Corpus Essonnien

Histoire et patrimoine du département de l'Essonne

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Marie de Pisseleu (...1544-1553)

Notule

  • Marie de Pisseleu, religieuse de l'abbaye de Notre-Dame de Soissons et sœur de la maitresse de François Ier, fut faite par ce roi la trente-septième abbesse de Notre-Dame d'Yerres, de 1544 à 1553.

Notice de l'abbé Alliot

  • Chapitre XIX. Marie de Pisseleu (1544-1553).
    • Le roi nomme une abbesse. — Famille et antécédents de Marie de Pisseleu. — Elle est abbesse perpétuelle. — Son caractère; ses procès. — Elle veut détruire l'œuvre de la réforme. — La résistance. — Marie quitte Yerres. — Elle y revient momentanément. — Sidonie le Picart gouverne le monastère. — Les difficultés qu'elle rencontre. — Rapport de 1547. — Charles Beguyn, procureur. — Ressources de la communauté.
  • Que s'était-il donc passé à l'abbaye, pour qu'Étiennette de Guaigny, élue naguère par les suffrages de ses sœurs, fut contrainte de quitter si brusquement le pouvoir?
  • On se souvient du Concordat de 1515, entre le pape Léon X et le roi François Ier . Par ce traité, le monarque avait obtenu le droit de nommer les titulaires de toutes les abbayes du royaume. Ce privilège, le prince ne l'exerça pas immédiatement. Pour ne point heurter de front les habitudes et surtout les droits imprescriptibles des monastères, il sut temporiser. De plus, juste au moment où il devenait le grand électeur de tous les couvents du royaume, la réforme et la règle de Poncher élevaient un nouvel obstacle à ses prétentions, par la destruction de la pérennité du pouvoir abbatial, et par l'obligation canonique de renouveler les élections tous les trois ans. En politique habile, François Ier attendit que l'enthousiasme des réformateurs s'émoussât, et que l'engouement des communautés du diocèse de Paris pour la réforme électorale, introduite dans la vie bénédictine, fut tombé. Il observa, encouragea et fit naître au besoin les difficultés et |202 les malaises, qui devaient nécessairement surgir dans les cloîtres par suite d'élections trop fréquentes; et jamais il ne perdit de vue son dessein, qui était de s'attribuer partout la nomination des titulaires.
  • Pour Yerres, le roi attendit vingt-huit ans, et laissa faire d'assez nombreuses élections. À la fin il imposa sa volonté. Il ne protesta pas, ce semble, contre la dernière élection, celle d'Étiennette de Guaigny: il fit mieux, il la cassa, ou n'en tint aucun compte. De leur côté, nos moniales ne paraissent pas avoir protesté très énergiquement contre ce que, dès lors, on appelait le droit royal. Elles se soumirent sans trop de peine, croyons-nous, aux entreprises du pouvoir civil, qui déjà triomphait assez aisément dans toutes ses luttes avec les gens d'Église.
  • Et cependant jamais occasion plus légitime de faire de l'opposition ne se présenta; car le choix du roi, en s'exerçant pour la première fois, ne pouvait être plus inopportun, ni plus malheureux. Il suffit de dire le nom de son élue pour faire pressentir ce qu'elle allait être: elle s'appelait Marie de Pisseleu 1), était sœur d'Anne de Pisseleu, dont tout le monde sait les rapports avec François Ier.
  • Cette première abbesse de nomination royale était picarde d'origine, et fille de Guillaume de Pisseleu, seigneur d'Heilly, et de Madeleine de Laval, sa troisième femme. Comme on le devine, l'élévation de Marie de Pisseleu était due uniquement à l'insatiable avidité de la maîtresse du roi, qui avait déjà fait donner huit ou dix évêchés à ses trois frères, et une demi-douzaine d'abbayes à ses deux sœurs 2); cela s'appelait posséder des bénéfices, et ce n'était que cela en effet.
