Corpus Essonnien

Histoire et patrimoine du département de l'Essonne

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hn.tj.durand.1889a

Théophile Durand (1899)

Commune d'Orveau

Commune d'Orveau |2|

I. Plan.

  • |3|

II. Partie géographique.

§ 1.

  • La commune d'Orveau fait parte du canton de la Ferté-Alais, subdivision de l'arrondissement d'Étampes.
  • Elle est située à 0°, 5 minutes de longitude ouest et 48°, 26 minutes de latitude nord.
  • Ses bornes sont: au N, la commune de Boissy-le-Cutté; au S et à l'O, celle de Bouville; à l'E, celle de D'Huison.
  • Le pays est placé à 7 km de la Ferté-Alais, 12 km d'Étampes, 54 de Versailles, et 60 de Paris.
  • La population est de 122 habitants.
  • La superficie communale est de 430 hectares.
  • Orveau est situé à une altitude moyenne de 80 m. Son territoire se compose d'un plateau et d'une vallée, le premier argileux, la seconde sablonneuse. Le pays est bâti à mi-côte de la montée qui réunit ces deux parties, et cette situation, au milieu des bosquets, lui donne un climat relativement doux et un aspect riant.
  • Des bois situés au sur de la commune sont très curieux à visiter. Semés de roches gigantesques éparpillées sur plusieurs hectares d'étendue, ils offrent un coup d'œil superbe de la route de Bouville: c'est l'endroit dit le Rocher. On croirait que des géants y sont passés, rassemblant à plaisir ces blocs énormes qui sont là par centaines, affectant les formes les plus bizarres. Parfois les roches sont en équilibre l'une sur l'autre. Sous celle-ci se trouve une grotte, sous celle-là un passage. Comme le sol est aride, on y a planté des sapins qui s'accommodent parfaitement de ce terrain pauvre. Tous les ans, au moment de la floraison, ils remplissent l'atmosphère de senteurs de résine qui rendent l'endroit très favorable au point de vue de l'hygiène. Aussi, si on excepte les petits enfants et les cas extraordinaires, on peut dire qu'il n'y a jamais de malades à Orveau. |4|
  • Au nord et à l'ouest, le sol est mieux composé; on trouve des bois de chêne, de châtaignier, de coudrier.
  • Il n'y a pas de cours d'eau dans le pays, alimenté par deux puits communaux qui ont 20 et 30 m de profondeur. C'est une situation gênante pour le blanchissage du linge, les ménagères qui font la lessive sont obligées d'aller la laver à 2 kilomètres de là, au rû de d'Huison.
  • Quatre chemins vicinaux partent d'Orveau et vont: 1° à Boissy-le-Cutté; 2° au Mesnil-Racoin, Villeneuve-sur-Auvers; dans la direction de la Ferté, 4° dans celle de Bouville; ces deux derniers aboutissant au chemin de Grande communication n°.
  • Aucune ligne de chemin de fer ne traverse la commune. Les habitants qui se dirigent sur Paris vont prendre le train soit à la Ferté-Alais (7 km), soit à [Bouray (12 km). Ceux qui se déplacent vers Orléans vont à Étampes. Cet éloignement paralyse les communications; nous verrons que le commerce en souffre.

§ 2.

