, des troupes de ligne et de la gendarmerie, nous avons trouvé MM. les maires et officiers municipaux, qui nous ont déclaré qu'il y avait eu assez de blé sur le marché dernier, eu égard à ce qui s'y apporte ordinairement ; mais que s'étant trouvé un plus grand nombre de prétendus acheteurs armés, et eux étant sans force, la garde nationale dudit lieu n'étant pas encore organisée, ils avaient été réduits, pour sauver la ville, de taxer leurs grains au prix de leur dite lettre du 10 mars ; que tous les grains qui avaient été exposés sur le marché ayant été vendus, il s'est présenté huit personnes, ayant un particulier à leur tète et dont ils paraissaient suivre l'impulsion, qui se sont adressées à eux dans la salle de la maison commune, pour savoir où ils pourraient avoir du blé dont ils avaient grand besoin ; sur quoi les dits officiers municipaux, entraînés par eux, les ont conduits chez le-sieur Bouilly, où étaient des grains en serre appartenant à M. Boivin, laboureur à RichardviIle ; qu'il s'y en est trouvé, et a offert d'en délivrer, autant qu'il en aurait, au prix de 24 livres, comme il avait été taxé par la municipalité, quoique ce blé eut été vendu par lui antérieurement à un prix plus haut à un marchand ; sur ce que, plusieurs de ceux qui s'étaient présentés ont observé qu'ils ne désiraient pas acheter du blé de première qualité, mais bien mêlé d'orge ; qu'ainsi, il fallait que MM. les officiers municipaux leur en procurassent, sinon qu'ils allaient voir ! ! lesdits officiers municipaux en ayant trouvé chez le sieur Paillot, lequel s'est offert à leur en fournir à 12 fr., ils se sont alors refusés d'en prendre, excepté trois qui en ont acheté, et payé au prix ci-dessus, char-un un sac.

Quant aux autres, au lieu de se retirer, ils sont restés jusqu'au

lendemain matin ; après avoir passé la nuit dans les cabarets et être venus à plusieurs reprises frapper à la maison commune en insultant le corps municipal, et avoir frappé de même à la porte des sieurs Gatineau, et Paillot, aussi marchands de blé, en leur disant avec emportement de sortir et qu'ils les mettraient à la lanterne, et môme , en se retirant le matin , ont crié au feu à la sortie du bourg.

« Pourquoi, nous, commissaires, considérant qu'une pareille conduiteuie peut être que l'effet d'un complot combiné, nous avons invité nosdits sieurs officiers municipaux de nous déclarer s'ils connaissaient ces particuliers ; M. le procureur de la commune nous a déclaré que les conducteurs de cette troupe s'appelaient Raguin, apprèteur de bas, demeurant à Pussay, près Angerville, et le nommé Gautron, manouvrier, garçon majeur, demeurant chez sa mère audit Pussay ; mais que les autres leur étaient inconnus. Pourquoi nous avons cru qu'il était de l'intérêt public de dénoncer, comme nous dénonçons par ces présentes, en vertu des pouvoirs à nous donnés par la délibération du directoire sus-datée, à M. Tessier, juge de paix d'Angerville, demeurant audit lieu, les nommés Raguin et Gautron, sus-désignés, comme les principaux auteurs des violences qui ont été faites à nos dits sieurs les officiers municipaux dudit lieu, sur le marché, le vendredi 9 du présent mois. Dénonçons pareillement les fauteurs, complices et promoteurs des rassemblements à main armée, qui ont eu lieu dans les environs. Requérons mondit sieur juge de paix de recevoir toutes déclarations, décerner les mandats d'amener et même d'arrêt qu'il jugera nécessaire ; l'invitons à donner connaissance au directoire du département, par la voie de celui du district, du progrès de son instruction.

« Fait à Angerville, le 16 mars 1792.

« Signé, IIUET, ROUSEAU, CHOVOS.

« Scellé au sceau du département. »

(Extrait des archives de Versailles.)

La terreur fit son apparition à Angerville sous les traits et dans la personne du représentant Jean Couturier, qui signala son passage par la destitution du conseil général de la commune, de }a juridiction de paix et du comité de surveillance.

Son délégué, Jean Sibillon, gratifia à son tour Angerville d'un maire de sa façon, le nommé François Dollon. Sous cette double dictature de village, l'église fut souillée, dévastée, convertie en club, en salle de danse ou de banquet. Ornements, boiseries, tout fut enlevé à vil prix. Les vases sacrés servirent à des usages immondes. L'aigle du chœur, acheté 6 francs 10 sous, alla s'abattre dans la basse-cour d'une auberge, où il servit de perchoir aux dindons. Quelques individus s'étant emparés des chappes de la sacristie, en firent des mascarades.

Le clocher fut coiffé d'un bonnet phrygien, et la cloche envoyée à la fonderie. Qu'aurait dit son parrain, le seigneur Delpech, si quelque magicien, surgissant tout à coup pendant la cérémonie, l'eût apostrophé en ces termes : « Eh 1 eh !

marquis , tu baptises aujourd'hui les gros-sous de la future république française ! »

La fermeture des églises est peut-être le fait le plus saillant de la Révolution dans les campagnes, ainsi que la destruction des titres de noblesse, des papiers terriers et de tout ce qui pouvait contenir des traces des droits féodaux. Nous devons aux nombreuses recherches de M. Houllier, de Chartres, l'acte suivant, tiré des archives de Dommerville, qui nous donne une idée de ces sortes de désastres : « Le sixième jour de la première décade du deuxième mois de l'an 11 (27 octobre 1793), « Les titres censuels et féodaux, minutes, expéditions et grosses, anciens et modernes, relevés de plans, et ces plans tant au net qu'en brouillons, et une grande quantité de renseignements sur les droits féodaux et censuels, ensemble les nouveaux et anciens terriers, cueillerets et autres des cy-devant seigneuries de Boinville, Dommerville, Oueslroville, Grand et

Petit-Châtillon (1 ) ; les minutes, grosses, expéditions du nouveau terrier des cy-devant seigneuries de Louville-la-Chenard, Villeneuve-le-Bœuf et annexes, ensemble les cueilloirs, relevés de plans, les plans et autres renseignements sur les droits féodaux et censuels dudit Louville ; un paquet de grosses de plusieurs terriers de la cy-devant seigneurie de Reclainville ; nouveau terrier de la cy-devant seigneurie de Dangeau, ensemble titres, plans et renseignements ; un paquet de grosses, d'aveux, foy et hommage, grosses, expéditions et minutes du cy-devant fief du Petit-Arbouville ; un paquet de minutes, d'actes de foy, aveux et dénombremens des notaires Tessier, Moulin, Benoist, Savouré, Retté, Jubart, Genty et autres ; Jouvain, curé de Dommerville, a déposé à la mairie vingt pièces de foy et hommage dépendant de la cure, et Penot un cueilloir des cens et champarts de la seigneurie de Boullonville, « Ont été portés dans une charrette, sur une pièce de terre en face du cy-devant château de cette commune, aux cris de vive la République ! Soient proscrits éternellement les despotes !

Lesquels ont été jetés dans un grand feu de bois et paille par lesdits maires et officiers municipaux, et les cendres jetées au vent, le tout consumé, « En présence des maire et ofifciers municipaux , procureurs de la commune, et des habitans.

« Signé : GATINEAU , maire ; LEFRANC. officier ; JEAN TOUCHARD, officier ; PIERRE BROSSET, AUGUSTIN QUINTON, notables; SOMMAIRE, BROSSET, ECHER, procureurs de la commune ; VALLE, secrétaire. »

Aux troubles de la Révolution, notre Beauce, qui avait été la proie des gens d'église, puis la proie des gens d'armes,

(1) Les seigneuries de Boinville, du Grand et du Petit-Châtillon, situées près de Dommerville, n'existent plus aujourd'hui.

puis celle des gens de justice, devait encore se voir en butte aux entreprises effrontées des voleurs de grands chemins.

Ces derniers, qui ne sont bien connus que sous le nom de Brigands d'Orgères, et qui ont donné lieu à un procès célèbre dans les Annales de Chartres, paraissent remonter, pour l'origine, à ces troupes vagabondes de Bohémiens du moyen-âge, dont ils avaient conservé quelques usages et quelques traditions. Comme eux, ils enlevaient des enfants, les élevaient dans leurs mœurs, sondaient de bonne heure leurs dispositions naturelles et les dressaient sous mille formes diverses au brigandage qu'ils réduisaient autant que possible en système social, n'y séjournant pas seulement quelques années, mais s'y cantonnant pour la vie, s'y établissant sans esprit de retour, parodiant de leur mieux les mœurs de la famille ou de la commune, contractant mariage, vieillissant et y mourant quelquefois. Ces honnêtes gens avaient, en 1780, établi leurs lares et pénates au sein de la forêt de Dourdan. Chassés de leur paisible retraite, mais non découragés, ils demandent abri et refuge au plus épais des bois de Montargis. Là, de nouveaux revers viennent les assaillir. Le chef de la bande et soixante-dix des siens périssent sur la roue en 1783; mais, quelques années plus tard, à la faveur des troubles qui présidèrent à la Révolution, Fleur-d'Epine, successeur du trop fameux Poulailler, entreprit de restaurer les affaires de la Société. Il n'y réussit que trop, et, prenant pour centre d'opérations notre pays, il imita la nouvelle division nationale. Le chef-lieu des départements d'Eure-et-Loir et du Loiret fut, pour lui le bois de la Muette. Les bois de Pussin, de SainteEscobille, de Chambeaudoin, de Cottainville, de la Porte, etc., furent transformés en districts et en cantons ayant chacun son lieutenant. Servis par des brigands du pays, tels que le Dragon de Rouvray, le Rouge d'Auneau, les Deux-Francs de Boisseau, ils semèrent la terreur dans la Beauce, qui leur offrait beaucoup de ressources par sa population dispersée, ses fermes isolées, par ses grands bois et ses riches plaines.

Il nous répugne d'entrer dans les détails de meurtres aussi épouvantables, de crimes, de tortures, d'assassinats, de massacres, de viols si honteux, si abominables. En face de telles atrocités, on se demande ce que devient l'âme de l'homme, car ces malheureux n'étaient plus des hommes ni même des animaux, c'étaient des monstres.

Angerville, grâce à la fréquentation de sa route et à ses auberges où l'on veillait toute la nuit, n'eut pas à subir le triste sort des communes environnantes. Ce n'était pas un refuge assuré. Elie Berthet rapporte qu'un soir ils osèrent néanmoins s'y introduire : « Le soleil se couchait, quand on atteignit Angerville. Si vigoureux que fussent les chevaux au départ, ils commençaient à donner des signes de lassitude ; mais leur tâche était finie pour ce jour-là. Les voyageurs devaient, en raison de la difficulté des lieux, poursuivre leur route à pied. Évitant la grande rue où ils auraient pu être remarqués, ils s'engagèrent dans une ruelle déserte située sur les derrières du bourg, et ils s'arrêtèrent devant une grange qui semblait dépendre d'une ferme importante. Là, ils mirent pied à terre et le Beau-François siffla doucement. Après deux ou trois minutes d'attente, la porte s'entr'ouvrit et une personne, qui se tenait dans l'ombre, prononça une espèce de mot de ralliement ; le Beau-François y répondit, puis cavaliers et montures furent introduits dans l'habitation. Toutefois, les voyageurs ne s'y arrêtèrent pas longtemps ; moins d'un quart d'heure après, ils ressortaient par la même porte et avec de grandes précautions. Maintenant ils étaient à pied, leurs éperons avaient disparu, ils tenaient à la main des bâtons normands dont la poignée était en forme de crosse. Après s'être assurés qu'il ne se trouvait personne dans la ruelle, ils partirent en silence et la porte se ferma derrière eux. En peu d'instants ils eurent gagné la campagne, et, à la lueur du crépuscule, ils s'enfoncèrent dans un pays accidenté qui leur était familier, dans les bois de la Muette, et portèrent leurs ravages à Autruy, à Erceville, etc. Mais qui a

ouvert, qui a fermé la porte de la grange? Est-ce un habitant d'Angerville? Nous ne voulons pas le supposer; mais l'histoire ne saurait reculer devant les plus tristes vérités, et nous devons dire que dans l'histoire des Drames judiciaires d'Armand Fouquier, on lit dans l'article Bande d'Orgères, qu'après l'affreux pillage de Millouard, « Le Petit-Normand fut chargé d'aller vendre les effets de corps à l'auberge de la Cuisse-en-l'Air, près d'Angerville.

L'aubergiste, sa femme et jusqu'aux domestiques de la maison étaient tous Francs. » (1) Les désastres de <814 et de 1815 ne furent pas moins féconds en enseignements pour Angerville que la Révolution.

Après l'abdication de Napoléon à Fontainebleau, le 4 avril 1814, le corps d'armée qu'il commandait fut dirigé sur la Normandie et passa à Angerville. Soixante généraux, leur état-major et la troupe, arrivant inopinément dans une petite ville de quinze cents habitants, sans provisions, sans fourrage, sans avis préalable et en l'absence de tous préparatifs pour les recevoir, jetèrent tout le pays en émoi. M. Armand Rousseau, maire d'Angerville, déploya, en cette occasion, toute la prudence et toute la présence d'esprit nécessaires pour calmer des soldats mécontents, affamés et réclamant en vain des vivres que ne pouvaient leur fournir les paisibles demeures qu'ils envahissaient et encombraient. Plusieurs généraux se décidèrent alors à continuer leur route vers Chartres ou se répandirent dans les villages voisins. Il ne resta de gens que ceux que l'on pouvait raisonnablement nourrir et loger. Notre petite ville ne fut pas quitte à si bon marché quand il fallut héberger l'étranger.

Après le rappel des Bourbons, le 10 avril 1814, MarieLouise, partie de Blois pour se rendre à Rambouillet avec le jeune roi de Rome, traversa notre petite ville sous la conduite

(1) Drames judiciaires. — Les Chauffeurs. — Bande d'Orgères. — Armand Fouquier, page 19.

du général russe Schowaloff. On rapporte que, promenant ses regards empreints de mélancolie sur l'escorte étrangère qui écartait loin de lui la foule avide de le voir, et les reportant sur le visage attristé de Marie-Louise, l'enfant dit ces mots : « Ce ne sont pas les soldats de papa. > A quelques mois de là, le 13 aoùt 1814, c'était le tour de Mme la duchesse d'Angoulôme. Cette princesse avait eu pour nourrice une dame d'Angerville, de la famille même du maire.

On concevra donc sans peine que, sous cette influence, le sentiment public ait revêtu pour un moment toute la vivacité, tout le coloris d'un sentiment particulier. Chez Mrae la duchesse d'Angoulême, l'infortune avait été si grande qu'elle ne laissait guère de place à l'ovation ; mais il y eut quelque chose de simple et de vraiment pastoral dans celle qu'on lui avait préparée à Angerville, à en juger par le procès-verbal dressé et inscrit sur les registres de la commune pour en perpétuer le souvenir : « L'arc de triomphe, composé de trois portiques dont le principal était de douze mètres de hauteur, décoré de drapeaux et orné de guirlandes, portait les inscriptions suivantes : Vive Louis XVIII ! Manibus date lilia plenis ! Louis paraît !

Bonheur renaît ! Vive la duchesse d'Angoulême ! »

Puis suivaient des vers ou inscriptions rimées, que nous reproduisons fidèlement : La terre est consolée et les cieux applaudissent.

Dieu seul n'ignore pas tout le bien qu'elle a fait.

C'est maintenant que les nuages, Dont nos jours étaient obscurcis, Devant vous seront éclaircis Et n'enfanteront plus d'orag('s.

Le Ciel de tous ses dons l'avait ornée.

Jamais tant de vertu fut-elle couronnée.

L'abondance partout ramènera les jeux ; Les regrets, les soucis s'enfuiront devant eux !

L'arrivée de M. le sous-préfet et des maires du canton fut le signal de l'allégresse. M. le maire, accompagné de M. l'ad-

joint, les membres du conseil municipal, tous les fonctionnaires et les habitants l'ont entourée et se sont précipités sur ses pas pour aller recevoir Son Altesse royale.

Les dames et les demoiselles, vêtues de blanc et ayant chacune un bouquet à la main, l'ont accompagnée. Des salves de mousqueterie (sic) et le son des cloches ont annoncé l'approche de Sa Majesté royale Mme la duchesse d'Angoulême.

Parvenu auprès de Son Altesse royale, M. le sous-préfet l'a complimentée et lui a adressé le discours suivant : « Madame, « Les habitants de l'arrondissement d'Étampes, dont je me glorifie d'être en ce moment l'organe, vous offrent l'hommage de leur amour, de leur respect et de leur fidélité. Le bonheur qu'ils éprouvent de voir au milieu d'eux une princesse qu'environnent de si touchants souvenirs, est pour eux d'autant plus ineffable qu'ils font partie de la population de Versailles, votre berceau, et que ce fut parmi eux que fut choisi le sein qui allaita Votre Altesse royale.

« Pleins de ces souvenirs, pleins de l'admiration de vos vertus et pénétrés de respect en contemplant aujourd'hui l'auguste-fille de nos rois, ces bons habitants ne cesseront leurs acclamations que pour lever les mains au ciel, en bénissant le jour solennel qui vous rendit à leurs vœux. Jouissez, Madame, de l'allégresse et de la vive émotion que votre présence répand dans leur cœur. Comme eux, j'éprouve le besoin de mêler aux applaudissements universels le témoignage de ma joie , et de répéter ce noble cri, chéri de tous les bons Français : Vive Louis XVIII ! vive Mme la duchesse d'Angoulême 1 vivent à jamais les Bourbons ! )

M. le maire a eu aussi le bonheur de lui adresser les paroles suivantes : « Madame, « Ils sont donc enfin arrivés ces heureux jours après lesquels

nous soupirions depuis longtemps ! Béni soit le Seigneur, de la grâce insigne qu'il nous fait d'avoir l'honneur de posséder au milieu de nous une princesse aussi vertueuse ! Ce jour, Madame, où Votre Altesse veut bien nous faire l'honneur de demeurer quelques instants dans notre cité, sera à jamais mémorable dans les fastes (sic) d'Angerville. Oui, Madame, chacun de nous dira qu'il a eu le bonheur de voir une princesse accomplie, un digne rejeton de Saint-Louis.

« Quel avantage pour nous d'avoir recouvré une famille si chère à nos cœurs ! Que mille actions de grâces en soient rendues à Dieu ! Nous possédons un roi dont toute l'ambition consiste à faire le bonheur de ses sujets. Il nous reste maintenant la tâche de nous rendre dignes d'un si bon souverain.

« Ces paroles, Madame, que j'ai l'honneur d'adresser à Votre Altesse royale , sont l'expression de mes sentiments et de ceux des habitants d'Angerville dont je suis l'organe. »

Ensuite, une jeune demoiselle, à la tête de ses compagnes, lui a présenté un bouquet que Son Altesse royale a daigné accepter. Elle lui a adressé le discours suivant : « Madame, « Votre absence avait rempli de deuil la France entière.

Vous nous êtes rendue, notre bonheur commence. C'est le plus vif des sentiments qui anime la commune d'Angerville. »

Enfin, M. le curé, respectable par sa piété et ses vertus, a aussi prononcé le discours suivant : « Madame, « Enfin, il est arrivé ce jour après lequel nous soupirions depuis si longtemps ! Quel bonheur pour nous de voir Votre Altesse royale, digne rejeton de Saint-Louis, dont vous imitez les vertus.

« Je prie l'auteur de toutes grâces de vous soutenir dans le chemin qui conduit au ciel. Trop longtemps, hélas 1 nous avons été privé de votre présence. Quelle est la cause de nos

malheurs et des maux dont nous avons été accablés de toutes parts? nos péchés.

,'( Nous ne pouvons rien faire de plus agréable à Dieu et de plus intéressant pour nous-mêmes, que de le servir dignement et de le conjurer de nous conserver une vie qui nous est si précieuse. Nous devons prier le Seigneur d'accorder de longs jours à un roi qui donne à ses sujets l'exemple de toutes les vertus. Nous faisons les mêmes vœux pour son auguste famille. »

Après le départ de Son Altesse royale, tout le cortège qui avait été au-devant d'elle s'est retiré à un banquet de quatrevingts couverts qui était préparé, et qui a été suivi d'un bal ouvert par M. le sous-préfet.

Pour perpétuer le souvenir de cette journée, procès-verbal a été dressé et inscrit sur les registres de la commune, où il a été signé des maires, adjoint, curé et membres du conseil municipal.

Vers la fin de 1815, Mme la duchesse d'Angoulême, accompagnée cette fois de M. le duc d'Angoulême, traversait encore Angerville en allant visiter Bordeaux et les villes du Midi.

Mais à peine avait-elle posé le pied sur le territoire bordelais, qu'elle recevait la nouvelle du débarquement de l'Empereur, de retour de l'île d'Elbe. On sait comment la terre trembla encore une fois sous les pieds du géant, et comment il tomba à Waterloo le 18 juin 1815. Quinze jours après, la convention militaire livrait Paris à l'étranger ; l'armée française avait ordre de se retirer au-delà de la Loire, et on lisait dans le Moniteur du 6 juillet 1815 : « Le ministre de la guerre, sur le rapport qu'il lui a été fait qu'un grand nombre de généraux et d'officiers de toute classe, qui n'ont point de lettres de service pour les quartiers-généraux ou corps d'armée réunis à Paris, demandent une décision qui fixe leur sort, a arrêté les dispositions suivantes : « Les généraux de toutes armes, qui ont reçu des ordres de

prendre des commandements de corps de troupe d'arrondissement ou de place, et qui n'ont pu se rendre à leur destination par suite des événements ; « Les officiers supérieurs et aulres dans les mêmes cas, les officiers généraux et autres de toutes armes, que la nouvelle organisation de l'armée laisse sans commandement et sans destination ; « Ceux qui sollicitent des destinations sans en avoir obtenu ; devront suivre le grand quartier - général de l'armée , qui partira demain 6 juillet, pour aller le même jour à Longjumeau ; le 7 à Étampes; le 8 à Angerville; le 9 à Artenay ; et le 10 à Orléans, lieu de sa destination.

« Le ministre de la guerre, commandant en chef de l'armée, « Signé, Maréchal prince d'ECKMUHL.

« Le lieutenant-général, chef de l'état-major et général, « Signé, Comte GUILLEMINOT. »

Le prince d'Eckmuhl quitta Paris'le même jour, en y laissant trois commissaires chargés de servir d'intermédiaires entre l'armée et le gouvernement. La convention militaire avait laissé espérer que la France aurait au moins le choix de son gouvernement ; il n'en fut rien. Le 8 juillet, pendant que l'armée en retraite arrivait à Angerville, Louis XVIII faisait sa rentrée dans Paris, à la suite de l'étranger. Les premières communications des commissaires trouvèrent Davoust au château de Dommerville. Il se hâta de rejoindre son état-major à Angerville. Un grand conseil de guerre fut alors tenu sur la place de l'Hôtel'de la mairie, et là, malgré les protestations de quelques chefs plus dévoués ou moins crédules, une proclamation fut élaborée, qui invitait l'armée à faire sa soumission au roi. Quoique cette proclamation n'ait été datée que d'Orléans, c'est bien à Angerville, et après les premières communications des commissaires, que l'essai en fut fait sur les troupes. Non seulement on y promettait de conserver l'armée, de garder intact son honneur, mais on y parlait encore,

qui le croirait? d'en faire un centre de ralliement, en cas de danger, de menace ou d'exigence trop forte de la part des étrangers.

Tout ce qui se passa à Angerville n'était que la conséquence de la capitulation de Paris. Le lendemain, Davoust demandait le changement de drapeau. « C'est l'intérêt de la patrie qui l'exige, disait-il aux soldats. Conservez-lui une nombreuse et brave armée. » Or, quelques jours après, les alliés demandaient impunément au roi, non-seulement la dissolution de cette même armée, mais encore la mise en accusation de ses plus illustres chefs. N'était-ce pas là la réalisation complète de cette parole de Napoléon aux signataires de la convention de Paris : « Les alliés se moqueront de vous. Vous pleurerez des larmes de sang.» En effet, on avait livré Paris en s'honorant de sauver l'armée. Sous prétexte d'éviter la guerre civile, on avait demandé à cette armée de faire sa soumission et de changer son drapeau ; puis, tous ces sacrifices accomplis, l'armée était dissoute et frappée dans ses principaux chefs. Ce résultat avait été, comme on le voit, amené par degrés ; mais il fut donné à Angerville de voir la première tomber le masque et d'inscrire son nom à côté de l'un de nos plus affligeants souvenirs. Triste faveur du sort ! Ses vieux militaires pleurèrent longtemps leurs aigles abattues et leur drapeau déchiré, jetés dans les fossés.

La foire annuelle qu'Angerville obtint du roi, en 1818, témoigne de la prospérité croissante de notre pays , nous ne croyons pas pouvoir nous dispenser de rapporter l'ordonnance royale qui la créa : « Louis, par la grâce de Dieu, roi de France et de Navarre, sur le rapport de notre ministre secrétaire d'État au département de l'intérieur, notre conseil d'État entendu, nous avons ordonné et ordonnons ce qui suit : « Article premier. — Une foire annuelle est accordée à la commune d'Angerville, arrondissement d'Étampes, départe-

ment de Seine-et-Oise. Elle se tiendra le 2-i avril. Sa durée sera d'un jour.

« Art. '2. — Notre ministre secrétaire d'État de l'intérieur est chargé de l'exécution de la présente ordonnance, qui sera insérée au bulletin des lois.

à « Donnée en notre château des Tuileries, le <1 mars l'an de grâces 1818, et de notre règne !e vingt-troisième.

« Signé, LOUIS.

