Corpus Essonnien

Histoire et patrimoine du département de l'Essonne

Outils pour utilisateurs

Outils du site


agnes.decourciaux

Agnès de Courciaux (?-1349)

Notule

  • Agnès de Courciaux, religieuse de l'abbaye Notre-Dame d'Yerres, en fut la seizième abbesse, de 1338 à 1349.

Notice de l'abbé Alliot

  • Chapitre X. (…) Agnès de Courciaux (1338-1349)
    • (…) Agnès de Courciaux. — Jean de Herces. — Son testament. — L'Hôtel-Dieu de Corbeil. — La justice.
  • (…).
  • Pour lui succéder [pour succéder à Élisabeth de Versailles], les moniales firent choix d'une sœur qui vivait dans la familiarité de la précédente abbesse, et était fort probablement de sa parenté. Elle se nommait Agnès de Courciaux et les catalogues l'appellent simplement Agnès III. De sa prélature, il nous reste d'assez nombreux actes très intéressants à étudier et à faire connaître.
  • Le plus curieux de tous est le testament de Jean de Herces, nommé Jean de Haitus par l'Obituaire. Originaire du hameau dont il prit le nom, situé dans la paroisse de Périgny 1), |114
  • Jean de Herces était clerc ou plutôt basochien, car il fut marié deux fois; une première fois à une femme nommée Marguerite, et une seconde fois à une femme appelée Émeline, qui toutes deux lui apportèrent du bien et contribuèrent à sa fortune. Ce clerc, comme il s'intitule constamment, était né vers 1280, de parents peu fortunés, et probablement tenanciers de l'abbaye, qui possédait à Herces un petit domaine, dès avant le milieu du XIIIe siècle, par suite d'une libéralité d'Herbert de Brie, faite en 1237. Jean fut instruit aux frais du monastère et lui en demeura reconnaissant. Comme il ne laissait pas d'héritiers directs, il testa en faveur de l'abbaye, par acte du mois de décembre 1341, et sa succession s'ouvrit en juillet 1343.
  • Jean de Herces donnait aux religieuses quarante-cinq arpents de terres, sises en divers lieux et amorties en 1338 sur plusieurs particuliers, tous soigneusement nommés dans l'acte 2). Le testament dit expressément que ces biens légués sont plutôt une rétribution qu'une pure libéralité. Puis le testateur se répand en louanges admirables et précieuses au point de vue historique, sur le passé du monastère. Il l'a connu, dit-il, depuis cinquante ans, il y a vu fleurir la discipline la plus exacte, et l'observance la plus parfaite, gardées par des moniales d'une vie pure et innocente; en un mot cette maison est à ses yeux le paradis de toutes les vertus. “Summe et sancte religionis exactam observantiam, vite purioris innocentiam et alia preclara virtutum insignia, quibus dicte religiose pollere noscuntur.”
  • Malgré cet éloge, Jean de Herces avait-il le pressentiment que cette brillante situation était menacée? Peut-être, car il anathématise à l'avance l'abbesse, coupable de laisser le relâchement s'introduire à Yerres, la menace de la colère de Dieu et appelle sur sa tête les vengeances du ciel, puis lui retire la jouissance de tous ses biens.
  • Il imposait également différentes charges à la maison. |115 Après son décès, l'abbesse devait chaque semaine, faire célébrer cinq messes, par un prêtre idoine et suffisant; elle devait payer à celui-ci chaque année, six livres, afin qu'il vaquât plus attentivement au service divin; en outre il sera logé, nourri et vêtu aux frais de la maison, en un mot on le traitera comme l'un des prêtres et des frères de l'église conventuelle. C'était la fondation d'un nouveau chapelain imposée à nos moniales. Que si d'aventure ce chapelain devenait indigne et scandaleux, de sa propre autorité, l'abbesse devait l'évincer aussitôt, puis le remplacer par un autre.
  • Les simples moniales ne furent pas oubliées par leur admirateur Jean de Herces. Il leur légua une assez forte somme en numéraire, à prendre sur sa riche succession 3), et fonda |116 pour elles un repas somptueux, chaque année, au jour des Brandons, avec injonction de leur acheter du poisson “le meilleur et le plus convenable qu'on pourrait se procurer”, celui de la pièce d'eau ou de l'Yerres étant jugé insuffisant.
  • Cet acte de munificence ne fut pas le seul recueilli par l'abbesse Agnès de Courciaux. Le 20 mai 1342, sous la signature de Pierre Amet, curé de Brie et tabellion de l'endroit, Nicolas Richier et Aalips, sa femme donnent aux moniales un arpent de pré, à condition d'aller tous les deux vivre et d'être reçus en familiers à l'abbaye. — En 1348, Étienne Doulcet, curé de Villiers en Beauce 4), donne 4 livres de cens pour acheter du poisson, qu'on devra servir aux moniales, le jour de l'Annonciation. Il demande avec instance à participer aux prières des moniales ainsi que son neveu, Guillaume Boulet, jeune clerc qui se prépare à recevoir les Ordres. Tous deux sont des obligés de nos religieuses.