  • Il n'y a point de grosse ferme à Orveau; c'est dire combien la propriété est divisée. Il y a, surtout dans la partie boisée, une grande quantité de parcelles qui sont plus petites que l'are.
  • Les 430 hectares se répartissent ainsi qu'il suit:
Bois210 ha
Blé 60 ha Vigne12 ha
Seigle40 ha Pommes de terre12 ha
Avoine50 ha Betteraves8 ha
Prairies artificielles30 ha Divers8 ha
  • D'après ce tableau, on voit que le pays est essentiellement agricole, quoique la moitié de la superficie totale soit occupée par les bois. Ces derniers, sont, nous l'avons déjà dit, composés en majeure partie de sapins qui y croissent rapidement, et sont d'un |5| bon produit au bout d'une trentaine d'années.
  • On remarquera aussi que la vigne occupe un espace relativement grand (12 ha). Elle donne un vin peu chargé en alcool et en couleur, et assez renommé. Orveau devait être jadis un vignoble important. Il n'est si petit propriétaire qui n'ait sa récolte de bois et de vin. Malheureusement, ici comme ailleurs, le mildiou, l'oidium, ont sévi; puis est apparu le phylloxera, et il a fallu détruire beaucoup de plantations. Des sujets américains ont remplacé les ceps français, mais ils donnent un vin épais, chargé en couleur et en alcool, et moins estimé des amateurs. Dire le désespoir des vieux vignerons, en voyant le mal se propager, est chose impossible. C'est du reste bien justifié, si l'on songe aux soins multiples dont ils entourent leur vigne depuis tant d'années.
  • Il y a dans la commune environ 20 chevaux et 35 vaches laitières. Les cultivateurs n'élèvent guère que des veaux pour la boucherie, des génisses et des poulains pour leur exploitation. Chaque maison de culture a cependant une grande quantité de pondeuses et de lapins. Ces derniers, avec la volaille, les œufs, le lait, le beurre, sont une des principales ressources du ménage pendant l'année.
  • Les marchés le plus fréquentés sont ceux de la Ferté et d'Étampes.
  • La chasse comprend celle du lièvre, de la perdrix, de la caille, du faisan, du lapin de garenne. Ce dernier surtout se multiplie rapidement, grâce aux bois, rochers, et au terrain sablonneux.
  • Les animaux nuisibles sont: les renards, les fouines, les corbeaux. Ceux-ci causent de grands dommages aux récoltes. En automne et au printemps, ils détruisent les semis de blé, d'avoine, de maïs. Puis les fruits, et particulièrement les cerises, sont l'objet de leurs déprédations. Ces animaux ne nichent cependant pas dans les bois communaux. Après de nombreuses plaintes, une demande a été faite, et le garde-champêtre autorisé à se servir d'un fusil pour les éloigner et les détruire.
  • Les renards attaquent les volailles, le raisin au moment de |6| sa maturité. Un arrêté préfectoral a autorisé leur destruction, en quelque lieu que ce soit, et ils disparaissent petit à petit.
  • Les fouines visitent aussi les poulaillers; elles trouvent asile dans les bois et les rochers, leur capture est très difficile.

§ 3.

  • Il n'y a à Orveau qu'une seule industrie: c'est l'exploitation des carrières de grès sises aux lieux dits le Paradis et l'Enfer, sur le versant sud du côteau qui abrite le pays.
  • Les carrières sont à ciel ouvert, et leur travail mérite d'être étudié. Un banc de grès occupe parfois une longueur de plusieurs hectomètres sous terre. Celui que nous nommons le Paradis se poursuit en plusieurs exploitations sur le territoire de Bouville.
  • On fait d'abord un terrassement pour mettre le banc à jour, ce qui nécessite de grands frais, et explique qu'un entrepreneur seul peut fructueusement ouvrir une carrière.
  • Les ouvriers se divisent en coupeurs et tailleurs. Le métier exige beaucoup d'adresse, car le grès se fend “suivant son fil”, comme le bois. Les blocs sont détachés à coups de couperet, s'ils ne sont pas trop gros. Les outils qui servent à les couper, comme leur nom l'indique, pèsent de 5 à 20 kgr. Si la masse est énorme, ou si l'on ne distingue pas le fil du grès, on prépare un “coup de mine”. Pour cela, l'ouvrier creuse dans la roche un trou large d'environ trois centimètres, et d'une profondeur variable. On y place une certaine quantité de poudre de mine, puis après avoir “bourré le fourneau”, et allumé la mèche qui y communique, on attend le résultat à distance.
  • Parfois rien ne se produit. Il faut alors “débourrer le fourneau”. Une explosion inattendue peut avoir lieu, et blesser ou brûler un malheureux ouvrier.
  • D'autres accidents sont à craindre dans la chute des blocs, |7| dans le coupage. Nous connaissons un ouvrier qui a eu la colonne vertébrale déviée; un autre, la poitrine défoncée. Souvent aussi, les pieds ou les mains sont écrasés.
  • Les blocs sont ensuite découpés en morceau, qu'il faut façonner. C'est l'ouvrage du tailleur, qui doit être très adroit.
  • Le métier de carrier est assez lucratif. Les pavés sont payés à l'ouvrier de 120 f à 160 f le mille, suivant leurs dimensions. Si cet homme est actif et rangé, il gagne largement sa vie et celle de sa famille.
  • Après le contrôle et le comptage, l'expédition est faite sur Paris.
  • La moitié de la population masculine du pays est occupée à cette industrie; les autres personnes travaillent aux champs.
  • Le commerce consiste surtout en céréales, provisions de bouche, pommes de terre. Les marchés ont été cités précédemment.

