Corpus Essonnien

Histoire et patrimoine du département de l'Essonne

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Guillemette Allegrin (...1513-1523...)

Notule

  • Guillemette Allegrin, religieuse de l'abbaye Notre-Dame d'Yerres, en fut la trente et unième abbesse, de 1513 à 1516.

Notice de l'abbé Alliot

  • Chapitre XV. (…) — Guillemette Allegrin (1513-1516).
  • (…) — Élection de Guillemette Allegrin, — la dîme, son impopularité. — Étienne Poncher et la réforme. — Difficultés à cette occasion. — Guillemette Allegrin donne sa démission. — Elle devient abbesse triennale de Malnoue.
  • (…).
  • Les 35 professes, formées par Jeanne Allegrin, élurent à l'unanimité sa sœur Guillemette pour lui succéder 1). Cette élection, la première depuis 80 ans environ, parut si régulière qu'Etienne Poncher, qui pourtant songeait à des entreprises sur le cloître d'Yerres, la confirma sans difficulté. Ouvert sous d'aussi favorables auspices, cet abbatiat d'à peine trois ans, ne fut cependant pas heureux.
  • D'abord Guillemette Allegrin eut à soutenir la continuation de la lutte entreprise par sa sœur. Elle était toujours violente surtout avec les habitants des paroisses, dans lesquelles l'abbaye prélevait la dîme. Pour comprendre cette situation, il faut savoir qu'à l'occasion des désordres et des guerres du XVe siècle, l'impôt de la dîme avait cessé d'être prélevé presque partout.
  • Les baux de dîmes, relevés çà et là dans les archives de |178 l'abbaye, à Drancy, à Tremblay, à Lieusaint et ailleurs avaient été pour la plupart de simples passages d'écriture, et étaient demeurés lettre morte. Jeanne de Rau ville, malgré son âpreté, n'avait pas changé grand'chose à la situation. Comme nous l'avons dit, sous Jeanne Allegrin et les siens, les revendications furent sérieuses. Mais partout les paysans se révoltaient contre le rétablissement d'un impôt odieux et suranné. À Évry, à Mardilly, à Soignolles, il y eut de véritables batailles, quand on voulut le prélever. Dans cette dernière paroisse, Jaquet Rossignol, marguillier préposé à la perception, fut tué par des paysans rebelles à l'impôt; et Colin Loiseau, l'un de ses meurtriers, fut pendu sans pitié. On juge par ce fait du degré d'exaspération des taillables. Chose assez extraordinaire, presque partout les paroissiens étaient soutenus par les curés, dans leur opposition à l'exercice du droit de l'abbaye. C'est que les curés dîmaient eux-mêmes pour pouvoir vivre, et répugnaient à voir d'autres percepteurs pressurer leurs paroissiens. Afin de tourner la difficulté, nos religieuses avaient imaginé de louer, partout où la chose était possible, leur propre dîme au curé lui-même, afin de confondre les deux obligations en une seule. Il en était ainsi, même à leur porte, dans la paroisse d'Yerres, où cependant elles étaient populaires. La cure d'Yerres demeura pendant une certaine période entre les mains de simples vicaires. Raoul Ameline, l'un d'entre eux, fut locataire des dîmes de l'abbaye, dès 1498, et il en fut de même de plusieurs de ses successeurs.
  • Mais les difficultés soulevées par la dîme n'avaient fait que changer de place; et après avoir été en butte aux révoltes des paroissiens, les moniales avaient maintenant à se défendre contre les tracasseries des curés. De ce côté, Guillemette Allegrin eut à souffrir jusque dans les paroisses dont la cure était à sa nomination, comme Villabé et autres.
  • Toutefois ses grandes épreuves lui vinrent principalement de l'évêché de Paris, occupé par un grand prélat, homme de bien, Étienne Poncher, qui poursuivait la réforme de tous les monastères bénédictins de son diocèse. Il l'avait déjà établie à Montmartre, à Chelles, à Malnoue, il voulait la mettre à |179 Yerres. Qui l'en blâmera? Mais la réforme s'est-elle établie quelque part sans déchirements et sans révolutions?
