Corpus Essonnien

Histoire et patrimoine du département de l'Essonne

Outils pour utilisateurs

Outils du site


marie.desavoisy

Marie de Savoisy (...1517-1520...)

Notule

  • Marie de Savoisy, d'abord religieuse , fut la trente-deuxième abbesse de Notre-Dame d'Yerres, de 1517 à 1520.

Notice de l'abbé Alliot

  • Chapitre XVI. Marie de Savoisy (1517-1520).
    • La triennalité. — Marie de Savoisy et Louise de la Baume. — Nombre et noms des professes. — Clôture. — Pierre Touzel. — Observance du XVIe siècle. — Le procureur. — Les frères Budé. — Les curés. — Les chanoines de Notre-Dame à Paris. — Départ de Marie de Savoisy.
  • Au début de l’année 1517, Marie de Savoisy devint titulaire de la maison, où elle exerçait le pouvoir depuis dix-huit mois. Originaire de la province de Bourgogne, la nouvelle abbesse était probablement fille de Philippe de Savoisy et de Marguerite de Lugny, et sœur de Claude de Savoisy, mari de Louise de la Baume Montrevel, en sorte que Louise de la Baume, adjointe comme collaboratrice à Marie de Savoisy, dans l’œuvre de la réforme, se trouvait être presque son alliée par le sang.
  • Dès les premiers jours de sa titularisation, l'abbesse est entourée d'un groupe de 25 à 30 religieuses, jeunes, ardentes, enthousiastes, heureuses d'avoir embrassé la réforme 1). |184 Toutes auront des charges dans le monastère, et nous les retrouverons tour à tour dans les pages qui vont suivre. Nommons seulement Sidonie le Picart, rebelle un instant au changement de la règle, qu'elle vient d'embrasser avec ardeur; elle méritera d'être prieure de la maison, durant un quart de siècle, sera le plus ferme champion de la vie régulière, et gouvernera avec sagesse le monastère dans les tempêtes qui doivent encore l'assaillir.
  • Nous ne redirons pas ici les articles de la règle d'Étienne Poncher 2). Qu'il nous suffise de rappeler un des points les plus importants de cette règle: la destruction de la pérennité du pouvoir abbatial, pour le limiter à une durée de trois ans. Or à l'époque où cette importante réforme était introduite, un concordat, conclu entre le pape Léon X et le roi François Ier, donnait au monarque la permission de nommer des titulaires à vie, dans toutes les abbayes du royaume: ce qui mettait la base même de la réforme en contradiction avec les droits du roi. Comme le prince ne pressa pas immédiatement l'exercice de son privilège, Marie de Savoisy put exercer à Yerres sa charge temporaire avec assez de tranquillité, au moins du côté du pouvoir royal.
  • Elle s'y appliqua avec zèle, et sous son impulsion la maison est bientôt transformée. Les lieux réguliers sont marqués avec soin, personne en dehors des moniales ne les franchit, la clôture est observée: l'office divin est repris et récité en entier par la communauté; les charges imposées par les bienfaiteurs anciens et nouveaux sont acquittées avec soin; Marie de Savoisy, n'invoquant, comme à l'âge d'or du monastère, que le titre d'humble abbesse, forme elle-même ses filles à la piété, ainsi qu'à la pratique des exercices monastiques. |185
  • La charge de confesseur des religieuses est confiée aux Dominicains de Paris; et l'un d'entre eux, frère Pierre Touzel, est détaché à l'abbaye, où il jouit d'une confiance absolue et fait preuve d'un zèle ardent pour les intérêts spirituels et même temporels de la maison. D'autres prêtres, au nombre de deux ou trois ou davantage, lui sont adjoints, pour le service des messes et l'instruction religieuse des employés, toujours fort nombreux au monastère.
  • La règle de Poncher a divisé les religieuses en trois classes: les professes, les novices et les converses. Cette dernière catégorie ne fut pas représentée immédiatement à Yerres; il faut arriver presque à la fin du XVIe siècle pour voir des converses sous le cloître. Mais un autre élément y fut introduit sans retard. Nos moniales eurent une petite école, et l'une d'elles, Madeleine Chevalier, plus lettrée que ses compagnes, en prit la direction. Grand nombre des jeunes filles, admises dans cette école, entrèrent ensuite au cloître, s'y firent religieuses et devinrent pour la maison un élément de stabilité, en conservant les traditions des premiers temps de la réforme.
  • Ainsi rétablie dans son intégrité et fortifiée par la piété et la ferveur, la vie religieuse refleurit dans la vallée d'Yerres: même activité, même entrain, même enthousiasme qu'à l'origine de l'abbaye.
  • Entre l'observance du XIIe siècle et celle du XVIe , il y avait cependant des différences assez notables: 1° Les compagnes de Marie de Savoisy n'ont pas l'abstinence perpétuelle de viande. Sur ce point elles ont mitigé la règle primitive, en permettant l'entrée des aliments gras dans leur réfectoire, plusieurs fois la semaine; — 2° Elles n'ont plus le lever de nuit; elles récitent l'office canonial tout entier, mais n'interrompent pas le sommeil nocturne pour psalmodier ou chanter Matines; — 3° Elles sont cloîtrées, chose inconnue à leurs devancières du XIIe siècle; — 4° Enfin l'exercice du travail n'est pas entendu de la même manière aux deux époques: les Bénédictines du moyen âge aiment et pratiquent les travaux agricoles; celles du XVIe les écartent, s'enferment dans leur enclos, qu'elles font cultiver et entretenir par les soins de jardiniers à gages. Leurs occupations |186 manuelles consistent en travaux d'aiguille et en broderies.