  • Si les religieuses d'Yerres ignoraient le caractère et l'humeur de leur nouvelle supérieure, à lui seul son curriculum vitæ était capable de les renseigner. Marie était professe de l'abbaye de Notre-Dame de Soissons, où elle avait passé une |203 partie de sa jeunesse. Elle devint en 1526 abbesse de Saint-Paul de Beauvais, par la cession que lui fit de cette abbaye Bone de Prouville, contre une compensation. À peine est-elle en possession, que le Parlement est forcé de s'occuper d'elle. En décembre 1526, en février 1527, et surtout le 28 août 1532, où sur la demande de Charles de Villiers de l'Isle-Adam, évêque de Beauvais, on est contraint de l'éloigner, pour procéder à la réforme de l'abbaye. Afin d'occuper ses loisirs, elle obtient le priorat de l'hospice de Pontoise. Elle s'y installe, et y vit sans aucune contrainte, retournant de temps à autre à son abbaye de Beauvais, où elle met le désordre, grâce à la connivence de l'indigne cardinal de Châtillon. Ce fut dans sa villégiature de Pontoise qu'elle reçut, dès 1543, du vivant même de Marguerite le Grand, son brevet de nomination pour l'abbaye d'Yerres. Comment les Bénédictins du Gallia ont-ils pu faire de cette femme une abbesse triennale de notre monastère? C'est de leur part une distraction qu'il n'est pas facile d'expliquer, car il est bien évident que les moniales d'Yerres n'avaient aucune raison d'appeler chez elles une femme qu'elles ne connaissaient pas, qu'elles cherchèrent même à écarter, en donnant la crosse à Étiennette de Guaigny.
  • Est-ce parce qu'elles firent ensuite, sur l'ordre du roi, un semblant d'élection sur le nom de Marie de Pisseleu? Mais il en fut toujours ainsi dans la suite. Sitôt que la communauté recevait la notification du brevet, lui donnant une nouvelle abbesse, on se réunissait en toute hâte, on faisait un simulacre d'élection, en ayant bien soin de ne pas mettre dans l'urne d'autre nom que celui de la titulaire désignée par le roi. On tenait tant à ce droit d'élection, il était si naturel et si canonique à la fois, qu'en en perdant la réalité, on s'attacha à en conserver l'ombre!
  • Dire pourquoi Marie de Pisseleu, en possession de son titre dès 1543, fut plus d'une année sans venir à Yerres n'est pas chose facile. Quelques difficultés et des retards, imposés à Rome pour l'expédition des bulles, expliquent peut-être cette insolite inactivité. D'ailleurs on ne perdait rien pour attendre. La nouvelle titulaire arrive à la fin de 1544. Elle remet |204 aussitôt en honneur le nom personnel de l'abbesse, un peu trop effacé dans les contrats, par le procureur, durant les dernières prélatures.
  • C'est elle-même qui fait passer les baux en sa présence; elle se transporte volontiers dans les endroits où ils doivent être signés; car pour elle, la clôture est un simple vocable sans signification et dont elle n'a cure. Il faut voir, lorsqu'elle a conclu un bail, avec quelle rigueur elle en poursuit l'exécution de toutes les clauses: ceci n'était que justice. Mais si elle était âpre à réclamer ses droits, elle était non moins habile à dissimuler ses charges. Cette double tendance ne tarda pas à multiplier les difficultés et les procès: d'une part avec les fermiers de l'abbaye, qui, habitués à vivre bonnement sous la crosse, interprétaient toujours largement à leur profit, leurs obligations envers le monastère; d'autre part, avec les curés, locataires et copropriétaires des dîmes paroissiales.
  • Au nombre de ceux qui se défendirent le plus vigoureusement contre Marie de Pisseleu, nous pouvons nommer Jean Beauchesne, curé de Lieusaint. Il n'est plus fermier de l'abbaye, il a été remplacé par un paysan, à qui il réclame une portion de la dîme. Ce malheureux paroissien a beau répondre à son curé qu'il ne dépend pas de lui, qu'il ne connaît qu'une seule maîtresse: Madame l'abbesse; Beauchesne ne l'en poursuit pas moins devant les tribunaux civils et ecclésiastiques 3). Ses voisins les curés de Brie-Comte-Robert et celui de Combs-la-Ville imitent son exemple et procèdent contre le couvent. Des difficultés naissent également entre l'abbesse et le curé d'Yerres, ainsi qu'avec ceux de Drancy, de Tremblay, de Villabé et de Puiselet.