  • Guillemette Allegrin, quelques jours seulement après sa confirmation comme abbesse, reçut d'Étienne Poncher les premières propositions relatives à l'introduction de la réforme dans son monastère. Elle accueillit favorablement ces ouvertures, mais représenta au prélat les difficultés d'exécution, basées principalement sur l'état de ruine des bâtiments claustraux, qu'il fallait d'abord restaurer. Bref elle invoque des moyens dilatoires. L'évêque insiste, et fort de son droit, devient plus pressant. Alors l'abbesse se raidit et en arrive aux propos aigres. Elle n'aime point le prélat, car il vit dans l'intimité avec les Budé et les Lannoy, ses voisins, ses adversaires, les ennemis nés de sa maison. Ceux-ci cherchent à savoir tout ce qui se passe à l'abbaye, pour le redire au prélat, dont ils sont les espions.
  • Malgré ces allégations désobligeantes, Étienne Poncher, soutenu par la reine de France, poursuit son œuvre. Il a acheté de ses propres deniers une grille à Paris, l'a envoyée à Yerres avec des ouvriers, pour la placer et imposer la clôture aux moniales, qui refusent de se laisser emprisonner. Néanmoins elles laissent ajuster cet instrument de leur captivité, et font le simulacre d'obéir. Mais les ouvriers partis, Guillemette et ses sœurs s'attaquent à la grille, de leurs faibles mains, la descellent, la traînent à travers le cloître, la transportent jusqu'à leur pièce d'eau et l'y précipitent avec dédain.
  • À cette hostilité déclarée, Étienne Poncher répond par un coup d'autorité; il prend quatorze religieuses réformées à Malnoue et à Chelles, et les introduit, sous la conduite de Marie de Savoisy, à Yerres. Guillemette dissimule un moment sa stupéfaction et son dépit, feint de recevoir les nouvelles venues avec courtoisie, mais bientôt la guerre ouverte se déclare. De part et d'autre on en appelle à la justice, et le Parlement intervient.
  • Dans un mémoire détaillé, l'abbesse, insuffisamment renseignée, dit qu'on lui a imposé des filles étrangères à la vie bénédictine, venues du couvent cistercien de Fontevrault 2); |180 qu'elles ont voulu s'emparer de toutes les charges de la maison, lui rendre à elle la position intenable, et la contraindre à donner sa démission. Elle les accuse en outre de mettre le désordre dans sa communauté, de la troubler par leurs “ypocrisies”; d'y placer des femmes mariées, dont elles veulent établir les enfants aux dépens des biens du couvent. Autre grief, l'évêque a fait saisir les biens de l'abbaye par un conseiller nommé Mesnage, et a commis pour les administrer Guillaume Mallicorne, curé de Saint-Pierre-des-Arcis à Paris et Pierre de Jouy, huissier ou sergent au palais. Guillemette ajoute qu'elle a fait toutes les concessions possibles. Malgré cela l'évêque est venu un jour avec trente hommes, armés de bâtons, pour la déloger. Il s'est saisi de sept de ses filles les plus dévouées, les a renfermées dans une chambre; puis ses séides les ont jetées par terre, sans pitié pour leurs cris de détresse, leur ont lié les mains et les pieds, les ont hissées dans d'horribles chars à fumier et les ont transportées qui à Chelles 3), qui à Malnoue, à l'exception de Sidonie le Picart, parce qu'au dernier moment, le prélat a découvert qu'elle était sa parente, et de Blanche de Lannoy malade, qui fut renvoyée à sa belle-sœur, la châtelaine de Brunoy.
  • Comme bien on pense, Etienne Poncher ne laissa point sans réponse ce mémoire accusateur. Dans son plaidoyer, il ne nie pas les faits matériels dénoncés par l'abbesse, il se borne à les expliquer. Il prétend qu'il n'y avait plus de vie religieuse à Yerres; que tout le monde entrait librement au cloître; que même le frère de l'abbesse couchait inter septa, c'est-à-dire dans la clôture, ou dans les édifices qui auraient dû en faire partie si elle avait existé. Il rappelle ses efforts infructueux pour y introduire la réforme; ses injonctions du mois d'août 1514; son avertissement du mois de décembre