  • Il est encore un point de la règle de Poncher inobservé à Yerres, pour des motifs qui nous échappent: il a trait au procureur. La règle demandait que celui-ci fut un laïque, possesseur de biens-fonds, sur lesquels on devait prendre hypothèque, afin de préserver les intérêts de la communauté. Probablement il fut toujours difficile, pour ne pas dire impossible, de trouver des propriétaires assez complaisants pour se prêter à cette exigence. Aussi n'eut-on point de procureur laïque, au moins durant tout le XVIe siècle. Le premier procureur de la réforme fut Pierre Touzel, religieux dominicain, déjà nommé, auquel succéda un prêtre appelé Louis Tartin, esprit délié et administrateur intelligent, qui géra pendant 30 ans au moins les intérêts temporels de la maison.
  • Ceux-ci demandaient toujours une surveillance attentive de la part de l'abbesse elle-même. Car la réforme n'avait point fait cesser les procès engagés sous les abbatiats précédents. Il fallait lutter toujours et tenir tête à des adversaires habiles et cupides.
  • Au premier rang on trouve toujours les Budé. Dans son désir de réclusion, Marie de Savoisy veut à tout prix, avoir pour ses filles, un enclos fermé, vaste et capable de satisfaire à tous les besoins hygiéniques d'une grande communauté; c'est pourquoi elle s'efforce d'y faire entrer une pièce de terre joignant l'ancien clos. Aussitôt les deux frères, Dreux et Jacques Budé, se mettent en travers et réclament le champ comme partie de leur domaine. Pour éviter une plus longue contestation, par les soins de Pierre Touzel, la terre contestée est partagée en deux: une moitié appartiendra aux frères Budé, et l'autre à l'enclos de l'abbaye, dont elle fera partie désormais. — Le moulin de Mazières était, comme au siècle précédent, la source de contestations et de chicanes entre l'abbesse et le seigneur paroissial. Afin de les éviter, Marie de Savoisy loua sa part à Budé. Cette fois le meunier fut assez pacifique, il n'avait plus aucun droit d'ailleurs dans les bâtiments des moniales. |187
  • Chose singulière et pour nous presque stupéfiante, tant nous sommes loin des mœurs du XVIe siècle, la pacifique et douce Marie de Savoisy réclamait, avec la même ténacité et la même vigueur que les Allegrin, le droit de rendre la justice, d'avoir un bailly et des sergents, même une prison pour y renfermer les malfaiteurs. Mais à côté d'elle, Budé plus en situation, il faut le reconnaître, de faire la police, lui conteste tout ou partie de sa justice. Un nouveau procès allait naître à ce sujet et s'ajouter à tant d'autres, quand une transaction ménagée, on ne sait trop par qui, intervint. Elle fut signée au grand parloir du couvent, toutes les religieuses professes étant à la grille d'une part, Dreux Budé d'autre part avec six avocats et de nombreux témoins, au milieu desquels nous remarquons frère Jacques Hubert, prieur des Jacobins de Paris; frère Nicolas Delailly, confesseur des Nonnes; frère Pierre Touzel et Jean Allegrin, chanoine de Paris, qui n'avait pas trop gardé rancune à Marie de Savoisy de ses démêlés avec sa sœur Guillemette. Cet arrangement, souscrit le dimanche 29 mai 1519, mit fin à plus de vingt procès pendants entre les parties.
  • Terminée ou plutôt simplement suspendue pour quelques années avec Budé, la lutte continuait avec les curés de Drancy, de Brie, d'Évry, au sujet des dîmes de leurs paroisses. Elle renaît aussi entre les chanoines de Notre-Dame à Paris et l'abbaye pour la chèvecerie. Au mois de janvier 1519, Étienne Poncher, le réformateur, le protecteur et l'ami de nos moniales, quitte la chaire de Saint-Denis, pour devenir archevêque de Sens. Il s'écoula un mois avant que son neveu, François de Poncher, fut mis en possession du siège laissé vacant par son oncle: de là certains droits à percevoir pour les Bénédictines d'Yerres, qui durent sommer les membres du chapitre, toujours opposés au paiement de cet impôt séculaire et suranné.
  • L'abbesse loua la dîme paroissiale d'Yerres au vicaire Jean Hébart, passa des baux assez nombreux avec les différents fermiers de la manse abbatiale, reçut foi et hommage de plusieurs tenanciers, et termina sa triennalité au milieu d'un labeur méritoire. Les auteurs du Gallia veulent que cette |188 abbesse ait porté la crosse six ans à Yerres, c'est-à-dire jusqu'en 1523. En cela ils se trompent, car les archives de l'abbaye renferment plusieurs pièces signées de sa remplaçante, et datées de l'an 1520. D'ailleurs n'était-il pas juste et d'un bon exemple, que celle qui avait apporté la nouvelle règle à Yerres, s'y soumit la première, en exerçant le pouvoir trois ans seulement, comme le voulaient les nouveaux statuts? La première abbesse triennale avait achevé son œuvre; la réforme était établie et bien assise, elle n'avait plus besoin de son introductrice pour persévérer.
  • Marie de Savoisy nous a laissé plusieurs actes signés de sa main. Son écriture droite et ferme révèle une personne d'un âge jeune encore, et annonce une femme forte, énergique, née pour les grandes entreprises. Le jour où elle quitta Yerres, le monastère présentait déjà l'aspect d'un de nos couvents modernes, avec sa grille et ses tours; la discipline y était régulière, la clôture inviolable, l'observance parfaite; les journées remplies et coupées par des exercices nombreux; la prière fervente; le chant de l'office divin pieux et saisissant; la psalmodie un peu monotone et languissante.
  • L'histoire ne nous dit pas où l'abbesse Marie de Savoisy porta ses pas, au sortir du couvent qu'elle venait de transformer, et dans les annales duquel elle a droit à une large et glorieuse place, pour y avoir fait l'œuvre de Dieu.