« Par le roi : le ministre secrétaire d'État au département de l'intérieur, « Signé, LAISNE. » (1) Six ans avant cette nouvelle foire, celle de Saint-Hubert, qui se tenait autrefois le 3 novembre, fut remise au 4 du même mois par un arrêté du préfet en date du 22 janvier 1812. Ce changement devenait nécessaire pour laisser un jour d'intervalle entre celle d'Auneau qui se tient le 2 novembre, et donner ainsi le temps aux marchands et aux acheteurs de venir à celle d'Angerville qu'on appelle aujourd'hui Foire de la Toussaint.

Un autre marché aux volailles, beurre et œufs fut établi sur le carrefour du Puits - du-Bœuf, par arrêté municipal du 1er juin 1833.

(1) Extrait du Ministère de l'Intérieur.

CHAPITRE XVI.

Destinée du village royal. — Conclusion.

Jusqu'au xii” siècle, le village royal n'existe pour ainsi dire pas, et le paysan n'est guère connu que sous le nom de colon.

Avant cette époque, la population fut livrée à toutes les chances des événements, à tous les abus de la violence et de la guerre.

Au moment de la conquête, presque tous les habitants étaient ou colons ou esclaves. La condition du colon différait de celle de l'esclave en ce qu'il était libre envers tout autre que le propriétaire de la terre et pouvait contracter un véritable mariage, ce qui était refusé à l'esclave. Mais il était tenu de cultiver la terre et de payer au propriétaire une redevance. Il était soumisomme l'esclave, à un châtiment corporel s'il manquait aux obligations qui lui étaient imposées. Enfin, il était enchaîné aux travaux de la glèbe et rien ne pouvait l'en affranchir, pas même le service militaire auquel cependant il était assujetti. Après la chute de l'Empire romain, le lien qui attachait les colons à la terre ne fut plus aussi fort; leur condition devint moins rigoureuse. Il y en eut qui ne durent que trois jours la semaine et qui, pour cette raison, furent appelés triduanni. C'est ce colonnat qui, originaire de la Germanie, où il n'y avait pas d'esclaves, subsista essentiellement et se développa surtout en Beauce. Mais cette histoire se rattachant principalement au village seigneurial, nous n'avons pas à en parler ici. Sachons seulement que, comme cultivateurs, ces colons étaient politiquement et civilement dans la dépendance du

propriétaire, dont le pouvoir remplaçait celui de l'Empereur en fait de juridiction et de législation. C'est alors qu'on vit la souveraineté se confondre avec la propriété, et les colons, outre leur redevance au propriétaire, donner l'impôt qu'ils payaient autrefois à l'Empereur comme souverain. Ils étaient taillables et corvéables à merci et miséricorde. Mais, poussé par cette loi naturelle à l'esprit humain qui tend toujours à augmenter sa somme de liberté, l'homme de la campagne, accablé de corvées, de prestations, de droits de toute sorte, à l'exemple des cités italiennes qui s'affranchirent au xie siècle, entrèrent en révolte, et de là cette grande révolution du XUef que Augustin Thierry caractérise essentiellement par l'établissement de la commune jurée au nord, du municipe au midi.

Pour nous, habitant du centre, nous espérons ajouter, au magnifique travail de cet illustre historien, quelques vues qui n'ont pas encore été émises sur cette révolution et qui, sans doute, n'ont pu lui échapper ; mais le temps ou sa mauvaise santé ne lui a peut-être point permis de faire une étude spéciale à ce sujet.

Nous trouvons qu'il y a, dans cette révolution, un élément négligé dont nous ferons voir toute l'importance : c'est la création du village royal. Avant Louis-le-Gros déjà, les rois avaient accordé aux villages des priviléges tendant à affaiblir l'inégalité. La royauté n'était point, en effet, intéressée à res treindre les libertés civiles, et, en favorisant le travail, le commerce, elle faisait à elle-même sa force, sa richesse, elle diminuait et l'égalité des personnes et l'inégalité des biens.

Mais les successeurs de Charlemagne, en transformant les bénéfices à vie en fiefs héréditaires, et la même hérédité étant concédée dans les pouvoirs publics, dans les offices, donnèrent naissance aux seigneuries indépendantes. Ces concessions, dont profitèrent surtout les seigneurs ecclésiastiques, à qui ces faibles monarques donnaient la terre pour gagner le ciel, furent contraires à la royauté. Elles accrurent tellement la

puissance des seigneurs féodaux , que l'un d'eux finit par s'emparer de la couronne de France. Le paysan y avait bien gagné quelque chose par l'établissement de la sous-division de la propriété territoriale, d'où résulta la chaîne hiérarchique des vassalités. La terre lui étant concédée à la charge de payer des redevances, en reconnaissance du domaine direct réservé au seigneur, il entrait, par ce bail à cens ou censive, dans la hiérarchie féodale. Ces concessions, émanées du seigneur soit laïque, soit ecclésiastique, groupèrent la population des campagnes sur les territoires qu'ils étaient appelés à cultiver, et donnèrent ainsi naissance à des villages seigneuriaux ou monacaux dont les coutumes variaient à l'infini, dont la législation se résumait dans la main-morte qui avait essentiellement pour but de maintenir les serfs sur la terre au service de iaquelle ils étaient attachés. Un serf ne pouvait céder son tènement à d'autres serfs étrangers. Il ne pouvait avoir pour héritiers que ceux qui continuaient à faire partie de la communauté rurale, et, si cette communauté venait à se dissoudre, le seigneur en recueillait l'héritage. La législation avait elle-même si bien favorisé ces communes rurales, ces villages seigneuriaux, qu'à la fin de la deuxième race, tous les laboureurs de notre contrée étaient serfs ; les terres libres avaient complètement disparu. La juridiction royale avait subi le même morcellement que la terre. Charles-le-Chauve avait concédé à l'abbé de Saint-Denis tous les droits de juridiction, sur une étendue de neuf lieues autour de la Seine, et c'est ce qu'on appelait alors la Cour-de-Saint-Denis.

Il était résulté de ces concessions une anarchie complète.

Toute puissance fut exclusivement attachée à la possession territoriale, et l'idée d'une force sociale s'élevant au-dessus de tous, gouvernant dans l'intérêt de tous, s'effaça peu à peu. La tradition de l'unité romaine, vainement soutenue par le clergé fut complètement abandonnée ; la tendance à la souveraineté individuelle, à l'isolement de la vie barbare, au développement des passions brutales, se manifesta de plus en plus. Nous

avons vu quelles violences existaient dans notre Beauce au temps des seigneurs de Méréville et du Puyset. Cet esprit d'indépendance avait puissamment contribué à arrêter les ressources de l'agriculture ainsi que celles du travail, qui ne peuvent s'accroître que par une organisation forte et bien réglée. Incapable d'habitudes pacifiques, dépourvu des connaissances qu'exigent une bonne administration et une sage économie financière, le seigneur ne savait guère retirer de ses domaines que les produits dont la nature fait à elle seule tous les frais. De là une immense disproportion entre les nécessités de la vie féodale et les ressources dont elle pouvait disposer ; de là ces violences, ces exigences sans nombre, ces droits multipliés à l'infini sur la terre du seigneur ; de là ruine, négligence, découragement ; de là, enfin, cette initiative révolutionnaire qui, dans notre contrée du centre, part essentiellement de l'Eglise et de la royauté. Suger et Louis-le-Gros sont, en effet, les deux grands réformateurs de l'époque. A leur appel, plus de quarante mille Beaucerons se rassemblent sous l'oriflamme de Saint-Denis, sous la bannière du roi, et, leur curé en tête, ils vont combattre les seigneurs féodaux de la contrée. Hugues du Puyset, Hugues de Méréville ne résistent point à leurs coups. La paix est rendue à Toury, à Monnerville, à tous les lieux circonvoisins; mais cela ne suffit pas, il faut encore y ramener l'ordre et le travail. Des instruments de labour sont donnés aux colons, les chemins sont plus sûrs, plus commodes ; l'espoir de la propriété, une justice mieux exercée relèvent le moral des paysans. Les maires retrouvent leurs droits, leurs prérogatives, enlevés par l'avouerie féodale qui avait anéanti la fortune du paysan par des tailles ruineuses, par la juridiction ordinaire dont ils s'étaient emparés, de sorte qu'il n'y avait aucun ordre et aucune proportion dans la perception des droits : l'avoué exigeait d'abord, le maire réclamait à son tour, et enfin le maître du terrain prenait tout ce qu'il pouvait; il n'y avait dans la vie du paysan qu.'une certitude, celle d'être pressuré. A ce point de vue, l'abbé Suger, le

minisire de Louis-le-Gros, mérite de fixer notre attention, car c'est lui qui est réellement le rénovateur de l'agriculture, le réorganisateur de l'ordre public. Le premier il a su attirer sur les terres désertes le colon découragé, en ne lui imposant toujours que des conditions inférieures à celles qu'il aurait pu exiger ; car, comme il le dit lui-même, il avait horreur de la rapine et de l'avarice. Il examine donc d'abord la valeur de la terre, en calcule le rapport moyen et proportionne sagement la taille au revenu. Le paysan alors peut mesurer son courage à ses charges. Et cette réforme, il l'opère à Toury. Là se montre déjà une administration un peu régulière. Une charte de l'époque nous fait voir le maire redevenant dans toute sa force un véritable magistrat, pouvant rendre comme autrefois la justice en l'absence du prévôt, qui lui délègue ses pouvoirs et lui assure des honoraires proportionnés à ses services. Mais il faut que ce maire, présente, pour le ministère qu'il doit remplir, des garanties de probité et d'intelligence; il faut qu'il soit soumis et dévoué à l'autorité supérieure dont il est le représentant. Le maire sera donc élu par l'abbé ou par le prévôt, et ceux-ci auront le droit de le révoquer s'il manque à ses devoirs, s'il refuse l'obéissance. Le doyen, l'officier subordonné au maire, les échevins, ses assesseurs dans les jugements sont de même assujettis à leurs devoirs respectifs, aussi bien qu'à une subordination rigoureuse qui garantit l'ordre public. Non content de rétablir l'ordre dans les villages déjà existants, d'y amener le commerce par l'établissement des marchés auxquels sont attachés des priviléges importants, Suger eut l'heureuse idée de fonder des villages nouveaux et d'appeler sur les terrains incultes la population des campagnes qu'il rendait libre de toutes tailles. C'est à Vaucresson qu'il fit ce premier appel ; c'est là qu'il établit cette première ville-neuve, colonie agricole où les franchises accordées par le roi, exercées par son prévôt, furent le modèle des villes neuves ou villages royaux. Louis VI, en effet, était trop intéressé à se ménager l'appui des gens de la campagne pour ne pas, lui aussi, à l'aide de quelques con-

cessions, s'assurer l'appui du paysan et augmenter ses revenus.

Son génie en cela n'eut pas beaucoup à s'évertuer. Imiter ce qu'avait fait Suger, c'était suivre ses intérêts. Il eut donc l'idée de créer aussi dans le domaine roval des villes neuves, des villages qui, se développant à l'ombre de privilèges royaux, devaient être le germe de la centralisation monarchique, de l'administration judiciaire, de l'agriculture, des municipalités communales et enfin du tiers-état. Aussi nous permettronsnous d'apporter quelques matériaux à l'Histoire du TiersEtat, créé par le génie d'Augustin Thierry. L'admiration que nous avons pour son talent, la conscience de nos recherches nous donnent le courage d'émettre ici une opinion qui, pour être nouvelle, n'en sera pas moins, nous l'espérons, accueillie favorablement par ceux qui s'occupent sérieusement de l'évolution historique. Non - seulement la révolution du xne siècle consiste pour nous dans l'établissement de la commune jurée au nord et du consu!at au midi, nous croyons que le centre n'.est pas étranger à ce mouvement réformateur ; il y a là, au contraire, un élément de révolution plus puissant qu'ailleurs : c'est la création du village royal. Augustin Thierry, parlant de l'état administratif de notre contrée, dit que les libertés civiles y sont assez mal définies, ou absolument seules ou jointes à une certaine somme de droits administratifs, mais sans garantie politique, sans juridiction, sans magistrature indépendante, sans cette demi-souveraineté qui fut le caractère primitif, l'objet idéal, sinon toujours atteint, du consulat et de la commune. Il prétend en outre que toutes les villes, grandes ou petites, anciennes ou nouvelles, ont échappé à l'action de la propagande du xue siècle. Nous avons vu, au contraire, que l'administration au centre avait été bien rétablie au xii” siècle, et Toury nous a donné l'exemple d'une administration dont les charges étaient bien définies. L'auteur de l'Histoire du TiersEtat nous semble, dans la révolution communale, beaucoup plus occupé de la ville et du bourgeois que du village et du paysan. Pour lui, c'est, la ville qui réagit sur la campagne, et

celle réaction, il la pose pour un des plus grands faits sociaux du XIIe et du XIIIe siècle, et il nous fait voir la liberté municipale à tous ses degrés, découlant des villes sur les campagnes, soit par l'influence de l'exemple et la contagion des idées, soit par l'effet d'un patronage politique ou d'une agrégation territoriale.

« Non-seulement les bourgs populeux aspirèrent aux franchises des villes fermées, mais dans quelques lieux du Nord on vit la nouvelle constitution urbaine, la commune jurée s'appliquer, tant bien que mal, à de simples villages ou à des associations d'habitants de plusieurs villages. Les principes de droit naturel qui, joints aux souvenirs de l'ancienne liberté civile, avaient inspiré aux classes bourgeoises leur grande révolution, descendirent dans les classes agricoles et y redoublèrent, par le tourment d'esprit, les gènes du servage et l'aversion de la dépendance domaniale. N'ayant guère eu jusque-là d'autre perspective que celle d'être déchargés des services les plus onéreux, homme par homme, famille par famille, les paysans s'élevèrent à des idées et à des volontés d'un autre ordre : ils en vinrent à demander leur affranchissement par seigneurie et par territoire et à se liguer pour l'obtenir. Ce cri d'appel aux sentiment d'égalité originelle : « Nous sommes hommes comme eux ! » se fit entendre dans les hameaux et retentit à l'oreille des seigneurs qu'il éclairait en les menaçant. Des traits de fureur aveugle et de touchante modération signalèrent cette nouvelle crise dans l'état du peuple des campagnes. Une foule de serfs, désertant leur tenure, se livraient par bandes à la vie errante et au pillage. D'autres, calmes et résolus, négociaient leur liberté, offrant de donner pour elle, disent les chartes, le prix qu'on voudrait y mettre. La crainte des résistances périlleuses, l'esprit de justice et l'intérêt amenèrent les maîtres du sol à transiger, par des traités d'argent, sur Jeurs droits de tous genres et leur pouvoir immémorial. » (1)

(J) Histoire du Tiers-Etal.

Nous admettons volontiers que les révoltes ont commencé dans les villes, pour s'irradier ensuite dans les villages. C'est presque toujours ainsi que se font les révolutions. Mais il nous semble qu'il y a eu ensuite une réaction manifeste du village sur la ville. En Beauce, le paysan n'a pas besoin de s'établir en commune jurée. Il trouve dans les abbés de Saint-Denis et dans le roi, des protecteurs intéressés contre les seigneurs féodaux. Ils obtiennent même des privilèges remarquables de l'abbaye el de la royauté qui ne pouvait d'abord faire reconnaître son autorité aux communes jurées du Nord ou aux villes municipales du Midi. Il était bien plus naturel de s'adresser aux habitants de la campagne, ou même de fonder des villages où les cultivateurs deviendraient hommes du roi. De là la formation de ces villes neuves royales ou colonies agricoles, dans lesquelles le roi faisait appel aux cultivateurs laborieux, aux serfs vagabonds, et où les franchises, données et reçues pacifiquement et exercées sous l'autorité d'un prévôt royal, tournèrent au profifdes habitants, à l'avantage de la terre et à celui de l'État. Les .hommes laborieux ne tardèrent point à convoiter ces franchises royales, et ils allèrent se ranger d'euxmêmes sous l'autorité du roi. C'est ainsi que les premiers habitants d'Angerville obtinrent leur liberté municipale et le droit de ne relever que de la justice du roi et de n'avoir à fournir, aux préposés et aux maires royaux, ni tailles, ni impôts, ni subsides d'aucune espèce; et cette justice royale s'administrait d'après les mêmes principes que ceux établis par Suger dans les villages de son abbaye. C'étaient donc un maire, des échevins relevant du roi qui administraient le village. Ce premier essai de colonisation et de municipalité royale se développa rapidement. Lorris, en Gâtinais, est la preuve la plus convaincante des franchises accordées aux villages et, par suite, de l'action de ces villages sur les villes. Cette influence est si manifeste, que l'auteur de l'Histoire du TiersEtat non-seulement ne peut dissimuler l'importance de ce village devenu si célèbre par sa charte de coutumes, mais que,

de plus, il prouve lui-même notre thèse, en disant que la situation qui lui était faite dès les premières années du XlIe siècle, anticipait en quelque sorte sur la plupart des conditions essentielles de la société moderne. Largement dotée de franchises pour les personnes et pour les biens, elle ne formait point un corps, elle n'avait aucun degré de police qui lui fût propre. Néanmoins, et c'est ce que prouve tout le rôle du village à cette époque, sa charte fut l'objet de l'ambition d'une foule de villes qui la sollicitèrent et qui l'obtinrent soit des rois, soit des seigneurs. Sa popularité ne fit que grandir et s'étendre dans les siècles où déclinèrent graduellement les municipalités à priviléges politiques; si bien que M. Augustin Thierry affirme lui - même qu'à l'époque où Louis XIII (1631 ) réforma ces coutumes, elles étaient alors communes à près de trois cents villes, bourgs ou villages du Gâtinais, de l'Orléanais, du pays Chartrain , du Blésois , du Berry , de la Touraine, du Nivernais, de la Champagne et de la Bourgogne : preuve d'autant plus péremptoire de l'influence du village, qu'elle nous est fournie par Thierry lui-même.

Cette coutume déclare, en premier lieu, que tout habitant de Lorris ne paiera, pour sa maison et pour son arpent de terre, que six deniers, qui est le même cens accordé aux habitants d'Angerville. Mais, de plus, les habitants de Lorris n'ont pas, comme ceux d'Angerville, à payer la dîme ou le champart ; ils ont une entière jouissance des fruits de leurs travaux. Nul, dit la charte, ne paiera les droits pour les provisions qui doivent servir à sa nourriture ; nul ne donnera de taille sur la récolte qu'il aura obtenue par son travail ; nul ne sera tenu aux droits de forage pour les vins qu'il aura retirés de ses vignes ; l'habitant de la paroisse de Lorris ne sera point appelé hors de la banlieue pour répondre devant la justice du prévôt; quiconque sera requis pour le service militaire du roi, pourra retourner le soir du même jour dans sa demeure ; nul ne sera retenu captif, s'il peut donner caution à la justice ; l'amende qui était de 60 sous ne sera plus que de 5, et celle de 5 ne

sera plus que de 12 deniers ; les parties qui voudront s'accorder avant les débats de justice ne paieront aucune indemnité au prévôt ; ceux qui auront témérairement réclamé le gage de bataille et qui s'en repentiront ensuite, pourront encore traiter pacifiquement, mais ils rachèteront leur imprudence par une amende de 2 sous et demi chacun ; si les parties persévèrent dans leur première résolution et que le combat ait lieu, les ôtages du vaincu paieront 112 sous d'amende. Ce qui prouve bien l'intention manifeste de rendre aussi rare que possible le recours à l'épreuve de la bataille. Libertés personnelles, libertés dans ses biens, protection, justice accordée à chacun, tout dans la coutume de Lorris était populaire, et nous ne devons pas nous étonner de l'extension de ses privilèges. Sa nature exclusivement civile la rendant propre à passer de l'état de loi urbaine à celui de coutume territoriale, elle prit ce rôle dans la jurisprudence, elle amena une transformation administrative qui eut généralement pour résultat de soumettre la justice civile et criminelle à la puissance du roi, par l'intermédiaire d'un bailli ou d'un prévôt; et ainsi, à l'aide de ces concessions que Louis-le-Gros accordait dans son intérêt et dans l'intérêt de ses terres, comme il l'avoue lui-même, il jetait les premières assises de l'édifice monarchique et semait le germe de cette centralisation qui, en France, a porté la royauté à l'apogée de la puissance.

Aux coutumes diverses, aux usages d'origine multiple, aux lois mal définies, au découragement du paysan, à l'habitude de vivre de brigandages, la charte accordée au village royal fit succéder l'ordre, la justice, le travail, l'assurance de posséder et le sentiment élevé de la famille. Ainsi s'opérait dans le village une révolution toute pacifique qui, par cela même, devait porter des fruits bien plus durables. C'est, en effet, de ces pauvres et laborieuses bourgades que partit le développement de l'agriculture, qui a jeté quelque bien-être sur le sort de l'existence du paysan; et la royauté, dirigée dans ses franchises par un but intéressé, en recueillait elle-même les plus

grands fruits, car l'homme de la campagne, comme son terrain, a toujours rendu au centuple ce qu'on lui a donné.

Ces priviléges accordés par les rois attirèrent la population des campagnes dans les villes neuves. Bientôt les villages seigneuriaux furent abandonnés : c'était le résultat convoité par les ordonnances royales. En effet, Louis VI avait préparé cette désertion par une ordonnance au sujet d'un village situé près d'Étampes, dans laquelle il stipulait que les serfs de l'abbaye de Morigny, s'ils épousaient une femme de condition servile appartenant au roi ou inversement, recevraient la moitié des fruits de l'Église, c'est-à-dire des terres qu'ils étaient chargés de cultiver. C'était la seule condition, c'était la condition essentielle gràce à laquelle Louis VI consentait à prendre l'abbaye sous son patronage. Le paysan trouvait donc dans le village royal ou monacal des conditions d'existence qu'il ne rencontrait pas dans le village seigneurial. Aussi nous voyons, sous le successeur de Louis-le-Gros, tous les progrès que l'agriculture avait faits dans les villages royaux , ils n'étaient plus exposés à la disette qui surprenait les autres villages.

Une lettre de Saint-Bernard peut nous convaincre de ce fait : « Nos frères de la maison Dieu-de-Bourges (écrit-il à Suger) « manquent de pain, et nous avons ouï dire que, dans le même « pays, la récolte du roi est abondante et qu'elle est à bas prix.

« C'est pourquoi nous vous prions d'ordonner que les dits « frères reçoivent une part de cette récolte, suivant la mesure « qu'il plaira à votre sagesse. »

Une autre lettre témoigne encore de l'abondance des terres royales, alors que les autres sont restées stériles : preuve bien convaincante de toute l'importance de la restauration apportée par le ministre de Louis-le-Gros dans l'agriculture. Mais, de plus, indépendamment de ces fondations nouvelles, de ces villes neuves dans lesquelles la royauté développait les premiers germes de son administration, elle trouvait dans d'autres villages reconstitués municipalement, à Toury rar exemple, ce que le citoyen donne à l'Etat, ce que le baronnage ne vou-

lait pas ou ne pouvait donner, la sujétion effective de subsides réguliers, de milices capables de discipline. C'est par ce secours qu'avant la fin du XIIe siècle, la royauté fit de sa suprême seigneurie un pouvoir actif et militant, pour la défense des faibles et le maintien de la paix publique. Aussi voyons-nous son successeur, fidèle à ses principes, considérant qu'il est de son devoir d'engager les pauvres à venir se placer sous sa puissante protection, parce qu'ils y trouveront sécurité, faire savoir qu'il donne à habiter, comme autrefois son père à Angerville, la terre appelée Varennes, près d'Étampes, à la condition que chacun des hôtes payât chaque année 5 sols : moyennant quoi l'habitant sera libre de toute exaction, réquisition, taille, impôt, ost et chevauchée. Mais il semble déjà que Louis VII, qui au fond n'avait d'autre but que d'attirer sur cette terre les serfs des villages seigneuriaux pour augmenter le nombre de ses sujets, ne voulut pas accorder les mêmes franchises aux serfs de son domaine, dans la crainte de les voir abandonner les villages où les franchises étaient moins étendues. « Si quelqu'un de nos serfs , dit - il , se réfugie sur cette terre, il ne pourra pas revendiquer sa liberté contre nous ; là, nous pourrons disposer de lui selon notre bon plaisir. »

C'est guidé par le même intérêt, que ce même Louis VII déclara libres tous les hommes de poest de la ville d'Orléans, dans un rayon de cinq lieues. En suivant son exemple, les successeurs de Louis-le-Gros ouvraient, aux hommes persécutés par leurs seigneurs , de nouveaux refuges sur leurs domaines auxquels ils attachèrent le droit de bourgeoisie, qui ne put d'abord s'acquérir qu'à la charge de fixer son domicile dans le village royal et d'y demeurer au moins pendant un an et un jour. Plus tard on put se faire homme du roi par simple aveu ou déclaration de volonté.

Déjà, dans les villages seigneuriaux, suivant le principe de droit féodal, les seigneurs ne reconnaissaient à leurs justiciables la faculté de recourir à la justice du roi, comme suzerain, que dans deux cas où ils n'avaient pu se faire justice :

les cas de deffaut et de jugement faussé. Cependant, l'exemple donné par le roi, qui soumettait à l'appel les décisions de ses officiers et même de ses grands baillis, aidés par une mesure habile qui assujettit les parties succombant dans leur appel à une amende envers le seigneur, finit par vaincre toutes les résistances, et les livres des établissements constatent qu'à la fin du xine siècle, la cour du roi recevait sans contestation les appels des jugements rendus par les juridictions seigneuriales dans les villages royaux. Louis VII et Philippe-Auguste profilèrent de l'usage qui autorisait le suzerain à transporter sa cour de justice dans les états de son vassal , pour accoutumer les paysans à la suprématie de la juridiction royale.

Ici l'homme de la campagne , qui avait rencontré dans la royauté l'attention qu'il méritait , ne tarda point à obtenir aussi des priviléges des seigneurs. Beaucoup d'entre eux , épuisés d'argent par les croisades , entrèrent en composition avec leurs serfs qui trouvèrent, dans le pécule formé du produit de leurs travaux agricoles , la rançon de leur servitude, et ces censitaires affranchis se livrèrent avec plus d'ardeur et de courage à des travaux dont ils recueillaient les fruits. Il y eut alors comme une sorte de rivalité entre les seigneurs et le roi -pour la concession des privilèges, et c'est ainsi souvent que de la jalousie, de la rivalité des pouvoirs, sortit une certaine somme de liberté pour le peuple.

