Corpus Essonnien

Histoire et patrimoine du département de l'Essonne

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Thérèse-Angélique de Pasquier de Franc-lieu (1730-1792...)

Notule

  • Thérèse-Angélique de Pasquier de Franc-lieu, religieuse de Notre-Dame d'Yerres, en fut la quarante-cinquième et dernière abbesse de 1770 à 1792.

Notice d'Alliot

  • Chapitre XXV. Thérèse-Angélique de Pasquier de Franc-lieu (1770-1792).
    • Situation à l'arrivée de Madame de Franclieu. — Rescision du bail général. — Les dettes. — Le P. Véronneau. — Ses travaux. — Mémoires écrits par l’abbesse. — La vie facile. — Les Franclieu à Yerres. — Déplacement du cimetière. — Mesures prises par la Révolution. — La dispersion. — La vente du mobilier et des bâtiments claustraux.
  • Dès le 3 avril de la même année, Thérèse-Angélique de Pasquier de Franclieu prenait possession de l’abbaye d’Yerres, où elle avait été nommée, grâce à la protection des Condé. Elle était fille de Jacques-Laurent Pasquier de Franc-lieu et de Marie-Thérèse de Busca.
  • Cette nouvelle titulaire, née le 2 octobre 1730, avait par conséquent 40 ans, lorsqu’elle monta au siège abbatial d’Yerres. Son bénéfice ne constituait point une place très enviable. Tout y était dans un désordre indicible. Au point de vue matériel et financier, la situation était lamentable; au point de vue religieux et monastique, Marie Pilon, toujours prieure, maintenait tant bien que mal la paix, parmi les quinze ou vingt moniales du cloître. Mais la guerre régnait dans la domesticité mal payée, et où chacun faisait à sa guise. Quant aux autres familiers de la maison: le fermier, le meunier, le procureur, les gardes, depuis la conclusion du bail général, ils ne dépendaient plus directement de l’abbesse; et ils étaient devenus, à l’ordinaire, plutôt les ennemis que les soutiens du malheureux monastère, qui pourtant les faisait vivre. Les bâtiments claustraux tombaient en ruines. Cependant le maçon Doublet y faisait pour 5 ou 600 livres de journées tous les ans; le charpentier, des travaux pour 2 ou 300 livres; le menuisier, le serrurier allaient à l’avenant, et jusqu’au vitrier qui présentait un mémoire de |274 900 livres pour plusieurs années, il est vrai. Comme ces travaux étaient exécutés sans direction et sans plan d’ensemble, ils contribuaient à hâter les ruines, plutôt qu’à les prévenir ou à les réparer.
  • En face de cet affligeant état, Madame de Franclieu ne se décourage pas cependant. Elle s’attaque immédiatement au bail général, qu’elle accusait à tort, croyons-nous, d’être la seule et unique cause de tout le mal. Elle consulte de différents côtés, pour savoir si elle peut le résilier. Les jurisconsultes sont partagés: les uns disent oui, les autres disent non. Ceux-ci paraissent les plus nombreux et les plus autorisés. L’un d’eux, nommé Tessier, assisté de Me Vulpian, répond formellement qu’on ne peut briser le bail, qu’en s’appuyant sur les termes mêmes du contrat. M. Poirot d’Ogeron gagnera son procès en justice; c’est pourquoi il engage l’abbesse à traiter à l’amiable avec son fermier; mais Delambon, un autre jurisconsulte, est d’avis contraire; il croit que le bail peut être cassé, et Madame de Franclieu se range à son avis. Aussitôt elle adresse deux mémoires, l’un au Parlement, l’autre au roi. Au premier, elle demande justice; au second elle réclame des secours d’argent, sans lesquels sa communauté n’a jamais vécu, dit-elle, depuis de longues années.
  • Ces mémoires un peu diffus sont néanmoins fort instructifs, parce qu’ils font bien connaître la situation de l’abbaye à la fin du XVIIIe siècle. Elle compte, dit l’un d’eux, dix-sept professes de chœur, cinq converses, quatre pensionnaires, dont une nouvelle convertie, trois jeunes filles pour les classes. Il n’y avait plus à l’abbaye qu’un seul prêtre, à la fois chapelain et confesseur de toute la communauté.
  • Madame de Franclieu ne se montre pas tendre pour la gestion de sa devancière. Elle écrit: “Par une de ces suites trop ordinaires aux administrations, qui n’ont pas été dirigées avec une étendue suffisante de lumière pour les affaires, l’abbaye royalle d’Hyères ne peut manquer d’éprouver dans très peu d’années une ruine entière, si Sa Majesté ne lui tend une main bienfaisante, et ne lui fait ressentir, par sa toute-puissante autorité, les heureux effets de sa justice.” |275
  • La communauté est grevée d’une infinité de dettes criardes, montant à plus de 25.000 livres. “L’abbaye languit misérablement, par la dure exécution d’un bail général de tous les biens et revenus, fait à vil prix, et d’une contre-lettre de ce bail, qui sont le fruit du dol et de la séduction la plus caractérisée…” Le mémoire s’attache ensuite à prouver que la mense abbatiale, bien administrée, peut rapporter 24.000 livres; que par suite du bail, elle n’a droit qu’à 13.000 livres, et ne perçoit en réalité que 9000 livres, à cause de la contre-lettre; que deux fois déjà l’abbesse a été contrainte de faire saisir le fermier, qui est réellement le sieur d’Ogeron, secrétaire des Économats, — Mathieu n’étant que son domestique; — que d’Ogeron a indignement leurré Madame de Clermont; qu’il avait pris sur elle un grand empire, en lui faisant espérer un secours annuel des Économats, dont il est le directeur; qu’il ne se contente pas d’un bénéfice net de 5000 livres chaque année, mais qu’il a encore réduit considérablement ses charges au moyen de la contre-lettre 1). — Que pour toutes ces raisons la communauté demande la rescission du bail et a fourni toutes les raisons de cassation.