Documents

Sources

Bibliographie

Notes

1)
Note d'Alliot. — Voici les noms de toutes les professes de l'abbaye, relevé dans un acte de 1518: Marie de Savoisy, humble abbesse; — Marie d'Estouteville, prieure; — Marguerite de Constant; Jeanne Gringette, portière: — Jacqueline Barenton, célerière; — Benoite le Riche, discrète; — Madeleine Chevalier, maîtresse d'école; — Antoinette le Lièvre; — Marguerite le Grand; — Louise de la Baume; — Marie du Prat; — Marguerite de Poilloüe; — Blanche de Lannoy; — Ève Baudry; — Louise Hasselin; — Anne de la Rainville; — Hélène Régnault; — Catherine de Dampierre; — Sidoine le Picart; — Madeleine de Vonier; — Étiennette de Guaigny; — Catherine Galopin; — Augustine Lanclet; — Anne de la Rivière; — Marie la Brodeuse: — Claude Vigneron; — Gabrielle Luillier; — Marie de Sailly; — Catherine Daves; — Jeanne Stuart; |184 — Marie le Roux; — Marie de Rapillart, malade; toutes professes. — Si on joint à ces trente-deux noms, ceux des novices, au nombre de dix environ, on voit que la communauté se composait de plus de quarante moniales vêtues, en dehors des jeunes filles du petit pensionnat. — Tous les noms ci-dessus se retrouvent dans les pièces d'archives entre 1518 et 1540, avec des différences d'orthographe, mais désignant les mêmes personnes.
2)
Note d'Alliot. — La règle de Poncher a été bien souvent analysée, notamment Histoire de l'abbaye de Chelles, par l'abbé Torchet, t. I, pages 218 à 232. — Voir aussi Histoire de l'abbaye de Gif, pages 98 à 100.
marie.desavoisy.txt · Dernière modification: 2022/07/25 09:19 de bg