Louis VIII, continuant l'œuvre d'affranchissement de ses prédécesseurs, proclama la liberté de tous les serfs du fief d'Étampes. Blanche de Castille favorisa également l'émancipation des serfs, et l'on vit se propager à cette époque la coutume de l'abonnement ; les habitants de tout un village se rachetaient de la servitude en payant à leurs seigneurs une redevance déterminée. Ils portaient le nom d'abonnés. Les serfs ainsi émancipés restaient soumis à l'impôt de la capitation. La tradition rapporte que le petit village de Chalou, surnommé Chalou-Ia-Reine, obtint des franchises de la mère de Saint-Louis. Aucun document n'est venu nous confirmer

cette assertion. Ce que nous savons seulement, c'est que la reine Alix ou Adèle, femme de Louis VII, mère de PhilippeAuguste, donna aux religieux de Louis, près de Dourdan, où elle avait établi sa principale demeure, vingt muids de blé de rente à prendre sur la seigneurie de Chalou. Elle donna cette charge aux chevaliers de l'ordre de Saint -Jean-de-Jérusalem.

Cette reine qui, d'après le texte de la charte citée ci-dessus, avait obtenu Chalou de son fils, peut, ce nous semble, donner l'explication de l'épithète qu'on ajoute à Chalou , en le nommant Chalou-Ia-Reine. Saint-Louis abolit le combat judiciaire confirmé par Louis-le-Gros, établit la quarantaine du roi, substitua aux épreuves barbares de la force le recours aux enquêtes, le pouvoir de prendre un asseurement à la justice royale, subordonna ainsi à la juridiction du roi toutes les autres juridictions, et ce droit d'appel devant la cour royale fut d'abord appliqué aux jugements émanés des juridictions des villages royaux. Enfin, le paysan obtint, sous Philippe-IeBel, le droit de siéger au tiers-état, et, plus tard, nous voyons Louis X le Hutin employer, dans son ordonnance de l'affranchissement des serfs, ces paroles mémorables : « Dans le pays des francs, chacun doit être franc ; la chose doit s'accorder avec le nom. » Il est vrai qu'en ordonnant l'affranchissement des hommes de la glèbe, lui encore pensait essentiellement à ses intérêts, car cette liberté, il ne la donna pas, il ne fit que la vendre, il ordonna même qu'on l'achetât. Beaucoup de serfs résistèrent à ses offres et aimèrent mieux rester main-mortables.

Mais la plupart, sentant le besoin de sortir de leur état de servitude pour acquérir la liberté, vendirent leur mobilier, seule propriété qu'ils avaient eu droit de posséder jusqu'alors. Ainsi s'accroissait le pouvoir et la juridiction royale, et, de ce principe qui rendait en quelque sorte illimité le droit d'appel à la cour du roi, il fut permis à tout homme, de quelque village qu'il fût, de se placer sous la sauvegarde du monarque. La cour du roi, à son tour, déduisit de ce principe le droit pour tous d'appel à sa juridiction.

Ces appels à la cour du roi amenèrent devant elle des causes régies par les diverses coutumes de chaque pays, et il devint nécessaire à cette cour de s'adjoindre des hommes versés dans la connaissance des différentes coutumes. Les seigneurs du temps auraient cru salir leur blason, déroger à leur dignité, en se livrant à l'étude. Ce fut donc, encore une fois, au tiersétat que la royauté demanda des esprits laborieux pour étudier l'inextricable législation de l'époque, qui n'était qu'un amas confus de coutumes variant à l'infini, et ces hommes, qui, dans le principe,- n'étaient guère regardés que comme des répertoires vivants des droits de l'époque; devinrent non-seulement indispensables à la royauté dans l'administration de sa justice, mais aussi nécessaires aux seigneurs, qui avaient souvent recours à eux dans leurs nombreux procès. De là rapprochement entre les hommes du tiers-état et les seigneurs, rivalité entre la puissance de la science et la puissance des titres et de la richesse. L'intelligence se faisait aussi sa noblesse, et elle montait graduellement à la place qu'elle doit occuper, c'est.;.à-ire à la suprématie de toute dignité, à la direction des destinées sociales. C'est ainsi que nous avons vu M. Delpech, sorti des rangs du peuple, s'élever à la dignité de conseiller au Parlement et devenir un des seigneurs les plus puissants de son temps. L'instruction, en effet, a été pour le village la plus grande cause d'affranchissement; elle a donné à l'homme plus de liberté, plus d'indépendance que toutes les concessions antérieures, car celui-là seul est libre qui ne relève que de lui - même. Cette admission du paysan à une part des droits politiques avait marqué, par un signe frappant, le progrès accompli dans sa condition civile. Dès-lors, en effet, à chaque convocation d'états-généraux, il y eut des assemblées primaires composées des habitants de tous les villages, et concourant, par leurs délégués, à la formation des cahiers et à l'élection des députés du tiers-état. Cette innovation, qui date de l'assemblée de 1484, fit désormais un seul corps politique dé toutes les classes du tiers-état. Les gens du plat pays se trou*

vèrent en possession de parler pour eux-mêmes, et c'est d'eux que venaient directement les remontrances qui les concernent dans les cahiers des années 1484, 1560, 1576, 1588. Cette justice royale, confiée dans les villages aux maires et à laquelle la royauté attachait justement, dans le principe, une grande importance, avait été envahie progressivement par ces maires qui substituaient leur puissance à celle de la royauté, moins intéressée au village depuis que les villes s'étaient rendues spontanément à elle. Nous savons, en effet, que, parmi tant d'autres villes, Étampes avait demandé à échanger sa charte de liberté communale, devenue trop anarchique, contre une charte de priviléges royaux. Ces mairies héréditaires avaient donné naissance à différents fiefs, et beaucoup de maires devinrent ainsi seigneurs. Beaucoup de villages furent ainsi envahis. Leurs priviléges royaux s'étaient confondus dans les coutumes, et les rois qui, depuis l'établissement de la milice permanente , avaient moins directement besoin du paysan, négligèrent les villages; ils les abandonnèrent volontiers aux seigneurs voisins. Ici s'arrête l'évolution du village royal.

Dès-lors, un conflit de seigneurie et de justice apparut dans son sein. Le paysan rentra dès ce moment dans un nouvel état de servage. Après avoir joui d'une certaine somme de liberté, il retomba à la discrétion du seigneur ; il lui fallut réparer les murs du château, creuser les fossés, nourrir le colombier, engraisser la garenne féodale et souvent payer à tous les droits qu'il ne devait qu'à un seul. Le long procès survenu au sujet d'Angerville nous a donné un tableau on ne peut plus curieux de l'état du village au XVIIIe siècle. Nous y avons vu combien encore était misérable la condition du paysan, et cependant il était resté dans ce village quelques éléments de municipalité; les seigneurs qui se le disputaient étaient certainement les moins exigeants de l'époque, mais la plupart étaient convaincus que la dureté est une condition du gouvernementt et ils la formulaient ainsi : Oignez vilain, il vous poindra.

Poignez vilain, il vous oindra.

Il ne fallut rien moins que la Révolution pour effacer les dernières traces de la servitude du paysan. Depuis lors, une renaissance s'est manifestée ou village. La création de la petite propriété a élevé beaucoup d'artisans laborieux au rang de la bourgeoisie. L'instruction, devenue plus facile pour leurs enfants, leur a ouvert les carrières libérales, et c'est à cette grande crise sociale que nous, simple enfant du village, vilain d'origine, nous devons notre affranchissement et la place que nous avons eue au banquet de l'instruction.

Puissions-nous en avoir assez profité, pour bien mériter de notre pays et amener le lecteur à cette conclusion : Angerville-Ia-Gâte, petite ville de Beauce, est une véritable fille du XIIe siècle. Suger et Louis-le-Gros, voilà ses parrains.

Une main plus heureuse qu'habile a découvert son acte de naissance perdu. Elle date d'un temps où la royauté, faible encore, s'occupait à peupler son domaine, à y fonder des villages, en attendant qu'elle eût la force de renverser et de saccager des villes. On accordait certains priviléges, certaines garanties de sûreté et de protection, à quiconque viendrait bâtir, cultiver ou planter en un certain endroit, sur un certain territoire. A cet appel, quelques cabanes s'élevaient, se groupaient-autour d'une modeste chapelle et devenaient le noyau d'une petite cité qu'une foule de causes pouvaient anéantir dans son germe, que d'autres causes pouvaient seconder et développer.

Angerville fut du nombre de ces villae novae, de ces villes neuves, car tel était le nom commun par lequel on désignait ces sortes d'établissements, quand des circonstances particulières ne venaient pas ajouter quelque attribut spécial à la terminaison villa. A ce titre seul, Angerville méritait de fixer l'attention; à ce titre seul, elle avait droit aux honneurs de la monographie. Et qu'on ne pense pas qu'il y ait eu chez nous un parti pris d'avance, un dessein conçu sans raison, sans examen, de retrouver dans Angerville l'ancien Angere régis des lettres de Louis-le-Gros. Bien loin de là, nous avons

attendu que nous y fussions absolument contraints par des preuves nombreuses et incontestables ou, pour mieux dire, par la suite entière de son histoire.

1° Nous avions supposé tout naturellement, en considérant sa position, qu'elle n'avait pu appartenir qu'aux abbés de Saint-Denis, seigneurs de Toury, Rouvray et Monnerville, ou aux châtelains de Méréville, déclarant la tenir du roi, mais leurs aveux ne remontant qu'à François Ier, les abbés et religieux de Saint-Denis restaient nos seuls contradicteurs.

Or, il est prouvé que ceux-ci ne s'y sont établis qu'insensiblement, par degrés, à dater seulement du XIIIe siècle. Avant le XIIe, il n'est nulle part question d'Angerville. Si elle eût existé, les religieux de Saint-Denis n'eussent pas manqué de la convoiter à cause de son voisinage avec leurs autres possessions, et encore moins d'en parler si elle leur eût appartenu.

Comme ils redoutèrent toujours la concurrence des seigneurs de Méréville, il leur importait que les priviléges de cette localité fussent confirmés, parce que si d'un côté ces priviléges s'opposaient aux envahissements de l'abbaye, de l'autre ils avaient l'avantage de laisser le terrain neutre entre elle et le château de Méréville.

Aussi les priviléges d'Angerville furent-ils confirmés; on ne vit oQcques de château à Angerville, et nul comte, ou vicomte, ou baron ne prit le titre de seigneur d'Angerville avant de xvie siècle, et même à cette époque, si les habitants ont quelques demandes à former, comme celle relative à des murs d'enceinte ou celle relative à l'établissement d'un marché, on ne les voit point recourir à des intermédiaires : ils s'adressent directement au roi, seul suzerain qu'ils reconnaissent. Ils étaient donc dans une position privilégiée, et d'où leur était venu cette position, sinon des lettres de Louis-le-Gros confirmées par Charles VI.

Enfin, quand plus tard les abbés de Saint-Denis crurent y avoir bien solidement établi leur seigneurie, on vit un officier royal leur reprocher d'y usurper une justice qui ne leur

appartenait pas; et dom Basile Fleureau dit de même que, dans l'origine, tous les habitants d'Angerville, sans exception, appartenaient à la juridiction royale. Angerville était donc au roi, et au roi seul dans le principe. C'est justement ce qu'indique fort bien la dénomination d'Angere regis.

2° Il ne suffirait pas, sans doute, d'avoir prouvé qu'Angerville appartenait au roi, pour être en droit d'en conclure qu'elle était bien la même chose qvC Angere regis. D'abord , on ne peut confondre Angerville-la-Gâte avec Augerville-la-Rivière qui est située dans le Gâtinais, qui existait au XIIe siècle sous le nom d'Augeri villa , tandis qu'Angere regis, d'après le texte de la charte, était bien, comme Angerville-la-Gâte, situé dans l'Orléanais, situé dans le domaine du roi : c'est donc là seulement qu'il faut en chercher la place.

Angere regis n'était pas, à proprement parler, un bourg, une villa déjà existante, mais une certaine portion de territoire qui devait se peupler par suite de priviléges accordés à ceux qui viendraient la cultiver, l'habiter. Ce lieu était donc inculte et désert. Le surnom d'Angerville rappelle aussi cet état : gasta, terre inculte. C'est au XIIe siècle que ce territoire commence à être cultivé, et nous avons vu qu'il est aussi moralement impossible qu'Angerville eût existé avant cette époque, qu'il est physiquement certain qu'elle existait déjà au XIIIe siècle.

Angere regis devint le siège de l'établissement d'une ville neuve (villa nova). Angerville en a aussi tous les caractères et priviléges. Il existe encore aujourd'hui à ses portes un petit village qui porte le nom de Villeneuve. De plus, la charte accordée par le successeur de Louis VI, à Villeneuve, près d'Étampes, renfermant les mêmes exemptions d'ost et de chevauchée et. les mêmes privilèges, tout concourt à prouver qu'Angerville est bien une ville neuve du XIIe siècle.

Enfin, si l'on nous demande pourquoi, dans l'hypothèse de cette identité, nous n'avons pas expliqué la manière dont ce changement de nom s'opéra, nous répondrons : Par une excel-

lente raison, c'est qu'il n'y a pas eu le moindre changement de nom ; Angere villa s'est traduit et devait se traduire par Angerville.

3° Angere régis, d'après les lettres de Louis VI, était situé non loin d'une source bouillonnante, si l'on peut traduire ainsi le mot ebulitio. C'était peut-être une source d'eaux minérales.

Angerville a été placée, par un ancien géographe, non loin de la source de la Chalouette et de l'étang de Chalou que son bouillon a formé, sans doute, par suite de l'affaissement du terrain. Cette petite rivière et cet étang ont été certainement remarquables et par l'abondance et par les propriétés de leurs eaux qui, comme celles du Loiret, ne gèlent jamais. Mais nous sommes si éloignés de prétendre tirer avantage de l'erreur légère du géographe Jaillot, que nous sommes le premier à convenir qu'on ne voit plus d'eaux aujourd'hui à Angerville, et qu'elle est distante d'environ huit kilomètres de la source de la Chalouette. Combien de lieux, en Beauce et ailleurs, ont autrefois possédé des sources, aujourd'hui desséchées soit par suite du déboisement presque absolu du territoire, soit par d'autres causes ! Nous ne citerons que Valpuiseaux et Puyselet près de Villeneuve, etc., dont les noms indiquent encore le voisinage d'eaux qu'on y chercherait vainement aujourd'hui.

Si l'on trouve encore que cette preuve n'est pas convaincante, nous pouvons avancer qu'il y avait autrefois une fontaine près d'Angerville.

Ainsi, en 1693, nous voyons, d'après les archives du Loiret (1), qu'un seigneur d'Ormeville demeurait à la Fontaine en Beauce, près d'Angerville-la-Gâte; que, de plus, enfin, il existe encore aujourd'hui, aux portes d'Angerville, un chantier connu sous le nom de chantier de la Fontaine.

Si, malgré cela, l'on s'obstine à soutenir que le mot ebulitio

(1) Document de M. Vincent, membre de la Société archéologique d'Orléans.

ne peut s'appliquer qu'à la source du Loiret, a cause du phénomène bien connu qu'elle présente, qu'on nous montre donc auprès de cette source un lieu jadis appelé Angere regis. Ce lieu n'était pas connu du temps de Secousse. A-t-il été découvert depuis? nullement, et cependant Secousse avait fait un appel très-direct à cet égard aux savants et antiquaires d'Orléans. Que faut-il en conclure, sinon que ce lieu était situé ailleurs qu'à la source du Loiret? Et quelle apparence, en vérité, qu'aux portes d'Orléans, dont les environs ont été cent et cent fois explorés, un tel lieu n'eût pas été découvert, s'il eût jamais existé, quand tant d'autrps localités obscures, gratifiées autrefois de privilèges royaux, comme Angere regis et dans les mêmes circonstances, sont aujourd'hui parfaitement connues, quoique leur situation n'ait pas été mieux désignée que celle d'Angere regis, tels que Locus de Allodiis (les Alluets-le-Roi, près Poissy), dont la situation n'est indiquée que par ces mots ad molarias, et Villeneuve, près Étampes, qui ne porte aucun nom dans les lettres de Louis-le-Jeune et dont la topographie n'est désignée que par ces mots apud Varennas, sans que l'on sache si c'est au nord, au sud, à l'est ou à l'ouest de ce point que la ville neuve devait être établie?

Il est à remarquer, en effet, que les désignations de lieux, qui furent le berceau de la plupart des villes neuves dans le domaine royal, sont généralement très-vagues et empruntées le plus souvent à des circonstances extrêmement passagères.

Ces priviléges n'étaient pas faits, on le voit assez, pour durer longtemps. Ils allèrent : 1° se fondre et former des priviléges plus importants encore, connus sous le nom de coutumes. C'est ainsi qu'Angerville vit les siens se mêler à la coutume de Lorris dont elle a eu ensuite tous les avantages. Cette coutume, comme on sait, s'est divisée en deux branches : Lorris Montargis et Lorris Orléans. Les arguments de La Thomassières, pour prouver la fusion des priviléges locaux en coutume, sont péremptoires, et on voit. clairement comment Angerville, qui est citée dans son ouvrage ainsi que dans celui de Lhôte- et Lepage,'.

a perdu ses privilèges locaux. En second lieu, ces priviléges, besoin de l'époque, devaient certainement s'effacer et disparaître avec les circonstances qui les avaient fait naître, surtout lorsqu'un usurpateur quelconque avait intérêt à les tenir dans l'ombre et dans l'oubli. Or, c'est justement ce qui est arrivé à Angerville.

Il faut remarquer, en outre, que ce n'est pas seulement à la cause générale du développement de l'agriculture, mais encore à certaines causes particulières et purement locales, que sont dues ces franchises rurales, ces lettres de noblesse du XIIe siècle. Angerville en offre un exemple, car, indépendamment de l'intérêt général de l'agriculture et de la population des campagnes, l'existence d'Angerville devenait en quelque sorte une nécessité toute particulière, lorsque l'ancienne route romaine fut, au XIIe siècle, abandonnée pour une route plus directe de Paris à Orléans par la Beauce. Sa position correspondait, en effet, à l'un des points de division par étapes et relais de cette nouvelle direction, et le nom d'Angere, dans la basse latinité, semble précisément indiquer, d'une manière spéciale, des services de poste, de transport et de relais. Angere regis, relais du roi, indique bien Angerville où plusieurs rois se sont arrêtés, et qui a toujours été un relai de poste.

5° Par toutes ces considérations, nous nous sommes cru en droit d'affirmer qu'Angerville était bien Y Angere régis des lettres de Louis-le-Gros ; mais si quelqu'un pense que nous nous sommes trop pressé d'aborder à cette conclusion, qu'il veuille bien se donner la peine de prendre ici le contre-pied et de supposer pour un moment qu'Angerville n'est pas Angere regis, qu'elle n'appartenait pas au roi, qu'elle existait avant le XIIe siècle, qu'elle était bien au couvent de Saint-Denis ou au château de Méréville, et qu'elle n'a jamais joui des priviJéges d'une ville neuve du temps de Louis-le-Gros ou de son fils Louis-le-Jeune. A peine cette hypothèse est-elle formée que tout devient inexplicable dans l'histoire de cette petite ville.

On n'expliquera ni les achats ou autres modes d'acquisition graduelle de Saint-Denis à Angerville, ni le reproche d'usurpation de justice qui lui est adressé en occasion solennelle par un officier du roi, ni le silence gardé, dans la même occasion, par le seigneur de Méréville, ni les demandes directement adressées au roi pour avoir des murs d'enceinte ou des marchés, ni l'absence d'un seigneur particulier reconnu et légitime, ni l'existence de ce droit de mairie dont parlent les aveux, ni l'indépendance de son église, ni ces délibérations municipales sous le porche de cette église, ni ces tiraillements continuels entre trois juridictions rivales, celle du roi, celle de Saint-Denis et celle de Méréville, entre deux coutumes, celle d'Étampes et celle d'Orléans, entre deux élections, celle de Pithiviers et celle de Dourdan, ni le procès enfin qui a duré si longtemps à son sujet.

Dans cette hypothèse, la monographie d'Angerville est un lissu d'absurdes contradictions. Or, lorsqu'une supposition est absurde ou conduit à des absurdités, son contraire est la vérité. Donc Angerville est bien YAngere Regis de Louis-le-Gros.

Établir cette vérité, ce n'est pas seulement restituer l'acte de naissance d'Angerville, c'est aussi combler une lacune dans l'histoire de la Beauce et de l'Orléanais, en rendant enfin compte de cet Angere dont les traces semblaient perdues, pendant qu'il était là, bien vivant, sous nos yeux, comme pour prouver cette vérité qu'il n'y a pas de difficulté plus insoluble que celle qui n'existe pas.

C'est apporter notre humble pierre à l'édifice de l'histoire provinciale, c'est attirer l'attention de la critique historique sur l'une des parties les plus importantes de l'administration de Suger soit comme abbé de Saint-Denis, soit comme ministre, c'est ajouter une notion de plus aux notions déjà ac..

quises sur ce point, et mettre dans tout son jour cette même notion, en l'éclairant de toutes les lumières qu'il nous est donné d'emprunter à la haute histoire.

C'est enfin suivre, depuis le XIIe siècle jusqu'à nos jours, à travers tous les changements, toutes les révolutions, l'existence de l'une de ces villes neuves, pauvres, mais laborieuses filles d'un âge de renaissance. Et si l'on suit avec tant d'intérêt les destinées d'un monument de cet âge, si l'on s'enquiert des.

modifications qu'il a subies, si l'on se préoccupe des dégradations qu'il a souffertes, pourquoi ne pas s'attacher à une petite ville, centre de nos affections, monument animé où, depuis six cents ans, le mouvement, la vie, le travail et l'intelligence de l'homme préparent à ceux qui viendront après lui une somme toujours croissante de vie, de mouvement, d'intelligence et de travail.

Parmi les causes qui contribuent au développement des villes, il en est de permanentes et de durables ; il en est aussi d'occasionnelles, de fugitives et d'éphémères. L'intérêt particulier les distingue aisément, tout en profitant des unes et des autres. Ainsi, nous avons vu qu'Angerville devait en grande partie son origine aux besoins de l'agriculture ; elle lui dut aussi ses premiers développements. De bonne heure, son heureuse position y créa des routes, y féconda le commerce et l'industrie ; elle mit, il est vrai, longtemps à grandir, mais en traversant les guerres anglaises, les guerres de religion et les autres guerres civiles qui ont si cruellement réagi sur la Beauce, c'était beaucoup pour elle de ne pas périr.

La statistique générale établit que, du XIIIe au xvi” siècle, de Philippe-Auguste à François Ier, la population de la France est restée stationnaire, si même elle n'a subi une légère diminution dans la proportion de trente-deux à trente habitants par kilomètre carré. Faut-il s'étonner après cela du temps qu'une pauvre bourgarde a mis à s'accroître? Mais, quand la centralisation monarchique eut, au XVIIe siècle, fait de Paris et de la cour un centre d'attraction universelle, cette même bourgade, jetée tout près du centre, sur l'un des principaux rayons qui y aboutissent, s'accrut avec rapidité; toutefois, une telle cause de prospérité n'avait rien en soi que d'occa-

sionnel et de transitoire. Ce qu'une certaine somme de centralisation avait valu à Angerville, une plus forte somme ne pouvait-elle le lui ravir? Des moyens plus prompts de communication, un mode plus savant et plus rapide de locomotion ne pouvaient- ils lui enlever en grande partie le bénéfice et les avantages attachés à sa position et à la création des routes qui la traversent? sans nul doute. Mais, dans un tel système, ce que les grands centres enlèvent aux petits, ils le leur rendent avec usure, quand ces derniers savent user des ressources durables et permanentes dont la nature, le travail ou l'art les ont pourvus.

Comme l'Antée de la fable, Angerville, fille de la terre, ranimera ses forces au contact de la terre. Elle se souviendra qu'elle a été déjà le théâtre d'un comice agricole du département de Seine-et-Oise. Son commerce cherchera désormais sa base dans l'étendue de son marché, et son marché lui-même ne saurait trouver que dans l'agriculture une large et féconde alimentation. C'est donc aux soins qu'elle exige, aux procédés nouveaux et plus savants qu'elle emploie, qu'Angerville doitaujourd'hui donner la plus grande part de son attention.

Plusieurs de ses enfants se sont déjà occupés sérieusement de questions agricoles.

M. Louis Rousseau, né à Angerville le 28 avril 1784, qui eut pour parrain le duc de Penthièvre, et pour marraine la princesse de Lamballe, a publié, en 1822, un mémoire inoctavo intitulé : Commerce des grains dans le système général d'économie industrielle. Ce fut un rapport présenté au nom de la commission spéciale à la Société d'agriculture de l'arrondissement d'Étampes, à propos de l'ouvrage de M. Laboulinière, sous - préfet de cet arrondissement, ayant pour titre : De la Disette et de la Surabondance (1). A côté de ce

(1) M. Louis Rousseau est aussi auteur d'un autre ouvrage intitulé : La Croisade au XIXe siècle, ou Appel à la piété catholique à l'effet de reconstituer la science morale sur une base chrétienne, suivie de l'Exposition rritique des Théories phalanstériennes.

mémoire, nous avons encore à enregistrer les importants travaux sur les maladies des céréales et des bestiaux de la Beauce, par Tessier, doyen de l'Institut de France, à qui notre modeste cité, fière de son noble enfant, a l'intention d'élever un monument.

Déjà le conseil municipal a voté, à cet effet, une somme de mille francs comme premiers fonds à prendre sur les ressources libres de la commune ; et, pour mener ce projet à bonne fin, il a été nommée une commission locale, composée de MM. Rousseau, maire, Fougeu, Delafoy, Guenée, membres du Conseil municipal ; Lecomte, membre du Conseil général ; Marcille, du Conseil d'arrondissement; De Saint-Roman, maire de Méréville; Brinon, maire de Dommerville ; Bertrand, secrétaire de la Mairie ; Marot, receveur municipal, et Ernest Menault.

