Corpus Essonnien

Histoire et patrimoine du département de l'Essonne

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hn:hn.fleureau.1683.1.03

Dom Basile Fleureau

Les Antiquitez d'Estampes 1.03



Ancienneté d'Estampes les Vieilles

  • Le Bourg de saint Martin n'est pas appellé Estampes les Vieilles seulement en comparaison d'Estampes les Nouvelles, mais aussi parce qu'il est ancien, et que sous la premiere et la seconde race de nos Roys il n'y avoit point d'autre lieu qui fust nommé Estampes. Le Pere Briet de la Compagnie de Jesus, au premier Livre des paralelles [sic] de la vieille et de la nouvelle Geographie, dit qu'Estampes estoit anciennement nommé Salioclita. Si cela estoit veritable, l'antiquité d'Estampes seroit évidente, parce qu'il est fait mention de Salioclita, dans l'Itineraire de l'Empereur Antonin, et dans les Notices de l'Empire. Mais avec tout le respect que je dois à un homme de si grande Doctrine, je diray qu'Estampes n'a point eu d'autre nom Latin que Stampæ, et que Salioclita signifie plûtost le Bourg de Saclas, situé à deux lieuës d'Estampes sur la riviere de Juisne, en montant vers sa source. Le rapport de ces deux noms le fait voir suffisamment. Les vestiges d'un chemin que l'on dit communément avoir esté fait par les Romains, que l'on voit auprés de ce lieu, y donnent de la probabilité: et la distance de Saclas à Chastres d'environ six lieuës, où il y avoient une station militaire des Romains, comme il est remarqué dans l’Histoire de Corbeil, et dans la Vie de saint Yon. Car l'Auteur de cette Histoire remarque qu’au temps de l'expedition de l'Empereur Adrien |5| en la grande Bretagne, les soldats Romains qui séjournoient à Chastres martiriserent ce saint sur la montagne, où est bastie l'Eglise qui porte aujourd'hui son nom.
  • J’ay d’autres raisons pour appuyer l’antiquité d'Estampes, qui semblent en quelque façon convaincre et faire voir qu’elle estoit avant la naissance de Jesus-Christ. Pour l'intelligence de ma premiere raison, il faut supposer qu'avant l'arrivée de Jules Cesar dans les Gaules, elles estoient divisées en plusieurs Provinces ou cantons, qui avoient chacune un Gouverneur, que le mesme Cesar en ses Commentaires nomme Regulos. Et quand dans ses mêmes Commentaires il dit Civitas Senonum, civitas Biturigum, il n'entend pas une seule Ville, ou une seule Cité; mais par une phrase qui luy est particuliere, il signifie une grande contrée, contenant plusieurs Villes, et plusieurs peuples confederez, et sujets d'un mesme Gouvernement.
  • Il faut supposer en second lieu, qu'Estampes estoit une ville, ou Bourg dépendant du canton des Senonois. La preuve en est évidente, puis qu'elle est encore aujourd'huy du Diocèse de Sens; et que l'Eglise, & les premiers Prelats qui l'ont gouvernée après saint Pierre, ont usé de cette prudence de diviser les Dioceses suivant la division du gouvernement politique et temporel qui se trouvoit au temps de leur établissement, comme on le peut remarquer en la quatre-vingt-huitiéme distinction, en laquelle il est traité des lieux où l'on doit mettre de Patriarches, des Primats, des Archevesques, et des Evesques. D'ailleurs il faut aussi supposer que nos anciens Gaulois bastissoient ordinairement leurs Villes frontieres dans des marescages, pour les rendre plus fortes. De toutes ces suppositions il resulte ce que j'ay dit au commencement, que le Bourg de saint Martin est fondé dés le temps des anciens Gaulois; puis qu'il est basty en pareille situation que les autres Villes frontieres de leurs Cantons, comme en estant effectivement, confinant encore aujourd'huy avec le Diocese, ou territoire des Chartrains.
  • Je tire ma seconde preuve de l'antiquité d'Estampes de ce que dans l'Eglise Metropolitaine de Sens il y a un Archidiacre qui porte le titre d'Archidiacre d'Estampes. Il est vray que l'on ne trouve rien dans les Archives de l'Eglise de Sens qui nous fasse connoistre la premiere Institution des Archidiaconez, parce qu'elles ont esté bruslées plusieurs fois. Une entr'autres par le feu du Ciel, comme il est rapporté dans la Cronique de saint Marian d'Auxerre: mais l'ancienne tradition de Sens porte que les Archidiaconez ont commencé aussi-tost que l'Eglise Catholique a commencé à s'établir en cette ville-là, qui reconnoist pour son Apostre le grand Savinien, disciple de saint |6| Pierre. Et les Histoires remarquent que ce Saint arriva à Sens, et commença à y prescher l'Evangile environ l'an 46. de nostre salut.


