Corpus Essonnien

Histoire et patrimoine du département de l'Essonne

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Huguette de Chacy (...-1436)

Notule

  • Huguette de Chacy, religieuse de l'abbaye Notre-Dame d'Yerres, en fut la vingt-sixième abbesse, de 1436 à 1450.

Notice de l'abbé Alliot

  • Chapitre XIII. (…) — Huguette de Chacy (1436-1450) — (…).
    • (…). — Gouvernement d'Huguette de Chacy. — Difficultés avec les curés et les religieux. — Prétentions de l'abbaye d'Yerres sur Gif et Saint-Remy de Senlis. — (…).
  • (…).
  • Dès la fin de juin 1436, une nouvelle abbesse, Huguette de Chacy, a pris la place de Marguerite des Guaculs. Qui lui a mis la crosse en main? Qui l'a investie de sa nouvelle fonction? Il est impossible de le dire. Ce ne fut certainement pas une élection régulière, car il n'y avait pas alors plus d'une ou deux bénédictines à l'abbaye. D'ailleurs la nouvelle titulaire n'avait pas besoin de moniales autour d'elle pour faire l'abbesse. Son activité, et elle était grande, se déploya hors du cloître. Elle ne s'embarrassa ni de la direction d'une communauté de femmes, ni des pratiques de la vie monastique, ni des charges particulières à sa maison, qu'elle était du |144 reste impuissante à acquitter, dans la situation et dans l'isolement où elle se trouvait. À la fin du moyen âge expirant, Huguette de Chacy fut une véritable féodale, en ayant toutes les aspirations, toutes les tendances et tout le génie.
  • Dès qu'elle fut en possession de son titre, Huguette comprit que pour rétablir une communauté, il fallait d'abord se procurer des ressources matérielles; or, toutes ou presque toutes celles de l'abbaye avaient péri sous la prélature de Marguerite des Guaculs. C'est pourquoi elle s'appliqua tout d'abord à rechercher les titres de propriétés de sa maison. Aidée par un homme habile et entreprenant, nommé Denis Capel, qui lui sert de procureur, Huguette entre en relations avec tous les tenanciers, à un titre quelconque, de son abbaye. Chez presque tous, elle ne rencontre que duplicité, mauvaise foi, dissimulation, avidité, et volonté bien arrêtée de demeurer sur les terres où ils sont établis, et dans les maisons qu'ils occupent, sans rien payer à l'abbesse.
  • Huguette, accompagnée de son fidèle Capel, va de l'un à l'autre, parlemente, raisonne, menace et procède ferme contre ces locataires récalcitrants. Çà et là cependant, elle obtient gain de cause. Ainsi elle arrive à faire un bail régulier de biens situés à Brie, en juin 1436; — elle donne un reçu signé de sa main inhabile, le 23 janvier 1438, à un locataire de bonne volonté. — En 1442, elle loue la ferme de Lieusaint à un écuyer de Corbeil, appelé Simon de Beaucroix 1); — celle de Herces, à un paysan de l'endroit; — et celle de Tremblay, en 1446, à Jaquin de Guinery. Tous ces contrats sont unanimes à nous retracer l'état pitoyable, du pays, après le départ des Anglais. Partout “les terres sont en friches, couvertes de buissons et de halliers; rien n'y pousse; les bâtiments d'exploitation sont en ruines et s'écroulent”. Les propriétaires cherchent partout des fermiers, qui aient le moyen, l'intelligence et la volonté de réparer ces ruines.
  • Parmi tous ceux qui s'opposent au prélèvement des droits de l'abbaye, les plus tenaces sont les curés des paroisses, où |145 naguère l'abbesse était maîtresse de la dîme. Nicole Évot, curé de Servan, est en procès avec Huguette de Chacy, en 1446. Guillaume le Roy, curé, de Lieusaint, fait de même et réclame pour lui 21 setiers de blé. Les deux curés de Brie, celui de Puiselet, et celui de Villabé s'opposent tous à ce que l'abbesse lève la dîme dans leurs paroisses. Les malheureux étaient bien un peu excusables, car ils mouraient de faim, et de plus, les religieuses n'acquittaient plus les charges qui légitimaient la perception de ces redevances 2).