  • Marie de Pisseleu met encore sa maison en procès avec beaucoup de tenanciers et de particuliers, parmi lesquels se trouvent toujours les de Lannoy et les Budé, représentés |205 cette fois par Jacqueline de Bailly, veuve de Jean Budé, agissant au nom de ses enfants mineurs.
  • Tant d'entreprises extérieures auraient dû, ce semble, absorber toute l'activité de la remuante abbesse, et la contraindre à laisser vivre en paix ses filles du cloître. Il n'en est rien. En même temps qu'elle est tourmentée du besoin d'entrer en lutte avec les séculiers, Marie de Pisseleu veut bouleverser le régime disciplinaire de son cloître. Pour elle la règle suivie à Yerres est trop sévère; la clôture est une gêne qu'elle ne peut tolérer, même pour les autres: elle va changer tout cela. Mais ses religieuses ont ajouté dans leur profession aux trois vœux de pauvreté, d'obéissance et de chasteté, celui de vivre sous clôture: elles l'inscrivent dans tous leurs actes, et refusent énergiquement de se prêter aux fantaisies de leur supérieure. Chose plus grave encore, la doctrine de Marie de Pisseleu est suspecte. Elle a prêté une oreille complaisante aux nouveautés dogmatiques venues d'Allemagne; son esprit inquiet incline vers l'enseignement hérétique, elle s'efforce de le glisser, par ses rares instructions, dans les âmes des Bénédictines, qui en ont horreur. Enfin, sous prétexte d'affaires diverses, l'abbesse attire au monastère une foule de séculiers, qui se répandent avec son autorisation dans les lieux réguliers, troublent la paix du cloître, et rendent impraticables les exercices de la vie monastique. Bref, Marie de Pisseleu veut jouer, au XVIe siècle, les Jeanne de Rauville.
  • Heureusement le cloître était bien gardé, et Marie se trompait d'époque. Nombreuses et ferventes, les moniales n'ont vu dans leur abbesse qu'une intruse, à elles imposée par la volonté du roi, et dont elles se défient. À leur tête, pour la vie intérieure, se trouve une femme sûre, une religieuse éprouvée, qui tient à la régularité, à l'observance, à la clôture, au nom desquelles elle a déjà vu soutenir tant de luttes dans le passé. C'est la Mère Sidonie le Picart, parente d'Étienne Poncher; en 1514, elle s'opposa un moment à la réforme; mais depuis lors elle l'a embrassée avec ardeur, elle la pratique depuis trente ans, et veut à tout prix en conserver le bienfait à sa maison, dont elle est devenue la prieure en 1541. Par sa dextérité et sa fermeté elle préserve ses sœurs des |206 funestes enseignements de l'abbesse. Elle est aidée dans sa tâche par la Mère Marie de Sailly, maîtresse des novices. Celle-ci est une ancienne religieuse comme la prieure; comme elle aussi, elle a trente ans de vie édifiante à son actif, et elle est très attachée à l'œuvre de la réforme. Toutes deux sont soutenues, appuyées et encouragées par les Dominicains. Ces religieux sont toujours confesseurs et directeurs de nos moniales; leur doctrine est sûre, à l'abri des nouveautés suspectes, et d'un catholicisme à toute épreuve.
  • Néanmoins toutes ces bonnes volontés réunies n'étaient pas capables de lutter avantageusement contre l'abbesse, forte du pouvoir que lui donnait son titre, soutenue par la Cour et appuyée sur l'autorité du roi. C'est pourquoi Sidonie le Picart, bien conseillée, sollicita en sa faveur le concours de son supérieur direct: l'évêque de Paris.
  • C'était alors Jean du Bellay, et il faut lui rendre cette justice que lorsqu'il s'agissait des autres, ce prélat se montrait généralement ami de la discipline, de la régularité, de l'austérité: chez lui, c'était une manière de rendre hommage à la vertu. Dans la circonstance, il n'hésita pas à faire son devoir. Les religieuses lui ayant dénoncé leur abbesse, comme troublant l'ordre de la communauté, menaçant l'œuvre de la réforme et suspecte au point de vue de la foi, Jean du Bellay donna à ses officiers la mission d'informer. Marie de Pisseleu était fort connue, son procès canonique ne fut pas long, elle fut condamnée; mais elle en appela immédiatement au Parlement. Toutefois l'évêque de Paris eut assez de crédit pour la contraindre à quitter Yerres, afin de soustraire ses religieuses à sa vengeance et à ses mauvais traitements. On lui assigna Dieu de Paris ou l'hôpital Saint-Gervais. Le procès est devant le Parlement. Tout d'abord les magistrats tentent de donner gain de cause à l'évêque, et à sa sentence, force de loi. Mais l'inculpée est protégée par une sorte de divinité mystérieuse, pas bien difficile à découvrir; elle obtient des délais, puis des enquêtes.
