Corpus Essonnien

Histoire et patrimoine du département de l'Essonne

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Anne-Marie-Louise-Thérèse de Clermont d'Amboise de Revel (...1770-1792...)

Notule

  • Anne-Marie-Louise-Thérèse de Clermont d'Amboise de Revel, religieuse de Notre-Dame d'Yerres, en fut la quarante-quatrième abbesse de 1761 à 1770.

Notice d'Alliot

  • Chapitre XXIII. (…) — Anne-Marie-Louise-Thérèse de Clermont d'Amboise de Revel (1761-1770).
    • (…) — Madame de Clermont. — Son caractère. — Ses luttes. — Nouveau bail général. — Il amène la ruine du couvent. — Insouciance de Madame de Clermont. — Son départ d'Yerres.
  • (…).
  • Vingt jours après la sépulture de Madame Desmarets, c'est-à-dire le 27 janvier 1761, Anne-Louise-Marie-Thérèse de Clermont d'Amboise de Revel fut pourvue de l'abbaye d'Yerres. Fisquet la nomme Claire-Eugénie , mais nous savons que Fisquet n'en est pas à une substitution de nom près; l'abbesse elle-même a donné ses prénoms dans de nombreux contrats qui subsistent, et c'est à son propre témoignage que nous nous en rapportons. Elle était fille de Jean-Baptiste-Louis de Clermont d'Amboise, marquis de Revel, et de Henriette de Fitz-James; elle avait fait profession à l'abbaye de Saint-Paul de Beauvais, où ses parents l'avaient placée dès son enfance. L'arrivée de la nouvelle titulaire à Yerres ouvrit une ère de tempêtes et d'orages, après le demi-siècle de calme et de tranquillité, qui venait de s'écouler. Irascible, fastueuse, Madame de Clermont était réellement incapable de gouverner, surtout une maison religieuse.
  • Le premier acte de sa prélature est un bail de la ferme de Sénart, fait à Louis Gilbon et à Marie Chaise, sa femme, pour la somme de 200 livres. Signé au mois de décembre 1761, il contient les noms de Marie Pilon, prieure, Geneviève Petit de Logny, souprieure, des deux sœurs Huet, de Catherine Beaussire, Anne Bouillier, Jeanne Liber, Élisabeth Godescar de Lille, Anne Josse, Marie de Sanguin, Marie de Combes, Marie la Planche, Marie Glorieux et Marie Pauquerant, en tout seize professes. Si on y joint les novices et les converses, on devine que la communauté ne comptait pas en tout plus de vingt ou vingt-cinq religieuses, qui ajoutent à leur nom de famille un nom de saint ou de sainte; on dit par exemple, sœur Marie Gauché de Sainte-Euphrasie. Cet usage assez généralement répandu dans les communautés au |269 XVIIIe siècle, n'apparaît à Yerres que sous la prélature de Madame de Clermont.
  • L'abbesse eut d'assez nombreuses difficultés avec les curés d'Yerres et de Brie, relativement à l'éternel et toujours contesté droit de dîme. La dîme était déjà fort en défaveur au siècle dernier, aussi les religieuses ne percevaient-elles plus directement ce droit impopulaire. Partout elles l'avaient cédé à des fermiers fort exigeants, qui créèrent, par leur âpreté, de graves difficultés au monastère. De ce nombre étaient Richoux tenancier de l'abbaye, et un certain Viraudet qui détint les dîmes de Brie pendant vingt-cinq ans, au grand mécontentement de M. Liévin, curé de la paroisse.
  • Ardente aussi fut la lutte avec M. de Moras, seigneur de Grosbois, pour l'exercice de la justice. En 1766, Coudry, meunier à Mazières, mourut insolvable. A cette occasion les officiers de justice de Grosbois vinrent pour instrumenter jusque dans l'abbaye, ce que Madame de Clermont repoussa avec hauteur et colère. Elle fit dresser, par un nommé Babille, un mémoire relatif à l'exercice du droit de justice. Babille était-il incapable? On ne sait. Pour lui, l'abbesse d'Yerres n'exerçait la justice que depuis 1519, ce qui était fort inexact comme nous l'avons vu. Cette étude superficielle dans les archives du monastère concluait en somme contre les prétentions de l'abbesse, ce qui n'empêcha pas, d'ailleurs. Madame de Clermont de faire jeter, dans la prison du couvent, fermée depuis longtemps, la veuve du meunier Coudry, parce qu'elle avait enlevé clandestinement une partie des effets appartenant à la succession. Cette malheureuse fut retenue dans la geôle, sous la garde du concierge, nommé Doublet, et soumise à l'interrogatoire du sieur Nouette, successeur de Moreau, qui avaient exercé à eux deux la justice à l'abbaye, depuis soixante-quinze ans, avec le titre de prévôts.
  • Nouette avait de l'expérience et de l'honnêteté; malgré cela il n'arriva pas à préserver l'abbesse contre elle-même. Elle tomba bientôt entre les mains d'hommes d'affaires peu consciencieux, qui profitèrent de son inexpérience pour amener sa ruine et celle de sa maison. Désireuse de se décharger du souci des affaires temporelles, Madame de Clermont passa le |270 5 novembre 4768, un bail général de toute la mense abbatiale d'Yerres, à un sieur Mathieu, qualifié bourgeois de Paris. Celui-ci n'était, paraît-il, que le prête-nom d'un certain d'Ogeron; un mémoire du temps va même jusqu'à dire qu'il était simplement son domestique.