Mais le bail était^si bien fait que malgré tous ces motifs in- voqués, Sa Majesté ne crut pas devoir le casser. Cependant grâce à des circonstances que nous ignorons, le fermier con-

(1) Voici la manière dont Madame de Franclieu établissait les charges de sa maison:

Honoraires, nourriture et entretien du confesseur! . . . 800 livres

Médecin et chirurgien ;. 600 —

Organiste et Officiers de justice 550 —

Dépense de sacristie, cire, ornemeuts 800 —

Apothicaire 600 —

Sacristain, nourriture et gages 350 —

Trois jardiniers, nourriture et gages 1.200 —

Commissionnaire, 500 —

Charretier et Vacher 600 —

Une tourière et une femme de chambre 500 —

Quatre servantes, nourriture et gages 900 —

Femmes de service, lingères, lessi\euses 300 —

Affranchissement des lettres, 270 —

Nourriture et vestiaire de 17 religieuses 7. TCO —

Cinq converses 1.750 —

Quatre demoiselles pensionnaires 1.000 —

Pour les chevaux 1 .050 livres

Total 26.128 livres

Madame de Franclieu énumérait encore comme charges : 20 sols de rente

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sentit à un arrangement, et les conseils de l’abbesse la pressèrent de l’accepter. L’abbaye dut verser 6000 liyres à Mathieu et d’Ogeron 2), et la résiliation fut signée les 9 et 15 novembre 1771. Poirot d’Ogeron fit en outre constater, qu’il ne s’était chargé du bail “que par respect et attachement pour Madame de Clermont”, et que la présente résiliation n’était encore faite que pour répondre au désir, par elle exprimé, de le voir céder aux vœux de l’abbesse actuelle; ce qui fut souscrit et attesté par Madame de Franclieu et toutes ses religieuses.-

Cette affaire terminée, l’abbesse donna tous ses soins au rétablissement intégral et complet de l’abbaye. Toutefois avant de passer à l’exécution matérielle de ses projets de reconstruction, elle voulut connaître l’histoire de sa maison. Il se rencontra sur sa route un homme capable de lui rendre les plus grands services dans cet ordre d’idées. Frère Antoine Véronneau, religieux dominicain, né à Saintes, en 1716, profès du couvent de Poitiers, fut prieur de plusieurs maisons de son ordre, en particulier du célèbre couvent de Saint-Jacques, à Paris 3). Ce fut là que Madame de Franclieu alla le chercher en 1772, pour étudier le passé de son monastère. Le Père Véronneau n’était point archiviste de profession, néanmoins il s’attaqua avec courage au chartrier d’Yerres; il en prit toutes les pièces, les traduisit, les transcrivit et en composa un inventaire qui nous reste. Ce grand travail, recopié par la main des religieuses et orné par elles de dessins, d’encadrements, et de plans, formait un total de quatorze volumes in-folio, dont il n’existe plus que dix. L’œuvre fut achevée en quelques années, comme en témoigne la lettre ci-dessous 4).

féodale à l’État à cause du droit d’échange; — un gros aux curés de Lieusaint, — d’Évry, — de Drancy, — de Brie, — de Montgeron. — d’Athis. Elle ne doit plus rien aux curés d’Yerres et de Puiselet, parce qu’on leur a abandonné les deux tiers de la dîme; à celui de Villabé on l’abandonne toute entière. — De plus, on doit acheter chaque année pour 300 livres de cire pour les offices.