  • L'une d'elles met à nu le caractère de Marie de Pisseleu, et peint les mœurs du temps. L'abbesse se rend à Yerres pour |207 défendre ses droits, dit-elle. “Mais elle se fait suyvre par une suyte de gens séculiers incongnuz et portans armes et bastons, qui accompaignent icelle de Pisseleu contre son état de religion”, ce que les bons magistrats trouvent inconvenant. À Yerres, l'abbesse “menace, injurie ceux qui témoignent contre elle, aussi bien que les juges et vicaires de l'évêque”; c'est pourquoi le Parlement donne des saufs-conduits aux juges qui devront aller à l'abbaye, et ordonne que Marie de Pisseleu, qui y sera reconduite, ne devra être accompagnée que par des religieuses de l'Hôtel-Dieu ou de Saint-Gervais. Ceci se passait le 9 juillet 1547. Le 6 août suivant, le procureur cherche à dessaisir l'évêque de la cause; et au cas où les Vicaires généraux voudraient passer outre, ils devront se faire accompagner par deux conseillers de la cour, pour les assister. Enfin le 21 août, le procureur ordonne que le procès fait par le promoteur lui sera remis, car telle est la volonté du roi et son bon plaisir! Ce fut tout.
  • En 1547, le charme qui protégeait Marie de Pisseleu se rompit un instant par la mort de François Ier . Mais peu après, Henri II se fit aussi le soutien de celle que son père avait trop protégée. De la, la fin de non-recevoir opposée au jugement rendu par l'officialité diocésaine.
  • Malgré cette opposition, Marie de Pisseleu ne rentra jamais à Yerres. Elle conserva néanmoins le titre d'abbesse de la maison. Chassée de son siège, elle erra quelque temps au milieu de ses bénéfices, puis rentra à l'Hôtel-Dieu de Pontoise, où elle mourut le 1er mars 1553. Sa dépouille mortelle fut transportée à Saint-Paul de Beauvais, abbaye dont elle était toujours titulaire. Elle avait été nominalement abbesse d'Yerres pendant 10 ans (1543-1553), mais elle n'y avait pas seulement résidé deux années.
  • Après le départ de Marie de Pisseleu, Sidonie le Picart la prieure eut le titre de vicaire du couvent, et gouverna le monastère avec pleins pouvoirs, en attendant la nomination d'une nouvelle abbesse.
  • Sidonie put faire des baux, poursuivre des procès, signer tous les contrats 4), en un mot administrer. Et les six |208 années qui s'écoulèrent entre 1547 et 1553 comptent au nombre des plus prospères de l'abbaye. Cependant les difficultés ne manquaient pas, car la situation créée par la conduite de Marie de Pisseleu avait amené chez nos religieuses plusieurs interventions étrangères.
  • La règle de Poncher exigeait des couvents qui lui étaient soumis, le choix d'un visiteur élu, chargé de prendre la défense et aussi la direction des intérêts temporels et spirituels de la communauté. Nous ne savons si ce point de la règle fut observé à Yerres dès le commencement de la réforme; mais nous trouvons pour la première fois ce visiteur le 12 septembre 1547. Il se nommait frère Jean Goudequin, prieur de Saint-Ladre-lèz-Paris, il était accompagné d'un religieux appelé frère Martin de la Queue, et de Pierre le Roy, alors confesseur ordinaire des sœurs. Ces trois ecclésiastiques assistèrent ainsi que toutes les professes à la passation d'un bail de la ferme de Herces, rédigé par Robert de Ellecourt, qui s'intitule pompeusement “notaire et greffier pour la réforme du dit monastère”. Le monastère, nous l'avons dit, n'avait nullement besoin de réforme, mais bien l'abbesse titulaire, qui lui créait toutes sortes d'oppositions.