Une autre commission s'est également formée à Paris ; voici le nom des membres qui, jusqu'alors, ont donné leur adhésion : MM. Dumas, Geoffroy-Saint-Hilaire, Duméril, Serres, membres de l'Académie des Sciences ; Darblay aîné, Huzard, Bourgeois, Barrai, de la Société d'Agriculture; Magne, professeur d'hygiène à Alfort; Doriez, directeur de Rambouillet; Boussingault, Yvart, Davin, membres de la Société d'Acclimatation, Genreau, président du Comice agricole de Chartres; Darblay jeune, député de Seine-et-Oise, et Richard du Cantal, vice-président de la Société d'Acclimatalioji.

Puissent nos compatriotes ne pas accueillir trop défavorablement les idées simples et naturelles qu'un désir bien légitime de voir prospérer notre pays nous a conduit à émettre.

Puissent-ils voir, à défaut de talent, dans cette œuvre d'un jeune homme, un sincère amour du sol natal.

ÉGLISE.

Si l'on ne doit toucher qu'avec une extrême réserve aux monuments du passé, même pour les restaurer, si les constructions antiques ont toutes leur enseignement et leur poésie , l'humble église du village a droit aussi à notre respect, à notre attention. En effet, c'est le seul endroit qui ait conservé un peu de peinture, de sculpture et d'histoire. Quand l'art lui manque, elle y supplée par un sentiment plus touchant, par des souvenirs plus intimes, et, pour ainsi dire, par un lien de parenté avec nous. D'abord humble chapelle, elle a fait comme le hameau son frère, elle a grandi, mais le temps a tout changé, tout remué, tout renouvelé autour d'elle. Où sont les traces des premières demeures? Elle seule est restée là, debout, immobile, croissant comme paralluvion, recevant l'empreinte plus ou moins pure de tous les siècles qu'elle a comptés, et cependant conservant toujours sur quelques pierres noircies par le temps, la date de leur commune origine. Cette œuvre a grandi comme la fortune du village, chaque génération lui a apporté sa pierre. C'est elle qui d'une agglomération de chaumières a fait un centre moral de population, un foyer social.

Au moyen -âge, l'église était à la fois pour les habitants de la campagne un point de ralliement, un centre de relations, quand il n'y avait pas encore de marché établi, une maison

de ville où s'enregistraient sous la main du prêtre les naissances, mariages et décès, un refuge dans le danger, une école publique où chacun venait puiser sa part d'enseignement, un asile où les pauvres, les malades demandaient soulagement et guérison, un lieu sacré où le laboureur offrait les premières gerbes de sa moisson, et le vigneron la première grappe mûrie à sa treille.

C'était le seul champ de la publicité, le seul foyer des sentiments sociaux et religieux; c'était une scène enfin, une scène ouverte à toutes les émotions qui firent battre le cœur de nos pères.

L'importance de l'Eglise révèle assez l'influence du clergé séculier. Cette influence remontait aux derniers jours de l'empire romain, à cette désastreuse époque où le corps municipal appelé curie, rendu dans chaque cité solidaire des impôts établis, obligé de peser à son tour de tout le poids de la tyrannie sur ses administrés, se trouva brisée entre cette pression et cette résistance. Tout le pouvoir municipal tomba dès-lors aux mains des évêques et des curés dont le nom rappelle encore celui de curie. Les évêques commencèrent d'abord par être adjoints aux défenseurs dont la mission primitive était de défendre le peuple et surtout les pauvres contre l'oppression et les injustices des officiers impériaux et de leurs employés.

Bientôt leurs attributions surpassèrent celles des magistrats impériaux, et, sous Justinien, ils devinrent réellement gouverneurs de provinces. Comme le clergé possédait seul alors quelque crédit, ce fut dans ses mains que tomba presque partout cette institution et par conséquent tout ce qui subsistait encore du régime municipal. « C'était trop peu, dit M. Guizot, pour relever les municipes sous la domination de l'Empire; c'était assez pour procurer au clergé une grande influence légale dans les villes, après l'établissement des Barbares, pour faire de l'évêque le chef naturel des habitants, le véritable maire. On voit donc comment entre l'ancien régime municipal des romains et le régime municipal des communes du moyen-

âge, fut placé comme transition le régime municipal ecclésiastique. »

L'église d'Angerville, qui ne remonte qu'au XIIe siècle, n'eut, comme les autres campagnes dont l'origine est plus reculée, ni de chorévêques, ou évêques, qui remplissaient les fonctions épiscopales dans les bourgs et les villages, ni de vicaires-généraux, ni de prêtres chargés d'instruire le peuple.

Mais on ne tarda pas à bâtir des oratoires. Tel fut le commencement des cures et des paroisses. Dans l'origine les prêtres qui en furent chargés, portaient le nom de cardinaux quand ils y étaient nommés définitivement. Ce nom de cardinaux (1), dit Fleury, marquait qu'ils étaient attachés à leur église comme une porte est engagée dans ses gonds. Ce fut seulement au XIIe siècle qu'on commença à les nommer curés. C'étaient, ajoute Fleury, autant de petits évêques; ils pouvaient dire des messes, prêcher et même baptiser aux jours solennels. Ces droits ne furent accordés qu'aux titres principaux ou églises archipresbytériales qu'on appelait à cette époque plebes. De ces églises principales dépendaient des cures inférieures ou oratoires, nommées plus tard succursales. Dans la suite les curés purent administrer tous les sacrements, à l'exception de l'ordre et de la confirmation. Le curé était primitivement secondé par des diacres et des diaconnesses, chargés de distribuer aux hommes et aux femmes des secours temporels et spirituels.

Nous voyons, en 1650, des sages-femmes qui semblent remplacer les diaconnesses. Elles ont le pouvoir de donner le * sacrement du baptême, ainsi que le prouvent plusieurs actes extraits des archives d'Angerville:

« Le mercredi vingtième jour de novembre mil six cent cinquante-deux, Marguerite de Bourges, femme préposée pour assister les femmes en leur accouchement, demeurant en ce bourg d'Angerville, a presté entre mes mains le serment requis

1) Cardo gonds.

en telle rencontre, après avoir esté trouvée capable d'administrer le sacrement de baptême en cas de nécessite, en tesmoins de quoy je prestre curé de la dite paroisse d'Angerville et bachelier en théologie de la faculté de Paris, ay signé ce que dessus est véritable. « FÉLIBIEN, « Curé d'Angerville. »

L'histoire de l'église d'Angerville offre les mêmes particularités que l'histoire du hameau. Comme lui elle fut convoitée par les mêmes personnages. Tantôt ce sont les seigneurs de Méréville, tantôt les abbés de Saint-Denis qui s'en prétendent seigneurs et fondateurs, et comme le village elle n'appartenait en réalité ni à l'un ni à l'autre. Une preuve qu'elle ne faisait pas partie du domaine de Saint-Denis, c'est que les églises de cette abbaye en Beauce ont eu saint Denis pour patron. Ainsi Toury-Saint-Denis, Rouvray-Saint-Denis, Monnerville-SaintDenys (1), et, dans le principe, les églises de Toury et de Tivernon étaient à la collation de l'évêque d'Orléans. Elles ont été données en 1163! à Eudes, abbé de Saint-Denis, par Manassés, évêque d'Orléans. Rien ne révèle que l'église d'Angerville ait appartenu à l'abbaye de Saint-Denis. Dans l'inventaire, où toutes les possessions comme nous l'avons déjà répété sont scrupuleusement enregistrées, il n'est nullement question de l'église d'Angerville. On sait seulement qu'elle était à la collation de l'évêque de Chartres. Il est vrai qu'après la mort du cardinal de Retz, dernier abbé commandalaire de Saint-Denis, les religieux y firent peindre une lettre chargée de l'écusson de ses armes, comme on l'a vu au procès, où il est dit encore que le cardinal de Retz s'en prétendait le fondateur.

Mais déjà au xv,* siècle, Jean de Reilhac, seigneur de Méréville, avait prétendu à ce même titre de fondateur, ainsi qu'il résulte de l'aveu de 1599. Enfin, dans un document trouvé dans les archives du château de Méréville et tiré du fief des Murs, il est dit que le lieu presbitorial était chargé envers la dame des

(1) Le patron de Monnerville n'est plus le même aujourd'hui.

Murs, comme fondatrice de l'église et du cimetière, de six livres tournois de sous pour rentes le jour de la Saint-Etienne (1).

Nous savons que le fief des Murs était alors possédé par damoiselle Gilelte Dupont. Or l'église d'Angerville datant positivement de cette époque, nous sommes en droit de conclure que c'est bien elle qui en fut réellement fondatrice. Nous verrons plus tard pourquoi tel ou tel personnage s'en est prétendu fondateur. Pour arriver à cette démonstration, il est nécessaire de faire l'historique de la construction de cette église.

L'église d'Angerville n'offre à l'extérieur rien qui puisse fixer un instant l'attention de l'artiste. Ce n'est plus la primitive chapelle dont la construction naïve rendait si bien la simplicité du sentiment de nos ancêtres. Ce vieux monument, accablé par les ans, tout décrépi, présente partout les sillons des révolutions qu'il a traversées, des dégradations qu'il a subies.

C'est un amas confus de tous les styles. Qui pourra nous dire tout ce qu'il a ouffert. Son corps couvert de cicatrices accuse partout de profondes blessures. A-t-il été victime de la foudre, de l'incendie, du pillage, des armées ennemies qui ont tant de fois ravagé le hameau? La chapelle, ornée de ses premières peintures, entourée de son cimetière aux modestes croix de bois; a disparu au milieu des réparations, des additions apportées successivement par les siècles et les besoins du village Elle n'est plus comme jadis située au milieu du pays; elle ne paraît plus être le centre de toutes les attractions, le commerce s'est fait une route à l'extrémité du hameau; de nouvelles maisons s'y sont élevées. Les anciennes ont, pour ainsi dire, tourné le dos à l'église : ainsi s'est ajouté un village commercial à côté du village religieux. Des auberges se sont formées; d'autres nécessités ont entraîné le paysan vers d'autres buts, si bien que l'église aujourd'hui semble reléguée dans un coin du pays. C'est à peine si son toit s'élève au-dessus des autres.

(1) Toutes ces pièces curieuses ont été mises à notre disposition avec une grande bienveillance, par M. le comte de Saint-Roman, propriétaire du château.

Sa tour qui ne manque pas de caractère et surtout de pittoresque s'était également engloutie dans le massif des maisons élevées à la place des chaumières, et l'enfant, revenant au village, n'allait plus l'apercevoir, si l'on n'avait eu l'heureuse idée de lui ajouter une flèche qui maintenant la signale au loin.

Située au nord-ouest du pays, entre le presbytère et l'ancien cimetière, l'église, orientée du couchant au levant, présente à considérer deux faces latérales et deux extrémités.

L'extrémité occidentale ou entrée principale est formée par un pignon muni de quatre contreforts de hauteur et de saillies inégales, dont le caractère révèle la fin du xve siècle. Vers sa partie centrale existe un portail dont la forme irrégulière semble rappeler l'architecture romane du XIIe. Deux colonnes appartenant réellement à cette époque d'architecture, sembleraient confirmer cette assertion , si des faits péremptoires nous démontraient que cette construction est plus moderne.

Ne savons-nous pas, du reste, combien les églises de village offrent de semblables anomalies. Le désir de conserver une ancienne pierre provenant soit de l'église primitive, soit d'une église voisine, a fait ainsi commettre dans les hameaux bien des singularités de construction. Au-dessus de cette porte se trouve un grand oculus plus moderne encore et d'un fort mauvais goût. A droite et à gauche, dans chacun des bas-côtés, s'ouvrent deux fenêtres ogivales d'inégale dimension, celle de droite est trilobée à sa partie supérieure et l'autre est sans ornementation.

Malgré toute cette irrégularité, cette porte n'en constitue pas moins la principale et véritable entrée de l'église. Mais sa situation incommode a forcé le public de faire son entrée habituelle par la façade latérale du sud qui présente, entre deux contreforts, une porte cintrée du xv” siècle, revêtue d'une archivolte avec base à la partie inférieure des moulures. Un porche intéressant par ses souvenirs historiques, précédait encore cette porte, il y a vingt ans. Là, le dimanche, après les offices, c'est-à-dire quand ils étaient remplis de l'esprit de

Dieu, les habitants, avertis par un son spécial de la cloche, se réunissaient pour agiter les questions importantes de la commune; là ils prenaient toutes leurs délibérations; là, encore, entre l'église d'où l'on sortait de prier et le cimetière qui remplit le cœur d'émotion, les pauvres demandaient la charité.

C'était la véritable scène dramatique du village.

Sur la droite de ce porche, dans l'intervalle des deux piliers suivants, vers l'extrémité antérieure, se dresse vigoureusement, la tour dont la partie inférieure, de bonne et solide construction, est percée d'une fenêtré ogivale. Carrée par sa forme, comme les églises de campagne du XIIe et XIIIe siècles, elle se terminait, avant l'addition de la flèche, par un toit en batière.

A l'angle droit de cette tour existe un escalier hexagonal faisant saillie et terminé par une calotte pyramidale qui se perd à la partie supérieure des contreforts.

A l'étage intermédiaire déjà moins solidement construit, se voit une baie de style ogival très-pur. Plus haut on remarque d'autres baies jumelles, de forme ogivale, avec menaux formés d'une colonne, munies d'abat-sons. Au-dessus de ces fenêtres existe un cordon sculpté de neuf petites arcades trilobées d'un fort bon goût, et qui donne à cette construction un cachet spécial pau commun aux clochers de la Beauce. L'ensemble de cette tour et de la flèche est d'une hauteur de trente-trois mètres trente centimètres.

En avant de celte tour, encore dans l'intervalle de piliers et en saillie sur l'édifice, est une petite sacristie sans le moindre intérêt.

Enfin l'église se termine par un chevet carré, suivant l'habitude assez générale de la contrée. Cette façade est formée par un pignon dont un des côtés descend plus bas que l'autre, et est soutenu par un énorme et massif contrefort remarquable par son mauvais état de conservation. Au centre existe une vaste baie ogivale surbaissée, divisée en trois parties très-irré.

gulières, très-déjetées, garnies de deux menaux. Cette base est actuellement murée et nous avons observé qu'il en était de

même dans toutes les églises beauceronnes. Au tiers inférieur de cette baie commence un petit appentis, de construction.moderne, servant à loger la pompe, et qui est du plus mauvais effet. C'est une manie déplorable, une maladie contagieuse qui tend à envahir chaque jour nos campagnes. On encombre les églises de bicoques qui masquent le peu d'élégance de ces pauvres monuments. En face de cette construction, on remarque un grand portail circulaire qui devait servir d'entrée soit au cimetière, soit à l'ancien presbytère. On rencontre èn effet dans la Beauce beaucoup d'anciens presbytères ayant, à côté de la petite porte d'entrée qu'on reconnaît à son guichet et à son marteau, une autre grande porte cintrée analogue à celle dont nous venons de parler.

La face du nord, de construction plus récente et aussi la plus simple, est munie de six contreforts, tous d'égale saillie, de même moulure, ayant entre eux une fenêtre ogivale sans ornementation. Elle présente vers sa partie moyenne une porte murée avec un écusson de forme singulière à la clef, mais sans gravure et surmonté d'un oculus sans intérêt.

Si l'on pénètre dans l'intérieur de cette église , on est saisi d'un profond sentiment de tristesse, en voyant le mauvais goût qui a présidé à sa décoration ou à ses réparations. On ne peut s'empêcher de regretter que les hommes les plus intéressés à conserver l'art religieux, en soient précisément les démolisseurs. Que d'églises de campagne ont à reprocher à l'ignorance archéologique de leurs administrateurs, des destructions de monuments historiques, des sections sacrilèges de colonnes, de pierres tombales, où une date, un nom donnaient la clef du passé. Que de badigeonnages grossiers ont maculé des peintures curieuses, et enseveli des dates, des détails de sculpture intéressants l Que d'ex-voto ont été profanés, vendus ou échangés par des ventes ou des échanges illicites. Ici un lustre magnifique a été remplacé par quatre autres sans valeur. Une pierre tombale,a été ensevelie, et dans le misérable but de créer quelques places, de grossir un peu le revenu de la fabrique,

les colonnes du temple ont été sciées par un vandalisme incroyable. L'ignorance dans son action continue est souvent plus redoutable que les révolutions. Il est vraiment bien fâcheux qu'il n'y ait pas dans chaque diocèse un conseil d'administration pour la surveillance de toutes les réparations ou acquisitions des églises. Nous attendrons sans doute encore longtemps cette réforme. Mais poursuivons notre description.

La nef, ainsi que le prouve la date de 1521 gravée à la retombée d'un des arcs de voûte qui se trouvent sous les orgues, remonte au XVIe siècle. Cependant d'après les constructions elle a dû être commencée à la fin du Xve. Elle est composée de trois arcatures ogivales posant sur des piliers dissemblables et sans élégance. Néanmoins cette nef est parfaitement voûtée, chaque arête est munie d'une nervure prismatique, et les moulures de ces arêtes viennent se fondre dans les piliers. L'irrégularité de cette nef nous donne à penser qu'on a dû mettre de longues années à terminer cette construction : aucune ornementation remarquable ne la décore. C'est à peine si nous osons mentionner la chaire à prêcher qui est une œuvre moderne sans prix, et un petit orgue huché dans une sorte de boîte posée au dessus de la grande porte d'entrée.

SL de la nef nous passons au chœur, nous y rencontrons tous les caractères de l'architecture du xne siècle. Néanmoins, comme dans les petites localités on était toujours en retard sur le mouvement général, on pourra peut-être rapporter cette construction a la première moitié du xme : nous n'affirmons du reste rien à cet égard. Quatre piliers lourds, massifs et d'une irrégularité incroyable, supportent des voûtes assez bien conservées. Ces piliers sont munis à leur angle de colonnes tronquées dont les chapiteaux ont, les uns, conservé la forme cubique si usitée au XIIe siècle, tandis que d'autres munis de crochets à leurs angles, accusent le XIIie, Mais la plupart sont composés de larges feuilles à peine saillantes. Ces chapiteaux couronnés d'un brutal tailloir, sont composés uniquement d'un listel et d'un cavet. A la rencontre des nervures des voûtes, on

aperçoit des clefs en forme de roses assez petites et assez grossièrement sculptées. Tout, comme on le voit, dans l'architecture de l'église, est fait pour jeter le doute dans l'esprit de l'observateur et le perdre en conjectures sur la primitive église. (1) L'énorme pilier droit de l'entrée du chœur est creusé, dans l'intérieur du clocher, de sillons produits par les injures du temps. Ces altérations peuvent faire supposer que dans le principe ce pilier était extérieur, et si l'on en croit la tradition, il devait être à l'entrée de la chapelle primitive qui, dit on, était formée par la moitié antérieure du bas-côté Saint-Jean. Deux petits autels dédiés à sainte Anne et à saint Roch étaient adossés à ces piliers qui précèdent le chœur.

Le mur-plein de l'abside simplement décoré d'une boiserie du XVIIIe siècle ne mérite pas de fixer l'attention. Il contient dans son milieu un tableau de l'Annonciation non signé. C'est une médiocre copie qui nous paraît être de la même époque.

Il y a deux ans à peine, le maître-autel s'appuyait contre cet abside. Aujourd'hui il est siluénu milieu du choeur, déjà trop étroit, et que de nouvelles grilles en le circonscrivant font paraître encore plus restreint. Ce changement n'a eu qu'un avantage (triste avantage), celui de cacher au public la pierre tombale sur laquelle le lutrin -est maintenant placé.

Le tabernacle , irrégulier, a une forme étrange. Le rétable est a jour et peu élevé. Une châsse moderne d'un mauvais style flamboyant, contient une relique de saint Pierre rapportée, il y a quelques années, de Rome par le curé Chalet.

Le lutrin placé derrière l'autel est le seul objet d'art qui arrête un peu l'attention. Il est en bois de chêne et fort riche.

Sa base à face triangulaire est ornée, à ses angles, de chimères en volute. La tige en forme de balustre est ornée d'acanthe et couronnée par un chapiteau dont les volutes représentant des chérubins ailés. Un aigle, ailes déployées, vigoureusement sculpté, se cramponne à une sphère posée sur la plate-forme

(1) Fait constaté par. un savant archéologue de Chartres, M. Ad. Lecoq.

du chapiteau. Cette œuvre dont les détails sont peut-être d'un goût contestable, acquiert cependant une véritable valeur par la richesse de son ensemble. Honneur en soit rendu aux marguilliers de l'époque, car on lit sur une des moulures que ce lutrin « a été fait faire en 1688 par Jean David, François Fri« teau, et Jean Delafoy, marguilliers de la paroisse. »

Toute cette partie de l'église, depuis l'extrémité postérieure de la nef jusque l'abside, compte vingt-neuf mètres vingt centimètres de longueur sur sept mètres vingt centimètres de largeur et huit mètres vingt de hauteur.

Un marbre trouvé dernièrement dans le grenier du presbytère devait, d'après la tradition, être scellé autrefois sur un des piliers du chœur. Il porte celte inscription : « Messieurs les Marguilliers de leuvre et fabricque de l'es glise de St.-Pierre d'Angerville-la-Gaste el leurs successeurs seront tenus et obligés tous les dimanches, aves fesles annuelles de faire catéchiser les enfants des habitants de ceste paroisse isve es vespre et por cest esfect y entretenir un homme d'esglise y habitué lequel célébrera la Messe à 8 hevres le 9e lor de chûn mois et en fin de lad. Messe ferra dire par les enfanjj y assistancs oraisons, Pater noster et Avé Maria à l'intension de l'âme de feu noble hôme Iean de Mareav vivât secrétaire ordinaire de la chambre du Roy décédé le 9 aoûst 1 631, après avoir donné à ladite evvre le tout à perpétuité vne maison et teroir sise en ce bourg et teroir d'Angerville et ès environs appelée la maison de la belle ymage le tout passé Pdevant Plastrier et Contesse Nores au Ch Alet de Paris le 11 Ivn 1640. le tout mis et aposté à la diligense d'honorables hommes Frâçois Blanchet Lvbin Langlois Pierre Fauvet Jules Dvrât pour lors marguilliers de la dite paroisse « Priez Dieu pour son âme. »

Latéralement à la nef se trouvent deux bas-côtés, l'un à gauche ou de la Sainte Vierge, l'autre à droite ou de Saint-Jean.

La partie inférieure de ce dernier est, comme la nef, de la fin

du XVIe siècle. Les deux travées supérieures paraissent avoir été construites en même temps que le clocher. Mais ici les retombées des voûtes sont formées de consoles à têtes humaines d'un caractère singulièrement barbare. L'autel de Saint-Jean, en chêne-et reconstruit dernièrement, est surmonté de deux colonnes et d'un fronton en style grec ; il vient de remplacer une boiserie dont le rétable contenait un tableau du baptême du Christ que sa valeur artistique aurait dû mieux faire respecter. Il eût été préférable de conserver l'autel primitif qui était plus en harmonie avec le style de l'église, et laissant le tableau à sa place de le faire restaurer par un peintre habile.

Au-dessus de l'autel, les traces d'un cintre ancien accusées sur le mur, semblent indiquer la hauteur de la première chapelle et la date de 1582, inscrite à la clef de la voûte, est un témoignage de sa réédification. C'est bien là évidemment la partie la plus ancienne de l'église, tandis que la plus récente constitue tout le bas-côté de la Vierge qui a été construit en (733. Un nouvel autel exactement semblable à celui de SaintJean , a également fait reléguer un tableau représentant deux saints martyrs qui, à leurs pieds, écrasent un dragon dont la gueule lance le feu tandis qu'à leur tête, une colombe d'un côté, un ange de l'autre, apportent à chacune une couronne.

Ce tableau, ainsi que celui de l'autel Saint-Jean , sont peints sur bois et paraissent être des œuvres du XVIIe siècle. Ils constituent avec une descente de croix aussi peinte sur bois, d'après Rubens, et un Salomon qui nous paraît être de l'école de Largillière, toute la richesse des peintures de l'église.

Dans le clocher, nous n'apercevons encore partout que traces de désastre et de réédification. Toutes les charpentes ont été refaites ou remaniées au xv” siècle, en même temps que celles de la nef. Elles n'offrent rien de particulier, sinon un bon état de conservation et de grandes garanties de solidité.

La charpente du beffroi, composée de pièces de bois énormes, supporte deux cloches toutes modernes et de dimensions inégales. Le diamètre de la partie inférieure de l'une est d'un

mèlre; celui de l'autre compte quatre-vingt-huit centimètres.

Aucune ornementation ne mérite d'être signalée. On y lit les inscriptions suivantes : « L'an 1834 j'ai été bénite par M. Christophe Chalet, curé, et nommée Pierre-Gabrielle par M. Pierre-François Hureau, mon parrain, et Mme Cécile-Gabrielle de Sauvebœuf, comtesse de Ferrières, ma marraine, en présence de MM. Louis Thierceli-n, maire, François Buisson, adjoint, Claude Jousset, président de la fabrique, Jean Delafoy, trésorier, Michel Verneuil, Paul Gidoin et Pierre Courtois, marguilliers. »

PETITE CLOCHE.

« L'an 4834, j'ai été bénite par M. Christophe Chalet, curé, et nommée Marie-Victoire par M. Antoine Fougeu, mon parrain, et Mme Victoire Moreau, veuve Armand Rousseau, ma marraine, en présence de. (comme à la précédente). »

Au résumé, nous trouvons dans l'église d'Angerville trois époques bien distinctes. Une première comprenant la moitié antérieure de l'aile de Saint-Jean et le chœur qui remonte à la fin du XIIe et au XIIIe siècle; une seconde formée par la nef et la partie postérieure de l'aile Saint-Jean. La date 4522 parfaitement en harmonie avec le style des fenêtres, ne laisse aucun doute sur l'époque de cette construction faite par Jean de Reilhac qui s'était dès-lors prétendu fondateur de l'église. La troisième et dernière époqufrcomprend toute l'aile de la Vierge.