III. Esquisse historique.

  • Il reste peu de traces de l'histoire d'Orveau.
  • On a retrouvé, Bois Pigernet, quelques haches celtiques en silex verdâtre, le talon à six pans.
  • Un camp romain a dû exister au nord de la commune; on en a reconnu l'enceinte circulaire.
  • Au moyen-âge, Orveau dépendait d la seigneurie de Bouville. Le suzerains habitaient le château fort dit de Farcheville, qui existe encore avec ses fossés et ses tours.
  • Les seigneurs eurent à lutter contre leurs voisins de Puiselet. À l'exemple des sires de Montmorency, de Montlhéry, ils luttèrent même contre le roi.
  • De cette époque féodale, il ne reste que quelques noms de champtiers:
    • La pièce aux Nonnes, appartenant à un couvent d'Étampes. Elle |8| renferme environ 18 hectares, et fut vendue avec les biens du clergé.
    • Les Grands et les Petits Débats, signifiant l'endroit où l'on se rassemblait pour discourir, discuter, s'entendre.
    • La Justice, située au sud du terroir. Sur les confins d'Orveau et de Bouville se trouvent encore deux piliers qui ont dû servir de piédestal à une potence.
    • L'Ouche du Pressoir. Ouche est un mot très employé ici et signifie couramment clos, verger, terrain situé derrière la maison. Une porte située au fond de la cour conduit dans l'ouche. Celle que nous citons devait être contiguë au bâtiment du pressoir banal.
    • Noisement, où fut établi, dit-on, un camp de cosaques en 1814-1815. Il reste des traces de ce séjour, des pierres en grande quantité, un puits, un four souterrain. De grandes luttes eurent lieu aux environs.
  • Administrativement, la Commune fit partie de la Généralité de Paris; et s'appela Oruau jusqu'en 1752. À cette époque, elle fut nommée Orvau, puis, vers 1775, Orveau sous Bouville. Elle faisait alors partie du diocèse de Sens, comme l'indique ce curieux entête des actes de l'État-civil pour 1776:
    • “…” de N. D. d'Orvau, diocèse de sens, paraphé par nous Denis Angran d'Alleray, Chevalier, comte des Maillis, seigneur de Bazoches, Condé, St Libière et autres lieux, seigneur patron de Vaugirard-lez-Paris, Conseiller du roi en ses Conseils, honoraire en sa cour du Parlement, ancien Procureur général de Sa Majesté en son grand Conseil, Lieutenant civil de la ville, prévôté et vicomté de Paris, en son hôtel.“
  • L'église d'Orveau renferme en un tombeau les restes de ses fondateurs, décédés en 1571 et 1574. Elle contient en outre une curieuse plaque de donation ainsi conçue:
    • “Défunct Jean Morieau et Perrine Maynfer, sa fême, de cette paroisse, ont légué à l'égl.se de céans 20 fz de rente à St Martin d'été, par les héritiers du dt dot la charge un arpent de terre près les hayes dudit lieu, à odicion qu'ils seront miz aux prières les quatre grandes festes de l'an, le dt Morieau décédé le 12 juillet 1613 et la dicte |9| fême le 2 mai 1604; priez pour leur âme.”
  • La mairie ne présente rien de particulier. C'est un petit bâtiment qui fut d'abord employé pour l'agriculture, et approprié vers 1865.
  • Le percepteur de Lardy gère la comptabilité communale. L'imposition extraordinaire pour insuffisance de revenus est énorme, et de grandes charges pèsent sur le pays depuis la construction de routes nouvelles et d'une école.
  • Cependant un legs de terrains d'une valeur de 10.000 f a été fait à la commune par M. Martin, Honoré Léonor, ancien habitant et maire.
  • Il a fallu, pour solder les droits de mutation, contracter un emprunt de 2200 f dont l'annuité, couverte par les loyers des biens, sera payable pendant 14 ans.
  • Ce n'est que vers 1920 qu'Orveau sera quitte de ses emprunts et pourra jouir de 250 f de revenus.Mais l'éloignement des chemins de fer et des grandes routes sera toujours une entrave à l'agrandissement du pays, de son commerce.
  • S'il était bâti 1 km au sud, sur le chemin de grande communication n°145, qui est très fréquenté, il pourrait s'accroître. C'est là Noisement, le Camp dont nous parlions plus haut.
  • Les jolis bois de sapins et de roches seraient visités des promeneurs, parisien, touristes, si les communications étaient faciles; on apprendrait à connaître les beaux sites des environs. Des maisons de campagnes s'élèveraient.
  • Rien de ces choses qui accroissent les ressources d'un pays, y développent le commerce, l'industrie, les arts ne se produiront ici tant que les moyens de transport rapides feront défaut.
  • Il y a bien un tramway qui doit relier Étampes] à [[:corbeil|Corbeil, et passer non loin d'Orveau, peut-être sur son territoire. Mais il n'est qu'à l'état de projet, et nécessiterait de formidables dépenses. M. le Préfet ayant demandé si la commune pourrait participer, par capital ou garantie annuelle, à son établissement, le Conseil municipal a répondu négativement, vu l'insuffisance des ressources budgétaires. |10|