  • Si le visiteur canonique pouvait à la rigueur être considéré comme partie intégrante de l'abbaye, dont il était pour ainsi dire le supérieur temporel, il n'en était pas de même des membres de l'officialité diocésaine, qualifiés par les documents “vicaires généraux”; pas de même surtout des conseillers du Parlement, dont la présence indiquait une sorte de suspicion. Ceux-ci étaient enquêteurs par nature. Ils interrogeaient, questionnaient sans trêve, ni relâche. Ils exigèrent, au début de cette année 1547, un état détaillé de la situation de l'abbaye à tous les points de vue. Un rapport leur fut fourni le 14 mars ; il existe encore, et s'il ne dénote pas une prospérité matérielle bien brillante, il a l'avantage de nous fournir des détails intéressants sur le personnel de la communauté 5)). |209
  • Entre autres choses, nous y remarquons que le procureur Louis Tartin a disparu, et qu'il est remplacé par Charles Béguyn, prêtre comme son prédécesseur, et comme lui fort zélé. Il l'est tant qu'il dépasse parfois la mesure. N'a-t-il pas eu la malencontreuse idée, au mois de septembre 1548, de faire enfermer dans les prisons de l'abbaye, le sergent de justice de la dame d'Yerres? Sidonie le Picart avait, comme ses devancières, des idées fort arrêtées sur l'exercice de la justice. L'infortuné sergent instrumentait pour sa maîtresse, dans un des prés du monastère. De là son incarcération.
  • Après six mois de fer et des réclamations véhémentes, il fallut le relâcher; toutes les moniales, la prieure en tête, “congrégées et rassemblées au grand gril du couvent” furent contraintes de faire des excuses à la dame d'Yerres |210 (Jacqueline de Bailly) et de désavouer leur trop zélé procureur 6).
  • Sidonie le Picart est d'ailleurs rentrée dans les bonnes traditions: toutes ses sœurs sont appelées à signer les baux des biens du monastère; c'est long et incommode, maintenant surtout qu'il y a 50 professes; mais c'est plus digne. Pendant qu'elle fut chargée de l'administration, elle ne passa pas moins de 20 ou 30 contrats, et tous sont marqués au coin du bon sens et de la stricte équité.
  • Les ressources nécessaires à l'entretien de la communauté, venaient: 1° de la location des terres et des dîmes; 2° des droits de justice, des lods et ventes; 3° de certaines rentes viagères; 4° enfin des pensions des religieuses. Instruites par l'expérience du passé, nos moniales ne reçoivent plus de dons manuels ou bien peu. Ces dons en effet étaient ordinairement chargés de services religieux fort pénibles. Or, afin de ne pas changer leur église en nécropole pour services funèbres, comme au XIVe siècle, elles n'acceptent que les dons purement gratuits, très peu importants et pas nombreux. Elles trouvent du reste une compensation dans les pensions servies par les parents de leurs sœurs; et celles-ci atteignent parfois un chiffre assez notable pour l'époque. Témoin ce reçu écrit tout entier et signé de la main de la prieure, où elle “confesse avoir reçu de Messire Anthoine de Luxembourg, comte de Ligny, etc…, la somme de 400 livres tournois, pour les pensions de ces deulx chères seurs, les nostres bien aymées, seurs Anthoynette et Marie de Luxembourg”.
  • Il reste plusieurs pièces manuscrites de la main de Sidonie le Picart. Son écriture droite, parfaitement formée, comme notre ronde moderne, dénote une femme d'ordre et de caractère, très instruite pour le temps où elle vivait. Sa famille occupait un certain rang dans la société, car son frère Étienne |211 le Picart était seigneur de la Motte-Gallon en Brie; il donna à l'abbaye l'une de ses filles, Cécile le Picart, professe en 1555.
  • Le pouvoir intérimaire de Sidonie cessa en 1553; mais elle garda la charge de prieure, avec la nouvelle administration, jusqu'en 1565 ou 1566; elle l'avait exercée pendant 23 ans. Elle ne mourut qu'en 1572, presque octogénaire, ayant plus de 60 ans de profession religieuse, après avoir porté vaillamment le poids de la règle et de l'observance, et rendu des services incalculables à son monastère.