Cette construction paraît récente, et la date 1733 nous apprend que cette partie a été édifiée après le procès par suite duquel M. Delpech était resté seul seigneur d'Angerville. Nous ferons observer enfin, que la pierre qui dans cette partie de l'église porte la date 1'53, a dû être transposée à l'époque de cette construction. (1)

(1) Voir pour l'intelligence du texte le plan fait par notre ami M. ClaudeSauvageot, qui a mis généreusement à notre disposition l'habileté de son..

îturin ainsi que ses lumières archéologiques.

JUSTICE ECCLÉSIASTIQUE. - MOEURS DES CLERCS ET CURÉS D'ÀNGERVILLE AU XVE SIÈCLE.

Les tribunaux ecclésiastiques remontaient à Constantin qui avait permis à chaque évêque de juger ses clercs. Ne pouvant toujours présider son tribunal, l'évêque se fit remplacer par un juge que l'on nomma officiai. Ce juge devait être prêtre et docteur ou au moins licencié en théologie et en droit canon (1).

Le promoteur remplissait près de ce tribunal les fonctions de ministère public et devait aussi être clerc. Les avocats y prenaient le nom de procureurs postulants, les greffiers celui de notaires apostoliques, et le tribunal ecclésiastique celui d'officialilé. Sa compétence devait primitivement se restreindre aux clercs, mais peu à peu elle s'étendit.

Les tribunaux ecclésiastiques s'emparèrent de tous leproGès qui ne dépendaient qu'indirectement du clergé, des usuriers, et de toutes les affaires concernant les testaments et les mariages. Ils s'efforcèrent de faire prévaloir la doctrine que toutes les personnes misérables, veuves, orphelins, pauvres appartenaient à la juridiction ecclésiastique. Enfin ils soutinrent que ,, l'Eglise devant décider de tous les cas de conscience, était juge en définitive de tous les procès. Si cette opinion l'eût emporté, les tribunaux ecclésiastiques se seraient emparés entièrement de l'administration de la justice. Les ecclésiastiques n'exécutaient pas eux-mêmes leurs sentences ; ils avaient recours au bras séculier pour faire appliquer les punitions qu'ils avaient prononcées.

L'église d'Angerville relevant de celle de Chartres, il était intéressant de savoir si l'on avait conservé les registres de l'officialité de ce diocèse et si nous n'y trouverions pas quelques documents relatifs à notre pays. Un travail remarquable publié par M. Lucien Merlet, archiviste distingué d'Eure-et-Loir, nous apprit que les archives du département avaient sauvé

'l) Cheruel , Dictionnaire.

sept de ces registres qui se trouvèrent classés avec les registres de contrat du chapitre Notre-Dame de Chartres. Ces volumes, dit M. Merlet, comprennent la période de 1380 à 1415. Les renseignements qu'on y découvre sur l'administration de la justice à cette époque, sont du plus haut intérêt « les causes étaient fréquentes alors, les cas de délit bien plus multipliés qu'aujourd'hui; mais la justice ecclésiastique traitait les criminels avec une douceur que l'on ne rencontrait point toujours près des tribunaux laïques. Aussi chacun était fort curieux de se faire reconnaître pour clerc. » Dans l'espace de trente cinq ans que Merlet a parcouru, il n'a vu qu'un seul jugement au criminel. Dans tous les autres cas, même pour des vols considérables et des homicides, l'official trouve quelque raison de tourner la cause du criminel au civil et le coupable en est quitte pour une amende.

Le chapitre de Chartres savait bien qu'une de ses plus belles prérogatives était de juger en dernier ressort, sans appel à d'autre cour qu'au parlement. Aussi défend-il avec énergie sa justice, non-seulement contre les officiers royaux, mais aussi contre les autres officiaux qui veulent s'attribuer des causes que le chapitre prétend lui appartenir.

En-parcourant ces registres de l'officialité nous avons pu confirmer tout ce que nous avait appris M. Merlet, sur la lenteur de la justice à cette époque. Nous avons, en outre , constaté que messieurs les curés d'Angerville ne se contentaient pas seulement alors de prêcher, de catéchiser les habitants. Ils enseignaient aussi l'évangile à coup de poings, à coup de bâtons, et même à coup de couteaux. Le plus redoutable dans ses violences (1), celui qui mit Je plus souvent la paroisse en émoi, fut un nommé Martin Crouleboy. Toutes les semaines, Martin battait un paroissien. Toutes les semaines, le nom du curé

(1) Dominus Martinus Crouleboy, presbyter rector de Angervillâ-Gastâ, citatus est pro injectione manuum temerè violentâ in Guillelmum Pellerin, ipsum ad terram prosternendo j et de quodam baculo per tibias et caput percussiendo usquè ad ictus nigros.

d'Angerville retentissait devant le tribunal de Chartres. La première lois que nous l'entendons appeler devant l'officialité, c'est le 30 mai 1403. Maître Martin Crouleboy, prêtre recteur d'Angerville-la-Gâte est cité pour avoir porté violemment les mains sur Guillaume Pellerin, l'avoir jeté à terre et lui avoir donné des coups de bâton sur la tête et les tibias, à tel point qu'il en était noir. Véritable Martin-bâton, le curé d'Angerville n'y va pas de main - morte. Cependant le tribunal ne se croit pas suffisamment éclairé. Le 5 juin il renvoie le prononcé du jugement au vendredi après l'Assomption. On cherchait à étouffer la cause. On voulait éviter le scandale d'une peine encourue par un ecclésiastique.

Du reste, Martin Crouleboy est, comme on dit, coutumier du fait. Il sait à merveille varier ses moyens d'attaque ou de défense. Le 20 juillet il est appelé de nouveau devant l'official.

Cette fois il a, à plusieurs reprises, asséné des coups de poing sur la tête et les épaules du clerc Buchet. (1) Evidemment Martin Crouleboy avait quelque raison de croire que ses violences resteraient impunies. Sans cela, comment expliquer que dans la même année, le 46 septembre, il ait à répondre une troisième fois devant l'officialité de Chartres.

Le laïque Guillaume le charron sort avec son chapeau du dimanche. On ne sait pourquoi. Le curé d'Angerville le lui arrache de la tête, lui donne un soufflet et lui porte à plusieurs reprises des coups sur la tête et sur les épaules, sans toutefois qu'il y eût effusion de sang. Ce toutefois est plaisant; il marque l'intention manifeste d'atténuer le délit. On remercierait presque monsieur le curé d'Angerville de n'être pas allé jusqu'à l'effusion du sang (2). Ce même jour Martin Crouleboy

-

(1) Dominus Martinus Crouleboy citatus est pro injectione manuum temerè violentâ in Guillelmum Buchet, clericum, ipsum percutiendo de pugno super caput et spatulas pluries, in domo Guillelmi Cola, de diclo loco, presentibus dicto Guillelmo et Stephano Jeubert.

(2) Martinus Crouleboy gagiavit emendam pro injectione manuum temerè violentâ in Guillelmum le charron, laïcum, sibi amovendo quemdam

avait encore à répondre pour de violents coups de poing porlés à Jean le Mentaige. — Mais, hâlons-nous de le dire pour excuser un peu nos curés, les laïques, les habitants d'Angerville n'avaient guère, à cette époque, de façons plus courtoises ni plus douces à l'égard des prêtres. Ainsi nous voyons également appelé devant le juge de Chartres, Jean Dupuis, d'Angerville-la-Gâte, qui a porté aussi de violents coups de poing contre maître Pierre Rongart, prêtre recteur de Monnerville. (1) *

Une autre année, c'est Robin Broutin, clerc d'Angerville-la-Gâte, qui est puni d'amende pour s'être porté à des voies de fait contre Pierre de Rivière et Jean Pied-noir. (2) Nous n'achèverons pas ce tableau de mœurs plus ou moins barbares, d'autant mieux que nous n'avons aujourd'hui rien à craindre des poings, des bâtons, ni des couteaux de nos curés.

Les habitants d'Angerville sont eux-mêmes devenus plus pacifiques depuis qu'ils peuvent sortir sans danger pour leurs tibias et Leurs chapeaux du dimanche.

PROPRIÉTÉS DE L'ÉGLISE D'ANGERVILLE.

L'église d'Angerville, avec le cimetière qui l'entourait autrefois, avait une contenance de trente perches ( 15 ares 32 centiares), et, d'après la description des propriétés du bourg, données dans un plan de 4 693, nous voyons que l'église possédait en outre :

capellum festivarum in capite ipsius exeuntem, et ipsum post modum de quodam soufleto pluries percutiendo sub caput et spatulas, citrà tamen sanguinis effusioneni.

(1) Johannes Dupuis, de Angervillâ Gastâ, citatus est pro injectione manuum temerè violentâ in dominum Pelrum Rongart, presbyterum rectorem de Monarvillâ, etc.

(2) Robinus Broutin, clericus de Angervillâ Gastâ, gagiavit emèndam pro injectione manuum temere violenta in Petrum de Riperia, clericull parrochiae et in Johannem Pedis-Nigri,

1° Une chambre et grenier au- dessus du portail commun de la canonnerie, contenant une perche; 2° Une petite maison rue du Bahut, contenant une perche et demie; 3° Un jardin de dix perches; 4° Une petite maison, rue des Lucas, près l'église et de l'Hôtel-Dieu, contenant une perche.

Angerville a donc eu un hôtel Dieu; c'est, en effet, ce que nous atteste le plan dont nous venons de parler. Il était situé sur la place, devant l'église, dans la maison où les sœurs tiennent actuellement l'école communale; il consistait en une chambre, grenier au-dessus, cour et jardin derrière, contenant sept perches.

Cette maison appartient aujourd'hui à la fabrique ; et, sans doute, cette propriété aura été réunie à la précédente pour la construction des écoles.

Une transaction, passée le 15 juin 1781 par devant maître Tessier, notaire à Angerville, entre la supérieure de la communauté de Sainville et la fabrique d'Angerville, nous révèle que cette maison des sœurs d'Angerville avait été, dès le principe, occupée par une dame Poussepain, dont il sera question dans la biographie de Cassegrain. Cette dame y avait fait des constructions, el il avait été arrêté, par un acte de 4769, que ladite communauté serait tenue à l'entretenir à ses frais. Mais ces dames, ne pouvant subsister à Angerville, se retirèrent en 4781. C'est alors que mademoiselle Poussepain accepta mille francs de la fabrique d'Angerville pour renoncer à ses droits sur cette maison, qui appartient aujourd'hui exclusivement à la fabrique. Nous ne savons comment la commune a été dépossédée de cet Hôtel-Dieu, qui serait si utile pour les malades indigents.

De plus, on rencontre aux archives de l'hôtel de ville d'Orléans, années 1754 et 1773, une correspondance entre monsieur Tessier, notaire à Angerville-la-Gaste et monsieur Lefort, administrateur de l'hôpital d'Orléans, laquelle nous ap-

prend que le petil Arbouville relevait de l'Hôtel-Dieu d'Orléans et duquel Arbouville relevait l'auberge de l'Image à Angerville, avec cent cinquante ou cent soixante mines de terre en dépendant. Ces terres appartenaient auparavant à la fabrique de l'église d'Angerville, comme nous l'a indiqué du reste l'inscription de la pierre trouvée dans le presbytère.

A cette époque relevaient encore du petit Arbouville : 4° La terre et seigneurie d'Ouestre vil le, Dommerville et partie du château seigneurial de Lalung à monsieur et demoiselle de Hallot.

2° Cent trente à cent quarante mines de terre possédée par divers particuliers et dont il n'y avait pas d'aveu pour soixante à soixante-dix mines.

3° Moitié du lieu seigneurial de Jodainville, appartenant à M. le marquis d'Arbouville et relevant immédiatement de la braquerie.

4° La maison presbytériale de Dommerville, et un setier de terre appartenant à celle-ci; le sieur Philippe-Antoine Mineau en était alors curé en remplacement de Nicolas Lebcgue, ancien vicaire nommé par la fabrique de Dommerville; et, de plus, l'emplacement de l'église de Dommerville et du cimetière, ensemble la place sur laquelle l'ancien presbytère était construit.

5° Enfin le terrain de l'église et presbytère d'Angerville.

Nous ne savons pas ce qu'il restait à l'époque de la révolution de terres appartenant à la fabrique. Les registes où sont inscrites les ventes des biens d'émigrés nous apprennent qu'en avril 4793, neuf mines de terre appartenant à la fabrique de l'église d'Angerville, furent vendues à différents habitants pour 2,425 fr.

CURÉS ET VICAIRES.

1357. Étienne CIIENU, curé.

1575. BOURDEAUX, curé.

Vicaires : 1575, LETOURNgUR. -1590, ADENSSOT, chapellanus de Angervilla Gasta. - 1590, BÉCONCHIS, chapelain. - 1591, Nicolas KOSEL, chapelain.—1592, Guillaume GOMBOT. -1593, PAPILLON.

1602. Baptiste BLANCHET, curé.

Vicaires: 1603, JULIENNE.— 1604, FONTAINE-GUILLARD. - 1605, CELLIER.

-1608, Jacques DESLOGEs. - 1609, Nicolas POLLIN. - 1618, CROULEBOIS. - 1622, CHEVALIER.— 1638, Thomas LEDRETON. — 1647, JousSEAUME.

1652. FÉLlBJEN, curé.

Vicaires : 1652, Antoine LEMERLE. — 1653, Jean TRIQUET.

1657. Alexandre CONTET, curé.

Vicaires : 1657, TRIQUET ajoute à son titre de vicaire celui de desservant de la fondation de M. Moreau. — 1662, GODET-QUENTIN. — 1662, Fr.

HÉBERT.— 1673, DUBO-IS. - 1674, HERBELIN. — 1676, PAULLION, -1678, LORIENT. — 1679, Martin LEGRAND.

1685. François-Nicolas FORMENTIN, curé.

Vicaire: Martin LEGRAND.

1691. COURNET, curé.

Vicaire: 1693, DÉSAYRAU.

1694, PERTHUIS, curé.

Vicaires: 1696, FOUGEu. - 169'1, BLOT. -1699, Sritno-i. - 1703, Etienne LEPRINCE. -1704, Nicolas CANTON. — 1705, Denis POMME. —1708, LAROCHE. — 1709, VIGIER.

1711. Georges MINEAU, curé.

Vicaires: 1711, Philippe MINEAU. - 1718, Louis POMMER EAU, - 1722, COQUENTIN. — 1728, GUILLES. — 1730, RABOURDIN. — 1731, PRADEAU. —

1732, J. GoUPY. —1739, P. GOUPY, —1748, HARDY. — 1753, POMMEREAU.

— 1757, BOURGEOIS. — 1759, I. F. MINEAU. — 1762, CORNU. — 1763, VAUCORET. — 1765, AULARD. — 1767, PESCHARD. — 1776, MILLOCHAU.

1779. PERRIER, curé.

Vicaires : 1783, CONS. — 1785, DORANGE.

1786, RoussnLET, curé.

Vicaires : 1790, SEVESTRE. — 1791, POTIER. — 1792, LENOBLE.

1802. COLLIGNON , curé.

1803. Du CLUZEL, id.

1803. CLERC, id.

1804. LAPERRUQUE, id.

1811. DE CAMELIN, id.

1814. BERNIER, id.

1829. CUISSARD, id.

1829. CHEVENEMENT, id.

4830. CHALET, id.

1854. HERMANT, id.

POPULATION.

Angerville, compte aujourd'hui, y compris Villeneuve et Ouestreville, une population de 1,513 habitants, résultat du dernier recensement de 1856. Il est à remarquer que depuis 1806, époque où elle s'élevait à 1,590 âmes, cette population a toujours diminué. En 1807, elle était descendue au chiffre de 1,449; cet abaissement fut sans doute occasionné par les guerres de l'Empire.

Voici les diverses variations qu'elle a subies dans les années suivantes :

Au 1er mai 1831, elle était de. 1,528 18 juin 1836, 1,526 1er juin 1841 , .1,531 20 juin 1846, 1,544 Avril 1851 , 1,543 1856, 1,513 — ~- ——

TERRITOIRE D'ANGERYILLE

- ENSEMBLE PARTIES rJ, .A REVENU .-~ ———— -.

S e '« 5 D U « 2 PiR en r.: , U S Zh U t/2 ETERRITOIRE. U S W hectare. « ë A - O = < t.,;

fr. c. 1” 203 52 35 14 00 1 i i 2* J44 19 80 11 00 f j Terres ,'{c 502 07 85 8 00 ) 1980 75 90 j 1° 377 38 45 5 00 1 51 368 57 45 2 00 ( lre 1 20 00 12 00 Rois. 2e 48 68 50 8 00 j 84 51 50 3” 31 82 80 4 00 J Jr aiii-dri ii nc»s c ( l'c 9 40 60 20 00 ) 10 q~ 75 ^2” 97 15 14 00 f la 3/ 1 L> Friches. , 3 47 60 0 50 3 47 60 Carrières 5* „ 10 40 2 00 - 10 40 Pâtures 2G 20 8 00 » 26 20

Sol des propriétés bâties 11 29 65 14 00 il 29 65 TO TAL 2087 79 1 00

( Eglises et cimetières. 35 a. 35 c.

i Presbytères. 6 60 Objets non imposables) Chemins et places publiques 47 h. 51 30 j Mares et pâtures publiques. 38 60 Domaine de l'Elat 01 05 Ensemble 48 h. 32 a. 90 c.

qui, ajouté au chiffre 2087 79 00 donne pour total général 2136 h. 11 a. 90 c.

REVENU TOTAL.

En terres 33.037 fr. 88 c.

En propriétés bâties. 12.657 00 Ensemble,. 45.694 fr. 88 c.

ADMINISTRATION MUNICIPALE D'ANGERVILLE.

4 644. — Pierre FANON, procureur fiscal en la chastellenie de Guillerval, Monnerville et Angerville.

4 650. — Gaspard DEPUSSAY, procureur fiscal à Angerville.

1659. — Jehan Ruzé, bailly de la chastellenie de Guillerval, Monnerville et Angerville-la-Gaste.

1660. -Symon BLANCHET, procureur fiscal d'Angerville.

4660. — Thomas MOUSSET, procureur du baillage d'Angerville.

1676. - Hiérosme PALLUAU, lieutenant d'Angerville.

1677. Jean POMMEREKU, receveur de la seigneurie des Murs.

4681. - Gaspard DEPUSSAY, procureur fiscal de la chastellenie de Guillerval, Angerville et Monnerville.

1681. - Hiérosme BLANCHET, procureur fiscal à Angerville.

1686 (6 avril). — Mort de Jean POMMEREAU, receveur de la recette dite des Murs.

'1697-1716. — Pierre COURTOIS, conseiller du Roi, maire perpétuel.

1700. - Louis POMMEREAU, receveur des Murs.

1700. - Jean FLEURY, procureur fiscal.

1701. - Louis RABOURDIN, commissaire.

1713-1717. — Hugues LESUEUR, maire.

1735. - Claude POMMEREAU, receveur des Murs.

1789.— ROUSSEAU (Jean-Henry), syndic et membre de l'Assemblée provinciale de l'Orléanais en 1789.

Élu maire le 9 décembre 4792, resta en fonction jusqu'au 24 mars 1793, fut président de l'administration municipale en 4797, et redevint maire à partir du 18 juin 1800 jusqu'au 30 avril 1809, époque de son décès.

1790. — TESSIER, juge de paix du canton d'Angerville et en même temps maire de 1790 à 1791. Il devint agent municipal du 27 brumaire an iv (18 novembre 1799) au 27 germinal an VIII ( 17 avril 1800 ), ensuite maire provisoire du 17 avril 1800 au 16 juin suivant, puis adjoint jusqu'en 1808.

1791. —BERTRAND (Louis), élu maire le 9 janvier 1791, cesse ses fonctions au mois de novembre 1791.

1791. — BAUDON (François), élu le 13 novembre, n'accepte .pas.

1792. — DUBOIS (Jean-Pierre), élu le 22 janvier 1792, reste en fonction jusqu'au 20 mars de la même année.

1792. - CnARTRAIN ( Louis-George-Abdenago ), premier officier municipal, fut appelé à remplir, du 20 mars au 9 décembre 1792, les fonctions de maire par intérim, et le devint en titre par élection, le 24 mars 1793, jusqu'au 2 brumaire (23 octobre 1795). A cette époque , destitution du conseil général de la commune, de la juridiction de paix et du comité de surveillance, par le représentant du peuple Pierre Couturier. Réorganisation et nomination à la charge de maire de Charles LtGlm, dont les fonctions furent de courte durée.

1793. — DOLLON (François), nommé maire le 15 brumaire an n (5 novembre 1793), par Jean-François Si-, billon, délégué du représentant Couturier. Il resta en fonction jusqu'au 3 thermidor an n (17 avril 1794).

1794. — HARDY (Etienne) , fut nommé le même jour juge de paix du canton d'Angerville, et resta en fonction jusqu'en 1801 , époque où le pays fut dépossédé de son canton.

1808. — THIERCELIN ( Louis ) , maire depuis le 16 février

4817 jusqu'au 13 qovembre 1834, après avoir été adjoint du 18 avril 1808 jusqu'à sa nomination; il remplit l'intérim du maire, sans adjoint, de 1809 à 1811.

4 811 - RoussEAu (Marie-J ean- Baptiste-Armand). 17 février 1811 - 24 juillet 1814.

1814. - GUILLAUMERON ( Pierre-Jacques ). 24 juillet 1814 —19 janvier 1817.

1831. - BUISSON (François ), docteur en médecine, adjoint le 42 octobre 1831 ; maire le 13 novembre 1834, donne sa démission vers la fin de 1836.

1837. — BOURGEOIS (Louis-Gabriel), adjointde M. Buisson, est nommé maire le 3 mai 1837, et reste jusqu'au 17 septembre. 1837. — BUISSON (François ), réélu le 17 septembre 1837, remplit ses fonctions de maire jusqu'en 1857.

1857. — ROUSSEAU (Lucien ), maire actuel.

.- LÉGENDE AU PLAN DU BOURG D'ANGBRVILLK (An 1715).

f. Hôtel de la Croix-d'Or.

2. Hôtel des Trois-Empereurs, ci-devant hôtel de la Fontaine.

3. Hôtel des Trois-Maures, du fief de Létourville.

4. Ruelle commune des Trois-Maures.

5. Hôtel des Trois-Maillets, fief de Létourville.

6. Hôtel des Quatre fils Aymon, contigu à l'hôtel de la Rose. Fief de Brijolet.

7. Hôtel de la Rose, autrefois les- Trois-Reines, appartenant à Davoust.

8. Cour commune contiguë à l'hôtel de la Rose.”

9. Auberge de l'Ours. — Cette auberge s'appelaft autrefois les Trois-Rois; elle était tenue par François Friteau.

10. Cour commune de la Canonnerie.

11. Maison où est né Blanchet.

12. Rue du Coulon.

13. Puits supprimé aujourd'hui.

4 4. Hôtel du Petit-Écu, tenu par Friteau.

15. Hôtel de la. Fleur-de-Lys, tenu par Jean Cochinard.

16. Hôtel du Cheval-Bardé, tenu par Pommereau.

17. Hôtel du Petit-Cerf, tenu par Antoine Quesnard.

48. Hôtel de la Tête-Noire, tenu par Jean Peschard.

19. Hôtel de l'Étoile, tenu par Pierre-François Rabourdin.

20. Ruelle de la Tête-Noire.

2.1. Hôtel Sainte-Barbe, tenu par Jean Chaude.

22. Image Saint-Jacques, tenu par Gervais Blanchet.

23. Image Sainte-Catherine, tenu par Claude Durand.

24. L'Écu-de-France, tenu par Jacques Bergerat.

25. Hôtel des Deux-Anges, tenu par Antoine Touchard.

26. Hôtel du Renard, tenu par François Pillias.

27. Cour commune de la Corne-du-Cerf.

28. Hôtel du Saint-Nom-de-Jésus, tenu par Claude Des granges, place du Martroy.

29. Grange champarteresse.

30. Ferme de la seigneurie des Murs-Neufs.

31. - Hôtel du Charriot-d'Or, tenu par Jacques Pommereau, aujourd'hui le presbytère.

32. Auditoire de la justice d'Angerville, chargé d'une poule de cens, suivant le bail à cens fait par le seigneur de Méréyille à François Hureau.

33. Maison de Montigny.

34. lî Autruche, tenu par Charles Blanchet.

35. La Boule-Verte, tenu par Jacques Lesueur.

36. Ancien presbytère.

37. Hôtel des Trois-Marchands, anciennement les TroisCroissants, tenu par Valentin Durand.

38. Le Lion-d'Or, tenu par François Touchard.

39. Le Croissant tenu par Antoine Puys.

40. La Tête-Noire couronnée, tenu par Eutrope Baillon.

41. L'Épée-Royale, tenu par Antoine Puys.

42. Le Bœuf-Couronné, tenu par Jean Palluau, et la CroixBlanche, par Jubart.

43. Église.

44. Hôtel-Dieu.

45. Le Chapeau-Rouge, tenu par Pierre Courtois.

46. Cette maison, aujourd'hui occupée par M. Bouland , appartenait à la fabrique d'Angerville.

47. Ruelle du Mouton, aujourd'hui supprimée.

48. Le Dauphin, provenant de Claudine Langlois.

49. Hôtel du Cygne, tenu par Eutrope Hoppé.

50. La Belle-Image, autrefois les Trois-Marchands, et quelquefois la Billonnerie de Jeanne Dessaux.

51. Image Notre-Darne, tenu par Jeanne Dessaux, veuve Courtois.

52. ImUge Saint-Martin.

53. Cour commune de Saint-Martin.

54. La Pucelle, tenu par Joachim Menault.

55. - Maison où est né Tessier.