IV. Instruction publique.

  • Il n'y avait pas d'instituteur à Orveau avant 1886. Les enfants fréquentaient les écoles de [:dhuison|d'Huison]] et de Bouville. Les maîtres de cette dernière jouissaient d'une gratification inscrite au budget d'Orveau, dont ils étaient secrétaires de mairie; ils avaient la presque totalité des élèves.
  • Mais ceux-ci avaient 2 km à faire pour gagner la classe. La fréquentation était souvent mauvaise, surtout l'hiver. Si tous savent aujourd'hui lire et écrire, peu quittaient l'école avec une instruction solide.
  • On me cite pourtant ce fait curieux à noter. Un père de quatre enfants, vivant de son travail et possédant une vigne et quelques parcelles de terre, donnait son vin en payement à l'instituteur, puis vendit ses terrains pour achever et consolider l'instruction de ses enfants.
  • Il est extraordinaire de rencontrer chez un paysan une si haute idée des avantages de l'instruction. Le fait se passait il y a 30 ans environ. Ce bon père a reçu sa récompense: ses enfants ont profité de ses sacrifices; ils occupent aujourd'hui une situation très avantageuse, et, vénérant l'auteur encore vivant de leur prospérité, sont un modèle de solidarité fraternelle.
  • En 1882, le Conseil municipal décide l'établissement d'une école mixte à Orveau.
  • Le 23 janvier 1883, M. Danger, géomètre à Étampes, évalue le terrain choisi, situé Section A numéros 1261, 62, 633, et renfermant 7 ares 12, à 550 f.
  • Les choses traînant en longueur, le 14 mai 1885, la Commune prend à bail de M. Martin, maire, une maison comprenant: 1° un vestibule, une salle à manger, 2 chambres à coucher, un caveau au rez-de-chaussée; 3 chambres à coucher et un grenier au 1er étage. Le jardin était de 4 ares 25. Le propriétaire s'engageait à payer tous frais d'installation, évalués à 807f 92. Le loyer était de 450 f pour les trois premières années, et de 250 f pour les suivantes. Un instituteur y fut nommé le 1er février 1886 |11|
  • En 1887, un secours ayant été accordé par l'État, l'école actuelle fut construite sur les parcelles proposées en 1883. Elle fut complétée, deux ans plus tard, par la construction d'une citerne et d'un préau. La dépense totale a été d'environ 18000 f.
  • Le local est bien situé, le logement de l'instituteur est convenable. Il comprend: 1° une cuisine, une salle à manger, un couloir, un vestibule, un caveau, au rez-de-chaussée; 2° deux chambres et deux cabinets au 1er étage; 3° un grenier sur le tout.
  • Le mobilier scolaire est fort modeste, vu la faiblesse des ressources communales. Il se compose seulement de 4 cartes Vidal-Lablache, 2 tableaux de lecture Néel, 3 tableaux noirs, 1 carte de l'arrondissement, 1 du département, un poële en fonte, 1 boulier, 10 tables à deux places, un bureau du maître.
  • La bibliothèque scolaire renferme 70 volumes.
  • La fréquentation est médiocre, car beaucoup d'enfants manquent du nécessaire pour se présenter convenablement à l'école. Cependant, il y a quelques mois, le Conseil a décidé l'achat de tabliers destinés aux plus nécessiteux.
  • La classe est partagée en trois divisions, cours préparatoire, élémentaire et moyen. Un élève fait partie de la société de S. N. Scolaire de l'arrondissement.
  • Les cours d'adultes sont organisés. Une dizaine d'élèves y donnent de bons résultats. Quelques conférences y sont faites.
  • Voici quels instituteurs se sont succédé à Orveau, et leurs succès au Certificat d'études primaires:
1MMDaré1er février 18861er octobre 18882 C.E.P.
2 Obry1er octobre 18881er octobre 18921 C.E.P.
3 David1er octobre 189213 avril 1896
4 Césard13 avril 18961er octobre 18973 C.E.P.
5 Durand1er octobre 1897 2 C.E.P.
  • À Orveau, le 22 août 1899
    • L'instituteur
      • T. Durand

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