L’abbaye réclamait les droits de haute, moyenne et basse justice au Plessis; — à Amerbois; — à Retolu; — au Mesnil-Racoin et dans l’enclos de l’abbaye. En fait elle ne l’exerçait qu’au Plessis et à l’abbaye.

(1) Le 0 avril 1772, d’Ogeron donna quittance des 6.000 livres, qu’il reçut par les mains de Jacques-Étienne Bougault Ducoudray, trésorier des secours accordés par le roi aux pauvres communautés.

(2) Le P. Véronneau fut le dernier prieur de Poitiers.

(3) “Nous, Thérèse-Angélique de Franclieu, abbesse de l’abbeye royalle

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M. Mévil, avec sa légèreté ordinaire, a cru devoir faire honneur de cet inventaire au Bénédictin D. Grenier. Voici en effet ce qu’il dit dans sa brochure:

« La dernière abbesse d’Yerres fut Th. Ang. de Fr. À sa demande, D. Grenier, si connu par ses immenses travaux sur l’histoire de la Picardie, son pays natal, vint à Yerres, mettre en ordre les archives du couvent, et écrire le précieux inventaire que nous possédons de cette belle collection. Ce grand travail était à peine achevé, lorsque parut le décret de l’Assemblée Constituante, qui supprimait les maisons religieuses.”

Il est probable que D. Grenier ne mit jamais les pieds à l’abbaye d’Yerres; mais dans la pensée de certains érudits de l’école de M. Mévil, un Bénédictin seul est capable de faire l’inventaire d’un chartrier aussi considérable que celui dont il s’agit! et dire que M. Mévil avait à sa disposition la lettre de Madame de Franclieu, au véritable auteur de l’inventaire!

En faisant son travail, le Père Véronneau eut la malheureuse idée de supprimer un certain nombre de pièces, de nature selon lui, à faire scandale. Tout ce qui se rapportait à Jeanne de Rauville, dont il s’efforça de réhabiliter la mé-

d’Hyerres, diocèse de Paris, avons prié le T. R. P. Veronneau, docteur en théologie, ancien prieur des Dominicains et colège de Saint-Jacques à Paris, de vouloir bien accepter l’obligation que je lui fais par ces présentes, en mon nom et en celui de mon abbeye, d’une pension annuelle et viagère de 300 livres, comme une faible marque de ma reconnaissance, et de celle que lui devra à jamais cette maison, pour les travaux imances et inapréciable, qu’il a fait dans les archives de mon abbeye, dont il y a 14 vol. in-folio d’inventaire, volume in-folio du terrier du domaine, et les plans et aussi ceux de toutes les terres, seigneuries, maisons, hôtels, sur lesquelles il est dû à mon abbeye, et enfin pour tous les importants services qu’il m’a rendu — et que je le prie de vouloir bien me continuer — par ses conseils; les peines qu’il c’est donnée pour m’aider à terminer tous les procès, dont cette abbeye était accablée depuis un nombre d’années, avant que j’ay été nommée abbesse.

A ces causes nous autorisons en notre nom et celui de notre abbeye le R. P. Veronneau de pouvoir exiger, si bon lui semble, un contrat en forme de la susdite pension de 300 livres, payable d’avance, année par année, le premier jour d’août, dont la première a commencé aujourd’hui 1er août 1780, que nous lui avons prié de recevoir.

S T de Franclieu, abbesse d’h verres

AU NOM DE TOUTE MON ABBEYE.

(Le double est écrit sur notre registre particulier).

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moire, en inscrivant son éloge clans l’Obituaire ; ce qui avait trait à Marie de Pisseleu ; la plupart des lettres des arche- vêques de Paris, relatant des querelles de doctrine, de juridic- tion, et principalement les avertissements comminatoires tout récents, adressés à Madame de Clermont, furent jetés au feu. Cette œuvre de destruction devait être continuée quelques années plus tard par l’Etat, qui envoya, à l’administration de ' la guerre, de nombreuses pièces de parchemin, pour faire des gargousses. Le temps, ce grand ouvrier, a détruit lui aussi des documents, d’archives, que l’inventaire le mieux fait ne saurait suppléer.