  • Ce bail, contre lequel l'expérience du passé aurait dû prémunir l'abbesse, ne fut cependant point, comme on l'insinua plus tard, le résultat d'un coup de tête. Au contraire, on l'entoura, ce semble, de toutes les garanties imaginables: consultation de l'archevêché de Paris, des hommes d'affaires, et du Conseil du roi: il ne fut conclu que pour neuf ans, moyennant le prix annuel de 13,000 livres, plus 45 muids de froment, des redevances en pailles, chapons et menues denrées. L'inventaire détaillé de toutes les ressources de l'abbaye, en 1768, y est fait minutieusement; les contrats en cours d'exécution sont sauvegardés; il est lu et signé en présence des quinze professes de la maison, et paraît à l'abri de tout dol, de toute critique et de toute fraude. Et pourtant ce malencontreux bail amena, à bref délai, la ruine de la communauté et le départ de l'abbesse.
  • Comment expliquer ce résultat? Car enfin le prix de 43.000 livres semble assez élevé, si on le compare aux chiffres anciens déjà cités. Certaines clauses du contrat n'étaient pas, paraît-il, exécutables, et il fallut les modifier; en outre, Mathieu ou d'Ogeron avaient nécessairement recours à des sous-fermiers, qui n'étaient pas d'une honnêteté irréprochable. Mais ce sont là des accidents ordinaires en pareille circonstance, et que tout le monde peut prévoir.
  • Une autre cause de la ruine, et peut-être la véritable, nous semble avoir été la négligence et l'insouciance de Madame de Clermont. Prodigue et dissipatrice à l'excès, elle dépensait sans compter; ne faisant face à aucun engagement, elle négligeait d'acquitter même les gages de ses domestiques, si bien qu'au mois d'avril 1770, l'abbaye avait plus de 30.000 livres de dettes criardes. Ceci n'empêchait point l'abbesse de perpétuer un abus déjà introduit dans la maison, pendant la vieillesse de Madame Desmarets. L'abbaye, située dans une riante vallée, était le rendez-vous et le but de promenade |271 d'une multitude de gens du monde. On y recevait des hôtes nombreux, on y donnait des repas somptueux aux visiteurs de marque; ces festins se prolongeaient à un tel point, qu'on était contraint de supprimer les vêpres au chœur, pour faire face aux obligations mondaines.
  • Madame de Clermont ne fit rien pour arrêter ces abus, elle les favorisa au contraire et les développa outre mesure. Les membres de sa nombreuse famille étaient sans cesse à l'abbaye, et s'y conduisaient en véritables parasites: point de fêtes solennelles sans eux, pas de prises d'habits ou de cérémonies des vœux, sans que les Clermont ne soient là. Ils ont les premières places à la chapelle, et ne font pas mauvaise chère à table. Un simple détail en fournira la preuve. Pendant l'année 1769, on prit pour 3.422 livres de viande, sans préjudice du gibier dont on faisait une consommation effrayante; on acheta pour 1.600 livres d'épicerie à Paris, et pour plus de 800 livres à d'autres épiciers de Choisy et de Villeneuve-Saint-Georges. Notons que la communauté ne se composait pas de plus d'une vingtaine de religieuses, que la viande se vendait quatre à cinq sols la livre ou 0,50 le kilo; que les religieuses se faisaient remettre plus de cinquante chapons de redevances, qu'elles avaient une basse-cour fort bien fournie, nourrissaient des porcs, et avaient deux ou trois vaches 1). Chez elles, le carême lui-même n'était pas trop rigoureux, puisque le boucher apporta, dans les trois premiers mois de 1770, pour 650 livres de viande, et l'épicier pour 1055 livres de denrées diverses.
  • Nos Bénédictines ne se recrutaient plus guère dans la haute aristocratie, mais bien dans la petite bourgeoisie. Néanmoins elles étaient toutes “nobles dames” et vivaient comme telles. Car elles ne faisaient plus aucun des travaux qui s'imposent aux femmes dans toutes les communautés: elles avaient à leur service cinq femmes de chambres, sans parler des lingères, des lessiveuses, des blanchisseuses qui leur venaient chaque matin d'Yerres et de Brunoy. Bien plus, |272 au chœur, pas une d'elles n'était en mesure de tenir l'orgue, cette fonction était remplie par une demoiselle Garnier, qui de ce chef recevait pour ses gages annuels 150 livres. En revanche, les religieuses entretenaient toutes une correspondance effrénée, à faire pâlir un ministre d'État.
  • Ce furent, croyons-nous, cette vie facile, cet abandon de toutes les traditions, de tous les pieux usages monastiques et ces criants abus, qui amenèrent des tiraillements à l'abbaye, des récriminations contre le gouvernement de Madame de Clermont, et la rendirent impossible. Le comprit-elle? ou le lui fit-on comprendre? L'histoire ne le raconte pas. Mais, devenue insolvable, poursuivie par ses créanciers, et surtout menacée par l'archevêque de Paris, Christophe de Beaumont, Anne-Louise de Clermont d'Amboise donna sa démission, au mois de mars 1770; elle quitta immédiatement Yerres, et fut nommée peu après abbesse du Parc-aux-Dames, monastère cistercien, situé dans le diocèse de Senlis. Elle y mourut en 1778, dit Fisquet, en 1786, affirme Sainte-Marie Mévil.

Documents

Sources

Bibliographie

Notes

1)
Note d'Alliot — Chose extraordinaire, nos moniales, qui possédaient encore une assez grande quantité de bois-taillis, achetaient néanmoins pour 3.000 livres de bois de chauffage en 1769.
almt.declermontdamboise.txt · Dernière modification: 2022/07/26 08:12 de bg