Corpus Essonnien

Histoire et patrimoine du département de l'Essonne

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Marie-Thérèse Desmarets (...-1761)

Notule

  • Marie-Thérèse Desmarets, d'abord religieuse professe de l'abbaye de Montmartre, fut nommée par Louis XIV quarante-troisième abbesse de Notre-Dame d'Yerres, de 1709 à 1761.

Notice d'Alliot

  • Chapitre XXIII. Marie-Thérèse Desmarets (1709-1761) — (…).
    • Différence entre l'observance de l'abbaye de Montmartre et celle d'Yerres. — Déclaration du temporel. — Bail général. — Grandioses projets de l'abbesse. — Donation des frères La Rochefoucauld — Diminution du personnel monastique. — Ses causes. — Longue prélature de Madame Desmarets. — (…).
  • Un billet du roi, daté du 14 août 1709, nomma pour succéder à Madame de Crussol, Marie-Thérèse Desmarets, religieuse professe de l'abbaye de Montmartre, fille de Nicolas Desmarets, inspecteur des finances, ministre de Louis XIV, et de Madeleine de Béchamel. Elle avait trente-trois ans, l'âge parfait. Ses bulles se firent attendre jusqu'en 1710; elles constatent qu'à Montmartre l'abstinence de viande est perpétuelle, et que les matines se récitent à minuit, selon l'ancienne règle bénédictine, tandis qu'à Yerres on fait gras deux ou trois fois la semaine, et on ne récite pas l'office la nuit. Le Pape Innocent XIII dispense la nouvelle abbesse sur ces deux points; mais il la prévient qu'il ne doit pas y avoir pacte simoniaque entre elle et sa devancière. Madame d'Uzès. Rien n'était à redouter sous ce rapport, car Suzanne de Crussol s'était montrée fort désintéressée.
  • Aussitôt arrivée à l'abbaye. Madame Desmarets fit au roi |263 une déclaration du temporel de son monastère. Cette formalité se renouvelait au commencement de chaque abbatiat, et équivalait à l'acte de foi et hommage, prêté à son suzerain par le feudataire, lors de son entrée en jouissance.
  • Sa prise de possession accomplie, la nouvelle abbesse, conseillée par son père, traita avec un fermier général, le sieur Pierre Bornat, bourgeois de Paris, et lui afferma tout le temporel de l'abbaye pour 12.000 livres. Mais le contrat à peine signé subit des modifications importantes. Nicolas Lafille, tenancier à l'abbaye, mécontent d'avoir un intermédiaire entre lui et l'abbesse, demande à résilier son bail. Instruite par cette démission, Marie Desmarets diminue d'abord de 800 livres le fermier Bornat et garde pour elle la ferme, ensuite elle lui enlève encore des bois pour 400 livres, ce qui ramène le bail général à moins de 41.000 livres. Ces coups de canif dans le contrat original amenèrent bientôt le désistement total de Bornat, et en 1712, l'abbesse se remet entre les mains d'un nouveau fermier général, Philippe Thiphaine, autre bourgeois de Paris, qui loue toute la mense abbatiale sans en excepter la ferme ni les bois. Des modifications si rapprochées dénotent un gouvernement plus remuant qu'intelligent et ferme.
  • D'autres changements hantaient la pensée de Madame Desmarets; elle rêvait de reconstruire tout ou partie du monastère: pour le moment elle s'en tint à l'enclos. Les deux frères de la Rochefoucault, Henri, marquis de Lyancourt, et François, seigneur de Brunoy, lui ayant fait don d'une pièce de terre à sa convenance, elle fit renverser les murs d'enceinte, afin d'enclaver dans son parc le champ qu'elle venait de recevoir. Cet agrandissement avait peut-être sa raison d'être, car l'hygiène laissait toujours fort à désirer. Les années 1711, 1712 et 1713 virent mourir huit ou dix religieuses, victimes d'une sorte d'épidémie non dénommée dans les actes, qui devait se renouveler encore en 1717, et contre laquelle on cherchait sans succès à se défendre, par des récréations prolongées, et par de longues promenades dans le parc agrandi.
  • Les décès multipliés et le départ de quelques religieuses, pourvues de petits bénéfices, comme Marguerite le Vasseur, |264 nommée au prieuré de Saint-Martin de Boran, diminuèrent sensiblement le nombre des professes à Yerres; bientôt elles ne furent plus qu'une vingtaine. Leur vie à cette époque est toute de silence et d'humilité, et leur abbesse en donne l'exemple. Attachée à son cloître, elle ne sollicite jamais la permission d'en sortir et garde avec fidélité la clôture; elle renonce aussi tout doucement aux prétentions de ses devancières. Fille obéissante de l'archevêque de Paris, elle ne réclame plus bruyamment son indépendance, et sous la direction de l'Ordinaire, ses années s'écoulent douces et un peu monotones, dans l'exercice de sa charge.
  • Cette charge d'ailleurs ne la laisse pas inactive. Il lui faut soutenir la lutte toujours renaissante avec M. le Camus, propriétaire de la Grange-du-Milieu; renouveler les baux et les contrats; veiller aux intérêts matériels, moraux et religieux de sa communauté.
  • Les choses extérieures sont l'objet dé soins assidus: le moulin de Mazières est loué à Nicolas Lemé, pour 350 livres, ensuite à Jacques Deslicourt, puis à Claude Ouville, qui sera l'homme de confiance de l'abbesse, et s'installera plus tard dans la ferme de l'abbaye. — Nicolas Pasquier, laboureur à Tigery, loue la ferme de Sénart. — Marin Toutet, marchand, loue les dîmes de la paroisse; — et Madame Desmarets prête une oreille favorable aux avis très pratiques de Henri Saulnier, médecin de la communauté, et de Jacques Cornillot, maître de pension, à Brunoy, qui se font ses conseils, à partir de 1717.
  • Sous l'habile direction de ces deux hommes, et grâce à des dons et à des aumônes, pour nous anonymes, — car nous n'avons pas découvert les noms de ces bienfaiteurs 1), — la prospérité renaît peu à peu. Avant 1720, l'abbesse avait pu constituer au monastère, sur les aides et gabelles, 1800 livres de rentes, représentant un capital de 60.000 livres, et ce revenu s'augmenta encore dans les années suivantes.
  • En même temps. Madame Desmarets est parvenue à faire diminuer, d'une manière notable, les impôts de sa maison, |265 au grand scandale des agents du fisc, qui réclament sans cesse des droits multiples, parmi lesquels nous voyons figurer des “dons volontaires”, qui ne le sont pas du tout.