Madame de Franclieu s’intéressait vivement aux travaux accomplis par le Père Véronneau, elle le secondait de tout son pouvoir, et l’aidait dans la mesure de ses forces. Elle annota de sa main plusieurs mémoires, entre autres celui de sa devancière, relatif aux droits de justice, qu’elle fit remonter à 1307, au lieu de 1519; elle aurait pu facilement invo- quer d’autres documents, dont nous avons parlé plus haut. En 1778, elle obtint de Louis XVI, des lettres pour faire dresser à nouveau, le terrier du monastère; et en 1780, elle écrivit elle-même un mémoire relatif au droit d’échange.

Cependant le Père Véronneau n’était pas seulement l’archi- viste du monastère, il était encore le conseil de l’abbesse, pour certaines affaires temporelles, tels que les procès, éteints en grand l nombre, par Madame de Franclieu, grâce aux avis éclairés et aux démarches de l’habile religieux. Du reste, son goût pour ce fils de Saint-Dominique, n’empêchait pas l’ab- besse de témoigner sa sympathie aux membres des autres familles religieuses. C’est ainsi qu’elle eut pour confesseur de sa maison, pendant six ans, M. Imberti, ancien Jésuite, qui lui laissa en 1779, un petit volume in-16, imprimé à Pont- à-Mousson, en 1619. Il contenait les Constitutions des Jé- suites , et une note écrite après coup, dans un des volumes de l’inventaire, fait cette singulière réflexion : « On est surpris, « lorsqu’on a lu attentivement ces Constitutions, que le Corps « qu’elles ont formé, ait pu subsister pendant deux siècles, « dans un état policé. »

Madame de Franclieu ne se bornait pas à faire écrire et à

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écrire elle-même des mémoires sur le passé de sa maison, elle en gouvernait les intérêts présents avec soin : témoins, les nombreux baux qu’elle a laissés, et où reluit sa sage et vigilante activité. Ces contrats passés durant vingt'%ns, ne nous apprennent [pas grand’chose, si ce n’est que l’abbaye avait des difficultés avec les habitants de Videlles, et avec le curé de Montgeron ; mais vivait en paix avec MM. Gilbert Lavallée, curé d’Yerres, et J. -B. Vaillant, son successeur. Cependant le bail des dîmes d’Évry, portant la date de 1785, mérite une mention spéciale, car il nomme avec l’abbesse, « les nobles Dames Marie-Madeleine de Miremont, prieure ; — Elisabeth Godescard de l’Isle ; — Marie-Madeleine Huet ; — Marie Laplanche ; — Marie Glorieux ; — Élisabeth Gauthier ;

— Catherine Cossendy ; — Marie Gauché ; — Jaqueline Gal- lais ; — Catherine de Barège, toutes religieuses professes de la dite abbaye royale d’Yerres, composant le bureau ordi- naire d’administration des biens et revenus d’icelle, capitu- lairement assemblées au son de la cloche, en la manière accou- tumée, au grand parloir et grille de la dite abbaye, où elles sont dans l’usage de s’assembler pour les affaires temporelles.»

Malgré ses qualités éminentes, au point de vue adminis- tratif, Madame de Franclieu ne sut point relever sa maison par le côté religieux et monastique. Durant sa prélature, la communauté ressemble à une honnête association bourgeoise de femmes vêtues de noir, à l’air un peu hautain et solennel, ayant l’habitude d’entendre la messe chaque matin, de psal- modier les vêpres à une heure convenable de la soirée, et de se livrer doucement, de temps en temps, à quelques petites dévotions ; mais de la vie pénitente et mortifiée des an- ciennes filles de Saint-Benoît, il n’est plus question 5).

Angélique de Franclieu a aussi continué les errements de Madame de Clermont sous un autre rapport : celui des visites fréquentes et prolongées de personnes étrangères à l’abbaye,

(l) Voici l'horaire de la fin du xviiC siècle, trouvé dans une note de l'inven- taire. — Chaque jour Messe à 7 heures ; Vêpres, à 3 heures. — Fêtes et Diman- ches Grand’Messe à 9 heures 1/2; Vêpres chantées à 2 heures 1/4. — Chaque premier jeudi du mois, salut à 5 heures, avec exposition du Saint-Sacrement.