  • Plus intraitables encore sont les frères en religion de la malheureuse Huguette, les Bénédictins de Saint-Germain-des-Prés et ceux de Saint-Denis. Ces derniers refusent absolument d'acquitter leurs redevances à Villepinte; mais l'abbesse a mis la justice en mouvement, et le 1er décembre 1444, Pierre Poncion, sergent à cheval, se présente à la porte de Jean Souchet, fermier des religieux; il saisit, malgré les protestations de Souchet, 2 muids et 33 setiers de blé, à quoi ont été condamnés les moines envers l'abbaye d'Yerres. Pour des biens situés à Villeneuve-Saint-Georges et à Valenton, les Bénédictins de Saint-Germain des Prés refusent de payer une dette de 42 livres parisis; les deux abbayes procèdent depuis 1440, et en 1447 une lettre est adressée à l'abbesse pour mettre fin au différend. À propos de cette lettre, Fisquet gourmande les auteurs du Gallia, leur reprochant d'avoir dit que cette lettre était adressée à Huguette de Chacy, tandis qu'elle ne pouvait l'être qu'à Marguerite des Guaculs. Les Bénédictins avaient vu la pièce, et Fisquet, dont l'autorité n'est pas bien grande il est vrai, s'efforce en vain, de ressusciter une abbesse morte depuis onze ans.
  • Le soin de trouver des fermiers pour des terres abandonnées, l'obligation de lutter contre les membres du clergé séculier et régulier, pour rétablir les droits de sa maison, ne suffisent pas encore à absorber la dévorante activité d'Huguette de Chacy. Elle ne sait lire qu'imparfaitement, elle est |146 un peu brouillée avec l'écriture, mais son procureur a fouillé, sans discernement, les archives du couvent. En remontant aux origines, il a découvert les relations et les rapports de l'abbaye d'Yerres avec les monastères de Gif et de Saint-Remy de Senlis; aussitôt la fougueuse Huguette part en guerre contre ces deux maisons. Elle a, dit-elle, des droits de tutelle sur ces deux monastères, qui ont alors, en effet, grand besoin de protection. Mais l'abbesse d'Yerres est-elle bien en état de leur prêter appui? N'importe; ces deux couvents sont sous sa dépendance, et elle veut leur imposer sa volonté, intervenir dans leurs affaires, leur donner des supérieures, elle qui ne s'est pas occupée du recrutement de son cloître. Et cette idée lui tient tellement à cœur, qu'elle la transmettra comme un précieux héritage, à ses successeresses, pour qui cette prétention sera, pendant 70 ans, une source de tracas et d'ennuis.
  • Tel fut l'abbatiat tourmenté d'Huguette de Chacy. Un mémoire du XVe siècle nous la représente seule à l'abbaye avec son procureur Denis Gapel. Tous deux demeurent dans les édifices monastiques, tandis qu'un personnel assez mêlé de serviteurs et de servantes s'agite, dans les bâtiments de la ferme, sous prétexte de la cultiver. Point de chapelain, point de prêtre pour dire la messe; l'abbesse et son personnel se rendent le dimanche à l'église du village comme les autres paroissiens, et semblent s'accommoder assez bien de ce minimum d'exercices religieux. De temps à autre cependant on aperçoit errante sous le cloître ébranlé une femme vulgairement et bizarrement vêtue: c'est une religieuse, parfois il y en a deux. D'où viennent-elles? De Paris, de Gif, de Chelles, de Senlis, ou de quelqu'autre monastère; mais bientôt la misère, l'ennui, l'inoccupation, l'isolement les chassent, et le cloître rentre dans un silence que rien ne vient troubler.
  • La pénurie et la disette étaient le partage de l'abbesse elle-même, et le mémoire déjà cité nous la peint dans l'impossibilité de poursuivre un grand nombre de ses revendications, faute de ressources pour payer les procureurs, rédiger les mémoires nécessaires, et faire agir les officiers de justice. Malgré cela Huguette de Chacy tranchait de la grande dame; |147 elle s'intitulait elle-même: “Noble dame, Madame Huguette de Chacy, humble abbesse de…”. Humble, elle l'était en effet, la pauvre! au moins par sa situation. Après quatorze ans d'un labeur continu, elle mourut au mois de mai 1450, et non pas après trois ans de prélature seulement, comme le disent les Bénédictins.
  • (…).

Documents

Sources

Bibliographie

Notes

1)
Note d'Alliot. — Ce bail fut renouvelé l'année suivante au même Simon de Beaucroix, et, cette fois, pour trois vies. En fait, il fut annulé en 1469.
2)
Note d'Alliot. — Huguette de Chacy n'allait pourtant point jusqu'à vouloir la mort d'inanition du clergé paroissial, car un document très authentique nous la montre, accordant au vicaire de Lieusaint la permission de prendre du blé, pour sa nourriture, dans la grange de l'abbaye.
huguette.dechacy.txt · Dernière modification: 2022/07/24 12:55 de bg