  • Afin de mêler le moins possible ses religieuses aux difficultés de l'administration, et pour ne les pas distraire de leur vie de prière, Madame Desmarets n'appela plus les sœurs à la signature des contrats. De temps à autre seulement, on trouve deux ou trois d'entre elles, présentes à la grille, pour parapher les pièces apportées par les notaires et tabellions. Nous apprenons cependant par les baux, que Marguerite Ferry est devenue prieure vers 1742; elle garda longtemps cette charge, sans doute jusqu'à sa mort, en 1730. Avec elle, Marie le Picart, Charlotte le Maistre, Françoise d'Assy, Charlotte d'Arbouville forment “la plus saine partie de la communauté”, afin de nous exprimer comme les documents de l'époque.
  • Malgré la sage administration de Madame Desmarets, le monastère se dépeuple peu à peu. L'esprit philosophique qui pénètre sans cesse dans les milieux bourgeois, où se recrute surtout l'abbaye, incite les familles à ne plus confier leurs filles au couvent; et à leur tour, celles-ci ont moins d'inclination pour la vie religieuse. Aussi depuis 1730, le noviciat n'est plus que l'ombre de ce qu'il était jadis; à peine donne-t-on l'habit à une ou deux recrues, chaque année. — L'esprit de lucre et d'intrigue pousse toutes les familles à demander des bénéfices, pour celles de leurs filles qui ont pris le voile. Madame Desmarets, durant sa prélature, n'envoya pas moins d'une douzaine de ses religieuses dans différents petits prieurés du royaume. Ces exodes, qui étaient jadis un honneur et une gloire pour l'abbaye d'Yerres, parce qu'ils témoignaient à la fois de sa ferveur et de la fécondité de son recrutement, ne se faisaient guère, au XVIIIe siècle, sans amener des tiraillements, des disputes et des querelles, au sujet des pensions à rendre ou à servir aux sœurs, qui s'en allaient vivre loin du cloître, où elles avaient fait profession. — L'abbaye elle-même tarissait son recrutement par des mesures administratives qui nous semblent regrettables. Désireuse d'augmenter ses revenus, elle exigeait, |266 comme première preuve de vocation à la pauvreté, qu'on put payer une pension au monastère, écartant ainsi d'elle, les âmes de bonne volonté, qui n'avaient d'autre dot que leur vertu. — Puis la mort faisait parfois d'affreux ravages sous le cloître. En 1742 et en 1743, la maison fut victime d'une épidémie, dont nous n'avons appris ni les causes, ni le caractère, mais qui revient à certaines époques. Sept religieuses de chœur et cinq autres personnes de la maison furent frappées par le fléau, qui sévissait principalement au printemps et en automne: avril et mai, septembre et octobre. — Enfin les querelles religieuses du XVIIIe siècle, le jansénisme surtout, dont l'abbaye d'Yerres n'était pas suspecte, il est vrai, mais qui exerçait quand même son influence sur le milieu ambiant. — Et encore le pouvoir civil qui, par des lois, des règlements, des taxes sans nombre commençait, contre les communautés religieuses, une guerre de tracasseries et d'entraves légales, cent fois plus énervantes que la persécution ouverte, sont autant de causes qui amenèrent peu à peu le dépeuplement des abbayes, et préparèrent de loin leur ruine complète.
  • Cependant tout semblait suivre une marche régulière. À l'intérieur du cloître, Marie Lourdonner et Marie-Louise Pilon occupaient tour à tour la charge de prieure; l'abbesse nommait son prévôt, comme maîtresse de la justice sur sa terre; faisait des échanges, et même des baux emphytéotiques avec M. Paris de Monmartel, comte de Sampigny, seigneur de Brunoy; élevait des murs de plus en plus hauts autour de son cloître, et pour cela restreignait les limites du cimetière abbatial 2); résolvait les difficultés sans cesse renaissantes avec les prêtres de Lieusaint, de Villabé, de Montgeron, de Moisenay, d'Athis et d'Ablon 3); s'entourait des conseils du médecin, Jean de Cols, et des avis éclairés de prêtres groupés près d'elle: Philippe Billy, confesseur des moniales, Robert |267 Lebis, Paul Godebout, Jean-Baptiste Stalin, Étienne Belichon, Jean-Baptiste Hennequin, François Massue 4), chapelains de la communauté.
  • Madame Desmarets porta la crosse pendant plus de cinquante ans, et à aucune époque de son histoire, l'abbaye ne vit s'écouler un demi-siècle aussi paisible, ni aussi exempt de secousses et de heurts. C'est bien la vie du cloître telle que l'imaginent beaucoup de nos contemporains avec sa paix, son silence, son mystère, ses grilles, ses grands corridors, ses chants un peu monotones et ses longs offices. L'abbesse changea de temps en temps les officières de sa maison, mais ces mutations furent toutes amenées, soit par le jeu des institutions, soit par la mort, le déplacement ou la libre démission des titulaires, aucune par ces crises intérieures qui se rencontrent parfois dans les maisons religieuses les mieux réglées.
  • Cependant dans les dernières années de sa vie. Madame Desmarets vieillie laissa s'affaiblir un peu la discipline; des repas somptueux furent servis à des personnes étrangères au cloître; les heures de parloir et de récréation furent prolongées; la clôture moins exacte et moins rigoureuse, les visites des séculiers plus multipliées, et la présence des grandes pensionnaires moins bien surveillée. Celles-ci avaient remplacé la petite école, définitivement supprimée, par l'abbesse en charge.
  • C'est au milieu de cet affaiblissement général de la vie commune, que Madame Desmarets mourut le 5 janvier 1761, à l'âge de quatre-vingt-quatre ans, huit mois et quelques jours, après un abbatiat qui avait duré cinquante-et-un ans. Elle fut enterrée dans le chœur de l'église abbatiale, par Messire Jean Bruté, docteur de Sorbonne, curé de Saint-Benoist à Paris, et prieur commandataire de Saint-Gilles de Bezon, au diocèse de Bourges, entouré de tous les prêtres du voisinage 5)). |268
  • (…).