  • Ces marques de sympathie n'allaient point sans les épreuves et les tracas ordinaires de la vie. Parmi les oppositions et les difficultés suscitées à nos Bénédictines, on est sûr de rencontrer, durant tout le moyen âge, la guerre que leur fit avec persévérance l'Hôtel-Dieu de Corbeil. Un grand procès fut jugé au mois de février 1341. Il eut pour origine le passage par la ville de Corbeil des charrettes de bois, destinées à l'approvisionnement de l'abbaye. Comme au siècle précédent, les gens de l'Hôtel-Dieu voulaient prélever une certaine quantité de ce bois pour leurs malades, disaient-ils: en vertu de privilèges réguliers et authentiques, les moniales s'y opposèrent. Les gens de Corbeil employèrent la force, et prélevèrent par la violence cette dîme du bois; les charretiers et autres serviteurs du monastère furent maltraités, battus, emprisonnés et surtout allégés d'une notable partie de leur chargement. De là, appel à la justice.
  • Pierre de Châtres, prévôt de Corbeil, fut appelé à dirimer cette querelle 5). Par un jugement fortement motivé, il |117 débouta de leurs prétentions ses voisins et administrés, les maîtres de l'Hôtel-Dieu, et rendit aux sœurs d'Yerres pleine et entière justice, contraignant leurs adversaires à payer une forte indemnité.
  • Nous ne sommes pas surpris de voir Agnès de Courciaux en appeler à la justice pour vider ses différends, car elle-même fut une grande justicière. Nous avons déjà vu l'établissement à l'abbaye de ce qu'on nommait la justice. Durant la prélature d'Agnès, cette institution prit un assez grand développement; une chambre de justice y fut créée; on nomma un prévôt, puis deux ou trois sergents qui remplissaient aussi les fonctions d'huissiers. Enfin, comme il n'y a pas de justice sérieuse sans le pouvoir de coercition, la geôle fut agrandie et des cachots y furent établis; ceux-ci ne furent point faits uniquement pour servir d'épouvantail aux malfaiteurs du voisinage; on y renferma bel et bien des manants coupables de quelques peccadilles dans les bois de Madame l'abbesse.
  • Ces officiers de justice, ces cachots, dans un monastère de religieuses étaient, il faut bien en convenir, tout à fait dans les goûts et les habitudes de nos ancêtres du XIVe siècle. Ceux-ci ne comprenaient pas une importante maison, la possession d'une grande étendue de terre, sans y voir attaché le droit de rendre la justice, avec toutes ses conséquences, au nombre desquelles se trouve l'obligation de punir et de châtier le coupable.
  • Comme la plupart des abbesses, Agnès de Courciaux fit çà et là des acquisitions; mais ce fut plutôt pour obéir à la sollicitation des vendeurs, que dans le but d'agrandir ses domaines déjà fort vastes. Nous en avons la preuve dans le contrat passé le 3 mars 1346 entre Guillaume Gatelier, Aalis sa femme et l'abbaye, pour l'acquisition d'un coin de terre, sis au terroir de Sarcé (?). Le monastère traita par l'entremise de Catherine la Perrière, simple nonnain d'Yerres, mais propriétaire des terres voisines de celles vendues par Gatelier.
  • L'abbatiat d'Agnès dura dix ans ; il fut heureux et prospère. |118 La mort cependant frappa des coups terribles sur nos moniales, et la maison perdit beaucoup de ses membres. De ce nombre furent Isabelle et Jeanne de Chilly, pour lesquelles Guiot de Chilly, leur frère, fonda un service anniversaire par acte du 26 octobre 1349.
  • À cette date, Agnès de Courciaux ne vivait plus. Elle était morte quelques mois auparavant, en février 1349. Grande dame et riche propriétaire, elle laissa en mourant 200 livres parisis d'argent à son monastère, ainsi que quelques prairies situées dans la paroisse du Chesnay6). Ce nom semble indiquer que, comme Isabelle, Agnès était d'origine versaillaise, ou du moins y possédait des biens de famille. L'argent de sa libéralité devait servir à acheter des œufs pour les religieuses, qui en faisaient alors une grande consommation. Les prêtres chapelains ne furent pas oubliés non plus par la défunte, puisqu'ils reçurent chaque année un petit revenu fixe au jour de son anniversaire.
  • Mais Agnès laissa à tous mieux que la fortune et les biens d'ici-bas, elle laissa le souvenir d'une sainte vie, remplie par la pratique de toutes les vertus monastiques et couronnée par une sainte mort, comme en témoigne son article nécrologique, écrit aussitôt dans l'Obituaire, rouvert et continué par ses soins. |119