56. Le Cheval-Blanc, tenu par Jacques Chartrin.

57. Enseigne des Quatre-Fers, tenu par Jacques Réchaut.

58. Le Sauvage, tenu par Louis Laigneau.

w. •.. x : \; ¡ ; l!

D'A —' Jo j –=..-J 11 1715

PIÈCES JUSTIFICATIVES.

PIECES JUSTIFICATIVES.

CHARTE Par la quelle le roy Dagobert faict don aux religieux de Saint-Denys de la chastellenie de Thoury avec les villages de Tyvernon et Rouvray, au terriloire d'Orleans, aussi des villages de Monarville et du Valuascois, au pays d'Estampes, avec toutes leurs appartenances et dépendances, ensemble leur justice, domaines et autres droicts mentionnez en icelle charte.

Dagobertus, rex Francorum, vir illuster. Obtabile esse ojiortet dum in hâc caducâ vilâ consistimus de transituris rebus pro mercede æternâ loca sanctorum sublevare ad alimoniam et sustentationem servorumDei, quatinùs de caducis rebus mærcemur æterna. Igitur nos hoc considerantes donamus villas juris nostri, id est, Tauriacum, Tybernionem, et Rubridum in pago Aurelianensi sitas : sed et Alonarvillam et Vasconisuallem, in pago stampinse, fratribus monachis deservientibus ad basilicam domini Dyonisii peculiaris patroni nostri, ubi præesse videtur abba Aygulphus et nos sepeliri obtamus, in alimoniam specialiter eorum in perpetuum administrandam. Has prædictas villas cum omnibus justiciis et dominiis, terris, domibus, mancipiis, vineis, sylvis, pratis, pascuis, aquis, aquarum decursibus vel omnibus adjacentiis, praedicto sancto loco et monachis ibidem Deo servientibus nostrâ munificentiâ , speciali donatione in alimoniam conce-

dimus, quatinùs ipsi de praedictis villis utentes pro nobis et prole nostrâ cotidianâ oratione deum exorent, ut ille suâ nos misericordiâ protegat, pro cujus amore hæc eis contulimus.

Et ut hæc donatio nostrae auctoritatis per succedentia tempora inviolabilem obtineat firmitatem, manus nostrae subscribtione et anuli nostri impressione eam subter decrevimus roborare.

Dagobertus rex suscripsit. t Dado obtulit. Datum in mense octobri, anno octavo regni nostri, in dei nomine feliciter.

Amen.

Scellé d'un sceau sain et entier, portant l'effigie du dit roy.

GUILLERYAL.

Prima villa beati Dyonisii quæ vocatur Guillelvalis propè Sarclidas in catalogo Dagoberti regis beato Dyonisio ab eodem rege tradita usquè adeò à multis retro temporibus aut semper ita incomposita exstiterat, ut nec domus ubi etiam abbas caput declinaret, nec granchia aliqua; nec quicquam dominicum in totâ villa existeret. Viginti quinque modiolos tantum, qui non excedunt quatuor nostros modios pro censu terrarum, quas colebant, cum modico domorum suarum censu singulis annis persolvebant : ad hanc igitur adaptandam ob amorem domiViorum nostrorum sanctorum martyrum accedentes, quamdam terram videlicèt trium carrucarum in eâdem villA. sitam pro quâ à XI annis et ultra guerra maxima agitabatur intra Joannem Stampensem filium pagani virum nobilem et strenuum et quemdam alium militem piguerensem, multo sumpto apud utrumque apposito, ecclesiae comparavimus, et quod uterque quaerebat ut neuter haberet, nobis eum retinendo et guerrae eorum finem sic imponendo, favore parentum et amicorum videlicet Baldium de Corboilo, et multorum aliorum, carldt nobis firmari fecimus (1).

(1) Dom Félibien, Hist. de I'abbaye de Saint-Denys.

MONERVILLE (1).

Succedil et alia propè illam beati Dyonisii villa, quæ dicitur Monarvilla, villa omnium facta miserrima, quæ sub jugo castri Merevillae conculcata, non minus quam Sarracenorum depressione, mendicabat : cum ejusdem castri dominus quotiescunque vellet, in eâdem hospitium cum quibuscunque velletraperet, rusticorum bona pleno ore devoraret, talliam et annonam tempore messis pro consuetudine adsportaret: lignaria sua bis aut ter in anno carrucarum villae dispendio aggregaret; porcorum, agnorum, anserum, gallinarum, importabiles quasque molestias, pro consuetudine tolleret. Quæ cum tantâ oppressione per multa tempora in solitudinem ferè jam redigeretur, audacter resistere et molestias hujusmodi ab haereditate sanctâ constanter exterminare elegimus.

Cumque eum in causam traheremus et ipse sibi jure haereditario patris et avi atque atavi consuetudines illas excusaret, ad hoc auxilio Dei, et hominum atque amicorum nostrorum consilio res processit, quod Hugo castri dominus, favore eonjugis et filiorum, assensu domini regis Ludovici, à quo se habere dicitat, beato Dionysio in perpetuum omnes omnino consuetudines , injustitiam suam recognoscendo relaxavit, remisit, manu propriâ jurejurando abjuravit, sicut plenius in cartâ domini regis Ludovici invenitur. Nos autem ad ejus hominium ecclesiae nostrae retinGndum; duos stampenses modios annonae, unum fromenti et alterum avenæ, in curiâ nostrâ per manum Monachi aut servantis nostri concessimus. Quo qui-

(1) On écrit aujourd'hui Monnerville. Le texte latin donne Monarvilla. Pourquoi ne pas conserver cette orthographe?

dem prscdicta villa eruta tormento, cum prius vix nobis valeret decem ou quindecim libras , centum stampenses modios armonae per singulos anUJi, qui saepius centum libras valent secundum precium annonæ, per manus ministrorum reddere nobis consuevit (1).

I) Dom Felibien.

ROUVRA Y-VILAINE.

Possessionem nihilominus quæ dicitur Rubridum depressione angariarum castri puteoli omninò destitulam emendare elaborantee, cum quâdam die Hugo dominus Puteoli post ruinam castri etiam nos super hocconvenisset, ut incultam terram depressione castri in solitudinem redactam, sub medietate lucri ego et ipse excoleremus : licet hoc quidem compendiosum approbarent, recusavimus, et quod cum eo noluimus, per nos efficere ad commodum ecclesiae elaboravimus. Nec eum admittere socium in restitutione terræ sustinuimus, quem destructorem more antecessorum suorum gravissimè persenseramus. Easdem enim consuetudines, quas de Monarvilla enumeravimus, videlicet talliam et annonam porcorum, avium, agnorum, anserum, gallinarum, pullorum, lignorum, ab eâdem terrâ more antecessorum suorum abripuerat, et ex hoc ipso tàm nobis quàm sibi infructuosè jacentem omnino inutilem reddiderat. Nosigitur miseriae terræ et damno ecclesiae nostrae condescendentes , in eâdem sterili terrâ curtem ædificavimus, turrimque super portam ad repellendos raptores ereximus : tres carrucas ibidem posuimus, villam quæ Villana dicitur, restituimus; incomposita terrae composuimus usque adeo eam meliorando, ut cum vix consueverit viginti libras singulis annis, posteà centum libras, saepius vero centum et viginti reddiderit. Nos verò sanctis Martyribus pro tantis beneficiis jure devoti, de eodem fructu laboris nostri aedificationi ecclesiae eorum singulis annis quater viginti libras usque ad operis expletionem, cartâ et sigillo assignavimus.

Removimus etiam ab eâdem terrâ quamdam consuetudinem malam vice-comitis Slampensis, quæ Palagium vocatur (i).

(1) Dom Félibien.

POINVILLE.

Similiter et Poionis Villam quam habebat Gaufredus Rufus à cognato suo Berardo de EssenviUà , ut à nobis idem Berardus, tanquam homo noster in feodo haberet, conduximus (1).

(1) Dom Felibien.

TOURY.

'- CHARTEPortant privilege donné par Ie roi Louis le Gros à l'abbaye de SaintDenis, d'établir un marché tous les vendredis de chaque semaine en leur village et chastellenie de Toury : aussi l'octroi de tons les droits et profits qui en proviendront, sa majesté prenant sous sa protection et sauvegarde toutes personnes allant à ycelui et devenant d'yceluv.

Oste et supprime toutes mauvaises exactions et meschantes coustumes qui avaient esté introduictes sur les terres et possessions de l'abbaye de Saint-Denys en la Beauce, par les comtes de Puyset.

Veul et ordonne que les garnisons et forteresses du chasteau de Thoury demeurent pour s'en servir contre les ennemis du royaume.

Ludovicus Dei gratiâ. rex Francorum omnibus archiepiscopis, episcopis, ducibus, comitibus, cunctisque regni sui optimatibus, nec non et proceris.

Quidquid de utilitate et honestate sanctae Dei Ecclesiae in presentiarium divinâ ordinamus inspiratione hoc ad nostram spectare ceriissime confidimus salutem, et quidquid benè devoti conferimus fænore centuplicato in futuro nos recepturos speramus. Sicut ergo nostrum est ex regia majestate, malorum hominum infestantem reprimere et conterere insolentiam : ita nostrum est servorum Dei commendare et sustentare humilitalem : ad hoc enim nobis dictum est : non sine causâ gladium portatis. Nos ergo circà cultum ecclesiarum Dei bene devoti, quoniam antecessores nostros francorum reges revera accepimus ecclesiae beatorum martyrum Diony-

sii, Rustici et Eleutherii, multùm contulisse, et multd plus ab eis tam ad salutem animæ quam ad regni administrationern recepisse, zelantes eorum bonam et elegantem devotionem, ipsius peculiaris patroni nostri ecclesiae benefacere innitimur.

Concedimus ergo ad praesens per hoc majestatis nostra praeceptum eidem eccIesiae, in villâ quae dicitur Tauriacus, in episcopatu Aurelianensi, mercatum, et plenariè omnes ejus consuetudines in seria sextâ ibidem ulteriùs omni tempore colligendos : nos autem omnes sub tuitione nostrâ et conductu omnes tàm euntes quam redeuntes excipimus. Removemus etiam exactiones et consuetudines à totâ terrâ sancti Dyonisii de Belza, quas dominus de Puteolo exigebat, quas ego etiam Hugonem ejusdem castri dominum jam alià vice abjurare multis et multis obsidibus coegi : illas ergo omnino ipsis exactoribus prohibemus et eidem ecclesiae pro salute animae nostrae remittimus. De municipio autem quod in eàdem ad utilitatem nostram et regni nostri defensionem constituimus, qui in confinio hostium eis importunum, nobis autem aptum et opportunum erit, praecipimus et confirmamus ut deinceps firmum maneat, et sicut abbas ejusdem ecclesiac illud firmum fecerit, ita stare et in nullo infirmari permittimus. Si quis autem hoc nostrae regiae authoritatis pracceptuin violare praesumpserit, iram Deiincurret, nostramque majestatem offendisse se Dei ultione et nostrâ sentiet : quod ut ratum et inviolatum permaneat sigillo nostro illud corroborare jussimus atque subter signo manus nostra notavimus. Actum calend. maii anno ab incarnatione Domini 1118 indicte 2 regnante glorioso rege Ludovico anno undecimo.

CHARTE DE ROBERT.

Le roy Robert ayant remarqué que tous les roys de France qui ont donné et faict des biens à l'abbaye de Saint-Denys, à l'honneur d'icelui sainct, ont prospéré et reçu de grandes faveurs et assistance du ciel, pour cette cause, il déclare qu'à l'exemple du roy Huë Capet, son père, et de la reine Adélaïde, sa mère, il désire remettre icelle abbaye en son ancienne splendeur et dévotion, Confirme les dons de ses dits père et mère, et pour le salut de leurs âmes, de la sienne et de celle de son fils Hugues, il donne les droits de haute, moyenne et basse justice, avec la loy du duel, appelé vulgairement le champ, ensemble toute l'enceinte tant dedans que dehors la ville de Saint-Denys, pour en jouïr en la même sorte que les roys ses prédécesseurs ont donné le tout aux saincts martyrs.

Fait don du village de Gassonvalle, avec ses appartenances, ensemble de la forêt de Rouvray et droict d'icelle.

Il quitte plusieurs redevances qui lui appartenaient ès villages de Villepente, Rueil et Féricy : avec de grandes infractions contre les infracteurs de son authorité royale et de celle du saint Synode des prélats de France, lors assemblé à Chelles, palais royal ; dont du tout que dessus, suit la charte en ces termes :

In nomine sanctae et individuae trinitatis.

Robertus divinâ ordinante clementiâ, rex Francorum semper augustus. Dum Deus omnipotens hanc Galliarum patriam à tenebris infidelitatis eruere disponeret, Sanctissimum-Dyonisium , divini videlicet ,verbi splendidissimam lampadem, eidem ad innotescendum verilatis suae lumen dirigere dignatus est. Cujus praedicatione conversa, multa largiente Domino semper experta est beneficia. Idem autem preciosus

martyr Christi, cum omnibus suum quaerentibus auxilium, divinae largitatis munificentiam praerogaverit, circa regum tamen Francorum excellentiam noscitur per cuncta benignus, atque in omnibus adjutor piissimus, praesertim cum ipsi toto nisu eorum memoriam solicita mente ac magnifico opere jugiter studuerint sublimare. Eos nempè, ut in eorum gestis legitur, ad obtinendum regni principatum, suis dignissime ab ineunte aetate semper fovit auxiliis, hostium eripuit insidiis, aelernisque, depositacarnis sarcinâ, perfrui impelravit bonis; dicimus autem eos quos erga Dei cullum, suum quoque devotos cognovit obsequium. Deniquè, ut liquide claret, quicunque summi Dei atque ipsius curam solliciti exhibere studuerunt obsequio, potestate regia nec-ne perhaenni foeliciter sublimati sunt gloriâ. Qui autem Deo ipsique fanulari ut dignum erat contempserunt, vitam cum regno pariter amiserunt. Quoniam à tempore Caroli tertii imperatoris usque ad praesens in tantÚm à multis eorum ejusdem beali martyris neglectus est locus, ut ordo sacrae religionis, monastici scilicet ordinis usquè ad secularem pompam devenisset, quocirca bona ilius loci undique depopulata, distracta atque dispersa, ab illo tempore multis modis viùenlur, idemque locus multis calamitatibus oppressus, qui libertatem ac dignitatem prae omnibus hujus regionis coenobiis adeptus fuerat.

Hujus igitur calamitatis genitor noster divac memoriae Hugo, atque genitrix nostra gloriosa Adelaïdes; nosque pariter compatientes, ordinem in eo monasticum reparare, immo consolidare, auxilio Dei et consilio procerum nostrorum studuimus, ac venerabilem virum dominum Vivianum jam superius fato sancto loco abbatem praefecimus. Qui, ut vir magnae prudentiae et industriae atque sedulus investigator bonorum loci sibi commissi intùs ac foris, nostram adivit praesentiam petens ut sicut spiritualia sic etiam terrena augere incrementa Deo digno loco provideremus. Cujus petitioni assensum praebentes, cum dono priore patris nostri gloriosissimi regis ac praeclarissimae genitricis, pro salute et remedio animarum

eorum ac nostrae immo pro salute animae fidelis nostri Hugonis, damus Deo ac sancto Dyonisio quasdam juris nostri res, cum conjuge ac filiis nostris : hoc est, Bannum hominis vulnerati vel interfecti, et infracturam intrà vel extrà castellum ipsius Caenobii et legem duelli, quod vulgo dicitur Campus ac totam procinctam intrà vel extrà, sicut antiqui reges ei dederunt et nos hactenùs tenuimus : ac Vassonisvillam cum appendiciis suis .et prata quae ab eâdem villâ usquè ad murum pertingunt : ac Rubrydum Sylvam, cum legibus quae ex eâ fiunt : et quod in villa pictâ vel fisco Ruoïlo vel ferriciaco tenebamus : omnes videlicet consuetudines quas ibi habemus cum omni integritate. Undè hoc nostrae auctoritatis praeceptum fieri jussimus; obsecrantes et per nomen domini nostri Ihesu Ghristi obtestantes ut nullus regum succedentium. aut principum haec nostra conlata munera ullo modo infringere praesumat. Si quis autem, quod non credimus, temerario .ausu infringere praesumpserit, auctoritate nostrâ et episcoporum nostrorum qui nobiscum hoc praeceptum in sancto synodo quae XVI kal. junii sedis nostrae palatio collecta resedit, firmaverunt, anathema sit. Ut enim pleniorem hoc pracceptum obtineat vigorem, manu proprio cum episcopis sanclae Synodi nostrae firmavimus, ac nomina episcoporum ejusdem Synodisubter adscribi jussimus, et annuli nostri impressione sigillari jussimus. Lothericus senonum, archiep. subsc. Hugo Turonorum archie, subsc. Fulcho Aurelianensium episc.

subsc. Fulbertus Carnotensium episc. subsc. Adalbero Laudunensium episc. subsc. Rotgerirus-Belvacensiumepisc. subsc.

Fulcho Ambianensium episcop. subsc. Giltebertus Meldensium episc. subsc. Uvido Catalaunensium episc. subsc. Robertus Silvanectensium episc. subsc. Balduinus Taravanensium episc. subsc. Franco Diaconus atque Cartigraphus relegit et sigillavit.

Avec l'effigie de relief d'icelui seigneur roy sur cire jaulne d'après le naturel.

PRES AU DESSUS DE GREZ.

Acquisition des dits prés, par les Templiers, de Nicolas d'Hauvillars et de Guillaume de Mocourt.

Ego Nicholaus de Atovillar miles, notum facio universis presentibus et futuris, quod ego, de voluntate et assensu Margarete uxoris mee, prata mea sita supra Gressum juxta prata de Barbeel, et juxta prata Domini regis secundum quod fossatum se comportat versus Moocort, et usque ad riperiarn de Loing, que tenebam in feodo a Ludovico de Augerivilla milite, vendidi et concessi fratribus Militen. ternpli, pro cell” tum et octodecim libris parisiensibus, mihi jam in numerata pecunia persolutis. Perpetuo habenda et tenenda libere et quiete ad centum duodecim denarios parisienses ab ipsis fratribus dicto Ludovico annuatim apud Gressum in festo Sancti Remigii Solvendas. Promittens quod, contra dictam venditionem per me vel per alium non veniam in futurum et quod dictos fratres super promissis garantizabo in perpetuum contra omnes. Et faciendum est quod Dominus Guillelrnus de Moocourt, miles recognovit coram me tunc temporis baillivo Domini regis se vendidisse eisdem fratribus pro quatuor libris parisensibus jam ab eisdem fratribus receptis quandam petiam prati inclusam infra fossata supra dicta. Quam petiam habuit de quodam homine suo Guillelmus ante dictus.

In cujus rei testimonium presentes litteras feci sigilli mei munimine roborari.

Actum annoDominii. MCG quadragesimo mense februarii.

(1) Archives imperiales, § 5164-5169. — Cdrw de Beauvais en Gatinais, fevrier 124 0.

1 43. - Avril.

Ratification par Philippe seigr de Nemours en qualité ;de 2e seigneur de fief tant de la vente faite aux frères de la chevalerie du Temple par Nicolas d'Hautvillars de ses prez au-dessus de Grez que de l'amortissement qui leur en avait été accordé par Louis d'Augerville comme premier seigneur de fief.

Ego Philipus de nemosio Domini regis cambellanus.

Notum facio universis presentibus et futuris quod cum Nicolaus de Atovillar miles vendidit fratribus Militen. templi prata sua sita super Gressum, juxta prata sua de Barbeel et juxta prata Domini regis, secundum quod fossatum se comportat versus Moocort et usque ad riperiam de Loing. Pro centum et octodecim libris parisien sib us in numerata pecunia sibi ut asserit persolutis. Et cum Ludovicus de Augerivilla miles a quo dictus Nicolaus dicta prata in feodo tenebat, dictam venditionem voluerit laudaverit et approbaverit cum esset dicti feodi primus dominus.

Ego dicti feodi secundus dominus, predictam ejusdem Nicholai venditionem et Lu lovici predicti approbationem, approbavi pariter et laudavi, renuntians omni juri quod habebam in predictiset promittens quod eosdem fratres nunquam super predictis per me vel per alium per instantiam meam sive per proquisitionem meam in postcrum molestabo. Et sciendum est quod Dominus Guillelmus de Moocort miles recognovit coram me se vendidisse eisdem fratribus persolutis quam dam petiam prati inclusam infra fossatum supra dictam quam petiam. Habuit de quodam homine suo Guillelmus ante dictus. In cujus rei testimonium et munimen presentes litteras feci sigilli mei munimine roborari.

Actum anno Domine M CC quadragesimo tertio mense aprili.

Sceau scellé en cire verte sur lac rouge.

CHARTE D'ANGERE REGIS.

Ego Ludovicus, Dei gracia Francorum rex, notum fìeri volo cunctis fidelibus, tam praesentiblls quam futuris quod cujusdam terrae nostraeJiomines, quam Angere Regis vocant, et quae super Ebulitione etquae etiam ita deserta erat, ut pene in solitudinem devenisset, Majestatem nostramadierunt, postulantes ut earn ita liberam esse concederemus uthomin; s qui in ea hospitare et remanere vellent, ita libere permanerent, ut in justitia tantum nostra, scilicet in ejus justitia in cujus manu mitteremus, essent; neque ab eis Praepositi vel Majores nostri Talliatas, questus vel aliquam hujusmodi gravedinem exigerent; ut plenius dicamus, nichil penitus eis auferrant nec eos jusliciare possent, neque ipsi in expeditionem vel in equitatum, nisi per communitatem; scilicet, si omnes communiter ire juberentur et irent. De arpentis vero in quibus mansiones suas facerent decem vel octo denarios redderent. Si vero aliquam de Terris circumstantibus plantare vellent et plantarent Denarios sex pro arpento in censu, in Festivitate Sanctae Mariae candelari exsolverent. Si vero eas ad messem colere vellent, vel ihi seminarent decimam vel campipartem inde darent. Nos vero nobis et terrae nostrae consulentes, praedictam petitionem eis, ut ipsi postulaverunt, concessimus, et scripto corroboravimus; et ne a posteris infringi posset, Sigilli nostri auctoritate firmavimus, quod scripto commendavcramus astantibus in Palatio nostro Guillelmo Dapifero, Stephano Cancellario, Gileberto buticulario.

Huic etiam rei interfuerant Stephanus Praepositus, Gaudefri-

dus de Portu, Radulpbus filius Martini. Amodo Majoritatem Terra habeat Valdricus et ejus heres, cum mitis et navellis.

Data per manum Stephani Cancellarii, anno incarnati verbi millesimo Cm0 XYIIIImo, Regni nostri XI0 S. Ludovici Regis.

S. Guillermi Dapiferi. S. Stephani Cancellarii. S. Gilberti buticularii (1).

(1) Secousse, Ordonnances.

PRIVILEGES

ACCORDÉS

AUX HABITANTS DE VILLENEUVE PRÈS D'ÉTAMPES.

Karolus etc. Notum facimus universis tam presentibus quam futuris. Nos certasvidisseLitteras; formam que sequitur continentes.

In nomine Sancte et individue trinitatis amen.

Ego Ludovicus Dei gracia Francorum Rex. De Regie pietatis gracia debemus impensa beneficii pauperes misericorditer invitare, ut sub nostre defensionis tuicione venire possent securiores. Ea contemplacione, notum fieri volumus univer- sis presentibus pariter et futuris, quod terram quedicitur Varenna apud Stampas, sub Monte-Falconis, dedimus ad hospitandum, sub eo tenore quod unusquisque hospitum annuatim quinque Solidos Nobis persolvet; et quicumque ibi fuerint hospitati, liberi erunt ab omni Exactione, Questa et Taillia et Touta et exercitu et equitatu. Ei forisfactum sexagenta Solidorum, Nobis emendabunt quinque Solidis : forisfactum autem quinque solidorum, emendabunt duodecim IDenariis. Quod si forisfactum fuerit plus quam sexaginta Solidorum, ad nostrum beneplacitum admensurabitur: alie consuetudines (2) nostre salve erunt. Quod si illi qui fuerint ibidem hospitati, sub Nobis habuerint alia tenement a

(1) Charles VI, à Paris. en octobre 1394.

(2) Redevances ordinairel.

facient nobis exinde quod debebunt (1); et si aliquis servorum nostrorum ibidem fuerit hospitatus, nullam inde líbertatem adversus Nos habebit. Servientem ibi constituemus ad velle nostrum. Quod ut ratum sit in perpetuum, presentem Cartam Sigillo nostro et nominis noslri karaclere fecimus consignari. Actum apud Stampas anno Incarnati verbi millesimo centesimo sexagesimo nono : astantibus in Palatio nostro quorum apposita sunt nomina et signa, signum Comitis Theobaldi Dapiferi nostri. S. Guidonis Bulicularii. S. Matliei camerarii. S. Radulphi Constabularii. Data per manum hugonis cancellari.

Quas quidem Litteras supralranscriptas, ac omnia et singula in eisdem contenta, ratas habenles et gratas, cas et ea, quathenus prefati hospites usi sunt, \olumus, laudamus, approbamus, et de nostra auctoritate Regia, specialique gracia, per presentes conurmamus. Et ut perpetue stabilitatis robur obtineant, nostrum Presentibus fecimus apponi Sigillum : nostro et alieno in omnibus jure salvo. Datum Parisius, mense octobris, anno Domini millesimo CCCmo nonagesimo quarto et Regni nostri XVo.

Per Regem ad relationem Consilii R. Le Fevre (2).

(11 lis satisferont aux charges auxquelles ces terres sont sujeltl.

(2) Secousse, Ordonnances des rois de France, tom. VII, page CRi.

CHARTE DE CONFIRMATION.

Karolus (1) De Dei gracia francorum rex. Notum facimus universis presentibus et futuris, Nos quasdam Litteras vidisse; formam que sequitur continentes.

In nomine sancte et individue Trinitatis.

