Corpus Essonnien

Histoire et patrimoine du département de l'Essonne

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Agnès de Chartrettes (?-1360)

Notule

  • Agnès de Chartrettes, religieuse de l'abbaye Notre-Dame d'Yerres, en fut la dix-huitième abbesse, de 1349 à 1360.

Notice de l'abbé Alliot

  • Chapitre XI. Agnès de Chartrettes (1349-1360) — (…).
    • La guerre de Cent-Ans. — Difficultés administratives. — Le pain du roi. — Testament de Marguerite de Courtenay. (…).
  • Au mois de novembre 1349, Agnès de Chartrettes fut mise en possession de l'abbaye d'Yerres. Elle tirait son origine d'une famille connue et voisine du monastère 1). Un de ses proches, son père peut-être, Guichard de Chartrettes était au nombre des bienfaiteurs de la maison, et avait fondé une messe dans la chapelle.
  • À l'heure où la nouvelle titulaire prenait possession de la crosse, les temps se faisaient difficiles. Les Anglais avaient pénétré jusqu'au cœur de la France, la perte de la bataille de Crécy et la prise de Calais avaient amené le désarroi dans le royaume, une cruelle maladie, la peste, épouvantait les campagnes; les souffrances et la misère suscitaient les mauvaises passions, et des malfaiteurs se répandaient partout dans les campagnes, les routes étaient peu sûres et les communications devenaient chaque jour plus difficiles entre l'abbaye et plusieurs de ses possessions éloignées. C'est cette situation qui |120 poussa nos religieuses à conclure des baux à longs termes ou emphytéotiques pour la plupart de leurs biens. Ce système d'amodiation était détestable, surtout pour le propriétaire; car il détruisait son autorité sur la terre, le portait à négliger sa surveillance, et enfin faisait du tenancier ou fermier un vrai propriétaire, qui ne pouvait être expulsé que par la force, alors même qu'il se refusait à payer son fermage. Heureusement pour nos Bénédictines, le plus grand nombre de ces contrats désastreux furent annulés de fait par des circonstances locales ou temporaires, dont le détail nous échappe; mais il n'est pas rare de voir de ces longs baux à trois vies, comme on disait alors, rompus au bout de deux ou trois ans, sans raison apparente, et suffisante cependant pour donner lieu à un nouveau contrat.
  • La terre de Drancy, près Paris, la plus vieille peut-être des possessions de l'abbaye, fut donnée, en 1349, par bail emphytéotique à Amaury de Greil et à Gilette, sa femme, pour la modique somme de 17 livres parisis.
  • Parmi les difficultés administratives on doit compter les querelles avec des voisins mal intentionnés et sans bonne foi. Jean de Pomponne, descendant des anciens bienfaiteurs de l'abbaye, est propriétaire d'une partie des bois de Sénart avec Adam de Gaittonnel, ou peut-être Gaillonnel, seigneur de Brunoy. Tous deux s'entendent pour troubler l'abbaye dans son droit séculaire de couper du bois dans la forêt.
  • Agnès de Chartrettes est contrainte d'en appeler à la justice. Jean le Cauchois, prévôt de Corbeil, rend en 1334 une sentence motivée qui maintient l'abbesse en possession de son droit, et impose silence à ses adversaires, malgré les efforts et l'habile plaidoirie de Jean de Prégny, leur procureur. De leur côté, les Chartreux de Vauvert, près Paris, sont devenus propriétaires à Yerres. Ils y possèdent un moulin en communauté avec nos religieuses, et au cours de l'année 1332, des difficultés, pour un règlement de compte, faillirent mettre aux prises les deux maisons religieuses: mais nos moniales payèrent le 7 juillet la somme de 34 livres, ce qui mit fin à la discussion.