Documents

Sources

Bibliographie

Notes

1)
Note d'Alliot. — Périgny. — Cant. de Boissy-Saint-Léger, arr. de Corbeil (S.-et-O. ).
2)
Note d'Alliot. — Ces biens dépendaient de Jacqueline, fille de Jean de Chevry; — et de Jean de Boisminart; — de Gallart de Servon; — de Jean du Bois, tous trois chevaliers. — Il y avait aussi quelques acquisitions faites sur X… de Draveil.
3)
Note d'Alliot. — C'était en effet un véritable Crésus que Jean de Herces. Voici, à titre de simple curiosité, les sommes fabuleuses trouvées chez lui après son décès. —— 1° En oboles blanches (chaque obole valant 8 deniers), 65 livres qui équivalent à six vingt livres, et 10 livres de la monnaie courante, soit 130 livres; — 2° En gros tournois (valant ….. deniers chacun), 19 livres; — 3° En autres oboles blanches, qui passaient communément pour 4 deniers tournois, 40 livres 8 sols, ce qui équivaut à six vingt livres (120 livres); — 4° En autres oboles blanches de 4 deniers tournois, 19 livres 16 sols, ce qui équivaut à 60 livres; — 5° 4300….. moins 6 gros tournois, valant en total 740 livres, moins 16 gros; — 6° 41 florins royaux; — 7° 96 florins ad minutionem; — 8° 20 florins de Mademoiselle; — 9° 2 florins marqués à la masse; — 10° 8 florins marqués à la chaize; — 11° 20 florins de Florence; — 12° 16 florins d'or de Paris; — 13° 9 florins marqués au lion; — 14° 2 doubles; — 15° 3 florins marqués à la couronne; — 16° 6 florins marqués à l'ange; — 17° 16 pavillons; — 18° 30 florins ad scutum, qui valent ensemble 691 livres; — 19° En autres gros tournois marqués à la fleur de lys, du prix de 12 deniers chacun, valant ensemble 35 livres 10 sols; — 20° En florins de Paris marqués à la table, valant ensemble 7 livres 10 sols; — 21° En la même monnaie 4 livres valant 8 livres; — 22° En autres gros tournois et sterlings, chaque gros pris pour 3 sols, valant ensemble 45 livres. — Un vrai trésor, comme on voit. —— Cet inventaire fut fait en juillet 1343. le jeudi après la Sainte-Madeleine et les jours suivants, Indiction IIa et la seconde année du Pontificat de Clément VI. Il eut lieu en présence d'Étienne Doulcet, prêtre; — de Dracon, dit Bras-de-Fer, époux de Marguerone, nièce de Jean de Herces, défunt; — de Perrin, dit Cocigni, et d'Aveline, son épouse; — de Pierre Malet; — d'Aisel Malet; — de Belone la Cheville; — et d'Agnès la Rolande: ces deux dernières religieuses à Yerres. —— En plus de l'argent, on trouva un mobilier assez complet. Il y avait entre autres choses: 14 soutanes, 130 brebis et 34 agneaux; le tout fut prisé par Ameline, fille de feu Jean Ardeur. La bibliothèque était modeste: il y avait cependant un très bon décret et neuf livres.
4)
Note d'Alliot. — Étienne Doulcet ne résidait sans doute guère à sa cure, car on le trouve souvent à l'abbaye, où son neveu étudiait sous la direction des prêtres chapelains du monastère.
5)
Note d'Alliot. — Ce Pierre de Châtres est probablement celui qui mourut en 1349. Sa |117 pierre tombale se voit dans l'église d'Arpajon. La petite taille de son effigie, ainsi que la douceur de ses traits, l'ont fait prendre pour un enfant par M. de Guilhermy.
6)
Note d'Alliot. — Le Chesnay. — Petite et très ancienne paroisse, située aux portes de Versailles (S.-et-O.).
agnes.decourciaux.txt · Dernière modification: 2022/07/21 05:46 de bg