Documents

Sources

Bibliographie

Notes

1)
Note d'Alliot — Il faut prendre garde de la confondre avec sa sœur, nommée, comme elle, Marie de Pisseleu. Celle-ci était abbesse de Maubuisson.
2)
Note d'Alliot — Guillaume de Pisseleu, le père de tous ces prélats, pressait souvent sa fille Anne de profiter de sa situation pour caser ses frères et ses sœurs. Il faut le dire, il y avait une excuse à son âpreté, car Guillaume avait trente enfants!
3)
Note d'Alliot — Ce procès se prolongea durant de longues années. Plaidé devant la juridiction ecclésiastique, l'Official de Paris donna raison au curé; mais celui de Sens, juge d'appel, décida en faveur des religieuses. Enfin, en 1550, les juges de Paris se rangèrent à l'avis de ceux de Sens, et le curé de Lieusaint fut débouté de ses prétentions.
4)
Note d'Alliot — En 1549. elle échangea un quartier de vigne avec la veuve de Jean Budé.
5)
Note d'Alliot — Voici ce curieux document, dû à la plume de Jacques de Mervilles, prêtre et procureur de l'abbaye, pour la circonstance. — Les revenus sont perçus à quatorze endroits dénommés, savoir: Brévannes, — Vitri, — Athis, — Corbeil, |209 — les Godeaux, — Herces, — les Bordes, — Lieusaint, — Senard, — Plessis-en-Chevrie, — Tremblay, — Villepinte, — Cintreaux, — Cossigny. — L'ensemble du revenu est estimé 1373 livres 14 sols 3 deniers oboles tournois. — Le procureur affirme que les moniales ne tiennent, ni ne possèdent autres revenus en la prévôté et vicomté de Paris. —— (Mais où sont donc les revenus de Brie, — Combs-la-Ville, — Evry, — Chalandray, — Yerres, — Ablon, — Draveil, — Drancy, — Paris, — Puiselet, — Carbouville, — Maurecourt, — Gironville, etc., — que nous verrons reparaître?) —— Les charges sont: 62 religieuses. — un religieux, — 24 serviteurs. — passants et repassants, — pauvres gens d'église, — mendiants, — pensions des prévôts et officiers des terres et seigneuries, — procureur, — avocats, — gens du conseil (?), — soutenir dix procès ordinaires, tant au Parlement qu'au Châtelet et en cour d'église, — payer les gages des gardes, — médecin, — barbier! et apothicaire. — gages des serviteurs, — façon des vignes, — bois, — échalats, — nourrir les fermiers quand ils viennent à l'abbaye, — acheter pommes, — poires, — fruits, — chair, — poisson. — œufs, — harengs, — pois, — fèves, — sel, — chandelles, — bois, — charbon, — nourrir dix chevaux pour la maison, — payer faneurs, — faucheurs, — crocheteurs, — jardiniers, — maréchaux, — charron, — bourrelier, — serruriers, — cordiers, — menuisiers, — vitriers, — maçons, — charpentiers, — couvreurs, — plâtriers, — teinturiers, — cardeurs, — peigneurs de laine, — tisserans en drap et en toile, — réparer l'église, — l'abbaye, — les fermes. — Pour la nourriture de tous il faut 40 muids de blé, — 20 muids d'avoine, — et 12 muids d'orge pour le bétail. —— La dépense se monte à 4,500 livres, y compris les deniers et dons gratuits du roi. —— (Ce que le procureur ne nous dit pas, c'est d'où on tire la différence entre 1.373 livres et 4,500 livres. Et cependant, l'abbaye n'avait pas de dettes. Évidemment, ce comptable a diminué la recette notablement, car on n'ose dire qu'il a enflé la dépense: 4.500 livres pour nourrir cent personnes! et le reste!
6)
Note d'Alliot — Malgré l'âpreté de nos religieuses à réclamer la basse, moyenne et haute justice, on ne voit pas que leurs officiers aient jamais prononcé des peines bien graves; surtout jamais de peines capitales, pas même des châtiments corporels, en dehors des incarcérations et des fers. — L'enquête très détaillée qui eut lieu, au sujet de l'incarcération du sergent de Jacqueline de Bailly, eut certainement mentionné les châtiments graves, car elle renferme beaucoup d'autres traits de mœurs.
marie.depisseleu.txt · Dernière modification: 2022/07/25 21:25 de bg