suivant; |181 la malheureuse histoire de la grille descellée et jetée dans l'étang. En face de ce mauvais vouloir persistant, il a cru devoir passer outre : c'est pourquoi il a destitué l'abbesse, mis à sa place Marie de Savoisy, fille expérimentée, qui a déjà établi la réforme à Malnoue, et a été employée ailleurs aux mesures du même genre. Pour se disculper du reproche d'avoir changé la religion du monastère, il répond que les nouvelles moniales ne sont nullement cisterciennes; mais que Marie de Savoisy était accompagnée de sept Bénédictines de Chelles et de sept autres prises à Malnoue, que le prélat a été contraint de nourrir et d'entretenir de ses deniers, sur le refus de Madame Allegrin de pourvoir à leurs nécessités. Quant à la translation des moniales, elle a été faite, dit le prélat, avec convenance, respect, dignité et toutes les précautions dues à leur état.
  • En face de deux affirmations si opposées, le Parlement fit une véritable cote mal taillée, donna en partie raison à l'évêque et en partie à l'abbesse. Demi-mesure et mauvaise décision qui ne satisfit aucune des deux parties, et apporta au contraire de nouveaux éléments à la querelle.
  • Le 5 mai 1515, par une sentence du Conseil, le Parlement statue que les appellations d'Étienne Poncher et la translation des moniales sont mises à néant, aussi bien que la saisie du temporel, opérée par le conseiller Mesnage; que l'évêque a outrepassé ses droits, qu'il ne peut suspendre l'abbesse que ad tempus seulement; qu'il doit consentir à son retour, ainsi qu'à la réintégration de toutes les religieuses à l'abbaye. — Le 17 juillet, la Cour ordonné que la réforme sera introduite à Yerres, avant le 1er septembre de la même année; que le prieur des Carmes, celui de Saint-Martin-des-Champs, le vicaire du couvent des Jacobins, et frère Claude Cambon, cordelier, seront députés à l'établissement de cette réformation; qu'ils jouiront ensemble de tous les droits de la supériorité et prendront telles mesures propres à atteindre ce but.
  • La rentrée de Guillemette Allegrin à Yerres fut une faute. Abbesse nominale, sans pouvoir réel ni efficace; incapable de s'entendre avec les religieuses réformatrices, pas plus qu'avec celles qui l'avaient naguère élue, et dont les idées s'étaient |182 modifiées au contact de Marie de Savoisy et de ses compagnes; sans cesse en discussion avec les commissaires de la réforme, elle jugea avec raison la situation intenable et s'honora en donnant définitivement sa démission. Retirée à Malnoue, dans le recueillement et la paix du cloître, dans l'éloignement du milieu où elle avait souffert, avec justice sans doute, mais par suite de circonstances qui ne lui étaient pas toutes imputables, elle vit les choses d'un regard différent, se soumit humblement à la réforme, et mérita même un peu plus tard d'être choisie comme abbesse triennale de son nouveau monastère. Elle porta en effet la crosse à Malnoue de 1520 à 1523. L'histoire ne nous a pas appris si elle y termina ses jours. Elle avait été abbesse titulaire d'Yerres de 1513 à 1516.

Documents

Sources

Bibliographie

Notes

1)
Note d'Alliot. — Pour la première fois, ce semble, les novices, vêtues de l'habit monastique, ne prirent pas part à l'élection.
2)
Note d'Alliot. — Marie de Savoisy avait en effet été formée à la vie religieuse dans |*180 l'abbaye cistercienne de Fontevrault. Elle avait quitté ce monastère, où la réforme religieuse avait pris naissance, pour répondre à la demande de l'évêque de Paris, et venir avec plusieurs de ses compagnes l'introduire dans les abbayes du diocèse.
3)
Note d'Alliot. — Nous avons cherché dans l'Histoire de Chelles des détails sur cet épisode. Malheureusement, les annales de ce monastère publiées par M. le chanoine Torchet, n'ont pas gardé trace de tout ce mouvement du XVIe siècle.
guillemette.allegrin.txt · Dernière modification: 2022/07/25 09:20 de bg