Les Antiquités d'Estampes 1.03 (graphie modernisée)

Ancienneté d'Étampes-les-Vieilles

  • Le bourg de Saint-Martin n'est pas appelé Étampes-les-Vieilles seulement en comparaison d'Étampes les Nouvelles, mais aussi parce qu'il est ancien, et que sous la première et la seconde race de nos rois il n'y avait point d'autre lieu qui fût nommé Étampes. Le père Briet de la Compagnie de Jésus, au premier livre des Parallèles de la vieille et de la nouvelle géographie1), dit qu'Étampes était anciennement nommé Salioclita. Si cela était véritable, l'antiquité d'Étampes serait évidente, parce qu'il est fait mention de Salioclita, dans l'Itinéraire de l'Empereur Antonin2), et dans les Notices de l'Empire3).
  • Mais avec tout le respect que je dois à un homme de si grande doctrine, je dirai qu'Étampes n'a point eu d'autre nom latin que Stampae, et que Salioclita signifie plutôt le bourg de Saclas, situé à deux lieues d'Étampes sur la rivière de Juine, en montant vers sa source. Le rapport de ces deux noms le fait voir suffisamment. Les vestiges d'un chemin que l'on dit communément avoir été fait par les Romains, que l'on voit auprès de ce lieu, y donnent de la probabilité: et la distance de Saclas à Châtres d'environ six lieues, où il y avait une station militaire des Romains, comme il est remarqué dans l'Histoire de Corbeil4), et dans la Vie de saint Yon5). Car l'auteur de cette histoire remarque qu’au temps de l'expédition de l'empereur Hadrien |5| en la Grande Bretagne, les soldats romains qui séjournaient à Châtres martyrisèrent ce saint sur la montagne, où est bâtie l'église qui porte aujourd'hui son nom.
  • J’ai d'autres raisons pour appuyer l'antiquité d'Étampes, qui semblent en quelque façon convaincre et faire voir qu’elle était avant la naissance de Jésus-Christ. Pour l'intelligence de ma première raison, il faut supposer qu'avant l'arrivée de Jules César dans les Gaules, elles étaient divisées en plusieurs provinces ou cantons, qui avaient chacune un gouverneur, que le même César en ses Commentaires nomme regulos. Et quand dans ses mêmes Commentaires il dit civitas Senonum, civitas Biturigum6), il n'entend pas une seule ville, ou une seule cité; mais par une phrase qui lui est particulière, il signifie une grande contrée contenant plusieurs villes et plusieurs peuples confédérés et sujets d'un même gouvernement.
  • Il faut supposer en second lieu, qu'Étampes était une ville, ou bourg dépendant du canton des Sénonois. La preuve en est évidente, puisqu'elle est encore aujourd'hui du diocèse de Sens; et que l'église, et les premiers prélats qui l'ont gouvernée après saint Pierre, ont usé de cette prudence de diviser les diocèses suivant la division du gouvernement politique et temporel qui se trouvait au temps de leur établissement, comme on le peut remarquer en la quatre-vingt-huitième distinction7), en laquelle il est traité des lieux où l'on doit mettre des patriarches, des primats, des archevêques et des évêques. D'ailleurs il faut aussi supposer que nos anciens Gaulois bâtissaient ordinairement leurs villes frontières dans des marécages, pour les rendre plus fortes. De toutes ces suppositions il résulte ce que j'ai dit au commencement, que le bourg de Saint-Martin est fondé dès le temps des anciens Gaulois, puisqu'il est bâti en pareille situation que les autres villes frontières de leurs cantons, comme en étant effectivement, confinant encore aujourd'hui avec le diocèse ou territoire des Chartrains.
  • Je tire ma seconde preuve de l'antiquité d'Étampes de ce que dans l'Église métropolitaine de Sens il y a un archidiacre qui porte le titre d'archidiacre d'Étampes. Il est vrai que l'on ne trouve rien dans les archives de l'Église de Sens qui nous fasse connaître la première institution des archidiaconés, parce qu'elles ont été brûlées plusieurs fois, une entre autres par le feu du ciel, comme il est rapporté dans la Chronique de saint Marian d'Auxerre8): mais l'ancienne tradition de Sens porte que les archidiaconés ont commencé aussitôt que l'Église catholique a commencé à s'établir en cette ville-là, qui reconnaît pour son apôtre le grand Savinien, disciple de saint |6| Pierre. Et les histoires remarquent que ce saint arriva à Sens, et commença à y précher l'Évangile environ l'an 46 de notre salut.


Notes de Bernard Gineste

1)
Philippus Brietus (Philippe Briet, jésuite, 1601-1667), Parallela geographiæ veteris et novæ (3 vol. in-4°, 25 cm, en latin Parallèles de l’ancienne et de la nouvelle géographie, cartes), Paris, Cramoisy, 1648-1649.
2)
Itinerarium provinciarum omnium Antonini Augusti cum fragmento ejusdem necnon indice (in-16), Parrhisiis (Paris), Godofredus Torinus, 1512.
3)
Notitia dignitatum utriusque imperii Orientis scilicet et Occidentis ultra Arcadii Honoriique tempora. Et in eam G. Panciroli commentarium, editio postrema auctior et emendatior (in-folio), Genève, E. Gamonet, 1623.
4)
Jean de La Barre (prévôt de Corbeil), Les Antiquitez de la ville, comté et chatelenie de Corbeil, de la recherche de Me Jean de La Barre (in-4°, 280 p., pièces liminaires, table), Paris, N. et J. de La Coste, 1647.
5)
Henricus Le Maistre, Vita sancti Yonii martyris (in-8°), Parisiis (Paris), Huby, 1612.
6)
Cette affirmation est tout à fait inexacte. César parle seulement des fines ou de l'oppidum de chacun de ces deux peuples gaulois.
7)
Fleureau se réfère ici au Décret de Gratien, œuvre de référence du droit canonique dont la première partie est constituée de cent une Distinctiones.
8)
Chronologia seriem temporum et historiam rerum in orbe gestarum continens ab ejus origine usque ad annum a Christi ortu 1200, auctore anonymo, sed caenobio S. Mariani apud Altissiadorum Regulae Praemontratensis monacho. Adjecta est ad calcem Appendix ad annum 1223 nunc primum in lucem edita opera et studio Nicolai Camuzai (in-4°), Trecis (Troyes), 1608, et Parisiis (Paris), S. Cramoisy, 1609.
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