Corpus Essonnien

Histoire et patrimoine du département de l'Essonne

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Marguerite IV (...-1427)

Notule

  • Marguerite, quatrième du nom, religieuse de l'abbaye Notre-Dame d'Yerres, en fut la vingt-deuxième abbesse, de 1407 à 1427.

Notice de l'abbé Alliot

  • Chapitre XII. (…) Marguerite IV (1407-1427) (…).
    • (…) Marguerite IV. — Jeanne Bierde. — Pierre d'Orgemont. — Quelques contrats. — La guerre. — Mort de Charles VI. (…).
  • (…).
  • C'est alors que se place la prélature de celle que les Bénédictins ont appelé Marguerite III, et qui doit être nommée Marguerite IV. De ses antécédents, de son âge, de son origine, de sa famille, on ne sait rien: toutefois étant donné les habitudes de nos moniales, on peut affirmer qu'elle faisait déjà partie du petit cénacle de religieuses, dont elle devint la supérieure.
  • Sa prélature s'écoula dans les temps les plus désastreux. N'oublions pas que c'est l'époque des Cabochiens, des Armagnacs et des Bourguignons, des batailles d'Azincourt et de Harfleur, des mariages des filles de France avec les princes anglais, du traité de Troyes et de la régence du roi d'Angleterre, représenté à Paris par Bedfort. Aussi savons-nous bien peu de choses de l'abbatiat de Marguerite IV, qui fut cependant assez long, car il dura plus de vingt ans.
  • La confusion la plus grande règne alors dans le monastère, |138 c'est le régime du bon plaisir de chacun. L'abbesse semble étrangère aux affaires de sa maison, qui toutes sont traitées par des intermédiaires. Ni le nom, ni la signature de Marguerite n'y paraissent une seule fois. On voit une converse, nommée Jeanne Bierde, donner à la communauté huit brebis et deux vaches, pour la nourriture des sœurs. Une infirmière fait cadeau de vaisselle d'argent, de siphons, de gobelets précieux. Elle se nommait Jeanne la Bouteille, nom prédestiné à offrir un semblable présent.
  • Les difficultés d'administration font naître des procès. À la mort de Pierre d'Orgemont, évêque de Paris, si bienveillant à nos moniales, le chapitre de Notre-Dame se refuse à payer les droits de chevecerie; il faut faire intervenir les juges pour ramener à l'équité et à la justice les vénérables chanoines. — Un peu plus tard, en 1414, Guy Bouvart, curé de Puiselet, est en procès avec l'abbaye. Il avait joint à sa cure le titre et les fonctions de chapelain de Farcheville, où il faisait sa résidence ordinaire. Le 14 décembre de cette année, par un temps affreux, la châtelaine reçut la visite de Geoffroy des Moulins, sergent à cheval, qui lui signifia une sentence des requêtes du Palais, condamnant son chapelain à payer aux religieuses d'Yerres un setier de blé, estimé 22 livres 4 sols. — En 1416, c'est Jean Duisy, chevalier, seigneur de Puiselet, que les moniales font condamner à leur payer 4 livres 14 sols 16 deniers, pour le punir de retenir leurs dîmes sur sa paroisse 1).
  • Les baux sont les seuls actes capables de nous révéler la vie et l'activité du monastère. Ils ne sont pas nombreux pour cette désastreuse période. Il en existe un de 1422, pour des biens de Brie, loués à Denis de Lieusaint. — Nous en trouvons un autre assez détaillé, qui concerne la ferme même de Lieusaint, toute démolie et à moitié ruinée. Il est du 3 novembre 1423; c'est un contrat passé entre l'abbaye et Jean Piedur, bourgeois de Corbeil, à qui on laisse une contenance de 80 arpents de terre et 9 de pré, moyennant un loyer annuel de deux muids de blé. C'est encore un prix trop élevé, le fermier |139 ne peut tenir, et l'année suivante il faut abaisser le prix du fermage. Ces contrats portent la marque de leur époque: il n'est question que de reconstruction de bâtiments démolis, de terres en friche, et les locataires introduisent dans le bail une clause significative, ils font suivre chacun de leurs engagements de cette restriction, “se fortune de guerre ne lui donne empeschement”.
  • Elles en souffraient de la guerre nos malheureuses moniales, et n'étaient indifférentes à aucune des tristesses ou des calamités de leur temps. Un mot échappé à l'une d'elles et consigné dans l'Obituaire nous dévoile leurs sentiments. Les malheurs de l'infortuné Charles VI l'avaient rendu sympathique à tous les vrais Français. Malgré son incapacité, on le regardait comme la clé de voûte de l'édifice national, qui devait s'effondrer au lendemain de son décès. Aussi, lorsqu'il mourut le 25 octobre 1422, nos religieuses écrivent-elles, dans leur Nécrologe, avec une tristesse non dissimulée: “Ista die obiit Carolus rex Franciæ! Aujourd'hui est mort, Charles, roi de France!” Silencieuse, mais éloquente protestation contre l'inique traité de Troyes, qui avait donné la France aux Anglais. Nos Bénédictines étaient patriotes.
  • L'abbatiat de Marguerite IV se prolongea jusqu'au courant de 1427, sans que nous puissions en éclairer les dernières années. Lorsqu'elle mourut on ne rédigea pas immédiatement son obit; aussi le souvenir des dates s'effaça-t-il promptement de la mémoire de ses sœurs, à cette époque tourmentée. Celles-ci avaient totalement oublié la courte prélature de Jeanne la Pastée; elles croyaient de bonne foi que Marguerite IV avait été élue en 1406, c'est pourquoi elles lui donnaient environ 23 ans de pouvoir, au lieu de 22 à peine commencés. Mais tout est dubitatif dans leur note nécrologique: c'est d'abord la formule ordinaire pour les actes rédigés après coup: Margareta quondam abbatissa nostra; ensuite on ne précise pas le nombre des années de son gouvernement: circiter viginti et très annos, c'est environ 23 ans; ce pourrait être moins et ce pourrait être plus. On verra plus loin que la main qui a rédigé cet article n'a ni de ces hésitations, ni de ces formules dubitatives lorsqu'elle est |140 sûre de son fait. L'acte n'est affirmatif que sur un seul point. En mourant Marguerite IV donna à la communauté 28 livres parisis pour réparer le cloître, vraisemblablement ébranlé par suite des intempéries et surtout des hôtes étrangers, qui s'y étaient momentanément abrités.
  • (…).

Documents

Sources

Bibliographie

Notes

1)
Note d'Alliot. — Dans un travail autorisé, nous relevons l'estimation de la livre vers 1420. — La livre vaut 30 fr. et le sou 1 fr. 55 de notre monnaie.
marguerite04.dyerres.txt · Dernière modification: 2022/07/23 13:12 de bg