Ego Ludovicus Dei (2) gracia Francorum rex. Notum fieri volo cunctis fidelibus, tam presentibus quam futuris quod (3) cujusdem Terre nostre homines, quam Angere Regis vocant, et que super Ebulitione est, que etiam ita deserta erat, ut pene (4) insolidum devenisset, Majestatem nostram adierunt, postulantes ut earn ita liberam esse concederemus, ut homines qui in ea hospitare et remanere vellent, ita liberi perrnanerent, ut in justitia tantum nostra (5), in ejus justitia in cujus manu mitteremus, essent; neque ab eis Prepositi vel Majores nostri Talliatas, questus vel aliquam gravedinem exigerent: ut plenius dicamus, nichil penitus eis auferrant neceos jöSticiare possent, neque ipsi in expeditionem vel inequitatum nisi percommunitatem; scilicet, si omnescommuniter ire juberentur et irent. De arpentis vero in quibus mansiones suas facerent, decem vel octo Denarios tantum redderent.

Si vero aliquam de Terris circumstantibus plantare vellent et plan tarent, Denarios sex proarpentoin censu, in Festivitate (6) Sancte Marie Candelari exsolverent. Si vero eas ad messem colere vellent, vel ibi seminarent, decimam vel campipartem inde darent. Nos vero Nobis et terre nostre consulantes pre-

(1) Charles VI, à Orléans, le 4 novembre 1398.

(2) Louis VI, dit le Gros, en 1119.

(3) Cujusdam.

(4) In solitudinem.

(5) Scilicet.

dictam petitionem eis, ut ipsi postulaverunt, concessimus, et scripto corroboravimus; et ne a posteris infringi posset, Sigilli nostri auctoritate firmavimus, quod scripto commandaveramus, astantibus in Palatio nostro Guillelmo Dapifero, Stephano Cancellario, Gileberto buticulario. Huic etiam rei interfuerant Stephanus Prepositus, Gaudefridus de Portu, Radulphus filius Martini. Amodo Majoritatem Terre habeat Valdricus (1), et ej us heres, cum milis et naveIlis. Data per manum Stephani Cancellarii, anno incarnati verbi millesimo Cmo XVIIIIm0 nc ; Regni nostri XIo. S. Ludovici Regis. S. Guillermi Dapiferi. S. Stephani Cancellarii, S. Gilberti Buticularii.

Quas quidem litteras suprascriptas, et omnia contenta in eisdem, ad humilem supplicationem habitantium et manantium prefate Terre Angere Regis, si et in quantum rite et juste usi fuerunt de premissis, laudavimus, approbavimus et confirmavimus, etiam per Presentes de speciali gracia, laudamus, approbamus et confirmamus, dantes tenore Presentium in mandatis, Baillivo nostro Aurelianensi, ceterisque Justiciariis, officiariis et subditis nostris, Presentibus et futuris, aut eorum Locatenentibus, quatenus dictos supplicantes, nostra presenti gracia, concessione et confirmatione uti et gaudere pacifice et quiete faciant et permittant absque impedimento quocumque; sed quidquid in contrarium factum, attemptatum vel innovatum fuerit, ad statum pristinum et debitum redducant aut redduci faciant indilate. Quod ut firmum et stabile remaneat in futurum, nostrum Sigillum presentibus duximus apponendum : salvo in aliis jure nostro, et in omnibus quolibet alieno. Datum aurelianen. Die quarta novembris, anno Domini millesimo, CCC° nonagesimo primo; et Regni nostri duodecimo. Per Regem, ad relationem consilii. P. Meanhac (2).

(i) Valdricus fut nommé maire par Ie roi, ses successeurs et lui devaient jouir d'une redevance sur les fruits de la terre, attachée à leur charge. Etienne était prévòt de ce lieu, lorsque ces lettres furent donnéei.

(2) Ordonn. des rois de France Secousse, t. vm.

CHALOU.

In nomine sanctae et individuae Trinitatis, Amen. Frater Amio Magister Militiae templi extra mare totumque eiusdem Militiae capitulum, universis fidelibus ad quos literae praesentes venerint salutem in Domino : Notum fieri volumus universis praesentibus pariter ac futuris, quod cum venerabilis Francorum regina Adella Ludovici piao memoriae chris tianissimi Francorum regis uxor, quamdam villain chaloium dictam, quam adquisierat assentiente concedente et laudante filio suo illustrissimo Francorum Rege Philippo, nobis in eleemosinam contulisset à nobis impetravit, quod singulis annis donavimus viginti modios frumenti Fratribus de Loya juxta Dordanum qui sunt de ordine Grandismontisj ab eisdem Fratribus in festo sancti Remigii in granchia chaloii recipiendos, ad modium Cbaloii et decem Ii bras parisienses ab eisdem annuatim apud Templum Parisius in crastino circoncisonis Domini recipiendas.

Actum publice apud Templum Parisius anno ab Incarnatione Domini millesimo centesimo octogesimo tertio (1).

(1) J. Lescornay, Mémoires sur Dourdan, p. 50,

SENTENCE

PAR LA QUELLE LE BAILLY D'ORLÉANS

ASSURE CERTAINS BIENS AUX ABBÉS DE ST DENYS A ANGERVILLE LA GATE.

An 1295, le mardy après la Nativité de Notre-Seigneur.

Pierre d'Aymians bailly d'Olliens au prevost d'Yenville salut : Comme de bas fut meu grand temps avant par devant notre devancier bailly d'Olliens entre le prevost moine de Beaune pour l'abbé et le couvent de Saint-Denys ell France d'une part, et Monseigneur Guillaume de Linières chancelier père de Monseigneur Jean (1) qui ores est en saisine de la justice de certains lieux à Angerville la gaste et en ses parties qui montrées furent et dont veue fut fait entre eux si comme nous avons trouvé par les resons de bonnes gens et par l'arrest de nostre devancier et sur le plaid mu entre les dites parties. Le d' Monseigneur Guillaume de Linières père du d. Monseigneur Jean qui ores est, et fut mis en déffaut après le jour de veue dessus-dit par plusieurs fois au temps de nostre devancier. Si comme il nous a été recordé et comme nous l'avons trouvé par le dit arrest de notre devancier et si

(1) Jean de Linières était seigneur de Méréville, d'après un document que nous avons trouvé aux Archives. — Littera pro Domino Johanne Domino Linirarium et Mervilla1 qui modo terra slla hic descripta régi erat adjudicata redditurei in 1318. Inv. gén. du Trésor des ch. 7, regist. 58.

tôt comme Monseigneur Jean, qui ores est, fut marié au temps de son père et fut ajourné avec son père et après la mort de son père aussi pour aller avant au debat meu entre les dites parties et ce fustle dit Monseigneur Jean, qui ores est deffailli, et mis en deffaut de apparoir par devant nostre devancier même et par devant nous à aller avant sus le dit débat. Pourquoi nous pour le dit défaut que le dit Monseigneur Guillaume, qui mort est, fit au temps de nostre devancier et pour plusieurs deffauts que le dit Monseigneur Jean, qui ores est, fit aussi en nostre temps. Sur ce le dit prévost moine toujours poursuivant et réqucrant que droit lui fust fait fismes a scavoir au dit Monseigneur Jean de Linières, qui ores est, que pour poursuivre cette besogne par lui ou par autre par devant nous a nostre assise de Yenville qui fut le mercredy après Pasques flories en l'an 1293 et que vint ou ne vint pas à cette assise en ferait ce qui appartiendrait à faire contre lui par le dit prevost Moine, à laquelle assise le dit Monseigneur Jean ne vint ni envoya suffisamment et nous requit le dit prevost moine que nous, droit lui fissions sur le dit deffaut du dit Monseigneur Jean et pour ce, nous, selon les défauts témoignés à nous tant du dit Monseigneur Guillaume, qui mort est, comme de Monseigneur Jean, qui ores est, puisqu'il vint à sa terre, adjugeâmes au dit prévost moine, au nom de Saint-Denys, en nostre assise d'Yenville dessus dit la saisine des choses dont contenu était, sauf le droit de la propriété du dit Monseigneur Jean et d'autrui, dont nous vous mandons qu'en la forme et de la manière que le jugement fut fait et donné en la saisine, vous en fistes resaisir le dit prevost moine au nom de Saint-Denys, si comme dit est, sauf le droit et la propriété et si aucuns cas de Justice sont advenus aux leurs,

(1) Indiquée an tome 2e, 44, 1190 de l'inventaire de Saint-Denys page 991 en original.

(2) Nous n'avons trouvé que cette copie, cotte 4, dont nous avons suivi exactement l'orthographe.

ou contrevenant, faites en ressaisir le dit prevost moine quant à la saisine et biens ; voulant qu'à ce faire vous n'appeliez le dit Monseigneur Jean de Linières, ou sa gente, pour voir sa dite ressaisine faire se comme il appartiendra.

Ce fust donné le mardy après la nativité de nostre Seigneur l'an mil deux cents quatre vingts quinze.

RATIFICATION PAR GILLES.

Dimanche d'après la Saint-Étienne 1303.

A tous ceux qui ces présentes Lettres verront, Thibault Gralle, Prévost d'Yenville, salut, sçachent tous que par-devant nous vindrent en leurs propres personnes Noble homme, Monseigneur Gilles Poinville chevalier et noble Dame madame Ysabel sa femme bien conseillez, bien mesmement ladite Dame de l'autorité et de l'assentement dudit chevalier et de la bonne volonté de lad Dame non mie baretée ne decue ne par fraude ne par tricherie a ce point forcée ne amenée, se comme elle affirma, reconnurent et ne confesserent que ils se estoient amiablement accordez et assentis à la vente que Mr Jean du Chastiau chevalier sire de Nengis en Brie a faite, accordée a Religieux homme et honneste, au Grand Prieur de Saint Denis en France et au couvent dud lieu à l'usage de leurs charités, de tout ce que le dit Mre Jean avoit, pouvoit ou devoit avoir en la dite ville d'Angerville-la-gaste ou terroirs et appartenances de lad ville de Angerville en quelconques choses que ce soient; c'est àsçavoir en terres labourables, en censives, en champart, corvées, forages, hostices quelconques, autres choses comment que elles soient nommées, lesquelles choses desusdittes toutes ensemble et chacune par soy estoient tenues en fié nu à nu sans moyen dud. Mn Gilles et le dit Mro Gille les tenoit nu à nu de l'Eglise de Saint Denis en France si comme led Monseigneur Gilles et ladite Dame Ysabel

disaient, et laquelle vente dessusdite le dit Monseigneur Gilles et ladite Dame vodrent, loerent et attesierent et confirmèrent bonnement pardevant nous et quittèrent aud Religieux tout le droit et toute l'action qu'ils y avoient, et confesserent le devant dit Me Gilles et Ysabel sa femme que toutes les choses dessus dites à chacune d'icelles ils amortissoient et avoient amorties auxdits Religieux, et à leurs successeurs au nom d'aumônes et de leurs charitez de St-Denis, et vodrent que lesdits Religieux et leurs successeurs les tinssent doresnavant a toujours mais perdurablementen mainmorte, sans contrainte de les mettre hors de leur main et pour cet accort, cette quittance et cest amortissement estre fait en la manière dessusdite led Mre Gile et la dame reconnurent Pardevant nous.

avoir eu et receu desdits Religieux par la main du dit Monseigneur Jean du Chastiau deux cents livres de tornois, desquels deux cents livres de tornois led Monseigneur Gilles et lad madame Ysabel se tindrent à bien payez devant nous et renoncèrent à ce que ils ne puissent jamais dire que lad somme d'argent ne leur eut esté nombrée, baillée et livrée.

Derechef comme les dits Religieux pour raison du dit achapt aient le quart du champart sur certaines terres assises a Angerville la gaste et aux appartenances et le dit Mre Gilles, Mr Jean de Arbouville chevallier et Adam du Bergeret escuier eussent les autres trois parts dud champ, tout receu en main commune et ledit Mre Gile et lad Madame Ysabel ayent chevi aux dits Monseigneur Jean d'Arbouville et à Adam du Bergeret de leurs parties dudit champ, lesquelles tornoieut par devers ledit Mgl Gile et lad madame Ysabel, si que led Monseigneur Jean d'Arbouville et led Adam s'en tenoient a bien payez, si comme led Mr Gile et Ysabel disoient le dit Mgr Gile et madame Ysabel sa femme reconnurent et affirmèrent que de nouvelle partie et division avait esté faite dud champ entr' eux et les Religieux pour commun assentiment des deux parties en la forme et en la manière qui s'ensuit.

C'est a scavoir que les devants dits Religieux au nom de leurs

charités pour leur quart dud champart auront, prendront et lèveront et feront prendre et lever doresnavant pardurablement, franchement liberamment et quittement sans compagnie de nul autre tout le champart sur toutes leurs terres qu'ils tiennent en leur propre domaine et sur toutes les terres qui sont tenues desdits Religieux à cens ou autrement en la ville et aux appartenances d'Angerville la gaste, et pour ce que le champart devant dit assigné sur les terres ne suffisoit pas aux Religieux pour leur quart du champart qui leur afferoit led Mgr Gile et Ysabel sa femme confesserent et affirmèrent par devant nous que en recompensation et restitution d'eux ils ont baillé, quitté et délaissé à toujours aux dits Religieux et à leurs successeurs toute la dixme qu'ils avoient et soloient avoir à prendre sur toutes les terres desdits Religieux devant dits et surtout sur toutes les terres qui l'en tient des Religieux en la ville de Angerville et les appartenances en cens et autres manières. Laquelle dixme pour la portion assignée aux Religieux dessusdits, ledit NI, Gile tenoit en fié nu à nu de l'Eglise de St Denis devant dite si comme ils disoient et laquelle dixme led Mr Giles et madame -Ysabel sa femme ont baillé toute amortie aux dits Religieux jusqu'à la dite Eglise de St Denis de qui ils la tenoient, et vodrent lesdits Mgr Gile et Ysabel sa femme que lesdits Religieux et leurs successeurs la tinssent toute amortie perdurablement sans jamais mettre hors de leurs mains. Et vodrent et amiablement venderent ledit Mgr Gile et la dame Ysabel de leurs pures et liberaux volontés pardevant nous que les devants dits Religieux pussent acquérir et apcheter es fiefs ou és censines desdevant dits Giles et Ysabel que ils tiennent de la dite Eglise une maison ou une grange a Angerville ou place ou espace contenant environ un arpent pour mettre leurs champarts et les dixmes et que ils la tiennent et puissent tenir en mainmorte perdurablement sans mettre hors de leur mains. Promettant lesdits Mgr Giles et Ysabel sa femme que il jamais par eux ne par autres en contre cet accort cet

amortissement, cette quittance, cet assignation et ces choses dessusdites ne vendront et n'assayeront avenir nulle qu'elle qu'elle soit. Ains promirent par devant nous en droit lesdits Mgr Gile et madame Ysabel sa femme, que il auxdits Religieux et à leurs successeurs ladite dixme et les choses qu'ils ont baillées, octroyées, quittées et délaissées auxdits Religieux, si comme dessus est dit, délivreront, garantiront et deffendront perdurablement en tant comme il leur appartient et peut appartenir vers tous et contre tous aux us et aux coutumes du pays, en jugement et hors de jugement, en tous lieux et par tous lieux et par tant de fois comme mestier en sera eux et chacun d'eux pour le tout et sans division et ce les devants dits Religieux ou leurs successeurs avoient ou soutenoient.

mises depens dommages par défaut des dites choses de livrer et garantir en la maniere dessus dite ou pour raison de ce que led Gilles ou leurs hoirs ou autres pour ceux-ci en leur nom alassent mettre les choses dessus dites ou aucunes d'icelles lesdevants dits Giles et Ysabel les leur promirent à rendre et à restorer par eux et par leurs hoirs et accordèrent que le porteur de ces lettres en fut cru par simple serment et sans autre preuve. Et quant aux choses dessus dites toutes ensemble et chacune pour soi tenir, garder, faire etaccomplir perdurablement en la forme et en la manière qu'elles sont ci-dessusexposées et devisées et de non venir en contre les dits Mr Gile de Poinville et Madame Ysabel sa femme en obligèrent chacun pour le tout aux Religieux et a leurs successeurs et soumirent à la jurisdiction de la prevosté d'Yenville eux, leurs hoirs successeurs, tous leurs biens et les biens de leurs hoirs, meubles non meubles présent et avenir, ou que ils soient, en quelque jurisdiction qu'ils puissent se trouver et spécialement ils obligèrent tous leurs héritages et les possessions qu'ils avoient, tenoient et possedoient a Angerville la gaste et au terroir de la ville. Et renoncant quant à moi à toutes grâces àce, à toutesdecevances, à toute erreur, a toutdroit ecrit et non écrit, a tous us et coutumes viez et aunaux de lieu

et de pays, a toutes indulgences et statuts, graces et privilèges de apostolat! de legat de roy, de Prince et de Baron octroyés ôu a octroyer, au droit qui dit que générale renonciation ne vaut pas et mesmement la dite dame à la faveur des femmes et au benefice de la loy. en expose a tous privilèges, exceptions, allégations et défenses de fait et de droit qui puissent être dites ou opposées contre ces lettres. En témoin de laquelle nous avons fait sceller ces lettres du scel de la Prevoste d'Yenville. Ce fut fait à Linières en l'an de grâce mil trois cent et trois dimanche après la Saint-Étienne.

1639.

Copie non signée d'extrait de l'Aveu rendu au roi à cause de son duché d'Étampes par Messire Jean Desmontiers chatelain et vicomte de Mérinville, du Bourg St Père, et du dit lieu Angerville la gaste, et la dite dame de Reviers dame de Dorée, du fief terre et seigneurie de Moret, Moulin de Breguy, censine du dit lieu, en la paroisse de Mérinville et des champarts et dimes d'Angerville la gaste. Héritière comme dit est par benefice d'inventaire de défunt Marc de la rue, vivant seigneur des dits lieux tient encore de nous en plein fief, foi et hommage de notre chatellenie, Baronie et vicomté de Méréville et en arrière fief du roi.

C'est à scavoir tous et chacun les champarts, et dixmes appartenant à la dite demoiselle et qu'elle a droit de percevoir au terroir d'Angerville, mêmement sur les terres obligées et affectées au droit de cens annuel appelé le cens de Létourville et des Mariettes qui appartiennent à Mr Claude Hardy et auparavant à François de Halot et qui fut aussi anciennement appelé la censine de la porte.

la quelle tient aussi de nous en plein fief, foi et hommage et que l'on disait valoir anciennement 22 livr. parisis ou environ des mêmes cens par an, le dit droit de champart à raison, les aucunes terres de six gerbes l'une, les autres de douze gerbes l'une et rendu en la manière accoutumée fors et reservé toutefois un autre droit de champart que la dite demoiselle de Reviers, dit tenir avec sa Seigneurie des murs assise au dit Angerville, en foi et hommage du sieur abbé de St Denis en France, à cause de la salle et hôtel de Guillerval,

lequel droit de champart aussi tenu en tief du dit abbé de St Denis, elle prend et lève seulement sur leurs fruits croissant es' terres tenues à droit de cens inféodé et relevant d'icelui sieur abbé de St Denis à cause de ce'qui est, dessus dit, sans distinction et différence des dits champarts les débiteurs et redevables duquel droit de champart sont tenus à leurs frais et dépens rendre et charier à la grange champartresse de la dite demoiselle au dit Angerville auparavant que de rien enlever par eux à peine de soixante sols parisis. Suivant la coutume d'Étampes les quels champarts et dimes peuventvaloir par an compris aussi ce qui est tenu de sieur abbé de St Denis la quantité de. qui est pour ce qui est tenu de nous les 3 quarts. Les quatre faisant le tout, et la dite 4e partie pour y celui sieur abbé de St Denis quoique ce soit pour plus particulièrement connaître et discerner les dits champarts et ne les point confondre. Et si besoin est avoir recours aux avant dire choses respectivement tenus tant de nous que du sieur abbé les quels la dite demoiselle à cet effet pour plus particulier aveu et reconnaissance déduit.

Sur le tout à savoir ce qui est tenu de nous et du sieur de St Denis les charges anciennes, qui sont les gros du curé du dit Angerville à raison de 3 muids de grains moitié blé et moitié avoine pour chacun an que la dite cure prend sur les dits champarts et dimages de ladite paroisse d'Angerville que la dite demoiselle Reviers prétend lui appartenir, à raison de quoi elle se dit principale fondatrice de l'église du dit Angerville au lieu de nous ou de nos prédécesseurs quand les dites dimes et champarts étaient en notre domaine dont ils sont sortis par le moyen de l'acquisition fait par décret de justice, fait par le dit feu Marc de la rue, Aieul de la dite demoiselle de Reviers notre predecesseur, seigneur de Mérinville à la charge de foi et hommage de ce qui est tenu vers nous et lesquels droits de champarts et dimes ainsi tenus de nous de plein fief foi et hommage se prennent et se perçoivent, comme dit est sur toutes et chacune les terres sujettes et re-

devables au dit droit de cens annuel appelé le cens de L'Estourville et des Mariettes. La situation, tenans et aboutissans sont de plein spécifiées dans l'aveu qui nous a été remis par les héritiers de Mr Claude Hardy seigneur de la dite censine.

Transcrit au présent notre aveu général sans protestation que le dit aveu ainsi à nous rendu n'étant entier et parfait pour le regard et la quantité des terres et héritage sujets au dit droit de cens qui est de 22 livr. parisis ne nous puisse préjudicier jusqu'à cette somme. (1639) (1).

(1) Invtre de Saint-Cyr. Arch. de Versailles.

CIMETIÈRE DANGER VILLE (1), Sa création au mois de septembre 1764.

Le vieux cimetière, placé au cœur du bourg, inspirait des inquiétudes pour la santé publique; il n'était plus d'ailleurs en rapport avec le chiffre de la population. Le curé, les marguillés et les habitants font si bien, qu'ils obtiennent de Louis XV, au mois de septembre 1764, des lettres-patentes qui leur permettent l'achat, au prix de 300 livres, d'un terrain où ils pourront transférer le nouveau cimetière. Angerville prend ainsi l'initiative d'une mesure que les décrets de la Constituante rendront quelques années plus tard obligatoires dans toutes les villes de la France.

Mais il ne suffisait pas du bon plaisir royal. Les lettrespatentes, sans le visa du parlement, restaient lettre morte, et le Parlement n'enregistrait qu'avec connaissance de cause.

-Sur l'ordre qui en est donné par la Cour, le lieutenant général au baillage d'Étampes informe de commodo et incommodo.

L'expert Cuissard atteste la valeur réelle du terrain. Le curé, les marguillés, le syndic et les habitants d'Angerville sont réunis, comme nous l'avons vu à d'autres époques, entendent la lecture des lettres-patentes et sont unanimes à voter leur enregistrement. Gabriel Victor de la Tour du Pin, seigneur, haut chatelain de Méréville, y consent volontiers.

Tout le monde étant satisfait, la Cour ordonne que les lettrespatentes seront enregistrées.

Cet arrêt du Parlement est signé de Maupeou.

(i) Cette pièce nous ayant été communiquée trop tard, nous n'avon* pu la placer à son ordre de date.

PAULIN ENT DE PAHIS.

( CONSEIL SECRET. )

Vu par la Cour les lettres-patentes du roi, données à Versailles au mois de septembre 1764, signées Louis, et plus bas par le roi Phelipeaux, visa Louis, et scellées du grand sceau de cire verte en lacs de soye rouge et verte, obtenues par les curé, marguillés et habitants du bourg d'Angerville la Gate, par lesquelles, pour les causes y contenues, le seigneur roy a permis aux impétrans d'acquérir des héritiers Durand, pour le prix de 300 livres, un terrain de la consistance de trois minots, clos de murs, sur lequel la fabrique perçoit déjà une rente de 40 sols, et dont la position est très convenable pour y établir un cimetière sans qu'il puisse en résulter aucune incommodité, et ce pour y transférer le cimetière de la dite paroisse, attendu le trop peu d'étendue de l'ancien, et à cet effet, le dit seigneur roi, autant que de besoin pour ce regard seulement et sans tirer à conséquence, à ce qu'il pourrait y avoir de contraire dans les dispositions de l'édit de 1749, ainsi qu'il est plus au long contenu es dites lettres-patentes f la Cour adressante.