Documents

Sources

Bibliographie

Notes

1)
Note d'Alliot.* — La seule Mademoiselle de Rochebrune se trouve inscrite au livre des donateurs: en 1726 elle légua 20 livres de rente par testament.
2)
Note d'Alliot — Par une lettre du 25 juin 1737, Robert, vicaire général de Paris, approuve la réduction du cimetière.
3)
Note d'Alliot — Il existe dans les archives de l'abbaye d'Yerres un assez curieux dossier touchant l'église d'Ablon. On y suit les intrigues d'un jeune vicaire, qui s'efforce de se faire curé de cette paroisse naissante, et veut contraindre Madame Desmarets à réparer l'église.
4)
Note d'Alliot — François Massue, prêtre originaire du diocèse de Saint-Malo, fut nommé par l'abbesse curé de Villabé en 1748, pour remplacer J. -B. Hannequin; il y demeura 20 ans et fut remplacé en 1768 par François Mathieu.
5)
Note d'Alliot — Nous relevons, dans l'acte de décès, les noms de messires Pierre Étienne, curé d'Yerres; — Jean-François de la Cour, curé de Lieusaint; — Jacques Bouillerot, curé de Saint-Jacques et de Saint-Germain de Corbeil; — François Maillard de Frontond, licencié de Sorbonne, chanoine de Vincennes; — Louis-Claude |268 Mazuriès, curé de Créteil; — Louis Lagarde, curé de Marolles; — Jean-Jacques Bauldrée-Boilleau, licencié ès-lois, prieur de Saint-Vincent de Tiffauge, curé de Boissy-Saint-Léger; — Joseph Nicolas, vicaire de Boissy-Saint-Léger; — Thomas Vaninier, chapelain de Grosbois; — Jacques Villiers, vicaire d'Yerres; — Daniel-Pierre Dessaux, licencié ès-lois, prieur de Saint-Étienne de Hacqueville; — Jacques Duval, chapelain de l'abbaye d'Yerres; — Nouette, prévôt de l'abbaye; — - François Boullet et J.-B. Ladmirault, tous deux procureurs ès-sièges du monastère. (Acte de décès, au Greffe de Corbeil.
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