— Il n’est pas question des Matines, ni des Petites Heures que chaque moniale récitait sans doute en particulier.

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qu’il faut nourrir et traiter somptueusement. Les Clermont parasites ne sont plus là; mais les Franclieu les ont remplacés, et ont fait, du monastère, la maison de plaisance de leur famille. Les neveux de l’abbesse, — et ils sont nombreux, puisque son père a eu onze enfants, — et entre autres “le beau Palaminy sont journellement à Yerres; ils occupent tous les appartements disponibles, si bien qu’il n’en reste plus pour le Père Véronneau, contraint d’aller chercher un gîte chez un voisin complaisant.

Et pour nourrir toutes ces bouches affamées, que ne fait-on pas? La basse-cour de la maison, bien fournie cependant, est insuffisante: aussi on achète du gibier en toute saison: perdreaux, faisans, lièvres, lapins, cailles, râles de genet 6), tout arrive à l’abbaye pour le plaisir des hôtes. Pendant la seule année 1773, on fit venir deux cent soixante pièces de gibier; deux cent dix en 1774, et de même toutes les années suivantes.

Les revenus de la mense abbatiale continuaient d’être trop modestes, pour satisfaire à toutes ces fantaisies de grandes dames. — Afin d’équilibrer le budget, perpétuellement en déficit, on avait recours aux deux moyens ordinaires r la bourse du roi r et la diminution du nombre des religieuses; aussi n’en recevait-on que de bien rentées. Chaque fois que la mort enlevait l’un des membres de la communauté, on cherchait bien à remplacer la défunte, mais la grande préoccupation, celle qui dominait toutes les autres, c’était le contrat de pension; sans lui, il n’y avait plus de vocation.

Toutefois Madame de Franclieu avait poursuivi avec un louable esprit de suite son projet de réorganisation totale du monastère. Entre 1780 et 1791, des, travaux de maçonnerie assez importants, furent entrepris, pour consolider de vieux bâtiments et faire disparaître d’anciennes constructions en ruines.

Ceci amena le déplacement du cimetière. Les sépultures dans l’église étaient dès lors une exception; le cloître ne recevait plus aucune dépouille mortelle. Mais il y eut deux (1) Chacune de ces pièces, petite ou grosse, coûtait une livre; et les perdreaux étaient apportés surtout en juillet et en août, au moment des couvées!

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cimetières: l’un dit extérieur, pour les familiers, les serviteurs, les domestiques et de rares étrangers, désireux de dormir leur dernier sommeil à l’ombre du cloître; l’autre, dit intérieur, pour les moniales. Ces deux cimetières furent bénits, en 1788, par Messire Chenu, curé de Brie-Comte-Robert, spécialement délégué par Monseigneur de Juigné, archevêque de Paris. C’était bien l’heure en effet d’ouvrir des lieux de sépulture, car le glas funèbre de l’abbaye elle-même allait bientôt retentir.

La fin de 1790 et toute l’année 1791 furent remplies par les allées et venues des commissaires du gouvernement, des administrateurs du département et du district, puis des officiers municipaux, chargés d’interroger les religieuses, et de dresser des inventaires et des récolements.

Nous n’avons pu retrouver l’interrogatoire de Madame de Franclieu, ni celui de ses filles; mais tout indique qu’elles acceptèrent sans protestation le nouvel état de choses, car toutes reçurent une pension, comme il résulte du tableau ci-joint 7).

M' no de Franclieu, abbesse.

de Miremont. prieure, dite de Sainte-Adélaïde

— Huet, de Saint-Benoît

— La Planche, de Sainte-Lucie . .

— Glorieux…'

— Gauthier, de Saintes-Pélagie. . . .

— Cossendy, de Saint-Pierre …..

— Gaucher, de Sainte-Pélagie. . . .

— Gallais, de Sainte-Sophie

— de Barège. de Saint- Magloire..

— Gabrat. de Sainte-Cécile

— Edmont. de Saint-Bazile

— D.-Vergis. de Saint-Clément…

— de Pouget, de Saint-Paulin….

— Dauphin, de Saint-Jean

— de Thietry, agrégée ;…

Sœurs converses

Sœur Bernard

— Chaület morte (le 2 août 1792)

— Petit

— Vinot

— Le Bau

— Martel

Bourguignon, agrégée. , Vacher '

Fait à Yerre le 10 octobre 1792.

a loi du 14 octobre

61 ans

2000 liv.