Vu ensemble la requête présentée à la Cour par les dits impétrans afin d'enregistrement des dites lettres-patentes, l'arrêt rendu sur les conclusions du procureur général du roy le deux janvier 1765, par lequel la Cour, avant de procéder au dit enregistrement, aurait ordonné que d'office, à la requête du procureur général du roy, et par le lieutenant général au bailliage d'Étampes, poursuite et diligence du sub-

stitut du procureur général au dit siège ; il serait informé de la commodité ou incommodité que peut apporter la permission accordée aux impétrans d'acquérir des héritiers Durand le terrain énoncé es lettres-patentes du mois de septembre 1764, à l'effet d'y transférer le cimetière de la paroisse d'Angerville la Gaste; comme aussi que, par expert qui serait nommé d'office par le dit lieutenant général, visite et estimation seraient faites du dit terrain dont le dit expert ferait son rapport qu'il affirmerait véritable devant le dit juge ; ordonne en outre que les dites lettres patentes seraient communiquées aux curé, marguilliers, syndic et habitans de la dite paroisse convoqués et assemblés en la manière accoutumée, aux héritiers Durand propriétaires du dit terrein et au seigneur dont le dit terrein peut relever immédiatement soit en fief ou en roture ou y ayant la justice pour donner tout leur consentement à l'enregistrement et exécution des dites lettres patentes ou y dire autrement ce qu'ils aviseraient pour le tout fait rapporté et communiqué au procureur général du roy, être par lui pris telles conclusions que de raison, et par la Cour ordonné ce qu'il appartiendrait; l'information faite dlpffice à la requête du procureur général du roy en exécution du dit arrêt du 1er mars 1765, par le lieutenant général au bailliage d'Étampes poursuite et diligence du substitut du procureur général au dit siège composé de quatre témoins qui tous ont unaniment déposé que le cimetière actuel de la paroisse d'Angerville la Gâte est beaucoup trop petit pour le nombre des habitans de cette paroisse, que d'ailleurs placé au milieu du bourg, la situation peut être préjudiciable à la salubrité des paroissiens, qu'il ne peut être qu'avantageux de le transférer hors du bourg sur un terrein plus étendu, et que le terrein que les impétrans se proposent d'acquérir des héritiers Durand est très propre à cette translation, le rapport de visite et estimation faites du dit terrein à acquérir en exécution du dit arrêt de la Cour du 4er mars 1765, par Denis Cuissard expert nommé d'office par le dit lieutenant général

par lequel appert que le dit terrein a été estimé de la valeur de 300 livres, le dit rapport affirmé véritable par le dit expert devant le dit juge suivant son procès verbal du lendemain 2 mars 1765 : un acte en forme de délibération pris devant Jean Moulin notaire au bailliage et chatellenie de Méréville résidant à Angerville et témoins le 17 mars 1765 parles curé, marguilliers, syndic et habitants dudit bourg et paroisse d'Angerville, convoqués et assemblés en la manière accoutumée, par lequel appert qu'après avoir en exécution du dit arrêt de la Cour, pris communication des dites lettres patentes, ont unanimement déclaré consentir à leur enregistrement et exécution : autre acte passé devant Sasset notaire royal au bailliage de Chartres, président à Auneau et témoins le 3 février 1765, par lequel appert que Claude-René Durand prêtre, Marie Luce Durand fille majeure, Michel Deshayes tant en son nom, que comme se portant fort pour Marie, Anne, Françoise Durand son épouse, les dits Durand enfans et héritiers de défunt Claude-René Durand et de Marie-Jeanne Cassegrain, leur père et mère, et en cette qualité propriétaires chacun pour un tiers du dit terrein à acquérir par les impétrans, après avoir en exécution du dit arrêt de la Cour pris communication des dites lettres patentes ou déclaré consentir à leur enregistrement et exécution : autre acte passé devant Me Savouré, notaire commis sous le principal tabellion royal du bailliage d'Étampes et témoins le 5 février 1765 par lequel Marie, Anne, Françoise Durand femme du dit Michel Deshayes, après avoir pris communication tant du dit acte de consentement donné le 3 du même mois par le dit Deshayes son mari et par les dits Durand ses frères et sœur, et des dites lettres patentes, a ratifié le dit consentement et déclaré consentir pareillement à l'enregistrement et exécution des dites lettres : outre acte passé devant Pierre Boreau notaire et principal tabellion au bailliage et chatellenie de Méréville, et témoins le 8 février 1765 par lequel appert que Philippe An-

toine Gabriel Victor de la Tour du Pin, marquis de Méréville et seigneur haut chatelain du dit bourg d'Angerville la Gaste, après avoir, en exécution du dit arrêt de la Cour, pris communication des dites lettres patentes, a déclaré consentir à leur enregistrement et exécution.

Conclusion du procureur général du roi.

Ouy le rapport de M” Claude Tuders conseiller, tout considéré La Cour ordonne que les dites lettres patentes seront registrées au greffe d'icelle, pour jouir par les impétrans de leur effet et contenu et être exécutées selon leur forme et teneur, à la charge par les impétrans de rapporter en la Cour le contrat d'acquisition du terrein dont il s'agit qui sera passé en vertu des dites lettres patentes, pour y être homologué si faire se doit.

Fait en Parlei11765.

éghé TUDERS et DE MAUPEOU.

TABLE DES CHAPITRES.

CHAPITRE I. Prolégomènes historiques. — État de la Beauee. — Le seigneur du Puiset.

CHAPITRE II. Origine d'Angerville. — Étymologie de son nom.

CHAPITRE III. Influence de Suger sur l'agriculture en Beauce. — Création des villes neuves. — Angerville, ville neuve royale.

CHAPITRE IV. Confirmation de la charte d'origine d'Angerville. — Guerres civiles. — Farines de la Beauce. — Guerres anglaises. — Bataille des Harengs.

CHAPITRE V. Anne de Bretagne à Angerville. — Établissement de foires et marchés. — Pollution et réconciliation de l'Église.

CHAPITRE VI. Protestantisme.

CHAPITRE VII. Angerville appelée aux coutumes d'Orléans et d'Étampes.

CHAPITRE VIII. Fortifications d'Angerville. — Guerres de religion.- Jean Desmontiers, seigneur de Méréville. — Charles IX. — Henri III, à Angerville.

CHAPITRE IX. Erreurs historiques. — Lafontaine, Passerat. — Voiture à Angerville. — Abjuration du protestantisme.

CHAPITRE X. Fiefs et seigneuries d'Angerville. — Droits des dames de Saint-Cyr et de M. Delpech, seigneur de Méréville.

CHAPITRE XI. Différends survenus entre M. Delpech et les dames de Saint-Cyr. — Mémoires des parties. — Délibération du grand Conseil.

CHAPITRE XII. Droit de minage. — Qualité de seigneur d'Angerville.

CHAPITRE XIII. Contredit des dames de Saint-Cyr devant le grand Conseil, ou réponse à M. Delpech.

CHAPITRE XIV. Dernière transaction. — Fin du procès. — M. Delpech reste seul seigneur d'Angerville. — Établissement de marchés. — Horloge à automates.

CHAPITRE XV. — Révolution, bande d'Orgères, passage de la duchesse d'Angoulême. — Grand Conseil de guerre à Angerville. — Établissement de foires.

CHAPITRE XVI. Destinée du village royal. — Conclusion.

CHAPITRE XVII. Église. — Curé. — Administration municipale. — Pièces justificatives.

FIN DE LA TABLE DES CHAPITRES. |449|

NOMS DES LIEUX CITÉS DANS L'OUVRAGE.

  • Achères, 12.
  • Alençon, 68.
  • Allonville, 122.
  • Andonville, 84, 158.
  • Arbouville, 11, 397.
  • Artenay, 71, 350.
  • Augerville-la-Rivière, 23, 26, 371.
  • Auneau, 74, 90, 91, 343, 352.
  • Autruy, 84.
  • Barminville, 131.
  • Barville, 103, 191.
  • Bassonville, 12, 14, 326.
  • Barzoches-les-Garlandes, 12
  • Beaudreville, 40, 51, 52.
  • Beaune-la Rolande, 42, 54, 102.
  • Berchère, 11.
  • Berneval, 23.
  • Bierville, 51.
  • Bissay, 83.
  • Blois, 70.
  • Boinville, 341.
  • Boisseau, 131, 343.
  • Boissy, 111.
  • Bouzy, 12.
  • Cepoy, 54.
  • Chalou-la-Reine, 78, 365, 366.
  • Chaudres, 122.
  • Chartres, 1, 77. 142, 227, 316, 345, 392. |450|
  • Chastenay, 84.
  • Chateaudun, 81.
  • Chateau-Landon, 16.
  • Châtres, 12.
  • Chaumot, 289.
  • Chilleuse, 74.
  • Clery, 71.
  • Congerville, 84.
  • Corancez, 11.
  • Cottainville, 294.
  • Coudray (le), 11.
  • Courville, 90.
  • Cotignonville, 49.
  • Crotte, 122.
  • Erceville, 344.
  • Étampes, 12, 27, 42, 44, 69, 90, 100, 132, 197, 227, 268, 293, 300, 301, 315, 318, 327, 338, 350,363,365,368,375.
  • Étréchy, 12.
  • Favières, 78.
  • Fleury, 12.
  • Francourville, 90.
  • Fraville, 52/146.
  • Fresnay-l'Évèque, 41.
  • Gaudreville, 83, 84.
  • Gien, 56.
  • Gondreville, 131.
  • Gommerville, Si, 52, 84, 102, 325.
  • Guetreville, 10, 142, 170, 472, 274, 326.
  • Guillerval, 46, 63, 85, 86, 142, 14, 162, 166,174,197, 222, 225, 230, 242, 243, 278, 293, 274,295, 230, 243, 302, 303.
  • Guilleville, 16.
  • Huis, 122. |541|
  • Janville, 11, 17, 48, 57, 71, 134, 143,236, 327.
  • Jargeaux, 100.
  • Jodainville, 118, 397.
  • Janville, 143, 150, 305.
  • Lamothe de Gry, 61.
  • La Porte, 83, 144.
  • La Selle, 44, 52, 142, 174, 303.
  • Lestueing, 84.
  • Loigny, 11.
  • Lorris, 42, 80, 360, 361, 373.
  • Loudun, 75.
  • Louville-la-Chenard, 342.
  • Mauny, 118,122.
  • Merinville ou Méréville, 49, 84, 131. 134, 174, etc.
  • Mondonville, 76.
  • Monnerville, 11, 21, 35, 45, 84i, 85, 86, 142, 174, 181, 242, 243, 278, 283, 293, 311, 382, 395.
  • Montargis, 54, 80, 343.
  • Montereau, 229.
  • Montjoie (la), 11.
  • Monthléry, 13, 14, 27.
  • Morets, 120.
  • Moulineufs, 84.
  • Moutiers, 44.
  • Muraux, 43.
  • Nangis, 143.
  • Neuvy, 16.
  • Nogent-sur-Seine, 253, 254, 264.
  • Omonville, 131.
  • Orgères, 343.
  • Ormeville, 24, 372.
  • Ouarville, 1.
  • Ouestreville, 10, 76, 77, 84, 130, 142, 152, 229.
  • Oisonville, 84, 31.
  • Ourvilliers, 11.
  • Patay, 61.
  • Perray, 319.
  • Petites-Bordes (les), 11.
  • Pithiviers, 100.
  • Pontoise, 249, 251.|452|
  • Puiset, 11, 14, 57, 356.
  • Pussay, 49, 74, 83, 84, 100, 131, 295, 340.
  • Retreville, 10, 118, 174.
  • Richardville, 339.
  • Rochefort, 23, 130.
  • Rocheguion, 74.
  • Rouvray, 11, 13, 21,46, 57, 303, 309, 312, 313, 315, 318, 343, 382.
  • Saclas, 12, 163, 302.
  • Saint-Dié, 71.
  • Saint-Escobille, 89.
  • Saint-Laurent, 71.
  • Saint-Mesm[e], 89.
  • Saint-Père, 84.
  • Saint-Sulpice, 84.
  • Saint-Val, 83.
  • Sainville, 74, 390.
  • Seronville, 76, 63.
  • Sour, 122.
  • Souzy, 122.
  • Varennes, près d'Étampes, 364.
  • Vaucresson, 39, 357.
  • Villecouin, 122.
  • Vignay, 83.
  • Villemory, 94, 96.
  • Villeneuve, 44, 131, 142, 174, 229, 325, 371.
  • Villeneuve-le-Bœuf, 10, 24, 83, 118, 130, 229, 303, 342.
  • Villeneuve, près de Compiègne, 42.
  • Villeneuve, près d'Étampes, 42, 373.
  • Villeneuve-le-Roy, près d'Auxerre, 42.
  • Villiers-le-Bois, 220.
  • Voves, 11.
  • Thionville, 84.
  • Thivernon, 21.
  • Tigny, 131.
  • Tillay, 28.
  • Toury, 11, 14, 17, 21, 34, 35, 46, 47, 53, 57, 63, 118, 174, 290, 291, 311, 313, 315, 318, 358, 363, 382.
  • Trapeau, 176, 182, 229, 302, 303. |453|

ERRATA.

  • Page 2, au lieu de 50 ans, lisez : 150.
  • Page 6, au lieu de payen, lisez : paysan.
  • Page 11, au lieu de Walkenaue, lisez: Walkenaër.
  • Page 13, au lieu de quatenus, lisez : hactenùs.
  • Page 16, au lieu de souffert, lisez : soufferts.
  • Page 23, au lieu de 611, lisez : 604.
  • Page 74, au lieu de 1466, lisez: 1546.
  • Page 77, au lieu de benedictioni, lisez : benedictionein.
  • Page 121, au lieu ile ses, lisez : ces.
  • Page 125, au lieu de campo, lisez: caupo.
  • Page 141, au lieu de 11, lisez: il.
  • Page 142 : au lieu de çavoir, lisez: sçavoir.
  • Page 145 : au lieu de Fanuet, lisez: Fauvet.
  • Page 296, au lieu de partout, lisez: quantité.
  • Page 358, au lieu de seules, lisez : nulles.
1)
Né à Ouarville.
2)
Voir mon mémoire dans les archives de la Société archéologique d'Eure-et-Loir, année 1857, et dans le Bulletin de la Société des Antiquaires.
3)
Roman de Rou, p. 72-73.
4)
Oportet dùm in caducâ vitâ constitimus, de transituris rebus pro mercede aeterna, loca sanctorum sublevare ad alimoniam et sustentationem servorum Dei. Hactenus de caducis rebus mercemur aeterna. Igitur nos hoc considerantes donamus, villas Juris nostri. Id est Thauriacum, Tyberionem, et Rubrydum in pago aurelianensi sitas, sed et Monarvillam et Vasconisvillam in pago stampense fratribus fratribus Monachis deservientibus ad basilicam Domini Dyonisii pecularis patroni nostri, etc.
5)
Dom Félibien. — Suger, Vie de Louis-le-Gros. Charte de Robert. Cart. Blanc. Arch. imp.les.
6)
Suger, Vie de Louis-le-Gros.
7)
Histoire des Ministres d'État. Suger. pag. 300.
8)
Marc Victor, Hist du Puiset.
9)
Cum communitates patriae parrochiarum adessent, id cujusdam calvi presbyteri suscitavit fortitudinis robustum, spiritum, cui contra opinionem humanam datum est possibile quod annati comiti et suis contingebat impossibile. Dom Bouquet, t. XII, p. 34.
10)
Auteuil, p. 24.
11)
Addebat etiam (la comtesse Adèle, mère de Thibault de Blois) in properando quâ causâ, quâ origine, in medio terrae sanctorum constructum ad tuitionem ejus a venerabili regina Constanciâ, castrum non ab antiquo fuerat, quomodo etiam post totum sibi, nihil regi reliquum praeter injurias fecerat.Vie de Louis-le Gros, Suger. — Dom Bouquet, tome XII, p. 32.
12)
Ordonnances des rois de France, t. VIII, pages 443-444, texte corrigé. Voir le texte latin aux pièces justificatives.
13)
Ordonnances des rois de France.
14)
Antiquités de la ville et duché d'Orléans.
15)
Voir les pièces justificatives.
16)
Succedit et alia propè illiam Dyonisii beati villa quae dicitur Monarvilla, villa omnium facta miserrima quae sub jugo castri Merevillae conculcata non minùs quàm Sarracenorum depressione mendicabat. — Dom Félibien, Histoire de l'Abbaye de Saint Denis.
17)
Documents de M. Vincent, membre de la Société archéologique de l'Orléanais.
18)
In lacu quoque Dunensi, in quem Arula flumen influit aqua fervent adeo ebullivit, ut multitudinem piscium decoctam ad litus projiceret. — Aim. Lib. III, p. 142.
19)
Voir aux Pièces justificatives.
20)
Schwann, Dre.
21)
On s'explique dès-lors très bien comment Angere Regis, Angerville n'était pas, au temps de Louis le-Gros, un lieu habité, comme Toury, Rouvray, Tillais.
22)
Tauriacus, famosa B. Dionisii villa caput quidam aliarum.Lib. de Reb., p. 336.
23)
Usquè miserabiliter premebatur ut cùm illuc… prepositus, satis adhuc juvenis; accessissem jam colonis pene destituta langueret, etc. (Lib. de Reb. p. 336).
24)
Terrae… tam nostrae quam aliae, pristinam adeptae libertatem, quae bello aruerant, pace refloruerunt, sterilitate reposita foecunditatem cultae reddiderunt. — Lib. de Reb., p. 337.
25)
Major B. Dionisii quicumque sit… liber et immunis ab omni Hugonis advocatione et potestate, sive servitio in perpetuum permanebit. — Cart. de Saint-Denis, t. II. p. 220.
26)
Si praepositus extrà Belsam fuerit et justitiam interim fieri necesse fuerit, Major in curte nostra quae ibidem est, servientium nostrorum consilio sibi adjuncto, justitiam faciet. Servientem vel ministrum unum; nostro vel praepositi nostri consilio et voluntate eligat, qui sibi coadjutor existat, qui tamen nobis fidelitatem jurabit. — Cart. de St-Denis, t. II, p. 320.
27)
Sane per praepositum S. Dionysii, ad voluntatem ejus, in praedicta villa major ponetur. — Cart. de St-Denis, t. II, p. 120.
28)
Praepositus… scabinos constituet et si opus fuerit amovebit. — Cart. de St-Denis. t. Il p. 229.
29)
De municipio (Toury) autem quod in eadem villa ad utilitatem nostram et regni nostri defensionem constituimus — Cart. de St-Denis, t. II, p. 20.
30)
Voir le texte aux pièces justificatives.
31)
De clamoribus audiendis et justitiis faciendis, nostra vel praepositi nostri seu officialis nostri semper erit libera potestas. — Charte pour le gouvernement de Toury, Cart. t. II, p. 24.
32)
Cart. St-Denis, t. II. p. 20 et 159.
33)
Lib. de Reb., p. 334.
34)
Huguenin, Thèse sur Suger. 1855.
35)
Lib. de Reb., p. 334
36)
Huguenin. Thèse sur Suger, 1833.
37)
Suger. Vie de Louis-le-Gros.
38)
Ordonnances des Rois de France, t. VIII, p 57, 684, 697.
39)
Ego Ludovicus. Notum facimus universis quod pater meus, bonae memoriae rex Ludovicus VI juxta ecclesiam. B. Mariae de Campis in loco qui dicitur Murallia, posuit hospites quos liberos et quietos ab omni equitatu et exercitu, a tallia et ab omni exactione, et in civitate Parisiis ab omni consuetudine emunes constituit (Ordonnances des rois de France, tome IV, page 303.
40)
Omnibus illis qui in foro novo nostro (stampensi) hospitati vel hospitandi suitt liane consiieludinem. in decent annos concedimus. Ab oinni pitandi sunt hanc consuetudinem. in decem annos concedimus. Ab omni ablatione, tallicij expvditione et equitatu quieti et soluti penitus erunt (Ord. des rois de France, tome XI, page 183.
41)
Omnes qui… annonam, vel vinum, vel res quaslibet adducent, quieti cum omnibus rebus suis in veniendo, in morando et in redeundo ita permancant quod… a nulla homine capiantur aut disturbentur (ibid).
42)
Praeposito parisiensi: — Cum Johannes major de Angervillâ Gastâ a quodam judicato per te, seu predecessorem tuum, contra ipsum et pro procuratore nostro ac priore et fratribus hospitalis sancti Johannis hierosolimitani lato, ad parlamentum nostrum, tanquam a falso et pravo appellaverit, et licet ad diem praepositure parisiensis parlementi presentis contra dictas personas per procuratorem se presentaverit, quia tamen pluries vocatus in curia nostra non fuit inventus, ipsa curia nostra precepit dictum judicatum contra ipsum latum execucioni mandari. — Mandamus et committimus tibi quatenus dictum judicatum prout in ipso contineri videbis execucioni debite demandes, emendamque sexaginta librarum parisiensium, pro nobis racione appellavimus predicte exigas à majore predicto. Quinta die februarii mccc xxii. (Accords, registre 1er, f°157, v°). — Nous devons cette note précieuse aux bienveillantes recherches d'un paléographe distingué des Archives impériales, M. Duclos.
43)
Ordonnances des Rois de France. Archives impériales. — De même, en 1697, la maladrerie de la Madeleine de Janville et du Puiset fut réunie à l'Hôtel-Dieu de Janville. Peut-être la maladrerie d'Angerville a-t-elle été aussi réunie à son hôpital.
44)
Tome II de l'Inventaire de Saint-Denis. Archives de l'Empire.
45)
Voir aux pièces justificatives.
46)
Inventaire de Saint-Denis, tome 3, page 222.
47)
Trésor des Chartes, 36-41. Arch. de l'Empire.
48)
Au gros reg. de fiefs, pag. 959. — Inventaire de Saint-Denis, tome III, pag. 619.
49)
En original au 2e registre des fiefs, p. 245. — Inventaire de Saint-Denis tom. IV, p. 60.
50)
On trouve aussi Prunelay.
51)
Gros registre des fiefs, page 953. — Inv. de Saint-Denis, p. 802.
52)
Voir aux Pièces justificatives.
53)
Ordonnances des rois de France, tome VII, pige 539.
54)
J. Quicherat, Histoire du Siége d'Orléans, p. 17-18.
55)
Journal du Siège. — Consulter encore Chron. de Monstrelet, Journal d'un Bourgeois de Paris; Manuscrits de Bréquigny, Collection des Mémoires de Petitot, etc. — Procès de Condamnation et de Réhabilitation de Jeanne d'Arc, pages 119-120, par J. Quicherat.
56)
Le ms. de Godefroy porte au lieu des Coynées; “Quicherat a restitué d'après le ms. de l'Institut au lieu dict des Coynces.” Coynces est en effet un hameau à 2 kilom. environ de Patay. Luc. Mellet, Bulletin Archéologique d'Eure-et-Loir, n°17, page 155.
57)
2e vol. des Ord. de Louis XI, côté F, fol. 257.
58)
Ord. de Charles VIII. côté H, fol. 73.
59)
Inv. g. des ch. r., tom. 4, reg. 54.
60)
Mézerai, VI. 361.
61)
Bouchet, Annales d'Aquitaine, 286. — E. Bonnemère, Histoire des Paysans.
62)
Voyez pour les Ordonnances de la Soldatesque, ord. XX, 420. — Bonnemère, t. I, 455.
63)
Menault ou son typographe porte ici fautivement es) à chascun d'eulx si comme à ceux appartiendra que de noz présens, grâce, création, ordonnance, establissement et vouloir, ilz fassent, seuffrent et laissent les dits manans et habitans et leurs successeurs joir et user plainement et paisiblement sans leur faire mectre((Menault ou son typographe porte ici fautivement meetre
64)
Ord. de Charles VIII. — Arch. Imp.
65)
Ord. de Louis XII, côté F, f] 126.
66)
Dom Fleureau. Hist. d'Estampes, pag. 210.
67)
Récit des Funérailles d'Anne de Bretagne, publié par L. Merlet et Max. de Gombert. — Chez Aug. Aubry, lib., r. Dauphine, 6, Paris.
68)
E. Bonnemère.
69)
Invent. gén. des Ch., t. IV, reg. 253.
70)
Invent. gén. des Ch., t. IV, reg. 257.
71)
Copie de l'acte d'autorisation communiquée par Me Fougeu, ancien notaire à Sainville.
72)
Inv. gén. des Ch. r., t. IV, reg. 257.
73)
Trés. des Ch. r., Col. VII, 184.
74)
Sully, Olcon. royales, Col. VII, 1725; VIII, 455.
75)
Bailly, Histoire financière de la France, I, 239-241.
76)
Mémoire de Laisné, prieur de Mondonville, p. 158, 8°.
77)
Voir aux Pièces justificatives.
78)
Je corrige ici une erreur typographique, benedictioneGB 2023
79)
Bouhier, Cout. de Bourgogne, I, 190.
80)
Coutumes générales, t. III.
81)
Coutumier général, tom. III.
82)
Nous avons vainement cherché ces lettres.
83)
Inv. gén. des ch. roy. tom. IV, r. 259.
84)
Inv. gén. des ch. r., t. IV, rec. 264.
85)
Bibliothèque impériale, Catalogue 84b34 389.
86)
Maxime de Montrond, Hist. d'Étampes, t. II, p. 98.
87)
Note de Bernard Gineste, 2023 — Erreur de Menault: il y fit pendre au moins le procureur du roi.
88)
Arch. Imp., sec. adm. E 1re.
89)
Extrait du procès-verbal certifiant la procession de Beaune à la fontaine de Barville, du 4 juin 1578.
90)
On trouve encore: Linais ou Ligneris.
91)
Mém. de Mme de Motteville.
92)
H. Martin.
93)
Mémoires de la duchesse de Montpensier, tom. II, p. 47-48.
94)
Dulaure, Histoire de Paris, 382.
95)
Registre du Parlement 30 avril, 7 mai, 7 juin, 11 octobre 1652. — Mém. de Retz, II, 130-164, etc. — E. Bonnemère, II, 54, 55, 56.
96)
Chavagnac, Mémoires, 159.
97)
Inv. de Saint-Denis, tom. X, p. 41.
98)
On appelait encore le cheval de service, roncin de service. Quand le seigneur réclamait le roncin, il devait être amené dans les soixante jours, avec frein et selle, ferré des quatre pieds. Si le seigneur le refusait comme trop faible, le vassal pouvait lui dire: “Sire faites-le essayer, comme vous le devez.” Le seigneur faisait monter le roncin par le plus fort de ses écuyers, portant en croupe une armure ou haubert et une batte de fer, et l'envoyait à douze lieues. Si le roncin faisait la course et revenait le lendemain, le seigneur était obligé de le recevoir; dans le cas contraire il pouvait le refuser.
99)
Inv. de Saint-Denis, t. X, p. 448.
100)
Inv. de Saint-Denis, tom. X, p. 568.
101)
Inv. de Saint-Denis, tom. X, p. 148.
102)
Voir les Pièces justificatives.
103)
Inventaire de Saint-Denis, tom. VIII, pag. 114.
104)
Expilly, tom. II.
105)
Note de BG, 2023. — Il faut lire Devon, erreur typographique qui remonte à la source de Menault.
106)
Dumoulin, Histoire de Normandie, liv. VIII, p. 273, liv. IX, p. 294. — Guizot, tom. IV, pag. 76. — Mathieu Paris, tom. I, pag. 310. — Mémoires de la Société des Antiquaires de Normandie 1824-1825.
107)
Loroque, 49 et 83.
108)
Duchesne, chap. XII, pag. 308.
hn.e.menault.1859.txt · Dernière modification: 2023/10/16 23:58 de bg