  • Les gens du roi vinrent à leur tour tracasser l'abbesse |121 pour la levée d'un impôt, édicté par des lois récentes, à la suite des malheurs du pays, et assis sur les biens d'église. L'abbaye, naguère si riche et si prospère, a vu ses ressources diminuer tout à coup; elle est maintenant dans la gêne et elle ne peut payer. D'ailleurs l'État n'est-il pas lui-même débiteur du monastère? La dîme du pain du roi ne se prélève plus en nature; depuis bien longtemps elle a été convertie en deniers. Or, les caisses publiques étant vides, il y a plusieurs années d'arriéré, et de ce chef on doit au monastère la grosse somme de 250 livres 4 sols et 8 deniers. N'est-il pas juste et logique que l'État s'acquitte d'abord? Mais les percepteurs du XIVe siècle, comme ceux de tous les temps, ne veulent rien entendre, ils pressent et menacent l'abbaye. Agnès de Chartrettes n'était pas sans crédit à la cour. Par des influences de famille, elle fit arriver jusqu'aux oreilles du roi ses réclamations et ses doléances: aussi Jean le Bon, par une ordonnance du 10 novembre 1352, accueillit le bien-fondé des raisons apportées par l'abbesse, et statua que la Chambre des Comptes devait acquitter sa dette, sous déduction de la somme due au fisc par la communauté d'Yerres.
  • Tout l'abbatiat d'Agnès de Chartrettes s'écoula en difficultés et en discussions. A peine aperçoit-on çà et là une éclaircie dans ce ciel sombre et dans ces temps malheureux. L'abbesse avait cependant autour d'elle des religieuses bienfaisantes, disposées à la consoler des tristesses du dehors et des soucis de la prélature. De ce nombre fut Pétronille de Villiers, qui mourut jeune à l'abbaye et s'efforça d'embellir la vie de ses sœurs en religion. Elle leur légua deux petits coffrets (bastulos) et six gobelets d'argent avec nombre d'autres biens.
  • Du temps de l'abbesse Agnès, le 10 octobre 1355, Marguerite de Courtenay, femme de Pierre Sohier de Voisins, testa magnifiquement en faveur de l'abbaye. Elle fit appeler le curé de Boissy-Saint-Léger, et en présence de ses deux filles, Marguerite et Lætitia, de Jeanne la Gamarde, de Marguerite la Valaine, et de plusieurs autres témoins, elle lui dicta ses dernières volontés. Entre autres biens, elle légua à |122 l'abbaye six septiers de blé, à prendre chaque année sur plusieurs de ses terres, à charge de dire des messes pour le repos de son âme, de celle de ses parents et de ses amis. Elle voulut aussi que son corps reposât près de ceux de ses proches, dans l'église abbatiale. Ce fut la dernière des Courtenay d'Yerres, enterrée à l'abbaye.
  • Mais lorsque cette succession s'ouvrit au mois d'octobre 1360, Agnès de Chartrettes n'était plus de ce monde; elle mourut le mercredi 21 juillet 1360, après avoir régi la communauté pendant dix ans et neuf mois. Comme beaucoup d'autres abbesses, elle laissa une partie de sa fortune à son monastère: 50 livres parisis et 20 sols, pour célébrer chaque année son anniversaire 2). Ce secours ne fut pas inutile dans les jours mauvais que traversait l'abbaye; presque chaque jour, les gens de guerre et des bandes de malfaiteurs venaient frapper à la porte du couvent, rançonnant les moniales ou les Nonnains, comme on disait alors, troublant l'ordre et la paix du cloître, épouvantant les religieuses, dont quelques-unes rentrèrent dans leurs familles, ce qui diminua sensiblement le nombre des membres de la communauté.
  • (…).

Documents

Sources

Bibliographie

Notes

1)
Note d'AlliotChartrettes. — Commune de l'arr. de Melun (S.-et-M.).
2)
Note d'Alliot — L'obit d'Agnès de Chartrettes, certainement rédigé par une de ses contemporaines, est d'une écriture droite, ferme, et d'une calligraphie magnifique. Il a servi de point de repaire à l'un de ceux qui se sont efforcés de fixer l'âge et la date des Obituaires. Une note, placée en tête du manuscrit, dit expressément que cet article est de la seconde main, mais une étude approfondie de nos manuscrits ne tarde pas à faire reconnaître qu'il est de la cinquième ou sixième.
agnes.dechartrettes.txt · Dernière modification: 2022/07/21 08:18 de bg