71 —

700 —

80 —

700 —

69 —

66 —

59 —

59 -

59 -

35 —

33 —

39 —

29 —

31 —

32 —

24 -

45 —

350 -

69 ans

350 liv.

68 -

* —

69 —

37 -

29 -

23 -

81 -

2? —

née le 2 octobre 1730

— le 1” mars 1722

— 5 octobre 1712

— 20 mars 1724

— 25 novembre 1732

— 20 juin 1740

— 23 octobre 1742

— 6 août 1756

— 14 novembre 1758

— 12 février 1754

— 21 septembre 1762

— 2 février 1760

— 31 décembre 1759

— 5 février 1765

— 23 août 1746

Née le 3 octobre 1722

— 2 juillet 1722

— 8 août 1753

— 26 mars 1762

— 17 mars 1768

— 31 juillet 1710

— 4 mars 1765

Marie-Françoise-Marguerite Toutain de Richebourg, reli- gieuse Ursuline dArgenteuil , résidente cy -devant àl’abbaie d'Yerres comme pensionnaire depuis le 26 juin 1791, née le 23 juin 1732.

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- Les administrateurs : François-Godard Desmarets, Joseph-Philippe David, Jacques Venteclef vinrent plusieurs fois à l’abbaye, en 1791, chercher des pièces, puis des parties de l’inventaire, afin de préparer la spoliation. Les religieuses évacuèrent définitivement le monastère le 10 octobre 1792, et s’en allèrent dans différentes directions, où il nous est impossible de les suivre. Quant à Madame de Franclieu, elle traversa la période révolutionnaire, et mourut, le 10 décembre 1814, aux environs de Pont-Sainte-Maxence, dans l’Oise, à l’âge de quatre-vingt-quatre ans.

Aussitôt que les dernières Bénédictines eurent quitté le cloître; sur l’ordre du maire d’Yerres, nommé Boursault, le maçon Féval se mit à desceller les fenêtres de la chapelle, à démonter les escaliers, à descendre les tableaux, les tapisseries de haute lisse, les consoles et les statues de marbre, répandues un peu partout dans l’abbaye. On fît, de toutes les richesses rassemblées là depuis six siècles, un monceau qui devait tenter la cupidité des voleurs. Ils vinrent en effet, rompirent le mur de clôture, pillèrent le potager et tentèrent de pénétrer jusqu’à l’immense butin, renfermé dans les appartements; mais ils furent repoussés par des gardiens, que le vigilant Boursault avait commis à la surveillance des biens nationaux. La vente commença bientôt. Elle eut lieu tous les jours et dura un mois environ, sous la surveillance et la direction des citoyens Boursault, Feron et Defresne, officiers municipaux. Ceux-ci étaient tout zèle et tout flamme pour le bien de la Nation, mais ils aimaient aussi le leur; c’est pourquoi ils réclamèrent avec énergie le paiement des journées, passées par eux à surveiller et à diriger la vente. La Nation, toujours généreuse, éconduisit leur requête, sous prétexte que la loi déclarait gratuites les fonctions municipales.

Boursault s’y rattrapa un plus tard, en achetant, le 2 messidor an VII (20 juin 1799) le moulin de Masières, pour la modique somme de 1.200.000 livres en assignats. Il avait la ferme intention de ne jamais verser un centime; mais comme la Nation devenait de plus en généreuse, elle lui fit quelques petits ennuis, au sujet de sa dette impayée. Un décret |283 du 15 thermidor an X — août 1802 — le déclara déchu de son acquisition. Le moulin resta la propriété de l’État durant de longues années; il fut définitivement vendu le 29 décembre 1830, à un nommé Prod’homme, pour la somme de 22.200 francs.

  • Quant au monastère, il attendit moins longtemps.
  • Le 31 mai 1793 “l’abbaye et maison conventuelle d’Yerres, “située entre Brunoy et Yerres, consistant en bâtiments, cours, jardins, prairies, enclos et autres aisances, circonstances et dépendances, canal, pré, etc., le tout contenant vingt-trois arpents, soixante-quinze perches, cinq pieds environ, à la mesure de vingt pieds pour perche”, fut vendue au citoyen Baudier, demeurant à Yerres, pour 150.000 livres, en assignats.
  • Il n’y avait plus d’abbaye!

Documents

Sources

Bibliographie

Notes

1) , 2) , 3) , 4) , 5) , 6) , 7)
Note d'Alliot.
thereseangelique.depasquier.txt · Dernière modification: 2022/07/26 08:41 de bg